Kaysersberg

De DHIALSACE
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L’origine

L’origine de la ville est étroitement liée à la construction du château dominant l’entrée de la vallée de la Weiss, véritable goulot d’étranglement et passage obligé vers la Lorraine par le col du Bonhomme. Afin d’éviter toute invasion des troupes lorraines, Woelfelin fit édifier le château probablement vers 1218-1220. Le 1er mai 1227, Henri VII acheta pour 250 marcs d’argent à Walter et Conrad de Horbourg ainsi qu’à Anselme de Ribeaupierre et à son neveu Ulrich, les droits fonciers qu’ils avaient sur le terrain où s’élevait le château édifié sans titre juridique. Le prix de cette régularisation correspondait à l’impôt prélevé durant trois ans sur les domaines impériaux dans la vallée de Munster et la basse vallée de la Weiss. La transaction nous apprend que le castel et son bourg pouvaient héberger une quarantaine de chevaliers et leur suite. Le souverain promit également de ne pas faire du bourg une ville dotée de franchises, évitant ainsi que des sujets des deux seigneuries viennent s’y établir, se soustrayant à l’autorité et à la juridiction de leurs seigneurs.

En 1246, l’évêque de Strasbourg, chef en Alsace du parti du pape hostile à l’Empereur, assiégea le château et la ville qui résistèrent pendant un an, ne cédant que sous la menace d’une excommunication du pape Innocent IV. En 1248, le duc de Lorraine s’en empara et promit en 1253 de rendre le site au roi Guillaume de Hollande. Administrateur des biens impériaux en Alsace, l’évêque occupa à nouveau le château en 1260, mais Rodolphe de Habsbourg, allié de la ville de Strasbourg alors en guerre contre son évêque, s’en empara en 1261. Il consolida la forteresse entre 1265 et 1268 et l’engagea aux sires de Ribeaupierre en 1280. Rodolphe de Habsbourg séjourna à Kaysersberg à la fin du mois d’août 1285.

La charte impériale

Adolphe de Nassau, successeur de Rodolphe de Habsbourg, ne comptait guère d’appui en Alsace. Conscient de l’importance du site, le souverain préféra, plutôt que d’entretenir une garnison, s’appuyer sur une population tenant à ses privilèges et prête à les défendre. Les habitants de Kaysersberg étaient certes des bourgeois depuis au moins 1230 mais ils n’avaient pas reçu de diplôme impérial ou royal fixant leur statut. Le 18 mars 1293, Adolphe de Nassau octroya à la communauté kaysersbergeoise « les droits, franchises et coutumes dont jouissent et usent les bourgeois de Colmar ». Cette franchise était adressée à l’advocatus – première mention du représentant local du pouvoir impérial – ainsi qu’aux conseillers et bourgeois de Kaysersberg nous indiquant l’existence d’un conseil de la ville à cette époque. La cité devenait une ville impériale. Elle n’était plus une dépendance du château mais jouissait d’une certaine autonomie. Quatre ans plus tard, le souverain se rendit personnellement à Kaysersberg.

La ville se fit confirmer régulièrement ses privilèges. Ce fut le cas en 1315, 1350 et 1366. En 1388, elle obtint du roi Wenceslas le droit de prélever un droit de péage. En 1424, son ancien droit de marché hebdomadaire fut confirmé tandis qu’en 1479, l’empereur Frédéric III fixa la foire annuelle à la Saint-Nicolas. Charles Quint reconnut l’importance stratégique de la cité en 1530 « welche gegen die frembden Nationen und den anstossenden gepirg ein Egstein und Pass were, daran uns und dem reich nit geringe gelegen » et autorisa l’agrandissement des fortifications. Kaysersberg restait une petite cité aux ressources limitées essentiellement axées sur la viticulture et l’artisanat. Grâce à son intérêt stratégique, le processus qui, de la construction du château, a conduit à la formation d’un bourg puis d’une ville a pu s’opérer en quelques décennies. En sa qualité de ville impériale, la ville participe aux contributions financières qu’il s’agisse de la levée d’une troupe ou plus tard de la Türkenhilfe. Vers 1460-1490, elle est soumise au versement d’une contribution financière pour l’entretien de trois cavaliers et quatre fantassins soit l’équivalent de 200 florins par an. En 1545, elle entretient trois cavaliers et quinze fantassins.

