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C’est au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle que s’introduit une distinction nette entre le travail et les loisirs&nbsp;: l’industrialisation et la salarisation de masse, la séparation nette entre domicile et usine, le décompte net des heures et jours de travail, la progressive diminution du temps de travail et l’augmentation du temps libre y contribuent.
 
C’est au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle que s’introduit une distinction nette entre le travail et les loisirs&nbsp;: l’industrialisation et la salarisation de masse, la séparation nette entre domicile et usine, le décompte net des heures et jours de travail, la progressive diminution du temps de travail et l’augmentation du temps libre y contribuent.
  
La pratique des jeux par les adultes, et plus encore celle des enfants, est sans doute moins marquée par ces coupures. Et la distinction entre temps de travail et temps libre est bien moins nette au Moyen Âge et à l’époque moderne&nbsp;: le temps de la journée est celui de la lumière du jour, longue en été, courte en hiver, et les rythmes du travail et du délassement sont ceux des saisons et du [[Calendrier|calendrier]] liturgique. Pourtant, hommes, femmes et enfants ne gâchent pas leur plaisir&nbsp;: les [[Fêtes|fêtes]]&nbsp;se succèdent dans l’année à un rythme soutenu. Fêtes de famille, souvent accordées aux actes liturgiques ([[Baptême|baptêmes]], [[Mariage|mariages]], [[Enterrement|enterrements]]) qui donnent lieu à des dépenses extravagantes, que les gouvernants urbains ou seigneuriaux veulent parfois réprimer, quand ils ne donnent pas le mauvais exemple par leurs fêtes privées, ou les fêtes publiques, fontaines et distributions de vin (voir :&nbsp;[[Gastronomie_alsacienne|Gastronomie]], ''[[Imbiss]]'', [[Lois_somptuaires]]). Dimanches et jours chômés sont nombreux (et les évêques tentent parfois de les limiter). C’est le jour où se réunissent les sociétés de tir, réserves de [[Lansquenet|lansquenets]] et de [[Milices|milice]] (voir :&nbsp;[[Arbalète]], [[Arquebuse,_Arquebusier|Arquebuse]], ''[[Krieg]]'', ''[[Shützengesellschaften]]''). Les grandes fêtes religieuses sont l’occasion de donner et d’assister aux représentations théâtrales, missions et passions (''[[Geistliche_Festspiele]]''), alors que le chant religieux accompagne les offices (''[[Kirchengesang_(culte_catholique)|Kirchengesang]]''), et que les sociétés de ménétriers ([[Chanteurs_(Maîtres)|Chanteurs]], [[Chanteurs_(Maîtres)|Maîtres]]-''Meistersänger'') agrémentent les festivals et fêtes paroissiales (voir : ''[[Adelphi_Tag]]'', [[Carnaval]], [[Dédicace]], ''[[Kilbe]]''). Dans ses tableaux célèbres, Pieter Breughel l’Ancien illustre ces loisirs de la société de l’Europe du Nord-Ouest à l’époque médiévale et moderne, et en particulier les jeux d’enfants. Hoffmann, dans son ''Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', consacré à la Haute-Alsace, dresse un tableau haut en couleurs des distractions de l’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle, avec ses sociétés de tir, sa passion du jeu, ses [[Banquet|banquets]] et fêtes, leurs feux et illuminations, les salves des armes à feu (''[[Büchse|Büchsen]]''), et surtout le vin dans les ''stuben'' et les auberges. S’y manifeste le goût apparemment irrépressible des Alsaciennes et Alsaciens pour la [[Danse|danse]], sous les tilleuls et dans les [[Cabaret|cabarets]]. Et « si le paysan était ordinairement frugal dans ses repas, il aimait le vin passionément&nbsp;». Quant à l’[[Artisanat|artisan]], «&nbsp;il travaille toute la semaine, pour aller au cabaret le dimanche, à la promenade et à la danse (Mémoire de l’intendant La Grange, cité par Hoffmann p. 122-123). Cabarets et ''kunkelstuben'' (voir : [[Veillées|veillées]]), où l’on mutualise la lumière et les poêles des longues journées et soirées d’hiver, et «&nbsp;lieux de sociabilité&nbsp;», ceux de la chanson, des longs récits et courtes plaisanteries… et des jeux.
