Asile

De DHIALSACE
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Asyl, Freistatt, Freihof, Freiung, Freiheit

Lieu de refuge dans lequel personnes et biens sont à l’abri de toute contrainte ou saisie, par l’effet d’un privilège, de la coutume ou de la loi.

Dans les anciens droits germaniques où s’applique encore la vengeance privée (Fehde), l’asile assure la protection de la personne poursuivie, jusqu’à ce qu’une résolution judiciaire puisse être apportée au conflit.

Cette forme de l’asile va se confondre avec celle que procure le christianisme. Les églises sont devenues lieu d’asile à la fin de l’Empire romain. L’asile dure le temps que le clergé puisse exercer l’intercession, en faveur des réfugiés, qui, s’ils sont reconnus coupables, sont condamnés à l’exil, sauf pour les cas d’homicide, de rapt et d’adultère qui entraînent l’extraction du sanctuaire ou obligent le clergé à livraison, mais exclut la peine de mort pour le coupable (Code Théodosien, puis Code Justinien). Charlemagne fait adopter le principe selon lequel l’asile et son corollaire, l’intercession, sont reconnus, mais pour l’accusé seulement et jusqu’au jugement. C’est en particulier le cas des homicides qui doivent être livrés et peuvent être exécutés. Aux Xe et XIe siècles, avec le déclin des pouvoirs centraux, l’Église prend à nouveau le relais avec la proclamation des « Paix de Dieu », qui interdisent la violence pendant des temps bien déterminés et garantissent le droit d’asile dans les lieux saints, églises et cimetières, monastères et couvents. Dans le Saint-Empire, les empereurs promulguent des édits de paix (Landfrieden), qui limitent la vengeance privée (Fehde), protègent les ecclésiastiques et garantissent l’inviolabilité des « asiles ». Au XIIe siècle, ce droit est désormais fixé par le droit canonique (décret de Gratien, 1145) et par les paix provinciales (Landfrieden) successives promulguées par les empereurs. Sont exclus de la protection accordée par le droit d’asile les violateurs des périodes de paix, les bandits de grand chemin et les meurtriers avec préméditation ou encore ceux qui ont eux-mêmes violé les lieux saints en y perpétrant des crimes et délits et qui sont donc excommuniés, enfin les « hérétiques ».

La paix provinciale (Landfriede) impériale de Mayence (1235) tente de limiter le droit de la vengeance privée. Ne peuvent en faire l’objet : les malades, femmes enceintes, pèlerins, négociants, laboureurs et vignerons, mais aussi les clercs, et le droit d’asile est garanti aux églises, cimetières et aux tribunaux des villes reconnus comme asiles.

Avec le développement des villes, s’impose, issu des anciens droits germaniques, l’inviolabilité du domicile du bourgeois (Hausasyl) poursuivi et protégé du droit de vengeance privée jusqu’à ce qu’il ait été statué sur son sort, pendant une période limitée, en général six semaines. Mais la ville comprend aussi des lieux d’asile bien délimités : les églises, couvents, l’Hôtel de Ville ou tribunal, où l’hôte étranger peut disposer de la protection de la Ville. Le droit d’asile n’est que temporaire. La période d’asile est, en général, de trente jours.

C’est donc sur des sources fort différentes que se fonde le droit d’asile. Il se voit confirmé par des chartes impériales ou royales (Stoeber, Le droit d’asile à Mulhouse, RA, 1884) relève qu’une charte de 1382, de Léopold, duc d’Autriche, accorde le privilège du droit d’asile à Rougemont-le-Château, pendant un an et un jour, durée pendant laquelle le Magistrat de Rougemont doit tâcher de parvenir à un accommodement avec le seigneur du réfugié, et, s’il n’y parvient pas, peut recevoir le réfugié comme bourgeois, ou le laisser partir en lui accordant sauf-conduit (Geleit) sur une étape d’un jour et une nuit. En 1379, le roi Wenceslas accorde à une cour franche (Freihof) de Thann le privilège du droit d’asile et Mulhouse aurait bénéficié du même privilège que confirme Wenceslas la même année. Stoeber décrit également les modalités du Hausasyl pour les bourgeois de Mulhouse. Ainsi le règlement criminel de la Ville faisait du domicile du bourgeois homicide un « asile » pendant trois jours, au bout desquels il pouvait être jugé devant la porte de sa maison. Cette démarche et ces délais sont conseillés s’il peut prouver soit l’absence de préméditation, soit la légitime défense. Sinon, il peut quitter la ville, mais en sera désormais banni, et le Magistrat ne le protège plus contre la vengeance de ses victimes une fois les portes passées. En outre, ses biens sont confisqués. Sont également « lieux d’asile » les portes de la ville, et les ponts de l’Ill ainsi que la cour de l’Ordre Teutonique de Mulhouse, auxquel s’appliquent cependant les cas d’exception, tels que l’homicide avec préméditation. La cour des chevaliers de Saint-Jean jouissait également du privilège de droit d’asile, confirmé par charte de l’empereur Rodolphe II en 1578. En ce qui concerne le droit d’asile accordé aux étrangers à la ville, il suit les règles des autres « lieux d’asile » du sud de l’Empire : le réfugié se présente devant le Magistrat, assure qu’il n’a commis de meurtre que par accident ou en état de légitime défense, suite à quoi il loge dans une auberge publique, jusqu’à ce qu’il ait passé accord avec les parents de sa victime ou qu’il ait accepté de comparaître devant le tribunal du lieu où le crime a été commis. Les comploteurs du Bundschuh sont arrachés à la commanderie de Saint-Jean de Sélestat où ils se sont réfugiés en 1492, se voyant appliquer le cas d’exception d’hérésie.

