Mission populaire : Différence entre versions
(Page créée avec « category:M ») |
|||
(Une révision intermédiaire par un autre utilisateur non affichée) | |||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
− | [[ | + | |
+ | ''Volksmission'' | ||
+ | |||
+ | Action de propagande religieuse exceptionnelle lancée, sur un temps précis, selon un calendrier bien déterminé et annoncé à l’avance, dans une paroisse ou un groupe de paroisses. Elle vise à revitaliser la pratique religieuse par le moyen de cérémonies religieuses multiples encadrant l’ensemble d’une population, des enfants aux adultes : processions, [[Messe|messes]] solennelles, prédications spectaculaires d’orateurs populaires, fêtes, cérémonies pénitentielles, renouvellement de la pratique sacramentelle avec confessions et communions. | ||
+ | |||
+ | L’enseignement et les missions populaires constituent les méthodes de la Contre-Réforme catholique privilégiées par les Jésuites de la fin du XVII<sup>e</sup> siècle au deuxième tiers du XVIII<sup>e</sup> siècle en Alsace. Par la mission, la Société de Jésus apporte la théâtralité liturgique dans les endroits géographiques les plus reculés. Les missions prennent un aspect différent selon qu’elles sont dirigées par les Jésuites « français » ou les Jésuites « allemands ». | ||
+ | |||
+ | Dès 1687, les Jésuites « français » de la province de Champagne reçoivent les biens de l’abbaye de Walbourg, destinés à entretenir quatre pères chargés de prêcher la mission. Celle-ci est bien d’essence française. Ils enseignent et confessent des fidèles venus de deux à trois lieues des alentours. À Walbourg, en 1695, les Jésuites entendent, selon leurs chiffres, deux cents confessions. Un mémoire de 1705 indique une liste longue de paroisses visitées, même si des soins particuliers sont accordés aux villes de garnison, ainsi qu’à Strasbourg et ses environs. En Haute Alsace, les missions se déroulent essentiellement à l’appel de Célestin de Beroldingen, prince abbé de Murbach de 1720 à 1737, lequel obtient une autorisation papale. Il s’appuie sur les Jésuites de la province de Champagne d’Ensisheim, qui, au nombre de trois ou quatre, œuvrent en sa présence ou hors de sa présence. Dom Bernadin de Ferrette signale des missions à Lautenbach en 1723, à Hésingue en 1726 – « Inimaginable la foule que ces prédications attirèrent du Sundgau, de la Rauracie, de la Suisse » –, à Blotzheim en 1727. Cette année, le prince abbé prend la tête d’une procession qui part de l’église paroissiale de Guebwiller pour inaugurer la mission de Merxheim. Autre mission à Rouffach, où les missionnaires séjournent sur place pendant deux semaines, un mois de 1728 (''RCA'', 1894, p. 541), à Soulzmatt en 1730 « à la demande des habitants de cette commune », à Cernay pendant cinq semaines en 1730, à Oberhergheim et Wittenheim en 1732, à Lautenbach Zell et Oltingue en 1733. La mission utilise la coercition : une place précise est affectée à chacun, de manière à pointer les absents, les bals et les bardes sont interdits pendant ce temps précis, pour ne pas « gâcher les fruits de la mission ». | ||
+ | |||
