Landvogt, Landvogtei

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Le terme Landvogt, composé de Vogt (avoué, représentant ou bailli) et de Land (territoire, pays) revêt plusieurs significations.

1. Un Landvogt en règle générale est un bailli ou représentant d’un prince territorial, un Statthalter ou lieutenant. Son autorité peut se limiter à un territoire particulier, ou même à un « plat pays » d’un territoire, par opposition à la ville chef-lieu, où l’autorité est exercée par un Stadtvogt. Le représentant du duc de Lorraine, appelé parfois bellis ou bailli est aussi appelé Landvogt.

2. Le terme Landvogt désigne plus particulièrement l’officier qui exerce le pouvoir ou la tutelle au nom de l’Empereur dans l’ensemble des territoires alsaciens relevant immédiatement du Saint-Empire, c’est-à-dire en Basse-Alsace, soit la préfecture ou Landvogtei de Haguenau et les quarante villages, ainsi que les villes de la Ligue des villes impériales (et leurs bailliages).

Cet office appelé Reichslandvogtei est créé en 1273 (voir : Empire, villes d'). Mais la circonscription et les attributions ne sont pas expressément définies avant le milieu du XIVsiècle : l’espace concerné ne se réduit pas à l’Alsace (en 1323, le landgrave Ulrich de Werde est également landvogt zu Elsass), mais peut inclure d’autres secteurs comme l’Ortenau ou le Brisgau (en 1311, « des reiches landvogt zu Elsass und Breisgau »). Ce Landvogt est souvent représenté par un Unterlandvogt. Il prend alors le titre d’Oberlandvogt. C’est ce Landvogt qui convoque les Landtage d’Alsace (États provinciaux-Elsässische Landstände) que préside l’évêque de Strasbourg (voir : Landgraviat).

Bibliographie

BECKER (Joseph), Die Landvögte des Elsass und ihre Wirksamkeit von Heinrich VII. 1308 bis zur Verpfändung der Reichslandsvogtei an die Kurfürsten der Rheinpfalz 1408, Strasbourg, 1894.

BECKER (Joseph), Geschichte der Reichslandvogtei im Elsass: von ihrer Einrichtung bis zu ihrem Übergang an Frankreich (1273-1648), Strasbourg, 1905.

3. Dans les terres des Habsbourg, le terme désigne, le gouverneur des Pays antérieurs-Vorlande, ou bailli, souvent traduit par grand bailli par les historiens. La fonction de landvogt procède du rôle éminent du bailli d’Ensisheim, mentionné depuis le début du XIIIe siècle (Lupelinus, advocatus de Heinsisheim) puis plus régulièrement, à partir de 1256, sous ce titre ou celui de vogt. L’appellation landvogt est attestée au milieu du XIVe, sans indication géographique, puis associée aux territoires soumis à son autorité, selon les circonstances. En 1372, « Rudolfus de Valse, noster advocatus provincialis et capitaneus per Sueviam, Argoviam, Thurgoviam, Brisgaviam et Alsaciam generalis » dirige l’ensemble des terres situées à l’ouest de l’Arlberg, tandis que son successeur, Rodolphe de Habsbourg-Lauffenbourg, est désigné comme lantvogt in Swaben und in Elsass en 1375 : on ne précise pas en quoi consistent alors l’Alsace et la Souabe, mais cette dernière peut inclure l’espace helvétique actuel. La désignation landvogt im Elsass und Sundgau apparaît en 1387, mais elle est démentie deux ans plus tard puisqu’un même bailli cumule les « landvogteyen und haubtmanschaft unser obern lande zu Swaben, zu Turgow, ze Ergow, ze Suntgow, ze Elsass, zu Brisgow und auf dem Swarczwald ». En 1403, Frédéric de Hattstatt est landvogt in Elsas, im Suntgaw und Breissgaw, mais la plupart de ses successeurs se contentent de nommer les deux premiers pays, ce qui confirme la prééminence du landgraviat de Haute-Alsace et du Comté de Ferrette. Dans les actes de langue française, dans la région belfortaine ou pendant les deux périodes où la Bourgogne se substitue aux Habsbourg (sous la Régence de Catherine de Valois, entre 1411 et 1426, ou lors de l’engagement des domaines autrichiens à Charles le Téméraire, entre 1469 et 1474), on emploie les termes de « bailli de Ferrette, de Ferrette et d’Aussay, de bailli de Ferrettes et autres des païs d’Allemaigne », voire de gouverneur. Le syntagme obrister hauptmann und landvogt met l’accent sur l’importance hiérarchique de ce commandement.

Nommé par le prince, rétribué par celui-ci (via la Chambre d’Innsbruck à partir de la fin du XVe siècle), révocable, le landvogt est choisi parmi les membres de la haute noblesse de la région : Lützelstein, Hattstatt, Hochberg et Thierstein au XVe siècle, Fürstenberg, Geroldseck, Sulz, Hohenzollern, Bollwiller, Helffenstein avant la conquête française, ou, à défaut, parmi les fidèles de la Maison d’Autriche (Hallwyl, Eptingen, etc.). Les sires de Ribeaupierre exercent la fonction pendant de longues années, dans la personne de Maximin (v. 1408-1415, puis 1432-1437), de son fils Guillaume Ier (1476-1482, 1486-1487) et de son petit-fils Guillaume II (1507-1527), sans qu’il s’agisse, pourtant, d’un office héréditaire. Il en va de même de Pierre de Morimont (1452-1464) et de son fils Gaspard (1487-1502).

