Land

De DHIALSACE
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Land est un terme générique dont l’acception embrasse aussi bien un espace naturel qu’un territoire organisé dans des rapports d’échelle très différents : au sens large, il désigne une unité géographique au sens moderne de pays ou de région, mais il peut également s’appliquer à un terroir de dimensions réduites. Cette définition se traduit par une toponymie symbolique liée à une domination –  les châteaux du Landsberg (peu avant 1200), du Haut-Landsbourg et du Landskron (dernier quart XIIIe) – ou par des repères visibles (Landser, de serre, clôture, Landgraben, etc.). Adoptée par la revue culturelle parue entre 1920 et 1940 dans la mouvance des milieux régionalistes alsaciens, l’appellation Elsassland ne se fonde pas sur un usage attesté au cours de l’histoire ; elle se réclame d’une identité commune « moderne », façonnée à l’époque du Reichsland Elsass-Lothringen – Pays d’Empire d’Alsace-Lorraine. Le titre Pays d’Alsace, qui désigne le bulletin de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Saverne ne concerne pas la même entité, mais seulement une partie de celle-ci, perçue comme un petit pays. L’apparition de noms comme Hanauerland, Ackerland, voire du rarissime Sundgauer Land, n’est probablement pas antérieure à la fin du XIXe siècle. En revanche, les mots Vorlande ou Vorderlande précèdent la dénomination Vorderösterreich, adoptée pour les « pays antérieurs de l’Autriche » au cours du XVIe siècle : en 1480, l’archiduc Sigismond qualifie ses possessions du Rhin supérieur de « unsere vorderen lande Elsass, Sunkgew, Brisgew und auf dem Schwartzwald », en distinguant quatre sous-ensembles géographiques distincts. Land fédère alors des situations très disparates puisque le Sundgau recouvre la totalité du comté de Ferrette, mais que l’étiquette Elsass dépasse largement les terres de la Maison d’Autriche et que la consistance des deux « pays » de la rive droite n’a rien d’homogène. Le nom Schwartzwald inclut les quatre villes forestières rhénanes (Waldshut, Laufenburg, Säckingen, Rheinfelden) souvent comptées à part.

L’ambiguïté du mot land et de ses dérivés tient à leur géométrie variable.

Leur nature géographique oscille entre quelque chose d’indéfini, prenant en compte les notions d’étendue (landregen : une pluie diluvienne, à l’échelle du pays tout entier) et d’aspect (la campagne stricto sensu, le plat pays par opposition à la ville, voire le paysage) et le concept d’anthropisation. Qualifier un axe routier de landstrasse lui confère une importance stratégique (en 1521, Kaysersberg se targue d’être la porte de l’Allemagne du fait de la route « internationale » qui traverse les Vosges par le col du Bonhomme).

En matière juridique, land correspond à l’aire dans laquelle s’applique un droit commun : le landrecht en vigueur entre Vosges et Rhin est celui du Miroir des Souabes (Schwabenspiegel), par opposition au droit féodal (lehnrecht) attaché à un groupe particulier et à une catégorie de biens et aux privilèges accordées par le souverain (voir : Droit de l’Alsace).

Dans le domaine judiciaire ou administratif, on a affaire à une circonscription liée à l’exercice du pouvoir, seigneurie ou État. En relèvent différents types de justiciables – résidents (landsassen) ou non  –, d’administrés (hintersassen-manants, Bürger, étrangers), juifs, de sujets (untertanen) ou de tenanciers en fonction du statut qui est le leur. Y sont également liées des contributions spécifiques comme des corvées, des impôts (fiscalité, impositions), un service militaire (milice), etc., suivant des modalités de répartition susceptibles d’être négociées et consignées dans un landmatrikel.

À noter : les mots composés de land ont des graphies variables (lannd, lant, etc.) ; le respect de l’ordre alphabétique pose un problème lexicographique lié à l’usage le plus courant de ces termes techniques.

Bibliographie

BRUNNER (Otto), WERNER (Conze), KOSELLECK (Reinhart) (dir.), Geschichtliche Grundbegriffe: Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, Stuttgart, 7 vol., 1972-1997.

Georges Bischoff