Kochersberg (région du, baillage du)

De DHIALSACE
Aller à : navigation, rechercher

Kocherschbari dans le langage populaire.

Pris au sens large, le terme désigne une région, l’une des plus typées d’Alsace, s’étendant de la vallée de la Zorn au nord à celle de la Bruche au sud, de la banlieue maraîchère de Strasbourg à l’est aux collines de la région savernoise à l’ouest et dotée d’une forte spécificité : paysage typique d’un « Ackerland », constitué de collines et de coteaux calcaires de faible altitude, précocement défriché et plus propice au labour qu’à la vigne ; aspect d’ensemble d’un plateau de 200 à 300 mètres à épaisse couverture lœssique avec ses terres riches et productives ; à proximité de Strasbourg, ce qui facilite les relations avec une bourgeoisie citadine avide de terres et dispensatrice de créances, tout en offrant un marché irremplaçable pour une production agricole excédentaire et diversifiée ; densités de population modestes au XVIIIe siècle encore (moins de 100 habitants au kilomètre carré) et progression démographique relativement modérée (entre 80 et 150% à la même époque) avant le pic des années 1850 ; forte inégalité à la fois au niveau des structures sociales de la communauté villageoise et des coutumes successorales à l’intérieur des familles sur les exploitations importantes. Lorsque ces caractères s’atténuent à l’ouest et au nord de la région (terres plus argileuses, structures sociales plus égalitaires et plus démocratiques, éloignement de la grande ville), les géographes (Baulig, Juillard) utilisent le terme d’« Arrière-Kochersberg ». C’est plus ou moins la proximité de Strasbourg qui, par rapport à d’autres régions, aura joué un rôle primordial dans un sens ou dans l’autre. En effet, si, entre les années 1100 et le recensement de 1444, Strasbourg a pu passer de 6 000 à 16 000 habitants (Dollinger, Histoire de Strasbourg, t. II, p. 103-105), c’est que la ville a réussi à combler les vides causés par les épidémies (1349, 1358, 1381, 1426, 1438) grâce à l’apport d’immigrants dont la plupart étaient issus des villages proches, donc essentiellement ceux du Kochersberg, et cela en dehors du refuge, conjoncturel et temporaire, que la ville offrait à des milliers de paysans lors de l’invasion des Armagnacs au XVe siècle, puis de la guerre de Trente Ans au XVIIe siècle.

Pour autant, le Kochersberg n’a jamais constitué une unité administrative homogène1. Partagé entre plusieurs seigneurs (Grand Bailliage de Haguenau relevant du roi, comtes de Hanau-Lichtenberg sur sa bordure orientale, Ville ou Évêché de Strasbourg sur sa bordure occidentale, membres de la Noblesse immédiate de Basse-Alsace), il sera intégré à l’époque révolutionnaire dans le maillage des cantons (essentiellement celui d’Oberschaeffolsheim, puis de Truchtersheim, mais également, aux marges, ceux de Brumath, de Hochfelden et de Wasselonne). Par contre, il doit une grande partie de sa notoriété à l’histoire : un rôle de passage essentiel, tour à tour stratégique et commercial, entre Strasbourg et Saverne, puis entre la province et le royaume de France, le long, entre autres, de la route des diligences jalonnée par les relais des poste de Stutzheim et de Willgottheim, une fois conjuré le risque récurrent des dévastations (une soixantaine de villages disparus entre la fin du XIIIe et le début du XVe siècle ; les troubles occasionnés par l’incursion des Armagnacs, la guerre des Paysans et la guerre de Trente Ans) dont témoigne, selon la légende, la présence de plusieurs clochers fortifiés ; la forte empreinte de la Réforme qui rend compte – selon le principe « cujus regio ejus religio » – du partage entre deux tiers de paroisses catholiques et un tiers de protestantes, l’ensemble constituant une véritable mosaïque territoriale et confessionnelle ; enfin, l’affirmation de l’autorité épiscopale par la construction, dont la date nous échappe, d’un château mentionné pour la première fois en 1261 et qui sera saccagé par les Strasbourgeois lors de la guerre des Évêques en 1592. S’y prête en effet le site dominant les terres du bailliage épiscopal et qui donnera son nom à la région. L’étymologie de l’appellation ne fait pas l’unanimité : alors que Beatus Rhenanus conclut à l’existence d’un habitat gallo-romain, « mons Concordiae », d’autres la rattachent au mot celte de « Kogel », « Kögel » ou « Kugel » qui, signifiant « sommet » et indiquant la nette différence d’altitude relative (301 mètres) avec la plaine environnante, aurait frappé les premiers occupants. Même si elle n’a du « Berg » que le nom, ce serait néanmoins la colline la plus élevée qui, surmontée d’un château, aurait donné son nom à l’ensemble de la région. Après avoir résidé initialement à Gougenheim, le bailli du Kochersberg (ou son représentant, le Amtschultheiss, entouré de quatorze échevins), s’est installé en 1662 à Willgottheim, à proximité de son autorité de tutelle, le Conseil de la Régence épiscopale de Saverne, qui, sous l’Ancien Régime, exerçait son pouvoir judiciaire sur la trentaine de villages constituant le bailliage.

