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Dans les premières années de l’annexion de l’Alsace à la France, les monnaies françaises y ont circulé en concurrence avec les monnaies du Saint-Empire, mais ces dernières furent interdites en 1693. Quelques années plus tard, l’État émet des ''billets de Monnoye'', «&nbsp;espèces de bons … que les besoins de la guerre avaient fait émettre en&nbsp;1704 et&nbsp;1706&nbsp;»&nbsp;; ils furent rachetés en&nbsp;1706, au pair, mais seulement quand on remettait 1/6<sup>e</sup> de papier et 5/6<sup>e</sup> de monnaie métallique (Hanauer, p.&nbsp;480). Des billets d’État, sont encore émis.
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En 1716, le duc d’Orléans, régent, permit au financier écossais John Law d’ouvrir sa Banque Générale qui finit par devenir la «&nbsp;Banque Royale&nbsp;» et, en&nbsp; 1719, Law devint Contrôleur général des finances. Il substitua des billets de banque à la monnaie, système qui connut un grand succès. En 1719, ces billets de banque sont obligatoires pour le règlement de toutes les sommes au-delà de 300&nbsp;livres. Mais Law se lança dans des spéculations financières qui entraînèrent une dévalorisation de ses billets de banque et le menèrent à la banqueroute en&nbsp;1720. Des institutions et des particuliers en profitèrent pour payer des dettes avec ces billets dévalorisés.
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Endettée à la suite de lourdes charges de guerre, la Ville de Molsheim dut se résoudre à vendre deux moulins, adjugés en&nbsp;1720 «&nbsp;au Sr Wolff, Bourgeois Banquier de Strasbourg… pour 36.500 liures Tournois, Laquelle somme consistante en trente six billets de banque de Mil Livres Chacun et Cinq Billets de Cent Liures, ledit Sr Wolff a remise au comptable&nbsp;» (AM Molsheim DD&nbsp;94/2). C’est à se demander si la ville de Molsheim n’était pas –&nbsp;étant donné la date – victime d’une escroquerie en la circonstance.
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D’autre part, Jean-Jacques Quinté, assesseur au Magistrat, fut chargé de régler les créanciers de la Ville avec ces billets. Il remboursa ainsi 10 194&nbsp;lb. 8&nbsp;s. 11&nbsp;d. à la Chartreuse du lieu, qui avait dépanné la ville aux temps les plus sombres de la guerre, et qui, en se laissant payer de la sorte, en était fort mal récompensée. Un chartreux a fort justement noté que la ville a agi «&nbsp;''cum maxima ingratitudine''&nbsp;» (avec la plus grande ingratitude) en leur remboursant de cette façon les sommes versées en 1675 (5 000 lb.), 1676 (3 600&nbsp;lb.) et 1677 (1 400&nbsp;lb.) (ABR H&nbsp;1265/1&nbsp;; H&nbsp;1264/3). Encore convient-il d’ajouter que la Ville n’était pas la seule à agir de la sorte envers la Chartreuse&nbsp;: «&nbsp;D’ailleurs ayant été Remboursé de presque tous leurs Capiteaux en Billets de Banque dont ils en ont reçu pour la somme de 42.184&nbsp; lb. 2 sols et 8 deniers, Lesquels après la Liquidation faite ne leurs produisent que la somme de 683&nbsp;lb. 6&nbsp;sols » (ABR H&nbsp;1344).
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D’autres créanciers de la Ville – le chapitre de Haslach, le Collège des Jésuites et bien des particuliers&nbsp;– subirent des pertes moindres&nbsp;; d’autres&nbsp;encore, comme le receveur du [[Grand_Chapitre]] et celui de Bailliage de Dachstein refusèrent d’être payés de la sorte. La Ville elle-même éprouva quelques pertes, de deux manières différentes&nbsp;:
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*D’une part, pertes sur la conversion en petite monnaie&nbsp;: « fait despense de la somme de Trois Cents Cinquante Liures, pour auoit fait coupper Cinq billets de Mil liures Chacun, en billets de Cent liures et un autre billet de 1 000&nbsp;lb. en ceux de 10&nbsp;lb ... pour auoir peü (pu) aisement payer les susdits Créditeurs : 300&nbsp;lb.&nbsp;» (soit 5% de frais de change !).
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*D’autre part, certains billets ont fini par ne plus avoir cours&nbsp;:«&nbsp;Plus porte le Comptable en despense Sept billets de banque de Cent liures Chacun, qui luy sont restés, par rapport à la suppression des Touts les billets de banque, qui estoit suruenüe, cy... 700&nbsp;lb » (AM Molsheim DD&nbsp;94/2).
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Pareilles situations ont été vécues en d’autres localités et par d’autres personnes ou institutions sans forcément laisser de traces.
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HANAUER, ''Études économiques'', 1876, t.&nbsp;I, p.&nbsp;470-492.
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SCHLAEFLI (Louis), «&nbsp;La ville de Molsheim, victime du système de Law ?&nbsp;», ''SHAME'' 2003, p.&nbsp;67-69.
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<p style="text-align: right;">'''Louis Schlaefli'''</p>
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Version du 24 décembre 2020 à 13:58

Système de Law

Dans les premières années de l’annexion de l’Alsace à la France, les monnaies françaises y ont circulé en concurrence avec les monnaies du Saint-Empire, mais ces dernières furent interdites en 1693. Quelques années plus tard, l’État émet des billets de Monnoye, « espèces de bons … que les besoins de la guerre avaient fait émettre en 1704 et 1706 » ; ils furent rachetés en 1706, au pair, mais seulement quand on remettait 1/6e de papier et 5/6e de monnaie métallique (Hanauer, p. 480). Des billets d’État, sont encore émis.

