Choeur (Grand)

De DHIALSACE
(Redirigé depuis Cathédrale (Grand Choeur))
Aller à : navigation, rechercher

Chorus major, Chor

Groupe de clercs vivant à l’origine en commun, et dont la fonction est d’assurer les offices à la cathédrale. Dans les premiers temps, ils prennent leurs repas en commun au Bruderhof et tirent leur subsistance des terres ou propriétés constituées par les évêques. En se fondant sur la chronique de Koenigshoven, on fait habituellement démarrer la naissance du Grand Choeur à l’année 1012, sous l’évêque Werner. L’empereur Henri II, en visitant la cathédrale, est frappé par la beauté des offices. Voulant manifester sa reconnaissance, il fonde un canonicat doté d’une riche prébende destinée à celui qui ferait dans l’église, en son nom, le service divin. Cette prébende est devenue au XIIIe siècle une prébende de Grand Choeur, sous le titre de « prébende du roi du Choeur » (Grandidier). La séparation entre les deux corps s’opère à la fin du XIIe siècle, sous le règne de l’empereur Henri VI, du moins si l’on suit Grandidier, lui-même membre du Grand Choeur. On distingue alors un Grand Chapitre, constitué de membres des familles de l’aristocratie, et un Grand Choeur formé de prébendiers roturiers. Ce dédoublement trouve son explication dans le relâchement des chanoines et leur refus, à mesure qu’ils sont choisis au sein de familles nobles d’Alsace, mais aussi de tout le Saint Empire, d’assurer régulièrement les offices canoniaux.

A la fin du Moyen Âge, des prébendes de plus en plus nombreuses se sont constituées. Elles atteignent leur maximum de 67 à la veille de la Réforme. Chaque année, le Grand Choeur désigne en son sein, pour le représenter, sept membres, les septem viri, Siebner, nommés plus tard « députés du Grand Choeur ». Autour du « roi du Choeur », fonction honorifique, on trouve le senior qui préside les assemblées et veille sur les archives ; le grand chambrier ; l’official chargé de la justice ; le protocolliste qui rédige les comptes-rendus ; le maître des cérémonies. Ils ont le droit de collation à huit cures, dont celle de Saint-Laurent, la paroisse de la cathédrale, de Hohengoeft et de Neugartheim.

Le Grand Choeur assure la suppléance du Grand Chapitre pour le service divin à la cathédrale.

Les revenus des prébendiers proviennent des biens affectés à leur prébende. Ces produits sont entreposés dans les vastes greniers d’un bâtiment, le Gürtlerhof, situé d’abord place de la cathédrale, puis dans un hôtel particulier situé au coin de l’actuelle rue du Dôme et de la rue Brûlée. Cet édifice, appelé aula ou curia, est le quartier général des prébendiers qui s’y réunissent. Les fermiers viennent y déposer les dîmes en céréales et en vin. Au XIVe siècle, la distinction entre les deux corps n’est pas encore clairement établie, ainsi qu’en atteste le Directorium Chori majoris Ecclesiae Argentinensis mentionné par Grandidier. Une grande figure de ce corps à cette époque est le chroniqueur Fritsche Closener qui en établit la liste en 1364.

Arrive la Réforme. En 1525, les prébendiers qui continuent d’assurer le chant de l’office à l’abri du jubé sont contraints à se faire inscrire au rôle de la bourgeoisie pour ne pas être expulsés de la ville. Le culte catholique est totalement interrompu dans la cathédrale à partir de février 1529. Mais, par l’effet de l’Interim publié par la Diète d’Augsbourg en 1548, les membres du Grand Choeur peuvent reprendre possession du choeur entre 1550 et 1560 et assurent les offices, mais dans un climat de grande tension. A la suite de la guerre des évêques (1592-1604), puis de l’élection de Charles de Lorraine comme évêque de Strasbourg, des troubles importants rendent impossible la célébration du culte catholique. Aussi, entre 1560 et 1681, le Grand Choeur est-il transféré à Molsheim. Les offices seront toutefois interrompus durant la guerre de Trente-Ans.

La signature de la Capitulation de Strasbourg en 1681 marque la fin de l’exil des deux corps à Molsheim et leur retour à la cathédrale. Le 21 octobre 1681, le Grand Choeur est réinstallé solennellement à la cathédrale. A partir de 1718, il est précisé que, pour pouvoir occuper l’une de ces prébendes, le candidat doit être revêtu des ordres sacrés (au minimum, le sous-diaconat). Le prébendier recevra 60 sacs de blé et un foudre de vin. Entre 1681 et 1728 s’ajoutera une somme d’argent proportionnelle à l’assiduité.

L’histoire du Grand Choeur est ponctuée de conflits avec le Grand Chapitre. Ils ont pour origine la gestion des biens du Grand Choeur que le Chapitre voudrait s’attribuer et les nombreuses tentatives de mise sous tutelle du premier par le second. La tension culmine durant le dernier quart du XVIIe siècle et le premier quart du XVIIIe siècle. Des transactions ou des traités sont signés, suivis de courtes périodes d’accalmie, puis le conflit reprend de plus belle. Ainsi, la transaction signée par les deux parties en 1721 reconnaît aux prébendiers qui ne veulent plus être qualifiés de « vicaires » le droit de se réunir en corps pour la gestion de leurs biens. Ces assemblées ne peuvent être qualifiées par le terme de chapitre, mais par celui de chambre. Au XVIIe siècle, de telles réunions sont hebdomadaires et ont lieu en général le samedi. Dans le conflit qui oppose traditionnellement ses membres à ceux du Grand Chapitre, la population catholique marque sa préférence pour les premiers et exprime sa reconnaissance aux prébendiers pour avoir assuré le culte durant dix ans au milieu d’une population hostile, alors que nombre de chanoines étaient passés à la religion luthérienne ou s’étaient repliés dans la cathédrale de Cologne dont ils étaient également chanoines. A la fin du XVIIe siècle, une réforme a lieu : le nombre des prébendes est ramené à douze, mais les bénéficiaires conservent la libre administration de leurs biens.

Lorsque la Révolution éclate, les membres du Grand Choeur tentent de poursuivre la défense de leurs intérêts à Strasbourg, mais en janvier 1791, à la suite de l’interruption par la foule de la prière canoniale, le cardinal Louis de Rohan signe le transfert du Grand Chapitre et du Grand Choeur à Offenbourg. Les prébendiers sont chassés de leurs maisons qui sont mises en vente. Privés de leurs revenus, menacés par les incursions des armées révolutionnaires, ils mènent une vie misérable. Lorsque le margrave de Bade suspend en septembre 1803 tout règlement des frais de culte, il signe l’arrêt de mort du Grand Chapitre et du Grand Choeur.

 

Notices connexes

Chapitre

Député du Grand Choeur

Grand Chapitre

Prébende

Senior

François Uberfill