Lustgarten : Différence entre versions

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== Les jardins d’agrément des communautés monastiques ==
 
== Les jardins d’agrément des communautés monastiques ==
  
[[File:Lustgarten 01.jpeg|thumb|right|300px|Vue de l’abbaye de Lucelle avec son orangerie vers 1750. Gravure tirée des Miscellanea Luciscellensia, 1749 du P. Bernardin Walch (Bibliothèque universtaire de Bâle).]]Ils n’ont laissé que peu de témoins. Ceux de l’[[Lucelle_(abbaye_de)|abbaye de Lucelle]] ont été réaménagés entre 1708 et 1750. Une grande orangerie a été construite en 1725. Les jardins de la [[Chartreuse|Chartreuse]] de Molsheim, de l’abbaye de Marbach à Obermorschwihr ou de l’abbaye de Murbach sont bien connus grâce aux saisies révolutionnaires. Ce sont de grands domaines où potagers, vergers et jardins d’agrément se côtoient.
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[[File:Lustgarten 02.jpeg|thumb|right|300px|Vue de l’abbaye de Lucelle avec son orangerie vers 1750. Gravure tirée des Miscellanea Luciscellensia, 1749 du P. Bernardin Walch (Bibliothèque universtaire de Bâle).]]Ils n’ont laissé que peu de témoins. Ceux de l’[[Lucelle_(abbaye_de)|abbaye de Lucelle]] ont été réaménagés entre 1708 et 1750. Une grande orangerie a été construite en 1725. Les jardins de la [[Chartreuse|Chartreuse]] de Molsheim, de l’abbaye de Marbach à Obermorschwihr ou de l’abbaye de Murbach sont bien connus grâce aux saisies révolutionnaires. Ce sont de grands domaines où potagers, vergers et jardins d’agrément se côtoient.
  
 
Le vaste enclos de la chartreuse de Molsheim fut d’abord planté de vignes. Celles-ci furent remplacées en&nbsp;1698 par des haies. En&nbsp;1700, on fit appel à des capucins pour dessiner et planter des platesbandes de fleurs. Mais ce jardin, durant tout le XVIII<sup>e</sup> siècle, servit principalement de potager. Il était pourvu de conduites d’eau enterrées qui alimentaient des fontaines et des viviers. Sur une vue cavalière de&nbsp;1744, on constate que les vergers étaient situés à l’est et au nord du cloître, tandis que le jardin proprement dit, aux allées se croisant à angle droit, s’étendait à l’ouest. Adossé à l’enceinte urbaine, un bâtiment pourvu d’une rangée d’arcades faisait au XVIII<sup>e</sup> siècle fonction d’orangerie qui, en&nbsp;1795, comptait 15&nbsp;orangers, 21&nbsp;citronniers, 8&nbsp;grenadiers, 7&nbsp;lauriers roses et 4&nbsp;lauriers. Sur l’emplacement du jardin, resté dégagé jusqu’à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, fut construit le bâtiment de l’hôpital de Molsheim.
 
Le vaste enclos de la chartreuse de Molsheim fut d’abord planté de vignes. Celles-ci furent remplacées en&nbsp;1698 par des haies. En&nbsp;1700, on fit appel à des capucins pour dessiner et planter des platesbandes de fleurs. Mais ce jardin, durant tout le XVIII<sup>e</sup> siècle, servit principalement de potager. Il était pourvu de conduites d’eau enterrées qui alimentaient des fontaines et des viviers. Sur une vue cavalière de&nbsp;1744, on constate que les vergers étaient situés à l’est et au nord du cloître, tandis que le jardin proprement dit, aux allées se croisant à angle droit, s’étendait à l’ouest. Adossé à l’enceinte urbaine, un bâtiment pourvu d’une rangée d’arcades faisait au XVIII<sup>e</sup> siècle fonction d’orangerie qui, en&nbsp;1795, comptait 15&nbsp;orangers, 21&nbsp;citronniers, 8&nbsp;grenadiers, 7&nbsp;lauriers roses et 4&nbsp;lauriers. Sur l’emplacement du jardin, resté dégagé jusqu’à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, fut construit le bâtiment de l’hôpital de Molsheim.
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== Les jardins du château des Hanau-Lichtenberg ==
 