En 1716, le duc d’Orléans, régent, permit au financier écossais John Law d’ouvrir sa Banque Générale qui finit par devenir la « Banque Royale » et, en  1719, Law devint Contrôleur général des finances. Il substitua des billets de banque à la monnaie, système qui connut un grand succès. En 1719, ces billets de banque sont obligatoires pour le règlement de toutes les sommes au-delà de 300 livres. Mais Law se lança dans des spéculations financières qui entraînèrent une dévalorisation de ses billets de banque et le menèrent à la banqueroute en 1720. Des institutions et des particuliers en profitèrent pour payer des dettes avec ces billets dévalorisés.

Le cas particulier de Molsheim

Endettée à la suite de lourdes charges de guerre, la Ville de Molsheim dut se résoudre à vendre deux moulins, adjugés en 1720 « au Sr Wolff, Bourgeois Banquier de Strasbourg… pour 36.500 liures Tournois, Laquelle somme consistante en trente six billets de banque de Mil Livres Chacun et Cinq Billets de Cent Liures, ledit Sr Wolff a remise au comptable » (AM Molsheim DD 94/2). C’est à se demander si la ville de Molsheim n’était pas – étant donné la date – victime d’une escroquerie en la circonstance.

D’autre part, Jean-Jacques Quinté, assesseur au Magistrat, fut chargé de régler les créanciers de la Ville avec ces billets. Il remboursa ainsi 10 194 lb. 8 s. 11 d. à la Chartreuse du lieu, qui avait dépanné la ville aux temps les plus sombres de la guerre, et qui, en se laissant payer de la sorte, en était fort mal récompensée. Un chartreux a fort justement noté que la ville a agi « cum maxima ingratitudine » (avec la plus grande ingratitude) en leur remboursant de cette façon les sommes versées en 1675 (5 000 lb.), 1676 (3 600 lb.) et 1677 (1 400 lb.) (ABR H 1265/1 ; H 1264/3). Encore convient-il d’ajouter que la Ville n’était pas la seule à agir de la sorte envers la Chartreuse : « D’ailleurs ayant été Remboursé de presque tous leurs Capiteaux en Billets de Banque dont ils en ont reçu pour la somme de 42.184  lb. 2 sols et 8 deniers, Lesquels après la Liquidation faite ne leurs produisent que la somme de 683 lb. 6 sols » (ABR H 1344).

D’autres créanciers de la Ville – le chapitre de Haslach, le Collège des Jésuites et bien des particuliers – subirent des pertes moindres ; d’autres encore, comme le receveur du Grand_Chapitre et celui de Bailliage de Dachstein refusèrent d’être payés de la sorte. La Ville elle-même éprouva quelques pertes, de deux manières différentes :

  • D’une part, pertes sur la conversion en petite monnaie : « fait despense de la somme de Trois Cents Cinquante Liures, pour auoit fait coupper Cinq billets de Mil liures Chacun, en billets de Cent liures et un autre billet de 1 000 lb. en ceux de 10 lb ... pour auoir peü (pu) aisement payer les susdits Créditeurs : 300 lb. » (soit 5% de frais de change !).

« Plus pour la mesme raison... comme il falloit laisser à celuy qui a Changé douze billets de 1 000 lb contre ceux de 100 lb quatre Cents liures par Mil (soit 40% !), attendu que dans ce Temps-la lesd. billets de 1000 lb n’auoient plus de course, ayant estés desja suppriméz, ainsy qu’il est porté dans le Second Certificat d’un Courtier du 21°. 8bre dernier… cy… 4800 lb. »

  • D’autre part, certains billets ont fini par ne plus avoir cours :« Plus porte le Comptable en despense Sept billets de banque de Cent liures Chacun, qui luy sont restés, par rapport à la suppression des Touts les billets de banque, qui estoit suruenüe, cy... 700 lb » (AM Molsheim DD 94/2).

Pareilles situations ont été vécues en d’autres localités et par d’autres personnes ou institutions sans forcément laisser de traces.

Bibliographie

HANAUER, Études économiques, 1876, t. I, p. 470-492.

SCHLAEFLI (Louis), « La ville de Molsheim, victime du système de Law ? », SHAME 2003, p. 67-69.

Notices connexes

Agiotage

Assignat

Banque

Louis Schlaefli