Mauresse (Corporation de la)

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Zunft der Möhrin

Corporation strasbourgeoise.

Initialement, cette corporation était celle des sauniers (Salzmütter). Elle regroupa ensuite les marchands de denrées de carême (épices) et de salaisons (Fastenspeis- und Gesalzenwarenhändler), les petits revendeurs (Gremper), les fabricants de luminaires (Lichtermacher), les cordiers et les chanvriers (Seiler und Hänfer), les fripiers et marchands d’habits (Altgewänder und Kleiderhändler), les marchands ou courtiers de seconde main (Gimpelkäufler), les préposés du Kaufhaus (Kaufhausknechte), les mesureurs de sel (Salzmesser), les coltineurs de tonneaux (Faßzieher) et les ouvriers du tabac (Tabakarbeiter) (Heitz, p. 50-51).

Fonction et évolution de la corporation

Dès 1270, les sauniers étaient des marchands de sel qui tenaient leur concession de l’évêque. Leur attribution était de travailler avec le zoller pour contrôler et peser les quantités de sel entrant dans la ville. Ainsi, ils prêtent serment au zoller de l’évêque d’exercer soigneusement leur métier et de tenir loyalement leur tribunal (UB IV 2, p. 228). Cependant, l’évêque se voit progressivement dépossédé des revenus du zoll au profit de la ville. Il semble que les sauniers disposaient d’ores et déjà d’une organisation interne, d’autant plus qu’est mentionné leur gericht. Les femmes y jouaient un rôle important (elles avaient droit à des repas). Les droits des sauniers sont confirmés en 1314. Ils ont alors le monopole de la vente du sel et administrent pleinement leur métier. Leur activité justifiait la possession d’un poêle situé dans la maison zur Hern Mörlin, derrière l’ancienne boucherie, poêle qui perdura jusqu’à la Révolution et qui est mentionnée pour la 1ère fois en 1404 (Alioth, p. 333). Auparavant, il se trouvait rue des Bouchers, entre le restaurant zum Rindsfuß (au Pied de bœuf) et celui zum Bock (au Bouc).

La taxe annuelle sur le sel était prélevée dans les salzkästen (greniers à sel) par les sauniers au nom du zoller. La présence des sauniers au Conseil (Rat) est attestée dès 1332 : ils figurent sur une liste qui indique aussi leur fonction de zoller (Alioth, p. 284). Il semble que le métier de saunier ait été une sorte de tremplin pour des hommes qui ne pouvaient, dans le cadre de leur appartenance à une autre corporation, accéder au Conseil. Il semble aussi qu’ils ne pratiquaient plus guère la vente de sel, mais celle de vin ou des produits de mercier. Entre 1388 et 1450 (17 périodes), quatre conseillers des sauniers venaient de la famille Trachenfels et ont été élus trois fois Ammeister. Ils portaient le nom d’une maison dans la cave de laquelle se pratiquait la vente de vin. Par ailleurs, l’ancêtre de cette famille s’appelait en fait Smit et le représentant au Conseil, entre 1353 et 1376 (dix élections), s’appelait Köfman. M. Alioth en déduit que la corporation des sauniers vendait essentiellement du vin et d’autres denrées. Cela explique aussi le nombre élevé de sauniers comme Ammeister. La composition hétérogène de cette corporation peut se comprendre par l’adhésion de nombreux Constofler vendant du vin au détail (Veszeler), en 1362, lorsque ces derniers sont entrés dans les corporations (Alioth, p. 72-74).

Place occupée dans la hiérarchie du Conseil, des processions et des campagnes militaires

Entre 1349 et 1470, la Mauresse occupe la 21e place sur 28 dans la hiérarchie des corporations au Conseil. À partir de 1470, elle détient la 7e place (sur 24). Quatre autres corporations connaissent une ascension : les marchands de grain, les bateliers, les gourmets et les détaillants, soit les corporations marchandes, et, enfin, les orfèvres, qui bénéficiaient du prestige social attaché à leur métier et de leurs revenus conséquents.

Les processions régulières (religieuses, notamment celle de la Fête-Dieu, Fronleichnamsprozession) et occasionnelles (décidées par le Magistrat lors de situations exceptionnelles, par exemple une inondation, en 1419) régissent la succession des corporations dans la procession. Les bateliers occupent la 1ère place, les maçons la 28e et les sauniers la 13e. Cet ordre ne correspond pas à celui qui prévaut dans le Conseil.

Lors des campagnes militaires (Auszüge), les corporations tenaient aussi une place déterminée. Leur rang est malaisé à établir eu égard aux changements qui interviennent et aux représentations iconographiques peu sûres, par exemple Les porte-bannières des corporations, chronique de Jacques Twinger de Kœnigshoven (Strasbourg, 1698, AVCUS, BH 2701). Les différentes listes prises en considération pour tenter d’établir un rang sont toutes différentes. La liste la plus ancienne, qui peut être datée de 1366, mentionne les marchands de vin, Weinleute, les gourmets, Weinsticher, et autres métiers de pointe, les sauniers apparaîtront plus tard. La hiérarchie lors des campagnes militaires semble plus flexible que celle prévalant dans le Conseil et lors des processions (Alioth, p. 318-327).

À l’époque moderne

En 1681, le nombre de maîtres affiliés à la Mauresse était de 194 ; en 1762, de 664 et en 1784, de 682. En 1789, la corporation comptait 74 marchands de denrées de carême ou de salaisons, 33 marchands de fruits et de volailles, 15 chandeliers, 80 cordiers, 37 marchands d’habits, 42 fripiers, 6 employés à la douane, 3 mesureurs de sel, 4 coltineurs de tonneaux, 218 « divers », 97 veuves et 41 Zudiener (pasteurs, enseignants, juristes et ouvriers du tabac). La Mauresse était l’une des corporations les plus riches, elle disposait d’un capital de 288 livres en 1775 (Histoire de Strasbourg, p. 210).

Bibliographie

HEITZ (Friedrich Karl), Das Zunftwesen in Strassburg. Geschichtliche Darstellung begleitet von Urkunden und Aktenstücke, Strasbourg, 1856, p. 50-51.

LIVET (Georges) et RAPP (Francis), dir., Histoire de Strasbourg des origines à nos jours. De la guerre de Trente Ans à Napoléon : 1618-1815, III, Strasbourg, 1981, p. 210.

ALIOTH (Martin), Gruppen an der Macht. Zünfte und Patriziat in Strassburg im 14. und 15. Jahrhundert. Untersuchungen zu Verfassung, Wirtschaftsgefüge und Sozialstruktur, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1988.

Notices connexes

Ancre (Corporation de l’-)

Corporation

Échasse (Corporation de l’-)

Fleur (Corporation de la)

Lanterne (Corporation à la)

Miroir (Corporation du)

Zoll

Monique Debus Kehr