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Le dernier [[Hanau-Lichtenberg_(comté_de)|comte de Hanau-Lichtenberg]], Jean-René III (1665-1736) entreprit à la fin du XVII<sup>e</sup> siècle de consacrer une bonne partie de sa fortune à une transformation radicale de sa résidence de Bouxwiller, ville dont il fit le siège de son comté en édifiant un imposant château Renaissance. Il lança au début du XVIII<sup>e</sup> siècle un vaste chantier de création de deux jardins. En raison de l’immensité de la surface et de la topographie des terrains disponibles, les deux jardins furent conçus de façon fort différente. À cent mètres de l’entrée méridionale du château, le comte décida d’implanter un vaste jardin régulier nommé Grand Jardin ou ''Herrengarten'' qui s’inspirait de ceux de Meudon et de Saint-Germain-en-Laye. Les plans des jardins sont dus au maître-jardinier Marx Dossmann qui était au service du comte de Ribeauvillé. Il se composait de trois terrains, traités en paliers successifs en raison de la pente. Il était entouré de hauts murs et séparé par des murs de soutènement scandés de piliers et pourvus d’escaliers pour la circulation.
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[[File:Lustgarten 01.jpeg|thumb|right|300px|Les jardins du château de Bouxwiller du Comte de HanauLichtenberg. Dessin proposant une reconstitution à vol d’oi- seau du jardin dit Herrengarten, tel qu’il devait être dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Chacune des trois terrasses comporte un ou plusieurs bassins, deux orangeries étant édifiées sur la terrasse supérieure. La vie en Alsace, 1929, p. 274.]]Le dernier [[Hanau-Lichtenberg_(comté_de)|comte de Hanau-Lichtenberg]], Jean-René III (1665-1736) entreprit à la fin du XVII<sup>e</sup> siècle de consacrer une bonne partie de sa fortune à une transformation radicale de sa résidence de Bouxwiller, ville dont il fit le siège de son comté en édifiant un imposant château Renaissance. Il lança au début du XVIII<sup>e</sup> siècle un vaste chantier de création de deux jardins. En raison de l’immensité de la surface et de la topographie des terrains disponibles, les deux jardins furent conçus de façon fort différente. À cent mètres de l’entrée méridionale du château, le comte décida d’implanter un vaste jardin régulier nommé Grand Jardin ou ''Herrengarten'' qui s’inspirait de ceux de Meudon et de Saint-Germain-en-Laye. Les plans des jardins sont dus au maître-jardinier Marx Dossmann qui était au service du comte de Ribeauvillé. Il se composait de trois terrains, traités en paliers successifs en raison de la pente. Il était entouré de hauts murs et séparé par des murs de soutènement scandés de piliers et pourvus d’escaliers pour la circulation.
  
 
Le second jardin était situé à proximité du château et fermé par une grille en fer forgé. Il était lui-même composé de deux ensembles, le ''Herrengarten'', destiné plutôt à la promenade et le Petit Jardin invitant au repos et au délassement grâce à l’omniprésence de l’eau. Le maître-jardinier assurait l’entretien et l’achat des fleurs et des arbustes sur les marchés de Strasbourg, de Lyon et de Milan. Ce qui fit la réputation de ces jardins, ce fut dès leur création, l’exposition d’un grand nombre d’orangers, présentés en caissons ou en espaliers.
 
Le second jardin était situé à proximité du château et fermé par une grille en fer forgé. Il était lui-même composé de deux ensembles, le ''Herrengarten'', destiné plutôt à la promenade et le Petit Jardin invitant au repos et au délassement grâce à l’omniprésence de l’eau. Le maître-jardinier assurait l’entretien et l’achat des fleurs et des arbustes sur les marchés de Strasbourg, de Lyon et de Milan. Ce qui fit la réputation de ces jardins, ce fut dès leur création, l’exposition d’un grand nombre d’orangers, présentés en caissons ou en espaliers.

Version du 8 janvier 2021 à 22:58

Jardin d’agrément.

Espace aménagé autour d’un château ou d’une abbaye destiné à l’agrément ou à la promenade, mais aussi à exalter le prestige d’un seigneur et de sa lignée ou d’une institution religieuse. Le jardin d’agrément est le fruit, le témoin et l’expression d’une multitude de savoir-faire, scientifiques, artistiques, artisanaux, de métiers, de modes de vie et de sensibilités. En Alsace, il reste peu de grands jardins historiques. La région a vu la création, à toutes les époques, de parcs et de jardins dans le goût du temps, à l’échelle de son territoire et du morcellement politique qui l’a longuement caractérisée.

Les premiers jardins d’agrément

Au Moyen Âge, une grande partie des activités avaient lieu en plein air, la guerre, la chasse, les tournois, les rendez-vous galants, les bains. Le jardin était le lieu privilégié où se déroulaient des activités caractéristiques du milieu chevaleresque. Ainsi, tout château avait son jardin d’agrément. « Le terme de Lustgarten est attesté à partir du XVIe siècle, mais la réalité correspondante est plus ancienne » (Bernhard Metz). Le souvenir des Lustgarten est lacunaire ou inexistant. L’Alsace n’étant pas une terre de grandes fortunes mobilières, son territoire n’est pas parsemé de « grands châteaux avec jardins ».