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La pratique des jeux par les adultes, et plus encore celle des enfants, est sans doute moins marquée par ces coupures. Et la distinction entre temps de travail et temps libre est bien moins nette au Moyen Âge et à l’époque moderne&nbsp;: le temps de la journée est celui de la lumière du jour, longue en été, courte en hiver, et les rythmes du travail et du délassement sont ceux des saisons et du [[Calendrier|calendrier]] liturgique. Pourtant, hommes, femmes et enfants ne gâchent pas leur plaisir&nbsp;: les [[Fêtes|fêtes]]&nbsp;se succèdent dans l’année à un rythme soutenu. Fêtes de famille, souvent accordées aux actes liturgiques ([[Baptême|baptêmes]], [[Mariage|mariages]], [[Enterrement|enterrements]]) qui donnent lieu à des dépenses extravagantes, que les gouvernants urbains ou seigneuriaux veulent parfois réprimer, quand ils ne donnent pas le mauvais exemple par leurs fêtes privées, ou les fêtes publiques, fontaines et distributions de vin (voir&nbsp;:&nbsp;[[Gastronomie_alsacienne|Gastronomie]], ''[[Imbiss|Imbiss]]'', [[Lois_somptuaires|Lois somptuaires]]). Dimanches et jours chômés sont nombreux (et les évêques tentent parfois de les limiter). C’est le jour où se réunissent les sociétés de tir, réserves de [[Lansquenet|lansquenets]] et de [[Milices|milice]] (voir&nbsp;:&nbsp;[[Arbalète|Arbalète]], [[Arquebuse,_Arquebusier|Arquebuse]], ''[[Krieg|Krieg]]'', ''[[Shützengesellschaften|Shützengesellschaften]]''). Les grandes fêtes religieuses sont l’occasion de donner et d’assister aux représentations théâtrales, missions et passions (''[[Geistliche_Festspiele|Geistliche Festspiele]]''), alors que le chant religieux accompagne les offices (''[[Kirchengesang_(culte_catholique)|Kirchengesang]]''), et que les sociétés de ménétriers ([[Chanteurs_(Maîtres)|Chanteurs]], [[Chanteurs_(Maîtres)|Maîtres]]-''Meistersänger'') agrémentent les festivals et fêtes paroissiales (voir&nbsp;: ''[[Adelphi_Tag|Adelphi Tag]]'', [[Carnaval|Carnaval]], [[Dédicace|Dédicace]], ''[[Kilbe|Kilbe]]''). Dans ses tableaux célèbres, Pieter Breughel l’Ancien illustre ces loisirs de la société de l’Europe du Nord-Ouest à l’époque médiévale et moderne, et en particulier les jeux d’enfants. Hoffmann, dans son ''Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', consacré à la Haute-Alsace, dresse un tableau haut en couleurs des distractions de l’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle, avec ses sociétés de tir, sa passion du jeu, ses [[Banquet|banquets]] et fêtes, leurs feux et illuminations, les salves des armes à feu (''[[Büchse|Büchsen]]''), et surtout le vin dans les ''stuben'' et les auberges. S’y manifeste le goût apparemment irrépressible des Alsaciennes et Alsaciens pour la [[Danse|danse]], sous les tilleuls et dans les [[Cabaret|cabarets]]. Et «&nbsp;si le paysan était ordinairement frugal dans ses repas, il aimait le vin passionément&nbsp;». Quant à l’[[Artisanat|artisan]], «&nbsp;il travaille toute la semaine, pour aller au cabaret le dimanche, à la promenade et à la danse (Mémoire de l’intendant La Grange, cité par Hoffmann p. 122-123). Cabarets et ''kunkelstuben'' (voir&nbsp;: [[Veillées|veillées]]), où l’on mutualise la lumière et les poêles des longues journées et soirées d’hiver, et «&nbsp;lieux de sociabilité&nbsp;», ceux de la chanson, des longs récits et courtes plaisanteries… et des jeux.
  
