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Version du 16 novembre 2021 à 16:00

La main.

La main au sens propre

La main agissante

Hand : Organe terminal des bras avec lequel l’homme travaille et qui lui est indispensable. Hand désigne aussi le travail manuel. Ainsi une corvée peut être acquittée moitié en travail, moitié en labour accompli avec attelage et charrue si(mit der hand, mit dem pflug). C’est avec la main que l’on écrit et que l’on signe. La signature est dite eigenhändig, ce qui se dit de l’Empereur qui appose sa signature et son sceau sur les recès (manus propria), mais aussi des particuliers qui écrivent des testaments olographes, sein testament mit aigner hand. Une Hand peut désigner aussi un billet manuscrit donnant droit à livraisons en nature.

On punit le crime en coupant la tête ou en coupant la main. La mort par décapitation (Hals abhauen) est la sanction du crime grave, mais c’est la main que l’on tranche, pour les crimes moins graves (Hand abschlagen). C’est ce que prévoit le Schwabenspiegel pour les parjures, les tuteurs indélicats (art. 66c), les hôtes d’un banni, forcément soupçonnés de complicité (art. 183), ceux qui volent du blé de jour, récidivistes, dont on a coupé les deux pouces les deux premières fois où ils ont été pris (art. 202), car l’on coupe la tête de ceux qui volent de nuit. Dans le quatrième Statut de Strasbourg (1270), l’article 13 prévoit la mort pour celui qui a infligé une blessure à une victime qui en est morte, mais on se contente de lui couper la main, si elle en guérit. (UBS IV 2, p. 6 art. 13). Cette disposition est rappelée dans l’Ordonnance relative aux délinquants et criminels, datant du XVe siècle (Brucker, p. 370-371) : « solte man dann dem artickel in der stat buch noch rihten, der do wiset: wer einem tötet, dem sol man sin houbt abeslahen, der einen wundet, den sol man sin hant abehouwen ». Mais on assure que désormais on n’est plus aussi dur, et l’on prescrit aux juges de tenir compte de circonstances atténuantes, comme la colère et le repentir ultérieur et donc de juger « noch gnaden und nit den artickeln noch », mais de condamner « wie von alter harkommen » s’il y a préméditation ou récidive. (Brucker, Verordnung die Missethäter betreffend, p. 370-371).

À Augsbourg, au XVIe siècle, l’exécution par pendaison s’appelle « gerichten mit trockene hand von leben zu tod » (1478 Augsb.Chr. III 440). L’on se réfère volontiers à la main par analogie, par exemple pour une énumération, celle des degrés de parenté de la Sippe (Famille), qui partent de la tête aux doigts, en passant par les bras (SchwabenspielLandrecht art. 3), ou pour celle des degrés de l’ordre judiciaire qui vont jusqu’au troisième et dernier degré – la main – des tribunaux affermés par le souverain qui en occupe le premier avant ses vassaux (SchwabenspiegelLandrecht art. 115).

La main comme instrument et symbole d’actes publics et cérémonies

La main occupe une place importante dans les rites de toutes les cérémonies, religieuses et civiques. On retrouve dans le Rituale argentinense de 1742 les gestes déjà prescrits par les agendes liturgiques des siècles précédents. Ainsi des mains jointes : « ante pectus junctis manibus » ou du signe de la croix « signans se manu dextra, a fronte ad pectus ». Au cours du baptême, le célébrant étend la main sur la tête de l’enfant « manu extensa supra caput infantis ». Les cérémonies voient souvent le célébrant étendre la main gauche sur le cou des fidèles pendant qu’il fait le signe de bénédiction – le signe de la croix – de la main droite. C’est le geste qu’il accomplit à la fin de la messe.

La cérémonie religieuse des fiançailles ne se pratique pas partout (Fiançailles). Là où elle a lieu, le curé demande aux fiancés qui se sont promis mariage, de se prendre la main droite (dextera jungere) et il bénit ces mains jointes du signe de la croix. Pour le mariage, il bénit les anneaux, et les donne aux conjoints qui se les passent aux doigts, en prononçant les paroles sacramentelles. Puis le curé recouvre les mains jointes des conjoints de son étole et « confirme, ratifie et bénit les mariés ».

Les liturgies protestantes ont adopté les agendes des églises romaines et les ont réformées, en les simplifiant. En règle générale, elles ont conservé les bénédictions.