+ | Les Jésuites « allemands » font moins dans le clinquant. Ceux de Molsheim préfèrent aux manifestations brillantes, mais éphémères, l’action continue. Ils prêchent le dimanche là où les curés les demandent, à Dachstein, Dorlisheim, Mutzig, Westhoffen, Wolxheim par exemple. Il faut enseigner la doctrine catholique et surtout l’afficher devant les protestants qui constituent l’aiguillon. Les stations de la procession sont mises en scène et l’arrivée des Jésuites pendant les temps clos de l’avent et du carême renforce l’intensité de ces périodes. La journée du dimanche est occupée du matin au soir : cantiques, grand-messe, sermon, récitation du rosaire en commun, vêpres, adoration du Saint-Sacrement, dévotion particulière, examen de conscience général, méditation sur les cinq plaies du Christ. La croix élevée à l’issue de la mission rappelle les engagements pris par les fidèles. | ||
+ | |||
+ | L’oral est soutenu par l’écrit. En 1723, paraît l’''Elsässischer Mission Buch'', où il est recommandé de suivre la messe. « Repens-toi comme Madeleine, aime comme Jean, espère comme le larron », lit-on à la suite du ''Pater''. Tout est percutant, destiné à impressionner, à faire prendre conscience du péché et surtout de la mort. Il faut être prêt, au moment du décès, pour espérer arriver au Paradis. Pour cela, la confession est indispensable, la bonne œuvre essentielle, la méditation le vendredi capitale. L’œuvre de renouvellement de tout un village, accomplie avec éclat, trouve son accomplissement dans la conversion. Tel est le sens de la « piété baroque ». | ||
+ | |||
+ | L’expulsion de la Société de Jésus en France en 1764-1765 suspend ces manifestations. Elles seront reprises, à partir de 1825 en Alsace par les Rédemptoristes, surnommés à juste titre par le peuple « les Jésuites de campagne ». | ||
+ | |||
+ | == Bibliographie == | ||
+ | |||
+ | BARTH (Médard), « Die Seelsorgetätigkeit der Molsheimer Jesuiten von 1580 bis 1765 », ''AEKG'', 6, 1931, p. 325-400. | ||
+ | |||
+ | CHÂTELLIER (Louis), ''Tradition chrétienne et renouveau catholique dans l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770)'', Paris, 1981, p. 432-435. | ||
+ | |||
+ | MULLER (Claude), RALL (Benoît), SCHUTZ (Marcel), ''Les Rédemptoristes en Alsace (1820-1920). Un centenaire de missions'', Société d’Histoire de l’Église d’Alsace, 1983. | ||
+ | |||
+ | == Notices connexes == | ||
+ | |||
+ | [[Fêtes_liturgiques|Fêtes liturgiques]] | ||
+ | |||
+ | [[Jésuites|Jésuites]] | ||
+ | |||
+ | ''[[Kirche|Kirche]]''-[[Église|Église]] | ||
+ | |||
+ | [[Liturgie_catholique|Liturgie]] | ||
+ | |||
+ | [[Réforme|Réforme]] - [[Contre-Réforme|Contre-Réforme]] | ||
+ | <p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Claude Muller'''</p> | ||
+ | | ||
+ | |||
+ | [[Category:M]][[Category:Eglises et cultes]] |
Version actuelle datée du 15 novembre 2022 à 10:29
Volksmission
Action de propagande religieuse exceptionnelle lancée, sur un temps précis, selon un calendrier bien déterminé et annoncé à l’avance, dans une paroisse ou un groupe de paroisses. Elle vise à revitaliser la pratique religieuse par le moyen de cérémonies religieuses multiples encadrant l’ensemble d’une population, des enfants aux adultes : processions, messes solennelles, prédications spectaculaires d’orateurs populaires, fêtes, cérémonies pénitentielles, renouvellement de la pratique sacramentelle avec confessions et communions.
L’enseignement et les missions populaires constituent les méthodes de la Contre-Réforme catholique privilégiées par les Jésuites de la fin du XVIIe siècle au deuxième tiers du XVIIIe siècle en Alsace. Par la mission, la Société de Jésus apporte la théâtralité liturgique dans les endroits géographiques les plus reculés. Les missions prennent un aspect différent selon qu’elles sont dirigées par les Jésuites « français » ou les Jésuites « allemands ».
