Mort civile

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Capitis diminutio, Acht und Bann, Reichsacht  

La mort civile dans le droit romain et le droit français

La mort civile en droit romain

La mort civile (capitis diminutio) est prononcée à la suite d’une trahison avec passage à l’ennemi et/ou d’une condamnation pénale infamante. Le condamné perd ses droits civils : de propriété, de tester, de succéder, de se marier. Le mariage peut être dissous par divorce et l’épouse récupère sa dot. Les biens du condamné sont confisqués et passent à ses héritiers, ou au souverain.  

La mort civile pénale dans le droit de la monarchie française

L’ordonnance criminelle de 1671 prescrit la mort civile pour les condamnés aux peines perpétuelles : galères à perpétuité, bannissement à perpétuité et hors du royaume, et prison perpétuelle dans des maisons de force. Elle prend effet le jour de la condamnation ou de l’exécution par effigie des contumaces. Les biens du condamné sont saisis et remis à ses héritiers. Le mariage ne peut être dissous, mais le contrat de mariage est nul et les enfants demeurés légitimes ne peuvent succéder à leurs parents.  

La mort civile des religieux et religieuses sous l’Ancien Régime

Au Moyen Âge, la coutume s’est établie d’exclure les monastères de la succession des moines. À partir de l’édit royal de 1532, cette pratique est consacrée. On eut beau s’indigner que des familles « jettent leurs enfants dans les cloîtres, afin de les priver d’un héritage qui irait aux enfants qui restaient dans le siècle », la personne qui entre en religion est frappée de mort civile, à compter du jour où elle prononce ses vœux : ses biens passent à ses héritiers. Un décret de l’Assemblée nationale du 13 février 1790 abolit l’incapacité civile résultant de la profession en religion.  

La mort civile après 1790 : le Code Napoléon

La législation révolutionnaire n’a pas aboli la mort civile pénale. Les lois du 2 septembre et du 23 octobre 1792 confisquent les biens des émigrés, puis les bannit à perpétuité du territoire français. La loi du 8 mars 1793 déclare les émigrés morts civilement : biens saisis, contrats et testaments nuls, mariages dissous, enfants devenus illégitimes. Cette peine est annulée pour les émigrés amnistiés par la loi du 26 avril 1802 mais leurs biens saisis et vendus ne leur sont pas rendus.  

Le Code Napoléon (art. 25) définit clairement cette peine : « par la Mort civile, le condamné perd la propriété de tous les biens qu’il possédait ; sa succession est ouverte au profit de ses héritiers auxquels ses biens sont dévolus, de la même manière que s’il était mort naturellement et sans testament. — Il ne peut plus ni recueillir aucune succession, ni transmettre , à ce titre, les biens qu’il a acquis par la suite. — Il ne peut ni disposer de ses biens, en tout ou en partie, soit par donation entre les vifs, soit par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n’est pour cause d’aliments. — Il ne peut être nommé tuteur, ni concourir aux opérations relatives à la tutelle… ». Pour les contumaces, la mort civile ne prend tous ses effets que cinq ans après le jugement, sauf à être interrompue par un nouveau procès ou une grâce. La mort civile, qui peut être infligée également aux condamnés politiques, est abolie en  1850 et 1854.  

Équivalents de la mort civile en droit germanique : Acht et Bann (inculpation et mise au ban)

Dans l’ancien droit germanique

Les procédures Acht und Bann débouchent sur la mort civile du banni et hors-la-loi. Le droit médiéval en définit les modalités. Les villes se définissent comme des lieux où règne la paix–Friede. Celui qui la viole, par acte criminel ou par recours à la vengeance privée (Fehde) se met hors de cette paix (Friedlos). Accusé d’un acte criminel (effraction, incendie, viol, parjure, etc.), n’ayant pas comparu ou en fuite ou refusant la juridiction et l’arbitrage de la ville et s’en remettant à la vengeance privée, il fait désormais l’objet par le juge d’une ville, d’une communauté, ou d’un seigneur, d’une inculpation ou Acht. Au nom des victimes, son accusateur doit le faire comparaître dans un délai de quelques semaines. Si, ayant comparu, et que son procès a bien tourné, par exemple en cas de légitime défense, ou s’il a été gracié, et s’il a indemnisé les victimes et payé l’amende (Achtschatz), il peut entrer dans le lien de la paix publique (Schwabenspiegel). Mais le banni (geächtete) resté contumace devra demeurer à un mille des limites de la ville matérialisée par les Aechterkreuze (voir : Aechterkreuze), faute de quoi, il sera pris et exécuté (Art. 189 – 6e Statut urbain de Strasbourg). Exclu de la paix publique, le banni est également excommunié (Schwabenspiegel). Il ne jouit plus de ses droits civils. Ses biens, à l’exception des parts de sa femme proclamée veuve, et de ses enfants devenus orphelins, servent à indemniser les victimes, le seigneur et le roi. Le nombre de bourgeois qui refusent ces arbitrages, préfèrent la vengeance privée et l’exil et sont frappés de bannissement (Acht und Bann), n’est pas négligeable et le recours à l’intervention de la milice urbaine dans les campagnes pour la poursuite et la répression de ces hors-la-loi est fréquent. Le lépreux (voir : Lépreux) ou l’incapable (voir : Incapable) sont également considérés comme morts civilement.  

