Office

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I. Droit comparé : Office et Amt

Traduits par le mot français « offices », les fonctions publiques des seigneuries et communautés alsaciennes sont généralement, et jusqu’à à l’époque contemporaine, désignées par le mot « Amt ».

Amtmann, Amtsleute

On a retenu tout particulièrement celles dont est chargé l’Amtmann ou Amann (v. Amann, Amtmann), appelé aussi bailli (v. Bailli, Bailliage) (Falk Bretschneider). Mais le mot Amt est employé pour désigner toutes sortes de fonctions, dont sont chargés les agents publics, signalés par le mot collectif « Amtsleute ». Ils doivent prêter le serment par lequel ils reconnaissent leurs devoirs et leurs obligations (v. Eid). La ville leur doit gages et, pour certaines catégories, chauffage (bois), nourriture (v. Mahlzeit), habits de travail (Eheberg, Verfassung) (v. Lohnherr, Lohn).

Les formes de la vénalité des offices dans l’espace du Saint Empire

Avec lePfandsystem (v. Engagement) de seigneuries ou de fonctions (Schultheissenamt, prévôtés), l’affermage des collectes d’impôts (v. Ferme (des impôts), l’accaparement par les mêmes familles des fonctions de baillis ou de membres du magistrat, les droits d’entrée pour la nomination aux fonctions de juges ou de conseillers ou même de simples agents, l’achat des grades des armées – même dans l’armée prussienne où il est censé ne pas exister –, la vénalité des offices existe aussi dans l’espace du Saint Empire, même si elle n’est pas aussi systématisée que dans la monarchie absolue française.

II. L’office en droit français : la vénalité des offices à la française

De son coté, le droit français, avec son vocabulaire, élabore et précise la notion d’office. L’office est une dignité ou fonction publique qui donne une qualité, un titre et un rang (Ferrière, Dictionnaire, II, p. 390). Il y a un grand nombre d’offices, seigneuriaux, municipaux, ecclésiastiques. Ce sont les offices royaux qui sont les plus notables car ils confèrent, en règle générale, dignité et exemption fiscale.

En France, du fait des besoins financiers d’un Etat centralisé et sans cesse à court d’argent, le recours au principe de la vénalité des offices s’impose à la fin du XVe siècle et s’étend au cours du XVIe ; il est généralisé au cours du XVIIe siècle.

Au XVIIe siècle, l’office vénal et héréditaire est devenu un bien soumis aux règles de droit patrimonial (achat et vente, relevant ou non de la communauté ou séparation du régime matrimonial, succession et retrait, location, hypothèque).

Charges à titre de commission et charges à titre d’office

Au XVIIe siècle, dans les territoires où s’appliquent les règles de la vénalité des offices, on distingue les offices de gouvernement, de judicature et des finances. Les offices de gouvernement procèdent, en règle générale, de commissions et non pas d’offices et les formules « charge à titre de commissions » et « charge à titre d’office » établissent la distinction.

Mais les charges à titre de commissions sont le plus souvent confiées à des personnalités pourvues de charges héréditaires. Ainsi, Colbert de Croissy, nommé, en 1655, intendant de police, de justice et des finances en Alsace, pays de Brisach et Sundgau, a acheté la même année, la charge de conseiller au Parlement de Metz (Livet, p. 186).

L’extension de la vénalité aux provinces annexes à la fin du XVIIe siècle

Dans les provinces annexées au XVIIe siècle (Artois, Flandres, Roussillon, Trois Évêchés, Alsace, Franche-Comté), le principe n’était pas appliqué avant l’annexion, même si des initiatives ponctuelles avaient été prises, qui s’apparentent plutôt à l’emprunt forcé sur les fonctionnaires en place, comme en Lorraine ducale à la fin du XVIe siècle.

Offices de judicature et de finances

C’est ainsi que la monarchie étend dans les provinces annexées au XVIIe siècle (Trois Évêchés, Alsace…) les offices vénaux des finances, puis ceux de judicature – Parlement de Metz, Conseil provincial de Brisach, puis de Colmar.