Dès 1687, les Jésuites « français » de la province de Champagne reçoivent les biens de l’abbaye de Walbourg, destinés à entretenir quatre pères chargés de prêcher la mission. Celle-ci est bien d’essence française. Ils enseignent et confessent des fidèles venus de deux à trois lieues des alentours. À Walbourg, en 1695, les Jésuites entendent, selon leurs chiffres, deux cents confessions. Un mémoire de 1705 indique une liste longue de paroisses visitées, même si des soins particuliers sont accordés aux villes de garnison, ainsi qu’à Strasbourg et ses environs. En Haute Alsace, les missions se déroulent essentiellement à l’appel de Célestin de Beroldingen, prince abbé de Murbach de 1720 à 1737, lequel obtient une autorisation papale. Il s’appuie sur les Jésuites de la province de Champagne d’Ensisheim, qui, au nombre de trois ou quatre, œuvrent en sa présence ou hors de sa présence. Dom Bernadin de Ferrette signale des missions à Lautenbach en 1723, à Hésingue en 1726 – « Inimaginable la foule que ces prédications attirèrent du Sundgau, de la Rauracie, de la Suisse » –, à Blotzheim en 1727. Cette année, le prince abbé prend la tête d’une procession qui part de l’église paroissiale de Guebwiller pour inaugurer la mission de Merxheim. Autre mission à Rouffach, où les missionnaires séjournent sur place pendant deux semaines, un mois de 1728 (RCA, 1894, p. 541), à Soulzmatt en 1730 « à la demande des habitants de cette commune », à Cernay pendant cinq semaines en 1730, à Oberhergheim et Wittenheim en 1732, à Lautenbach Zell et Oltingue en 1733. La mission utilise la coercition : une place précise est affectée à chacun, de manière à pointer les absents, les bals et les bardes sont interdits pendant ce temps précis, pour ne pas « gâcher les fruits de la mission ».
Les Jésuites « allemands » font moins dans le clinquant. Ceux de Molsheim préfèrent aux manifestations brillantes, mais éphémères, l’action continue. Ils prêchent le dimanche là où les curés les demandent, à Dachstein, Dorlisheim, Mutzig, Westhoffen, Wolxheim par exemple. Il faut enseigner la doctrine catholique et surtout l’afficher devant les protestants qui constituent l’aiguillon. Les stations de la procession sont mises en scène et l’arrivée des Jésuites pendant les temps clos de l’avent et du carême renforce l’intensité de ces périodes. La journée du dimanche est occupée du matin au soir : cantiques, grand-messe, sermon, récitation du rosaire en commun, vêpres, adoration du Saint-Sacrement, dévotion particulière, examen de conscience général, méditation sur les cinq plaies du Christ. La croix élevée à l’issue de la mission rappelle les engagements pris par les fidèles.
L’oral est soutenu par l’écrit. En 1723, paraît l’Elsässischer Mission Buch, où il est recommandé de suivre la messe. « Repens-toi comme Madeleine, aime comme Jean, espère comme le larron », lit-on à la suite du Pater. Tout est percutant, destiné à impressionner, à faire prendre conscience du péché et surtout de la mort. Il faut être prêt, au moment du décès, pour espérer arriver au Paradis. Pour cela, la confession est indispensable, la bonne œuvre essentielle, la méditation le vendredi capitale. L’œuvre de renouvellement de tout un village, accomplie avec éclat, trouve son accomplissement dans la conversion. Tel est le sens de la « piété baroque ».
L’expulsion de la Société de Jésus en France en 1764-1765 suspend ces manifestations. Elles seront reprises, à partir de 1825 en Alsace par les Rédemptoristes, surnommés à juste titre par le peuple « les Jésuites de campagne ».
Bibliographie
BARTH (Médard), « Die Seelsorgetätigkeit der Molsheimer Jesuiten von 1580 bis 1765 », AEKG, 6, 1931, p. 325-400.
CHÂTELLIER (Louis), Tradition chrétienne et renouveau catholique dans l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770), Paris, 1981, p. 432-435.
MULLER (Claude), RALL (Benoît), SCHUTZ (Marcel), Les Rédemptoristes en Alsace (1820-1920). Un centenaire de missions, Société d’Histoire de l’Église d’Alsace, 1983.
Notices connexes
Claude Muller