Les jardins d’agrément des seigneurs de Ribeauvillé

Ribeauvillé. Le Herrengarten en 1644, gravure de Matthaüs Merian, BNU R20.

La famille des Ribeaupierre à Ribeauvillé a fait construire trois châteaux forts dominant la ville, ainsi qu’une résidence urbaine avec un jardin en terrasses attribué au maître-jardinier Marx Dossmmann et un Herrengarten, autrement dit un grand jardin. En 1611, un texte fait mention de l’existence de deux orangeries construites dans les jardins de la résidence urbaine. Les orangeries des seigneurs de Ribeaupierre étaient célèbres dans toute l’Alsace, ainsi qu’au Palatinat. Le seul document graphique sur l’état du jardin est un relevé du géomètre Georges Chrétien Kuhlmann qui montre un jardin régulier en terrasse, aménagé sur la colline du Schlossberg. Le domaine est vendu à la Révolution. En contrebas, aux confins de la ville, Eberhard de Ribeaupierre (1570-1637) entreprend entre 1617 et 1619 l’aménagement d’un Herrengarten, grand rectangle clos de murs et orné de parterres de broderies, de bassins et d’une allée couverte. Entre 1721 et 1766, le Herrengarten est agrandi et embelli par la famille de Birkenfels et devient le lieu de rencontre de la bonne société.

Les jardins d’agrément des princes-évêques de Strasbourg

Le jardin d’agrément le plus célèbre d’Alsace est celui du château épiscopal de Saverne. Dans la première moitié du XVIe siècle, Guillaume de Honstein fait creuser un canal et aménage un jardin composé essentiellement d’un potager. Un Tiergarten, ou parc de chasse, vient le compléter en 1518. Au XVIIe siècle, le jardin est agrandi par les deux princes-évêques de Furstenberg. Le jardin connaît un nouvel agrandissement sous l’épiscopat du « grand cardinal », Armand Gaston de Rohan-Soubise. Le chantier est alors dirigé depuis Paris par Robert de Cotte, assisté d’André Le Nôtre et de Charles Bouteux. Les jardiniers sont également connus, Bouchard, Charles Baumann, Jean François Hersan. Un fontainier de Versailles, Le Rivier, œuvre sur le domaine en 1716. En 1724, des bosquets d’arbustes sont plantés autour du château. En 1779, Louis Constantin de Rohan constate à son avènement qu’« il avait trouvé qu’une partie des bâtiments du château de Saverne, ainsi que les jardins étaient susceptibles d’agrandissement… Pour remplir un objet aussi digne de son attention et de la splendeur du siège épiscopal », le prince fit agrandir les bosquets, les jardins et les prairies le long du canal de décharge et il réunit au parc des possessions qu’il avait acquises, réalisant une incursion du paysage dans les jardins réguliers. La donation du 4 août 1777, acceptée par le grand chapitre et autorisée l’année suivante par Louis XVI, contient un état détaillé. Elle comprend les terrains achetés pour former de nouveaux bosquets, appelés jardins agrestes ou jardins anglais ; les emplacements où se trouvait le petit village de Zornhoffen ; les prés de la banlieue de Monswiller et de Saverne, bordant l’avenue du Zornhoff plantée de marronniers. L’entretien des jardins est confié à Jean Prévôt, Louis Grunfeld et François Huber. Le parc du château de Saverne est un exemple remarquable des grands parcs géométriques aménagés en France selon le modèle d’André Le Nôtre, puis de l’introduction du parc à l’anglaise, correspondant au nouveau goût de l’époque. Les jardins de Saverne comprenaient également des orangeries abritant 681 orangers de toutes tailles et 213 grenadiers, myrtes, oliviers et autres arbustes exotiques.

Les ateliers de Robert de Cotte ont produit entre 1715 et 1735 des dessins d’architecture. L’un de ces dessins concerne l’étude des applications optiques à la perspective aux jardins. Il s’agit d’un dispositif d’anamorphose appliqué au paysage (ABR, C 568/542 l).

Les jardins d’agrément des communautés monastiques

Vue de l’abbaye de Lucelle avec son orangerie vers 1750. Gravure tirée des Miscellanea Luciscellensia, 1749 du P. Bernardin Walch (Bibliothèque universtaire de Bâle).