Le bureau des finances de la généralité de Metz (pour les Trois Évêchés, Metz, Toul et Verdun ; pays d’Alsace adjacents), institué dès 1661, compte présidents, trésoriers, procureurs, receveurs, tous charges à offices, et joue le rôle de chambre des comptes de l’Intendance d’Alsace (Livet, p. 691-700).

Le Conseil provincial, institué en 1657, devenu « souverain » en 1679, s’installe à Colmar en 1698. En 1694, à l’instar de celles des parlements de Franche-Comté et d’Artois, ses charges deviennent héréditaires, « ainsi que pour tous les autres officiers du royaume ». F. Burckard a donné les prix de ces charges et leur évolution tout au long du XVIIIe siècle : le Conseil de Colmar est l’un des seuls de France où la valeur de la charge a fortement augmenté (Burckard, Conseil Souverain, p. 139-148). Alors que le prix des offices des Cours souveraines baisse au cours du XVIIIe siècle, il n’en est pas de même à Colmar, où il ne cessa d’augmenter. Il est vrai qu’à l’origine, ils avaient été bien moins chers au Conseil souverain que dans les autres parlements.

La réforme Maupeou de 1771 supprime la vénalité des offices, mais leur nombre n’est pas diminué : les officiers en place sont maintenus dans la fonction. Par compensation, leurs gages sont considérablement augmentés. L’édit de suppression est donc bien accueilli au Conseil et enregistré le 28 octobre 1771. Par contre, la suppression entraînait indemnisation : l’évaluation des charges prit du temps et le remboursement encore bien plus. Le montant des remboursements établi à 865 000 livres, est échelonné sur 13 ans, à raison de 60 000 livres par an, payé par la Province d’Alsace, tout comme les gages des conseillers à 40 000 livres, par an (Hoffmann, II, p. 409).

En 1776, à l’abolition par Louis XVI de la réforme Maupeou, et contrairement aux autres parlements, la vénalité n’est pas rétablie à Colmar. Lors de la suppression des parlements en 1790, le problème du remboursement des offices ne se pose donc pas en Alsace comme ailleurs.

La vénalité des offices de l’administration seigneuriale

La monarchie s’employa à étendre la vénalité aux fonctions d’administration locale.

C’est l’objet des édits royaux de 1692 à 1694. En 1693, l’évêque de Strasbourg obtient l’autorisation d’imposer l’achat ou le rachat de leurs charges à ses conseillers de régence, commis, baillis, prévôts (Schultheissen) et Stadtschreiber des villes, aux procureurs fiscaux, receveurs et greffiers des bailliages (Saverne et Kochersberg, Wantzenau, Dachstein et Molsheim, Schirmeck, Benfeld, Marckolsheim, Rouffach, Soultz). Dans les terres mazarines en Haute-Alsace (baillages de Thann, Rosemont, Belfort, Ferrette, Altkirch, Delle, Issenheim, la Grande Mairie de Belfort), le duc de la Meilleraye fait de même (1698). Mais, à la suite d’un procès intenté par certains anciens baillis refusants et révoqués, ces offices sont vénaux pour les titulaires, mais non pas héréditaires. Car les anciens chargés de fonctions (Ämter) considéraient leurs charges comme leurs propriétés. D’autres seigneurs les imitent : le comte de Hanau, le Grand Chapitre, la ville de Strasbourg dans ses bailliages ruraux, la noblesse de Basse-Alsace, le comté de Ribeauvillé appartenant au prince de Birkenfeld, le Prince de Montbéliard avec les bailliages de Riquewihr et de Horbourg, presque tous, à l’exception « de simples seigneuries appartenantes à des ecclésiastiques ou à des gentilshommes et trop peu étendues pour les faire servir à introduire une nouveauté en cette province » (Livet, p. 728-740).

