Inspecteur aux armées : Différence entre versions

De DHIALSACE
Aller à : navigation, rechercher
(Page créée avec « category:H »)
 
(2 révisions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
[[category:H]]
+
 
 +
Officier général chargé d’inspecter régulièrement les régiments des différentes armes afin de s’assurer de la pleine exécution des ordonnances militaires relatives aux effectifs, à l’instruction, à l’administration, à leur paiement. Leur titre officiel change en fonction des époques : inspecteur des armées, des troupes, aux revues, général…
 +
 
 +
Dès le haut Moyen Âge, les rois francs réunissent leurs troupes au printemps, «&nbsp;les champs de mars&nbsp;». Ces assemblées ont un double but&nbsp;:&nbsp;une réunion solennelle au cours desquelles les hommes libres viennent leur rendre hommage et une inspection des guerriers. Sous les Carolingiens, les ''missi dominici'' sont notamment chargés de l’inspection des levées des hommes en armes. Ils examinent si les troupes sont bien pourvues en armes et en vivres, si leur nombre correspond au contingent prévu pour chaque seigneur. À la fin du Moyen Âge, avec la création des compagnies d’ordonnance en&nbsp;1445 sous le règne du roi de France Charles&nbsp;VII, se pose le problème du contrôle des effectifs, et donc des dépenses, d’une armée permanente entretenue en temps de paix aux frais du monarque. Le décompte des troupes s’avère donc nécessaire pour connaître la composition exacte de l’armée, mais aussi pour surveiller l’emploi des fonds qui lui sont attribués. Le roi François&nbsp;I<sup>er</sup> nomme des inspecteurs dans les provinces pour assumer la fonction d’inspection qui se sépare de celle de commissaires des guerres. Jusqu’au XVII<sup>e</sup> siècle, les autorités militaires dressent des états nominatifs des hommes lors des revues de contrôle appelées «&nbsp;les montres&nbsp;» comme dans le comté de Belfort en&nbsp;1604 (Robert Billerey, 2007).
 +
 
 +
Ce recensement nominatif suffit longtemps aux besoins d’une armée peu nombreuse où les capitaines connaissaient leurs hommes. Le code Michau de&nbsp;1629 prescrit un contrôle de toutes les troupes pour lutter contre la désertion et l’engagement de passe-volants qui gonflent artificiellement les effectifs lors des revues. Les officiers touchaient en effet des rétributions calculées en fonction des effectifs déclarés. La levée d’une armée de plus de 100 000 hommes par Richelieu bouleverse complètement les anciennes habitudes. Pour entretenir une armée aussi importante, il faut mettre sur pied une administration militaire avec des commissaires de guerres chargés de l’intendance des troupes et des inspecteurs des armées qui examinent les tenues, l’armement, la discipline et surtout les effectifs.
 +
 
 +
En 1668, Louvois institue une inspection régulière de toutes les troupes à l’exception de la Maison militaire du roi qui dispose de ses propres inspecteurs. À cet effet, il crée un corps d’officiers militaires, les inspecteurs généraux, choisis parmi les maréchaux de camp et les brigadiers qui doivent informer le ministre sur les effectifs des troupes, le sérieux de l’entraînement militaire, la qualité des armes et des uniformes. Le corps des inspecteurs&nbsp;s’étoffe progressivement&nbsp;: de trois&nbsp;inspecteurs d’infanterie en&nbsp;1668, on passe à quatre&nbsp;inspecteurs généraux en&nbsp;1689 puis seize inspecteurs en&nbsp;1694. Il faut attendre1716 pour que soient institués de véritables contrôles des troupes. Les inspecteurs sont chargés de faire deux revues par an, au printemps et en automne, avec inspection des hommes, un exercice de maniement des armes et des évolutions sur le terrain. Ils font des observations sur les officiers et leurs compétences, encouragent éventuellement leurs promotions et envoient ensuite leur rapport d’inspection au secrétaire d’État à la guerre.
 +
 
 +
Le corps des inspecteurs ne connaît son plein développement que sous l’impulsion du comte d’Argenson, secrétaire d’État à la guerre de&nbsp;1743 à&nbsp;1757, et devient alors un rouage essentiel de l’administration militaire. Il comprend alors trente-six officiers généraux répartis entre l’infanterie et la cavalerie. «&nbsp;Les inspecteurs ont été les principaux agents de progrès réalisés au XVIII<sup>e</sup>&nbsp;siècle dans la gestion, la discipline et l’instruction de l’armée. Ils avaient en général de brillants états de service, mais aussi un jugement sûr, une connaissance du métier et un franc-parler dont témoignent leurs lettres et leurs rapports&nbsp;» (Jean Chagniot,''Histoire militaire de la France'', tome&nbsp;2, p.&nbsp;34). Les inspecteurs suivent les régiments assignés par le ministre. Leur inspection se fait à travers toute la France avec Paris comme point de chute. Ce n’est qu’à la fin de l’Ancien Régime qu’ils sont assignés à demeure dans une province, mais pas spécifiquement dans une place, comme les gouverneurs hormis les inspecteurs d’artillerie. Parmi les inspecteurs séjournant au moins occasionnellement, on peut citer le duc de Broglie, inspecteur dès&nbsp;1748, le marquis de Chamborant, le baron de Wurmser, nommé inspecteur d’infanterie en&nbsp;1758 ou Louis de Contades, inspecteur général de l’infanterie dès&nbsp;1745.
 +
 