La main intervient aussi dans les cérémonies civiques. La plus importante est celle du serment. L’article 147 du Schwabenspiegel est formel : on ne peut jurer que sur Dieu, ses évangiles et ses saints. On jure la main levée. « Man soll alle Eide bei Gott, bei seinen Heiligen und bei seinen heilgen Evangelien schwören sowie auf einem geweihten Altar und auf einem geweihten Kreuz. Man kann auch die Hand gegen Himmel richten und bei Gott und den Heiligen schwören. Und wer auf andere weise schwört, handelt wider den christlichen Glauben ».

Il s’agit de la main droite, en règle générale, pouce, index et majeurs dressés, les deux autres doigts repliés. On connaît la scène et la formule du serment de Strasbourg. De même, la main levée, le colonger de Guirsberg-Eguisheim prête serment au seigneur de Ribeaupierre : « En eydt mit der handt staben und sweren » (1508 Elsass/GrW IV 168). Pour le serment judiciaire, on lit ou l’on répète la formule lue par le magistrat, affichée sur un petit tableau, parfois traduite en langue vernaculaire ou dans la langue du prestataire du serment si c’est un étranger (français ou italien). C’est ce que prévoit l’ordonnance pénale de Spire. Un formulaire de Estervayer (canton de Neuchâtel) donne une version française de la formule du serment d’Appenzell : « Au nom de la saincte et indiuise trinite, le pere, filz et le benoit sainct Experit, ainsi soit yl. Vne chescune personne qui faire doibt serment entende auecq toute dilligence qui doibt premierement eleuer troys doyds de la main destre, par le premier qui est le poulce, pour lequel l’on doit entendre dieu le pere, par le second dieu le filz et par le tier dieu le sainct Experit, et les aultres doyds sont inclinans de la main en bas, luy signiffie la precieuse ame comme eile est nostre soubz l’humanite et le cinquiesme, nommehement le pety doybt, represente le corps qu’est de petite estime enuers l’ame, et par toute la main nous est signiffie vng seul dieu, vng createur, lequel a faect et forme l’homme et toute creatures estans aux cieulx et sus la terre, par lequel se doibuent regir et gouuerneur pour obtenir sa grace. Premierement ... Secundement ... Tiercement ... Quartement. Quintement cellui qui jure faulcement dit tout ainsi comme: aujourduy jure faulcement, ainsi doibt mon ame laquelle est presente par le quatriesme doit et mon corps lequel est signiffie par le cinquiesme doydt ensemble soient donnes au jour du jugement, quant je faulx jurens je debuoit aussi derrober du regard de nostre seigneur et de sa tresdigne mere Marie, et aussi tous les saincts perpetuellement et eternellement … » (Kunssberg Eberhard).

À Sélestat, le serment des condamnés qui acceptent leur peine (de bannissement, au-delà des « Aechterkreuze » ou « ubers Rin ») est prêté « mit uferhebter hant mit gelerten worten liplich zu den heiligen oder zu got und den heiligen » (1412 SchlettstStR 597) ou la main dans la main du Stettmeistre : « friden, den er unserm stettemeister in sine hand gelobte » (1412 SchlettstStR 626).

Cette main posée entre les mains de l’autorité supérieure est également celle du vassal entre les mains du suzerain : « sine hant zwischen die mine… » (1210 GottfrStraßb. V. 5440). Le Schwabenspiegel commande à l’héritier d’un fief de se rendre chez son suzerain et agenouillé, les mains jointes « mit gefaltete Hände », de lui réclamer son fief (Schwabenspiegel, Lehnrecht Art. 42).

C’est en se donnant la main que l’on signifie que l’on est réconcilié. On lève la main pour exprimer une opinion, et dégager ainsi une majorité et une minorité. Ainsi un tribunal peut décider à main levée ; c’est ce que précise un coutumier colonger de l’Aargau « die urteilen, die in den vier gedinghöfen stoszend, die soll man in dem hof ze Mure usrichten nach der merern hand ». (1413 Aargau/GrW. V 77) (Handschlag).

Hand : une personne juridique

Le mot peut désigner une personne juridique, ou plus exactement la qualité d’une personne juridique, son pouvoir, sa compétence.