Membre de la Ligue des villes impériales

En adhérant à la Ligue des villes impériales Städtebund, (Décapole) fondée par l’empereur Charles IV en 1354 – il résida à Kaysersberg à trois reprises la même année – la cité souhaita s’assurer une protection dans la continuité des paix publiques (Landfrieden) signées en 1338, 1342, 1345 et 1346, et préserver ses libertés dans une période marquée par l’affaiblissement du pouvoir impérial.

La ville participa à plusieurs interventions de la Ligue des villes impériales. Ainsi, elle intervint en 1444 contre les Armagnacs et s’engagea avec Turckheim et Munster à fournir 200 hommes. Parmi les conflits militaires locaux auxquels Kaysersberg participa mentionnons celui de 1465-1466 qui opposa Jean II de Lupfen, seigneur de Hohlandsberg, à Turckheim pour un différend de juridiction. Turckheim obtint l’aide de Mulhouse, Munster et de Kaysersberg. Proche de Kientzheim, centre administratif de la seigneurie de Hohlandsberg, Kaysersberg avait engagé une compagnie de mercenaires suisses aux ordres d’un capitaine de Lucerne. Après quelques escarmouches, le conflit prit fin et un compromis fut signé en septembre 1466.

Le bailliage impérial (Reichsvogtei)

En 1330, le siège du bailliage impérial (Reichsvogtei) – instance intermédiaire entre la préfecture impériale de Haguenau et les possessions impériales situées dans les vallées de la Fecht et de la Weiss y compris les villes de Munster, Turckheim et Kaysersberg – fut transféré du château du Pflixbourg à celui de Kaysersberg.

La même année, le 8 août, l’Empereur Louis de Bavière engagea le bailliage impérial [de Kaysersberg] à Jean de Luxembourg, roi de Bohème, mais un conflit opposa six ans plus tard les deux partis. Le souverain promit aux villes de Haguenau, Rosheim, d’Obernai, de Sélestat, Colmar et Mulhouse de ne plus soustraire la ville de la dépendance directe de l’Empire en la donnant en gage et la si elles réussissaient à la reprendre à Jean de Luxembourg. Ce fut chose faite le 9 août 1336 sous le commandement du Reichslandvogt – grand bailli – Hugo von Hohenberg.

Pourtant, en 1408, tout comme la Reichslandvogtei-grand bailliage, le bailliage de Kaysersberg est engagé aux comtes palatins du Rhin. En 1504, Maximilien Ier reprend les fonctions et prérogatives de Reichslandvogt, que les Habsbourg conservent jusqu’en 1634. Se succèdent à partir de cette date, comme baillis de Kaysersberg des officiers impériaux chargés de l’administration de la Régence d’Ensisheim, comme son chancelier Conrad Stürzel de Buchheim, conseiller impérial, et son fils (1505-1517), Conrad Bolsnitzer, entrepreneur des mines des Vosges (1517-1520), Jérôme Brunner, conseiller impérial (1520-1524), Georges Gerhard, au nom de la veuve et des héritiers Brunner (1524-1535), ou des proches des empereurs, officiers de l’armée impériale et grands vassaux de l’Autriche antérieure, les comtes Georges d’Erpach (1535-1541), Guillaume et Egenolphe de Ribeaupierre (1541- 1565), Guillaume et Jean Wellinger (1566-1573), Lazare de Schwendi (1574-1583), Guillaume de Schwendi (1583-1609), Hélène Eléonore de Schwendi (tutelle exercée par Hans Werner de Raitenau de 1609 à 1612) puis son mari le comte Jacques Louis de Fürstenberg-Donaueschingen (1612-1627) auquel succéda son second mari, le colonel Philippe Nicolas de Leyen. En 1636, la famille de Leyen se réfugia en Allemagne et Bernard de Saxe-Weimar donne le bailliage au colonel Philippe Eustache de Hattstein.