 +
Le corps des inspecteurs généraux est réformé en&nbsp;1776 et ces officiers sont rattachés aux divisions, au nombre d’une vingtaine dans la dernière décennie de l’Ancien Régime. L’ultime réforme de&nbsp;1786 institue les inspecteurs généraux chargés d’inspecter tous les régiments en garnison dans le département militaire qui leur est confié, et des inspecteurs particuliers qui contrôlent des régiments précis. Pour les dernières années de l’Ancien Régime, les régiments d’infanterie stationnant en Alsace du Nord, à Landau, Phalsbourg et Bitche sont inspectés par le duc d’Ayen, lieutenant général, celles d’Alsace du Sud par le comte Dulau. Le comte de Coigny inspecte les régiments de cavalerie, tandis que l’artillerie dispose de ses propres inspecteurs, à savoir le maréchal de camp Gomer pour l’Alsace et la Franche-Comté.
 +
 
 +
Jusqu’à la Révolution, les inspecteurs militaires cumulent leur fonction avec un rôle de commandement. Puis, à partir de la Révolution, les inspecteurs aux revues n’exercent plus qu’un rôle administratif. Sous la Convention, les représentants en mission effectuent un certain contrôle des troupes en l’absence d’inspecteurs spécifiques. L’arrêté consulaire du 9&nbsp;pluviôse an&nbsp;VII (28&nbsp;janvier&nbsp;1800) crée l’inspection aux revues chargée de l’organisation, de l’embrigadement, de l’incorporation, de la comptabilité et du licenciement des corps militaires. Le corps des inspecteurs aux revues est totalement distinct de celui des commissaires des guerres. L’inspection est placée sous les ordres d’un inspecteur général aux revues avec soixante inspecteurs issus des officiers généraux et des commissaires des guerres, répartis dans une hiérarchie très détaillée (S.H.A. TX r3). Il est prévu que les troupes de la République devront être passées en revue tous les trois mois. En&nbsp;1801, le corps des inspecteurs aux revues passe à 136&nbsp;officiers, à savoir six&nbsp;inspecteurs en chef, trente inspecteurs, et cent sous-inspecteurs. L’inspection efficace sous le Consulat souffre un réel relâchement dès&nbsp;1805&nbsp;: les états remis aux autorités apparaissent fantaisistes, malgré la multiplication du nombre d’inspecteurs qui atteint 202 en&nbsp;1812.
 +
 
 +
Après la chute de l’Empire, dans le cadre de la réduction des effectifs militaires, l’ordonnance du 23&nbsp;juillet&nbsp;1817&nbsp;supprime les inspecteurs aux revues et les commissaires des guerres pour les remplacer par un corps unique d’intendants militaires.
 +
 
 +
== Bibliographie ==
 +
 
 +
CORVISIER (André), ''Le contrôle des troupes sous l’Ancien Régime'', Paris, Service historique des armées-CNRS, 1966.
 +
 
 +
CORVISIER (André), ''Histoire militaire de la Franc''e, Paris, 1992, tomes 1 et 2.
 +
 
 +
BELY (Lucien), ''Dictionnaire d’Ancien Régime'', Paris, 1996, p.&nbsp;666-667.
 +
 
 +
TULARD (Jean), ''Dictionnaire Napoléon'', Paris, 1999, p.&nbsp;930-931.
 +
 
 +
BLUCHE (François), ''Dictionnaire du Grand Siècle'', Paris, 2005, p.&nbsp;760-761.
 +
 
 +
BILLEREY (Robert), «&nbsp;La montre d’armes de 1604&nbsp;», ''Bulletin de la société belfortaine d’émulation'', n°98, 2007, p.&nbsp;47-159.
 +
<p class="mw-parser-output" style="text-align: right;">'''Philippe Jéhin, Jean Vinot'''</p> 
 +
[[Category:I]]

Version du 25 octobre 2020 à 14:41

Officier général chargé d’inspecter régulièrement les régiments des différentes armes afin de s’assurer de la pleine exécution des ordonnances militaires relatives aux effectifs, à l’instruction, à l’administration, à leur paiement. Leur titre officiel change en fonction des époques : inspecteur des armées, des troupes, aux revues, général…

Dès le haut Moyen Âge, les rois francs réunissent leurs troupes au printemps, « les champs de mars ». Ces assemblées ont un double but : une réunion solennelle au cours desquelles les hommes libres viennent leur rendre hommage et une inspection des guerriers. Sous les Carolingiens, les missi dominici sont notamment chargés de l’inspection des levées des hommes en armes. Ils examinent si les troupes sont bien pourvues en armes et en vivres, si leur nombre correspond au contingent prévu pour chaque seigneur. À la fin du Moyen Âge, avec la création des compagnies d’ordonnance en 1445 sous le règne du roi de France Charles VII, se pose le problème du contrôle des effectifs, et donc des dépenses, d’une armée permanente entretenue en temps de paix aux frais du monarque. Le décompte des troupes s’avère donc nécessaire pour connaître la composition exacte de l’armée, mais aussi pour surveiller l’emploi des fonds qui lui sont attribués. Le roi François Ier nomme des inspecteurs dans les provinces pour assumer la fonction d’inspection qui se sépare de celle de commissaires des guerres. Jusqu’au XVIIe siècle, les autorités militaires dressent des états nominatifs des hommes lors des revues de contrôle appelées « les montres » comme dans le comté de Belfort en 1604 (Robert Billerey, 2007).

