Latrines

De DHIALSACE
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Latrinen, Laubel-Loüblin, Secret-Sekret, Scheissshüs, Sprochhaus, Sprochhüslin.

Les lieux d’aisances ne présentent en général pas le même aspect selon qu’on est à la campagne ou en ville, où ils font parfois l’objet d’une réglementation rigoureuse. Dans un cas comme dans l’autre, elles dépendent par ailleurs du niveau social des usagers.

À la campagne, ils ne requièrent aucune réglementation spécifique : au temps de la libre pissette, les besoins naturels des hommes et des animaux se satisfont à l’étable, au fumier ou à la fosse à purin, objets de l’attention des agronomes du XVIIIe siècle dans la perspective d’une intensification culturale. « Chez la plupart des cultivateurs, nous dit Louis Hammer en 1807, les tas de fumier servent de latrines ; dans les maisons à deux étages, il y a communément une latrine qui a un débouché dans une ruelle entre la grange et la maison ou le verger » (ABR 63 J 15). En ville, l’évacuation des eaux vannes procède du règlement d’urbanisme (Bauordnung), dont l’application est prise en charge par le Wasenmeister. Souvent situées en plein vent, les latrines débouchent sur les eaux courantes, le débit des rivières étant censé assurer – doctrine établie jusqu’à la fin du XIXsiècle – leur dilution et, par le fait même, leur purification par l’eau. C’est ainsi qu’à Mulhouse de petits ruisseaux recueillent les eaux usées – de pluie, de lavage ou de lessive –, mélangées aux matières fécales, avant de se déverser dans le Stadtbächlein relié aux fossés de la ville, les déchets de boucherie ou de tannerie pouvant être recueillis à part pour être réutilisés comme engrais. Ailleurs, comme à Colmar, les déjections aboutissent à la venelle (Schlupf) séparant deux maisons.

Au nombre des préoccupations des autorités religieuses et civiles, on relève assez tardivement le souci de séparer – parfois au moyen d’une simple planche (AHR C 1484, s.d., XVIIIe siècle) – les latrines scolaires en fonction des sexes et celui, plus ancien, de la vidange systématique des latrines publiques. Cette dernière bénéficie dès le Moyen Âge (Haguenau, 1357) de la sollicitude des autorités, car le fumier de ville est aussi recherché que le fumier de ferme. Un décret du Magistrat de Colmar, en date du 5 décembre 1699, interdit la vidange nocturne des latrines tandis qu’à Strasbourg, où elle met en concurrence, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, les maraîchers de la ville et les paysans du Kochersberg, elle n’est au contraire autorisée que de nuit, certains bourgeois reprochant à l’opération, qui peut se renouveler plusieurs fois par semaine, en dehors des nuisances olfactives qu’elle occasionne, de défraîchir leurs tentures !

Les latrines privées, en bois ou en pierre, construites tantôt en appendice des maisons, tantôt en surplomb au-dessus des fumiers ou des jardins, sont l’apanage de quelques grandes maisons ou de certains couvents : installation éminemment pratique, puisqu’elle évite les manipulations de pots de chambre et de chaises percées. À la campagne, il n’y a guère que quelques bâtiments publics (ABR C 213/b, école d’Erstein, 1774) ou semi-publics (AEB Direktorium der Schaffneien Q 91, presbytère de Kembs, 1728-1739) qui bénéficient de cet avantage : le « secret » du curé de Kembs, relégué au bout du presbytère, est ainsi construit en surplomb au-dessus du potager.

Longtemps négligées par les historiens, les latrines ont retenu l’attention des archéologues : servant à la fois de lieux d’aisances et de poubelles, elles révèlent en effet, du fait des déchets récupérés, le mode de vie (chauffage, habillement, alimentation, hygiène, objets de la vie quotidienne) propre aux occupants de la maison (exemple des fouilles entreprises en 2012 à la Seigneurie d’Andlau).

Bibliographie

BRUCKER (Johann Karl), Strassburger Zunft- und Polizeiverordnungen des 14. und 15. Jahrhunderts, Strasbourg, 1889.

EHEBERG (Karl Theodor), Verfassungs-, Verwaltungs- und Wirtschaftsgeschichte der Stadt Strassburg bis 1681, 1889.

SCHERLEN (Auguste), Topographie von Alt-Kolmar, Strasbourg, 1922.

HATT (Jacques), Une ville du XVe siècle : Strasbourg, Strasbourg, 1929, p. 100-142.

LEFFTZ (Joseph), Les fontaines d’Alsace, trad., Soultz, 1955, p. 119-120.

BOEHLER, Paysannerie (1995), t. I, p. 808-809 ; t. II, p. 1155, 1769 et 1877.

SEILLER (Maurice) et WERLÉ (Maxime), La Seigneurie d’Andlau, un hôtel aristocratique de la fin du XVIe siècle dans le vignoble alsacien, 2013, p. 6-7, 24-25 et 63-68.

Notices connexes

Bauordnung

Dung

Eau

Gärtner

Wasenmeister

Jean-Michel Boehler