Après la guerre de Trente Ans, les pouvoirs du Grand bailli qui exerce la tutelle sur les Villes impériales sont attribués aux Harcourt puis aux Mazarin. Le commandant de l’armée française, Monclar, qui les exerce en 1679, reçoit à Turckheim les serments de fidélité de Kaysersberg et Munster. Comme dans le reste de la Haute-Alsace, on nomme dans les fonctions de baillis, des officiers de l’armée française, constituant une nouvelle noblesse militaire alsacienne. Le bailliage de Kaysersberg fut finalement attribué en 1674 à François Desmadry, gouverneur pour le Roi de la Flandre maritime, auquel succéda en 1710 son beau-frère, Joseph de Peschery et un cohéritier, Alexis Franchant, comte de la Verne, seigneur de Borrey, en 1719. Érigé en fief, le bailliage fut donné à François Antoine d’Andlau en 1739 qui obtint en 1755, comme il était sans descendance, qu’il fût transmissible à son frère François Eléonore, mestre de camp des armées du roi (NDBA, 42) et par la suite aux descendants de ce dernier.

L’administration communale

Si le premier rempart était modeste, utilisant en partie le cours d’eau de la Weiss comme fossé naturel, la ville entreprit au cours de la seconde moitié du XIVe siècle une première extension vers le sud-ouest, puis une seconde au début du XVe siècle vers l’ouest et l’est. En cas de conflit, la défense du rempart de la ville – d’une longueur de près de 2 000 mètres – était assurée par les quatre corporations locales (vignerons, tanneurs, tonneliers et boulangers), et celle du château par des sujets impériaux d’Ammerschwihr, Niedermorschwihr et Wintzenheim. Son extension resta limitée par la configuration géographique des lieux. Le site intra-muros avoisinait à peine une dizaine d’hectares.

La première mention du sceau de la ville date de 1271. Au milieu du XVe siècle, la ville était administrée par un conseil renouvelé annuellement le douzième jour après Noël en présence du Landvogt ou de son représentant. Il se composait de douze membres, six nobles et six bourgeois. Le conseil nommait quatre Meister (deux nobles et deux bourgeois) qui régentaient à tour de rôle durant un trimestre. L’influence de la noblesse locale déclina peu à peu à la fin du XVe siècle pour finalement disparaitre au profit de la classe bourgeoise qui s’attribua les charges et fonctions municipales. Au XVIe siècle, le conseil se composait de quatre Stettmeister et de huit conseillers et il était d’usage d’élire le jour du renouvellement, les chefs des quatre corporations. Pendant la guerre de Trente Ans, le renouvellement devint irrégulier et aucun représentant de la préfecture impériale de Haguenau ne se déplaça de 1633 à 1653. En 1682, le nombre de conseillers fut réduit de huit à six, nombre inchangé jusqu’en 1789.

Chef-lieu de canton

Lors de la division du territoire français, Kaysersberg devint en novembre 1790 chef-lieu de canton, regroupant les communes du haut de la vallée : Fréland, Lapoutroie, Le Bonhomme, Labaroche et Orbey. Située à l’extrême est de son canton, la ville déplora les trop grandes distances séparant le chef-lieu et les communes et la difficulté d’y accéder en hiver. Kaysersberg demanda le transfert du chef-lieu à Lapoutroie et son rattachement au canton d’Ammerschwihr. La demande fut adoptée le 17 novembre 1796. Les limites cantonales changèrent à nouveau en 1802. Le canton de Riquewihr fut supprimé et ses communes partagées entre celui de Ribeauvillé et d’Ammerschwihr. Kaysersberg devint le nouveau chef-lieu du canton au détriment d’Ammerschwihr, regroupant treize communes.

Bibliographie

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LICHTLÉ (Francis), Kaysersberg, bribes d’histoire, Riquewihr, 2017.

Notices connexes

Archives (de Kaysersberg)

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