Ils n’ont laissé que peu de témoins. Ceux de l’abbaye de Lucelle ont été réaménagés entre 1708 et 1750. Une grande orangerie a été construite en 1725. Les jardins de la Chartreuse de Molsheim, de l’abbaye de Marbach à Obermorschwihr ou de l’abbaye de Murbach sont bien connus grâce aux saisies révolutionnaires. Ce sont de grands domaines où potagers, vergers et jardins d’agrément se côtoient.

Le vaste enclos de la chartreuse de Molsheim fut d’abord planté de vignes. Celles-ci furent remplacées en 1698 par des haies. En 1700, on fit appel à des capucins pour dessiner et planter des platesbandes de fleurs. Mais ce jardin, durant tout le XVIIIe siècle, servit principalement de potager. Il était pourvu de conduites d’eau enterrées qui alimentaient des fontaines et des viviers. Sur une vue cavalière de 1744, on constate que les vergers étaient situés à l’est et au nord du cloître, tandis que le jardin proprement dit, aux allées se croisant à angle droit, s’étendait à l’ouest. Adossé à l’enceinte urbaine, un bâtiment pourvu d’une rangée d’arcades faisait au XVIIIe siècle fonction d’orangerie qui, en 1795, comptait 15 orangers, 21 citronniers, 8 grenadiers, 7 lauriers roses et 4 lauriers. Sur l’emplacement du jardin, resté dégagé jusqu’à la fin du XXe siècle, fut construit le bâtiment de l’hôpital de Molsheim.

Les jardins du château des Hanau-Lichtenberg

Les jardins du château de Bouxwiller du Comte de HanauLichtenberg. Dessin proposant une reconstitution à vol d’oi- seau du jardin dit Herrengarten, tel qu’il devait être dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Chacune des trois terrasses comporte un ou plusieurs bassins, deux orangeries étant édifiées sur la terrasse supérieure. La vie en Alsace, 1929, p. 274.

Le dernier comte de Hanau-Lichtenberg, Jean-René III (1665-1736) entreprit à la fin du XVIIe siècle de consacrer une bonne partie de sa fortune à une transformation radicale de sa résidence de Bouxwiller, ville dont il fit le siège de son comté en édifiant un imposant château Renaissance. Il lança au début du XVIIIe siècle un vaste chantier de création de deux jardins. En raison de l’immensité de la surface et de la topographie des terrains disponibles, les deux jardins furent conçus de façon fort différente. À cent mètres de l’entrée méridionale du château, le comte décida d’implanter un vaste jardin régulier nommé Grand Jardin ou Herrengarten qui s’inspirait de ceux de Meudon et de Saint-Germain-en-Laye. Les plans des jardins sont dus au maître-jardinier Marx Dossmann qui était au service du comte de Ribeauvillé. Il se composait de trois terrains, traités en paliers successifs en raison de la pente. Il était entouré de hauts murs et séparé par des murs de soutènement scandés de piliers et pourvus d’escaliers pour la circulation.

Le second jardin était situé à proximité du château et fermé par une grille en fer forgé. Il était lui-même composé de deux ensembles, le Herrengarten, destiné plutôt à la promenade et le Petit Jardin invitant au repos et au délassement grâce à l’omniprésence de l’eau. Le maître-jardinier assurait l’entretien et l’achat des fleurs et des arbustes sur les marchés de Strasbourg, de Lyon et de Milan. Ce qui fit la réputation de ces jardins, ce fut dès leur création, l’exposition d’un grand nombre d’orangers, présentés en caissons ou en espaliers.

En 1801, 158 spécimens de la collection des successeurs des Hanau, qui n’avaient pas trouvé preneurs lors de la vente des biens nationaux, furent offerts par l’État à la Ville de Strasbourg. Pour les abriter, Pierre Valentin Boudhors, architecte et inspecteur des bâtiments de la Ville de Strasbourg, entreprit dans le parc de l’orangerie la construction d’un bâtiment. Au départ, cet espace était constitué d’une allée plantée de tilleuls, à usage militaire et cavalier. Il devint vite une promenade publique pour les Strasbourgeois. Un plan datant de 1774 montre une organisation géométrique de cet espace. Le bâtiment est achevé en 1806, à l’occasion de la visite de l’Impératrice Joséphine. En 1812, l’architecte de la Ville, Jean Nicolas Villot, aménagea des allées régulières devant la façade sud-ouest du bâtiment. Les orangers furent installés dans les ailes latérales sur des terrains autrefois occupés par des jardiniers de la Robertsau.

Posséder des plantes exotiques était considéré comme une marque de prestige à laquelle étaient très sensibles les princes éclairés du XVIIIe siècle.