 
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Version du 6 janvier 2021 à 14:01

C’est au milieu du XIXe siècle que s’introduit une distinction nette entre le travail et les loisirs : l’industrialisation et la salarisation de masse, la séparation nette entre domicile et usine, le décompte net des heures et jours de travail, la progressive diminution du temps de travail et l’augmentation du temps libre y contribuent.

La pratique des jeux par les adultes, et plus encore celle des enfants, est sans doute moins marquée par ces coupures. Et la distinction entre temps de travail et temps libre est bien moins nette au Moyen Âge et à l’époque moderne : le temps de la journée est celui de la lumière du jour, longue en été, courte en hiver, et les rythmes du travail et du délassement sont ceux des saisons et du calendrier liturgique. Pourtant, hommes, femmes et enfants ne gâchent pas leur plaisir : les fêtes se succèdent dans l’année à un rythme soutenu. Fêtes de famille, souvent accordées aux actes liturgiques (baptêmes, mariages, enterrements) qui donnent lieu à des dépenses extravagantes, que les gouvernants urbains ou seigneuriaux veulent parfois réprimer, quand ils ne donnent pas le mauvais exemple par leurs fêtes privées, ou les fêtes publiques, fontaines et distributions de vin (voir : Gastronomie, Imbiss, Lois somptuaires). Dimanches et jours chômés sont nombreux (et les évêques tentent parfois de les limiter). C’est le jour où se réunissent les sociétés de tir, réserves de lansquenets et de milice (voir : Arbalète, Arquebuse, Krieg, Shützengesellschaften). Les grandes fêtes religieuses sont l’occasion de donner et d’assister aux représentations théâtrales, missions et passions (Geistliche Festspiele), alors que le chant religieux accompagne les offices (Kirchengesang), et que les sociétés de ménétriers (Chanteurs, Maîtres-Meistersänger) agrémentent les festivals et fêtes paroissiales (voir : Adelphi Tag, Carnaval, Dédicace, Kilbe). Dans ses tableaux célèbres, Pieter Breughel l’Ancien illustre ces loisirs de la société de l’Europe du Nord-Ouest à l’époque médiévale et moderne, et en particulier les jeux d’enfants. Hoffmann, dans son Alsace au XVIIIe siècle, consacré à la Haute-Alsace, dresse un tableau haut en couleurs des distractions de l’Alsace au XVIIIe siècle, avec ses sociétés de tir, sa passion du jeu, ses banquets et fêtes, leurs feux et illuminations, les salves des armes à feu (Büchsen), et surtout le vin dans les stuben et les auberges. S’y manifeste le goût apparemment irrépressible des Alsaciennes et Alsaciens pour la danse, sous les tilleuls et dans les cabarets. Et « si le paysan était ordinairement frugal dans ses repas, il aimait le vin passionément ». Quant à l’artisan, « il travaille toute la semaine, pour aller au cabaret le dimanche, à la promenade et à la danse (Mémoire de l’intendant La Grange, cité par Hoffmann p. 122-123). Cabarets et kunkelstuben (voir : veillées), où l’on mutualise la lumière et les poêles des longues journées et soirées d’hiver, et « lieux de sociabilité », ceux de la chanson, des longs récits et courtes plaisanteries… et des jeux.

Bibliographie

HOFFMANN, L’Alsace au XVIIIe siècle, (1906), t. I.

Jeux, sports et divertissements au Moyen-Âge et à l’âge classique, Actes du 116e congrès national des Sociétés Savantes, Chambéry, 1991, numéro 116, ouvrage collectif.

CORBIN (Alain), L’Avènement des loisirs (1850-1960), Paris, 1995.

Notices connexes

Adelphi Tag, Alcoolisme, Arbalète, Artisanat

Bannfeiertage, Bechte, Bienfaisance, Brautlauf

Calendrier, Carnaval, Chanteurs (Maîtres-Meistersänger), Chasse, Christkindelmarik, Cimetière, Constitution civile du clergé-affaire d’Hirsingue, Cloches (sonnerie des), Communion, Compagnon, Confirmation, Cordonniers (fête de saint Crépin et saint Crépinien), Coutume

Danse, Décadi, Dédicace, Deux-Ponts-rois des fifres, Dimanche, Dorflinde-Tilleul, Droit de l’Alsace

États de l’Alsace-Elsässische Landstände

Fêtes liturgiques, Fifres, Fontaine à vin

Gastronomie alsacienne, Geistliche Spiele

Herrenstube, Hochzeit

Images

Kilbe-Kirwe, Kirchengesang

Mayen, Ménétriers (fête des), Milices, Musiciens, Musique

Schutzengesellschaft

Veillées

Jeux, Spiele

De tout temps, les jeux ont été un loisir auxquels se sont adonnés les adultes pendant leur temps libre, soit après les heures de travail et les jours sans activité. Parallèlement à leur caractère frivole, les jeux sont constitutifs de la sociabilité. Pour autant, ils sont sources de débordements verbaux, d’injures et de blasphèmes, de conflits dégénérant parfois en