Juch, juchart, juchert

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Joug, Irte, journal, grand arpent.

La Juchart, du latin « jugerum », est une ancienne unité de superficie agraire usitée dans le sud de l’Alsace comme le sont, avec des contenances diverses, le Schatz dans le vignoble, l’Acker en moyenne Alsace et le Morgen dans l’Outre-Forêt. Elle correspond à la superficie de labour que peut effectuer un couple de bêtes de trait attelé à la charrue sous le joug (« jugum » en latin, « Joch » en allemand) en une journée et qui, de ce fait, peut se traduire par « journal », unité de mesure bien connue dans les autres provinces françaises. Sa contenance est tributaire du niveau de la technologie agraire, de la nature de l’attelage, selon qu’il est composé de bœufs ou de chevaux, de la situation de la parcelle et de la consistance du sol. Elle équivaut à la valeur (40 ares en moyenne, de fait entre 35 et 50 ares) imposée, par l’arpentage français dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à partir de « l’arpent d’ordonnance » des Eaux et Forêts de 1669 et de « l’arpent du Roy » ou « d’intendance » lors de l’encadastrement des années 1760 (voir les plans de 1760-1764, conservés aux AHR C 1158-1178 et aux ABR C 556-570). Réalisée dans un souci de rationalisation et d’unification, la politique royale ne fait donc que confirmer l’utilisation de cette unité de mesure connue depuis le XIIIe siècle, comme l’attestent par ailleurs, à l’époque moderne, les archives seigneuriales (à titre d’exemples : AHR E 2255, Weckolsheim et Rustenhart, 1702 ; E 1272, Hettenschlag et Rustenhart, 1742), en attendant les calculs de péréquation entre mesures « allemandes » et mesures « françaises » (AHR C 1179, Bollwiller, Réguisheim, Ungersheim, Heimsbrunn, Feldkirch, Flaxlanden, 1759) que la période révolutionnaire rendra indispensables (AMS AA 2503, « Mémoire instructif sur les poids et mesures en usage à Strasbourg », 5 octobre 1790).

La Juchart, qui contient 9 Schatz d’après Hanauer, est parfois désignée sous le nom de « grand arpent » ou de « grosse Juchert » pour signifier qu’elle équivaut en surface au double de l’Acker ou du Morgen, essentiellement en usage en Basse-Alsace (25-35 ares), mais aussi du Juch, Juchlin ou Juchacker de Haute-Alsace, parfois appelé « kleine Juchert » ou « petit arpent » et qui correspond à une demi-journée de labour (le « jugerum » latin, déjà présent dans les œuvres de Pline et de Cicéron). La Juchert contient donc, du moins au XVIIIe siècle, entre 1½ et 2 Juch, jusqu’à 300 (exceptionnellement 400 à 600 comme, en 1744, à Mulhouse) perches carrées et environ 40 000 pieds carrés (dissertation de Jacques Frédéric Brackenhoffer sous le titre de De indole praediorum rusticorum, Strasbourg, 1783 : « Ein Juchart Matten, ein jugerum ½ saepe 2 jugera »). Le « jugerum » latin se rapprocherait donc plutôt du Juch, puisqu’il contient à peine une centaine de perches carrées et entre 20 000 et 30 000 pieds carrés. Il arrive que, comme pour l’Acker, on évalue les superficies en volume de semences qu’elles nécessitent, soit 4 à 6 boisseaux pour le Juch et 8 à 10 pour la Juchert (AHR 9G 87/92, Oberhergheim, 1650-1654 et AMM art. V2, Feldrecht de Mulhouse, 1744).

Bibliographie

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Notices connexes

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