Note

Villages faisant partie, sous l’Ancien Régime, du bailliage du Kochersberg et relevant du prince-évêque de Strasbourg (au total 29, par ordre alphabétique) : Avenheim, Crastatt, Dingsheim, Dossenheim-Kochersberg, Durningen, Friedolsheim (pour moitié, l’autre moitié relevant de la Ville de Strasbourg), Gingsheim, Gougenheim, Griesheim-sur-Souffel, Ittlenheim (pour moitié, l’autre moitié relevant de la Ville de Strasbourg), Jetterswiller, Kleinfrankenheim, Knoersheim, Kienheim, Littenheim, Lupstein, Maennolsheim, Mittelkurtz, Neugartheim, Offenheim, Pfettisheim, Rangen, Rohr, Schweinheim, Saessolsheim, Truchtersheim, Westhouse-les-Marmoutier, Willgottheim et Zeinheim. On constatera que, compte tenu de la mosaïque seigneuriale, nombre de villages de ce qu’il est convenu d’appeler « Kochersberg » de nos jours n’en font pas partie et qu’au contraire des localités marginales (région de Wasselonne-Saverne) relèvent de l’administration du bailliage du Kochersberg.

Bibliographie

STOEBER (August), Der Kochersberg, ein landschaftliches Bild aus dem Unter-Elsass, Mulhouse, 1857.

FISCHER (Dagobert), « Les institutions municipales et judiciaires de l’ancien bailliage du Kochersberg », RA, 1872, p. 424-439.

GLOECKLER (Ludwig Gabriel), Geschichte des Bistums Strassburg, 2 tomes, Strasbourg, 1880.

FRITZ (Johannes), Das Territorium des Bistums Strassburg um die Mitte des 14. Jahrhunderts und seine Geschichte, Strasbourg, 1885.

HOEHE (Ignace), Das Kochersbergerland. Eine historische Studie, Strasbourg, 1895.

HUCK (J.-L.), « A travers les siècles », Le pays du Kochersberg, Colmar, 1950, p. 35-58.

JUILLARD (Étienne), La vie rurale dans la plaine de Basse-Alsace. Essai de géographie sociale, Paris, 1953, p. 115-119, 151- 153, 166-169, 190-192, 247-250.

MEYER (Octave), La régence épiscopale de Saverne, Strasbourg, 1955.

BOEHLER (Jean-Michel), De la reconstruction à la révolution agricole : la vie rurale dans quelques villages du Kochersberg, DES dactyl., Strasbourg, 1967.

BOEHLER (Jean-Michel), Démographie et vie rurale dans la plaine de Basse-Alsace : l’exemple du Kochersberg (1648-1836), thèse 3e Cycle dactyl., Strasbourg, 1973.

BOEHLER (Jean-Michel), « Le pays du Kochersberg et son histoire : unité et diversité », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 1973, p. 1-8.

BOEHLER (Jean-Michel), « Le pays du Kochersberg du XVIIe au XIXe siècle : l’apogée d’une civilisation rurale », BURNOUF (Joëlle), BOEHLER (Jean-Michel), CALLOT (Henri), Le Kochersberg, histoire et paysages, Strasbourg, 1980, p. 60-110.

BOEHLER (Jean-Michel), « Le Kochersberg », Le département du Bas-Rhin, deux siècles d’histoire (1790-1990), Strasbourg, 1990, p. 78-87.


Notices connexes

Bailliage

Droit

Juveignerie

Régence

Schultheiss

Strasbourg (diocèse de)

Jean-Michel Boehler