Reichsacht – Bannissement et mise au ban impérial

L’Empereur prononce des mises au ban de l’Empire à l’encontre des coupables de violation de la paix publique, que l’on a juré de respecter (voir : Eid, Friede).  

En septembre 1338, l’empereur Louis le Bavarois prononce la mise au ban des ennemis de l’évêque Berthold de Bucheck de Strasbourg : « Nous … vous rappelons votre serment, … et… disons ne plus vouloir supporter la violence, l’injustice et le crime, et vous appelons dans le cadre de la paix du Land (avec les autres seigneurs et villes qui l’ont jurée) à aide et assistance… En conclusion, les bannis seront saisi corps et biens, « Leib, Hab und Gut ». (UBS, T. V. Wiegand, Politische Urkunden. p. 93-94).  

Princes et seigneurs peuvent être mis au ban de l’Empire, ce qui entraîne, pour eux, l’annulation des serments de fidélité et de vassalité, la saisie de leurs fiefs et biens.   Évêques, docteurs et clercs peuvent l’être également : leurs bénéfices et chaires sont saisis. Les villes, leurs maires et conseils, peuvent être mis au ban de l’Empire – il est interdit pour tous de commercer avec eux. Ces condamnations sont souvent prononcées pour dettes non remboursées. Les amendes atteignent des sommes considérables et souvent dramatiques pour les finances d’une ville (voir : Finances des villes). Les condamnés graciés ne pourront cependant pas rentrer en possession de biens qui auront déjà été aliénés.  

Mais à partir de 1495 et du récès de la Diète de Worms, la Reichsacht doit être instruite par le Reichskammergericht, même si elle reste prononcée par l’Empereur. Elle devient une arme politique majeure pendant les guerres de religion (voir : Reichsacht). Les juristes modernes l’assimilent alors expressément à la mort civile romaine, comme Andreas Gaill (conseiller de l’archevêque de Cologne), Pace Publica et eius violatoribus atque proscriptis sive bannitis imperii, Cologne, 1583.  

Bibliographie

GAILL (Andreas),De Pace Publica et eius violatoribus atque proscriptis sive bannitis imperii, Cologne, 1583.  

MERLIN, Répertoire, t. 8, Mort Civile (Gallica).  

LANDRY (Charles), La Mort civile des religieux dans l’ancien droit français. Étude historique et critique, 1898 (Gallica).  

GLASSON (Ernest), Histoire du droit et des institutions de la France, « Mort civile », Paris, 1887-1903 (Gallica).  

Ukundenbuch der Stadt Strassburg, t. IV/2.

SCHULTE (Alois), WOLFRAM (Georg),Stadtrechte und Aufzeichnungen, Stadtrecht VI. 1322. Art 182 à 189 Von der Ocht, p. 93-94, Strasbourg, 1888.  

Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. V.

WOLFRAM (Georg), WITTE (Hans), Politische Urkunden (1332-1380), Strasbourg, 1888.  

DRW, Acht, Bann.  

LMA, Acht, Lexikon des Mittelalters, vol. 1, col. 79.  

Reichsacht, J. F. Battenberg, Lexikon des Mittelalters, vol. 7, col. 616, Brepolis Medieval Encyclopaedias - Lexikon des Mittelalters Online.  

NEHLSEN VON STRYCK (Karin), « Andreas Gaill und die Friedlosigkeit », HAFERKAMP (Hans-Peter), REPGEN (Tilman), Usus modernus pandectarum, römisches Recht, Deutsches Recht und Naturrecht in der Frühen Neuzeit, Cologne, Weimar, Vienne, 2007.  

Notices connexes

Acht  

Achtbrief  

Achtbuch  

Aechterstein  

Bannissement  

Eid  

Femme (droit de la religieuse)  

Friede  

Galère  

Hals und Haupt  

Lépreux  

Reichsacht

François Igersheim