La Réforme a entraîné l’abolition du droit d’asile dans certaines villes, comme Bâle. Mais on le relèverait encore à Strasbourg. La dissertation bâloise « De Asylis », de 1686, de Tobias Obrecht, indique que le lieu où il s’applique est le Bruderhof. Zurich et Berne l’ont cependant maintenu dans certains lieux, tout en le restreignant progressivement. Mulhouse a appliqué ce droit encore au début du XVIIe siècle, puis on ne rencontre plus de mention du droit d’asile dans les archives de la ville.

Joseph Levy a relevé un certain nombre de lieux d’asile coutumiers en Haute-Alsace, pèlerinages, lieux saints de villes. Ainsi à Bergheim, au pèlerinage de Gildwiller, à Herrlisheim, Hochstatt (6 semaines et 3 jours), Kunheim, Mittelwihr, Muhlbach et Metzeral, Spechbach-le-Bas, à la chapelle de Notre-Dame de Brunn près de Raedersdorf (30 jours d’asile), Thann, Volgelsheim et Zillisheim.

Bergheim aurait bénéficié d’un droit d’asile de 100 ans et un jour (Joseph Lévy, Elsassland, 1923). La ville voisine de Colmar accueille souvent les demandeurs d’asile. Les compagnons boulangers de Colmar s’y réfugient après un conflit collectif avec le Magistrat en 1495. Ils y attendent l’issue d’un procès jugé à l’automne 1495, qui leur donne tort (Monique Debus Kehr). Hanauer (Constitutions, 1864, p. 112-113) commente le droit d’asile de Bergheim, relevant douze demandeurs d’asile par an pour la période 1530-1587, quatre par an pour la période 1611-1632, un en 1662 et un en 1667. La plupart des réfugiés sont des homicides, une petite minorité des débiteurs défaillants, exclus du droit d’asile après 1573. La majorité des homicides sont le fait de querelles entre ivrognes ou imputables à la colère. Pour obtenir l’asile, il fallait en effet que la préméditation fût exclue. Les réfugiés demandaient l’asile (Freiheit, ou Friede), ou encore un sauf-conduit (Geleit). Quand il est accordé, le réfugié a le devoir de résider à ses frais, dans une auberge publique de la ville et de ne pas porter d’armes. Hanauer supputait que le réfugié attendait là que son affaire pût être jugée, ou qu’il ait trouvé un accord avec les parents de la victime. Mais le Magistrat de Bergheim ne se chargeait pas de l’intercession. L’influence de plus en plus importante du droit romain limite la portée du droit d’asile. L’on a tendance à interpréter largement les cas, qui s’étendent à tous les crimes d’homicide, ainsi qu’aux délits de débiteurs soupçonnés de malhonnêteté. De plus en plus, les justices séculières se réservent de juger de la validité du droit d’asile. Dans le royaume de France, l’ordonnance royale de Villers-Cotterets de 1539 paraît abolir ces franchises puisqu’elle autorise les juges à ne pas les maintenir (Ferrière, 1762, t. I, p. 173). Il est maintenu dans l’Empire, mais s’exerce de façon de plus en plus limitée. Les constitutions pontificales (Grégoire XIV en 1591 ; Benoit XIII en 1725, Clément XII en 1735, dont les dispositions sont reprises dans les concordats passés avec certains États – Espagne, Deux-Siciles, Lombardie, etc. – restreignent de plus en plus le droit d’asile. Ne peuvent en bénéficier les auteurs de coups et blessures ayant entraîné la mort, les escrocs et faux monnayeurs.

En Alsace, après le rattachement à la France, l’exercice du droit d’asile (Freiheit) est interprété comme une immunité territoriale à l’égard des seigneurs titulaires des droits de haute et basse justice, et comme fondant la compétence immédiate du Roi exercée par l’intermédiaire du Conseil souverain. Dans ces conditions, les auteurs de crimes se réfugient désormais dans des lieux d’asile situés dans l’Empire. Le Conseil souverain adresse des remontrances au roi en refusant d’enregistrer les lettres patentes de 1770, et la convention passée entre le roi et l’électeur palatin portant abolition du droit d’asile et punition réciproque des délits et crimes commis par les sujets de l’un sur le territoire de l’autre. Mais il y est obligé le 16 janvier 1772. C’est, en fait, une convention d’extradition judiciaire pour les crimes et délits commis dans les territoires des princes respectifs, mais elle institue la compétence du juge du lieu du délit forestier, pour les sujets de l’un et l’autre prince. (Ordonnances d’Alsace, II).

Bibliographie

DE BOUG, Recueil des Edits, Déclarations... du Conseil d’Etat et du Conseil Souverain d’Alsace... , Colmar, 1775.

STOEBER (Auguste), « Le droit d’asile à Mulhouse », RA, 1884.

BINDSCHEDLER (R.G.), Kirchliches Asylrecht u. Freistätten in der Schweiz, Stuttgart, 1906.

LEVY (Joseph), « Todestrafenasyle im alten Elsaß », Elsaßland, t. 3, 1923, p. 373.

LE BRAS (Gabriel), Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris 1925, t. 4, p. 1035-1047.

Handwörterbuch zur deutschen Rechtsgeschichte.

ROSENKRANZ (Albert), Der Bundschuh. Die Erhebung des südwestdeutschen Bauernstandes in den Jahren 1493-1517, Heidelberg, 1927.

TIMBAL DUCLAUX de MARTIN (Pierre), Le droit d’asile, thèse de droit, Paris, 1939.

DEBUS KEHR (Monique), Contestation et société : la révolte des compagnons boulangers de Colmar (1495-1505), Maîtrise 2001.

 

Notices connexes

Franchise

Lieu de refuge

Refuge

François Igersheim