L’autorité, le souverain, le seigneur

L’autorité de l’Empereur est désignée comme « unserr cheyserlichen hant », le pouvoir du pape par « des pabstis hant ». Le duc de Lorraine vend au seigneur de Ribeaupierre et à ses héritiers la ville de Saint-Hippolyte afin qu’il l’ait désormais avec tous ses pouvoirs, droits, propriétés et particularités… en son pouvoir… « zu sinen Handen und gewalt » (1471 RUB IV 491).

La personne qui détient un patrimoine

La coutume de la colonge de Saint-Lukart, dépendant de l’Œlenberg prescrit de verser l’impôt mortuaire (fahl) en cas de mort de son possesseur : « was gut do har sammenthafft gelegen ist, dz man do von sol einen fal geben, wenn die hant stirbet die es treit » (1354 Elsass/GrW. IV 22). De même dans la coutume de Burnhaupt-le-Bas : « wenne die hant stirbet, die die gancze hůbe treit » (1382 Elsass/GrW. IV 74). Les juristes du duc de Lorraine traduisent « noch der toten hand » formule d’un rotule de Guémar reproduite par Hanauer « après la mainmorte » (1350 Hanauer, Constitutions de l’Alsace, p. 358).

Au XVIIIe siècle, Scherz distingue le mode de transmission d’un bien, reçu ou acheté (aus lebendiger hand) ou par voie successorale (aus todter hand). L’expression désigne tout d’abord les personnes juridiques qui n’ont pas d’héritiers, comme les abbayes, les chapitres, les villes « qui sont quasiment immortelles ». C’est le cas des biens de l’Église, dits de « mainmorte », qui en outre sont exempts de charges civiles. (Scherz-Oberlin col. 1645-1646).

Modalités de transmission d’un bien ou d’un objet

Un fief peut être sous-inféodé : « Ez mag also geschehen, daz ein lehen gelihen ist von einem man zem andern, unde von hant ze hant » (1275/87 Schwabenspiegel, Lehnrecht Art. 55 § 3). Mais il ne peut le faire sans l’accord – au moins tacite – du suzerain  : « Niemand kann sein Lehen versetzen ohne die Hand seines Herren » (ibid. art. 25). La femme d’un mari endetté peut rendre sa donation nuptiale (morgengabe) à son mari, pour lui permettre de rembourser ses dettes, « von hand zu hand » (1275 Schwabenspiegel, Lehnrecht Art. 19 § 3).

Le créancier conserve le produit du gage qu’on lui a remis et qui au bout d’un certain délai été vendu pour payer la dette : « das Pfand,… so die gekoufft hat, die zu sinen handen » (1473 SchlettstStR. 363). Les gages sont remis à un tiers garant ou consignés : in treumans hand (ou treuhand) ou bewährte hand,in sicheren hand.

À partir de l’époque moderne, l’expression von Hand zu Hand recouvre de plus en plus souvent une transmission de bien sans écritures, et mieux encore « en liquide ».

La qualité juridique

Les enfants issus d’un mariage entre personnes de statut différent prennent le statut le plus défavorable die « böse hand » (Schwabenspiegel, Landrecht Art. 67). Mais cette règle n’est plus admise au XVIe siècle par certains coutumiers qui prescrivent au contraire que les enfants ont la condition du plus favorisé (Aargau Schweiz/GrW. V 736).

De la même manière, on qualifiera leur mariage selon la qualité des conjoints. La mésalliance est pénalisée. Le Code bavarois Maximilien de 1756 (Codex Maximilianeus Bavaricus Civilis) rappelle cependant que le mariage contracté entre personnes de statut différent (nobles et non-nobles), qu’il ait été contracté « de la main droite » ou « de la main gauche » est un mariage de plein droit aux yeux du droit civil et du droit canonique. Pourtant la liturgie prévoit que le conjoint noble tient la main de sa future de la main gauche et non pas de la droite ! Par contre, le Code prussien (1794, Allgemeine Landrecht II, § 30) arrête que les mariages entre nobles et personnes de rang inférieur ne peuvent pas être des mariages de la main droite (rechten hand). Le mariage « zur linken hand » est donc maintenu par les codes germaniques. Dans ce mariage, le conjoint « de la main gauche » le plus souvent une femme, ne prend pas le nom de son mari, n’a pas de douaire, et ses enfants ne peuvent hériter de leur père que pour une part réduite de la succession. Elle reçoit cependant une « morgengabe » d’où le nom de « morganatique » donnée à cette union.