Les offices de bailli, dont les titulaires gradués devaient être agréés par le Conseil Souverain, étaient recherchés par la bourgeoisie catholique, car c’était une fonction honorable et souvent lucrative. Les gages proprement dits n’étaient pas élevés mais les baillis touchaient des vacations et étaient logés en résidence et surtout exempts de taille. De sorte qu’après 20 ans d’exercice, ils pouvaient se retirer fortune faite (Krug-Basse, p. 125).

La vénalité des offices municipaux : dispense rachetée par subvention

La monarchie a imposé ce principe aussi aux charges municipales. Les édits royaux de 1690 et de 1692 font des charges municipales électives du royaume des offices vénaux. À la fin de la guerre pour la Succession d’Espagne, les édits créant des offices municipaux se succèdent quasiment tous les ans, de 1702 à 1712. La mesure générale est étendue à l’Alsace dès septembre 1692, qui fait des charges municipales, « en chacune ville et communauté d’Alsace, Sundgau et Brisgau, là où il y a maison commune, des offices de Conseiller et Procureur de ladite Ville ou Communauté… de trois Sécrétaires ou Greffiers dans notre ville de Strasbourg, deux dans celles de Colmar et Fribourg, et un dans chacune des autres, de deux Conseillers receveurs un ancien et un alternatif [catholique si l’ancien est protestant], des deniers patrimoniaux, d’octrois, et d’autres revenus… » (de Boug, Ordonnances, I, p. 205). Strasbourg proteste contre cette mesure contraire aux dispositions de la Capitulation de 1681, les autres villes font de même et dès février 1693, le gouvernement royal autorise « l’incorporation de ces Offices aux corps desdites villes et communautés… contre le versement par celles-ci d’une subvention de 600 000 livres par an pendant la durée de la guerre » (de Boug, I, p. 209). Deux ans plus tard, les charges du Conseil souverain de Colmar, jusque là exercées à titre de commission, seront créées à titre « d’office formé et héréditaire ».

L’abolition de la vénalité des offices

La vénalité des charges de prévôts des communautés est abolie par le Cardinal de Rohan en 1772 et les charges remboursées (Fischer, RA, 1865, p. 132).

Vivement critiquée tout au long du siècle, l’abolition de la vénalité est réclamée par un certain nombre de cahiers de doléances, comme celui de Neuf-Brisach (RA, 1910, p. 292) qui réclame en outre que les seigneurs assurent le remboursement des offices seigneuriaux, à mettre désormais au concours.

L’abolition de la vénalité des offices est décrétée par la loi du 4 août 1789 et la loi du 16 août 1790. Le remboursement de certains offices (procureurs, greffiers, etc.) est prescrit. La constitution de 1791 arrête : « il n’y a plus ni vénalité, ni hérédité d’aucun office public ».

Le principe est confirmé par la loi du 29 octobre 1791, qui supprime les offices vénaux et héréditaires de notaires et tabellions, remplacés par des charges de notaires publics, désignés par concours public devant jury au chef-lieu du département. Mais la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803), en autorisant le notaire à présenter son successeur, dont la capacité et la moralité a été certifiée par la chambre des notaires, rétablit vénalité et hérédité. Le Code civil et le Code de procédure pénale consacrent l’importance du rôle du notaire dans le droit patrimonial : contrats, mariages, testaments… (Merlin, Répertoire, t. 11, « Notaire »).

Lors de l’annexion des trois départements d’Alsace et de Lorraine, vénalité et hérédité des charges notariales sont à nouveau abolies, avec des lois de l’Empire allemand de 1871 et 1872. En 1882, puis reprise en 1906, la législation impose un concours commun aux professions judiciaires à l’issue duquel le notaire est nommé par l’État.

Bibliographie

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De la vénalité des offices relativement au notariat ; Suivi d’un Projet de loi motivé, sur le notariat, Paris, 1849.

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BRETSCHNEIDER (Falk), https://saintempire.hypotheses.org/publications/glossaire/amt

 

Notices connexes

Amt, Amtmann, Bailli, Conseil_souverain, Droit de l’Alsace, Engagement, Épices, Ferme des impôts, Justice et institutions judiciaires (Ancien Régime), Officier, Pfandsystem, Prévôt

François Igersheim