Définie dans les lettres de nomination, leur mission consiste d’abord à diriger la « province » autrichienne en l’absence du prince qui réside loin de l’Alsace, à Innsbruck ou à Vienne. Elle s’expose en termes très généraux de protection des habitants et de maintien de l’ordre et de la justice à l’intérieur de la circonscription du grand bailliage (krayss der lanndtvogtey, 1476) et de représentation à l’extérieur. Leurs attributions s’étendent aussi bien au domaine militaire – mais il leur est interdit de mener une guerre sans l’autorisation du duc – qu’à celui de la justice et de l’administration domaniale, et, bien entendu, à celui des affaires politiques. Jusqu’à l’avènement de Maximilien Ier, ils bénéficient d’une assez grande latitude et apparaissent plutôt comme les chefs de la noblesse locale ; les institutions provinciales se limitent au Conseil (rat), fort d’une dizaine de gentilshommes ou de clercs susceptibles de siéger sous la forme d’une cour de justice (hofgericht) ou de former le landgericht, dont le ressort dépasse les terres autrichiennes, et à quelques officiers chargés de l’épauler – son adjoint le statthalter, le landschreiber et un trésorier, hubmeister ou innemer. En revanche, à partir de 1490-1519, Ensisheim accueille une administration permanente qualifiée de Régence, qui relaye les ordres du pouvoir central et dispose d’un personnel spécialisé de techniciens du droit. Le landvogt perd l’initiative politique et devient alors une sorte de haut-fonctionnaire, astreint à résidence à Ensisheim – où il n’a droit qu’à deux mois d’absence. Sa rétribution est fixée à 1700 florins par an en 1476 (elle avait été plus élevée auparavant, 2000 florins en 1387).

Pour autant qu’on puisse le dire, c’est sous la domination de la Bourgogne et de son bailli Pierre de Hagenbach que s’amorce le passage d’une administration coutumière et, somme tout, collégiale, issue des relations féodo-vassaliques et de la proximité des gouvernés, à un système d’encadrement plus rigide annonçant l’État moderne.

Bibliographie

SEIDEL (Karl Josef), Das Oberelsass vor dem Übergang an Frankreich: Landesherrschaft, Landstände und fürstliche Verwaltung in Alt - Vorderösterreich, 1602-1638, Bonn, 1980.

STOLZ (Otto), Geschichtliche Beschreibung der ober-und vorderösterreichischen Lande, Karlsruhe, 1943 (documents).

STOLZ (Otto), « Die Verhältnisse der vorderösterreichischen Lande zu den landesfürstlichen Regierungen in Innsbruck und Wien », Vorderösterreich, s. d. de Friedrich METZ, Fribourg, 1967, p. 106-116.

BISCHOFF (Georges), Gouvernés et gouvernants en Haute-Alsace à l’époque autrichienne. Les états des pays antérieurs des origines au milieu du XVIe siècle, Strasbourg, 1982.

Georges Bischoff

4. À partir de 1558, où la Landvogtei revient aux Habsbourg, s’étoffe à Ensisheim, siège de la Régence de l’Autriche antérieure, une administration, avec une Chambre (Kammer) et une Chancellerie. Le titre et fonctions sont repris par Bernard de Saxe-Weimar dans sa régence de Brisach (1634-1639), puis par le roi de France, qui le confère au duc d’Harcourt puis au duc Mazarin. Le titre ne survit que dans le grand bailliage, ou préfecture provinciale de Haguenau, doté d’un statut en 1694 et administré par l’intendant. Enregistrées par le Conseil Souverain en avril 1713, les lettres patentes qui, après la mort du duc Mazarin en 1713, l’érige en fief donné au comte de Chatillon, dénomment cette charge : « Grand bailli ou Oberlandvogt de la préfecture provinciale d’Haguenau » (Ordonnances d’Alsace I, 418-420) (voir : Haguenau, ville de). Ce fief passe ensuite à différents membres de la maison de Choiseul, jusqu’en 1789. Le bailli royal de Haguenau Hatzel avait pris en 1712 le titre d’Unterlandvogt, vacant depuis trente ans. En 1753, ce titre disparaît définitivement (Pettermann-Dolt, p. 50).

Bibliographie

LIVET (Georges), L’Intendance d’Alsace, Strasbourg 2/1991.

PETTERMANN-DOLT (Joëlle), La jurisprudence du grand bailliage de Haguenau, Thèse Droit, Strasbourg, 1994.

Notices connexes

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États d’Alsace-Elsässische Landstände

États provinciaux de Haute-Alsace-Oberelsässische Landstände

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Haguenau (Grand bailliage de, préfecture royale de)

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