On retrouve aussi le mot Hand pour désigner des capacités juridiques réduites. Il en est ainsi de la veuve survivante, dont le patrimoine est ébréché – « gebrochene Hand » – et qui, parce qu’elle est usufruitière d’un patrimoine immobilisé, est dite « zu einer Hand sitzend ». Cette expression s’emploie aussi pour le célibataire qui ne peut pas transmettre à des héritiers légitimes !

La représentation de la main, la main indicatrice

La représentation de la main est utilisée dans la main de justice. Elle est utilisée pour les poteaux indicateurs (comme le montre une gravure de Hupfuff illustrant le Narrenschiff de Brant en 1517). La main indicatrice ou manicule, signet ou signe manuscrit placé en marge d’un texte, de la forme d’une petite main pointant l’index pour attirer l’attention sur un passage précis du texte ou pour le repérer. Il est apposé à cette fin dans des manuscrits, mais également dans les imprimés anciens, notamment dans les incunables (Louis Schlaefli).

Dessin d’une main attirant l’attention du lecteur sur un privilège particulier du grand Hôpital de Strasbourg (AMS 1AH586, f° 50v°. Photo : J.-M. Holderbach/2016)

Bibliographie

BRANT (Sebastian), Das Narrenschiff, gravures de Hupfuff, Strasbourg 1517. (Google Books).

DRW.

BRUCKER (J.), Strassburger Zunft- und PolizeiVerordnungen des 14. und 15. Jahrhunderts : aus den Originalen des Stadtarchivs ; nebst einem Glossar zur Erläuterung sprachlicher Eigenthümlichkeiten, Strasbourg, 1889.

Rituale argentinense, 1742 (Google Books).

Codex Maximilianeus Bavaricus Civilis: Oder Neu Verbessert- und Ergänzt- Chur-Bayrisches Land-Recht … in 4 Theilen. München : Vötter, 1756. - [4] Bl., 529 [i.e. 531] S.

Scherz-Oberlin Johannis Georgii Scherzii J.U.D. et P.P. argentoratensis Glossarium germanicum medii aevi. II. Strasbourg 1784. (Google Books).

Allgemeines Landrecht für die Preußischen Staaten von 1794, mit einer Einf. von Hans Hattenhauer und einer Bibliographie von Günther Bernert. Frankfurt a.M. : Metzner (DRW).

[GrW]. Weisthümer / gesammelt von Jacob Grimm. Mithrsg. von Ernst Dronke [u.a.]. Göttingen : Dieterich. (1840-1878) Publié 1 (1840) - 7 (1878) GrW. IV 168 Elsass 1863 - GrW. V 77, Aargau. 1866 (DRW).

HANAUER (Abbé Auguste-), Les constitutions des campagnes de l’Alsace au moyen-âge : recueil de documents inédits, publ. par l’Abbé Hanauer. Paris : Durand, 1864.

[Augs.Chr] : Die Chroniken der schwäbischen Städte. Augsburg. Leipzig : Hirzel. 1866. In Die Chroniken der deutschen Städte vom 14. bis in’s 16. Jahrhundert. (1865-1929). (http://www.digitale-sammlungen.de Munchener Digitale Bibliothek).

Gottfried von Straßburg : Tristan, Gottfried’s von Straßburg Tristan / hrsg. von Reinhold Bechstein. Leipzig : Brockhaus. 1873 (Deutsche Classiker des Mittelalters ; …)

Rappoltsteinisches Urkundenbuch 759-1500. Quellen zur Geschichte der ehemaligen Herrschaft Rappoltstein im Elsass, Karl Albrecht, Colmar 1891. (Gallica)

[SchlettstStRSchlettstadter Stadtrechte / bearb. von Joseph GENY. Heidelberg : Winter. (Oberrheinische Stadtrechte : 3. Abt., Elsässische Stadtrechte ; 1902 (DRW et Gallica).

KUNSSBERG (Eberhard), « Von Schwurgebärde und Schwurfingerdeutung », Beiträge zur Rechtsgeschichte und rechtlichen Volkskund, IV. Fribourg/Brisgau, 1941. (DRW).

Urkundenbuch der Stadt Strassburg. IV, 2. (Aloys Schulte und Georg Wolfram) Stadtrechte. Strasbourg 1888, (Gallica ; Internet Archive).

DERSCHKA (Harald), Der Schwabenspiegel übertragen in heutiges Deutsch, München, 2002.

Notices connexes

Eid

François Igersheim