La résidence d’Illkirch du préteur royal Klinglin

Il arrive que la tentation de se faire édifier un château entouré d’un parc ou d’un jardin gagne également de grands serviteurs de la royauté. Ce fut le cas de François Joseph Klinglin (1686-1753). Né à Sélestat, il reçut en 1722 la charge de préteur royal de Strasbourg, mais il ne prit sa fonction qu’en 1725. Pourvu d’un traitement de 50.000 livres, mais avide d’amasser de l’argent et doté d’un goût sans limite pour la magnificence, il établit sa première résidence à Illkirch. En 1719, il acheta à la famille de Dietrich le Schlösslein d’Ilhausen entouré d’un grand jardin. Dans la propriété se trouvait un immense verger planté de 3.000 arbres fruitiers. Klinglin avait épousé le goût de l’époque pour l’exotisme et les promenades agrestes, où l’on s’enivrait des saveurs des espèces fruitières. Il prit grand soin de cet éden. Pour disposer d’une vue lui permettant d’admirer la cathédrale depuis son château, il décida de faire abattre des arbres, mais aussi des masures de pauvres journaliers, des lieux-dits, Ostwinkel et Nachweid, ce qui provoqua la colère des Illkirchois. Son domaine ceinturé d’un fossé alimenté par les eaux de l’Ill s’étendait de la « Petite Ill » jusqu’à l’actuelle route de Lyon. En 1725, il fit construire un petit manoir en faisant appel à l’architecte qui avait réalisé l’hôtel du Préteur destiné à devenir une orangerie, à laquelle il adjoignit un jardin à la française, clôturé côté route par une magnifique grille en fer forgé de style Régence. La propriété était pourvue d’une serre et de parterres garnis de 40 statues en marbre évoquant des sujets de la mythologie grecque. Une statue de Louis XV accueillait les hôtes au sommet de l’escalier du château. Elles sont l’œuvre de deux sculpteurs, Johann August Nahl et Martin Leprince, qui ont également travaillé pour lui dans sa résidence officielle à Strasbourg, sise au bord du Canal des Faux Remparts. À Illkirch, de nombreux orangers, des arbres, des fleurs en pots ornaient les jardins. Enfin, dans le parc que Klinglin désignait comme son « château de Haute Alsace », il fit disposer des vasques en quinconces, des espèces rares et un grand bassin. Ses dépenses somptuaires qui représentaient des sommes considérables acquises de façon frauduleuse lui valurent un procès à rebondissements qui précipita sa chute en 1752.

Le château avec jardin, symbole de la réussite sociale

À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, période où démarre l’industrialisation en Alsace, des industriels vont édifier de vastes demeures dont la façade principale donne sur un « jardin privé ». Ces réalisations sont destinées à mettre en scène la richesse et le prestige des grandes dynasties. C’est par exemple le cas de Pierre Dollfus à Wesserling et de la Société de papiers peints Hartmann Risler et Cie qui occupait la Commanderie des Chevaliers_teutoniques de Rixheim, société reprise en 1802 par Jean Zuber.

À Munster, la famille Hartmann, soucieuse d’afficher sa réussite par un cadre de vie somptueux, aménagea à la fin du XVIIe siècle et au début du XIXe siècle un parc paysager doté d’une orangerie. Dans ce parc, les différents membres de la famille se firent construire des maisons disposant de leur propre jardin. Ce système de « parc privé collectif » se rencontre également à Beaucourt, aujourd’hui en Franche-Comté, au siège de Japy. Dans le parc des Cèdres, Frédéric Japy fit construire douze demeures patronales pour ses enfants, et il y fit planter d’espèces rares.

Bibliographie

Chefs d’œuvre de l’art naturaliste en Alsace de 1450 à 1800, Catalogue d’exposition, Strasbourg, église protestante Saint-Pierre-le-Jeune, du 25 juin au 2 octobre 1994.

Parchemins et jardins. Les jardins strasbourgeois du Moyen Âge à nos jours, Archives de la Ville de Strasbourg et de la Communauté urbaine, Strasbourg, 2004.

BENETIERE (Marie-Hélène), BOURA (Frédérique), (dir.), Jardins de France. Quatre siècles d’histoire, Lyon, 2010.

BOURA (Frédérique), (dir.), Études et valorisation des parcs et jardins historiques d’Alsace, Service régional de l’Inventaire du Patrimoine culturel d’Alsace, Région Alsace, 2012.

Notices connexes

Bünde

Cour-courtil

Etter

Faisanderie

Garten

Gärtner

Parcs

François Uberfill