Ce recensement nominatif suffit longtemps aux besoins d’une armée peu nombreuse où les capitaines connaissaient leurs hommes. Le code Michau de 1629 prescrit un contrôle de toutes les troupes pour lutter contre la désertion et l’engagement de passe-volants qui gonflent artificiellement les effectifs lors des revues. Les officiers touchaient en effet des rétributions calculées en fonction des effectifs déclarés. La levée d’une armée de plus de 100 000 hommes par Richelieu bouleverse complètement les anciennes habitudes. Pour entretenir une armée aussi importante, il faut mettre sur pied une administration militaire avec des commissaires de guerres chargés de l’intendance des troupes et des inspecteurs des armées qui examinent les tenues, l’armement, la discipline et surtout les effectifs.

En 1668, Louvois institue une inspection régulière de toutes les troupes à l’exception de la Maison militaire du roi qui dispose de ses propres inspecteurs. À cet effet, il crée un corps d’officiers militaires, les inspecteurs généraux, choisis parmi les maréchaux de camp et les brigadiers qui doivent informer le ministre sur les effectifs des troupes, le sérieux de l’entraînement militaire, la qualité des armes et des uniformes. Le corps des inspecteurs s’étoffe progressivement : de trois inspecteurs d’infanterie en 1668, on passe à quatre inspecteurs généraux en 1689 puis seize inspecteurs en 1694. Il faut attendre1716 pour que soient institués de véritables contrôles des troupes. Les inspecteurs sont chargés de faire deux revues par an, au printemps et en automne, avec inspection des hommes, un exercice de maniement des armes et des évolutions sur le terrain. Ils font des observations sur les officiers et leurs compétences, encouragent éventuellement leurs promotions et envoient ensuite leur rapport d’inspection au secrétaire d’État à la guerre.

Le corps des inspecteurs ne connaît son plein développement que sous l’impulsion du comte d’Argenson, secrétaire d’État à la guerre de 1743 à 1757, et devient alors un rouage essentiel de l’administration militaire. Il comprend alors trente-six officiers généraux répartis entre l’infanterie et la cavalerie. « Les inspecteurs ont été les principaux agents de progrès réalisés au XVIIIe siècle dans la gestion, la discipline et l’instruction de l’armée. Ils avaient en général de brillants états de service, mais aussi un jugement sûr, une connaissance du métier et un franc-parler dont témoignent leurs lettres et leurs rapports » (Jean Chagniot,Histoire militaire de la France, tome 2, p. 34). Les inspecteurs suivent les régiments assignés par le ministre. Leur inspection se fait à travers toute la France avec Paris comme point de chute. Ce n’est qu’à la fin de l’Ancien Régime qu’ils sont assignés à demeure dans une province, mais pas spécifiquement dans une place, comme les gouverneurs hormis les inspecteurs d’artillerie. Parmi les inspecteurs séjournant au moins occasionnellement, on peut citer le duc de Broglie, inspecteur dès 1748, le marquis de Chamborant, le baron de Wurmser, nommé inspecteur d’infanterie en 1758 ou Louis de Contades, inspecteur général de l’infanterie dès 1745.

Le corps des inspecteurs généraux est réformé en 1776 et ces officiers sont rattachés aux divisions, au nombre d’une vingtaine dans la dernière décennie de l’Ancien Régime. L’ultime réforme de 1786 institue les inspecteurs généraux chargés d’inspecter tous les régiments en garnison dans le département militaire qui leur est confié, et des inspecteurs particuliers qui contrôlent des régiments précis. Pour les dernières années de l’Ancien Régime, les régiments d’infanterie stationnant en Alsace du Nord, à Landau, Phalsbourg et Bitche sont inspectés par le duc d’Ayen, lieutenant général, celles d’Alsace du Sud par le comte Dulau. Le comte de Coigny inspecte les régiments de cavalerie, tandis que l’artillerie dispose de ses propres inspecteurs, à savoir le maréchal de camp Gomer pour l’Alsace et la Franche-Comté.

Jusqu’à la Révolution, les inspecteurs militaires cumulent leur fonction avec un rôle de commandement. Puis, à partir de la Révolution, les inspecteurs aux revues n’exercent plus qu’un rôle administratif. Sous la Convention, les représentants en mission effectuent un certain contrôle des troupes en l’absence d’inspecteurs spécifiques. L’arrêté consulaire du 9 pluviôse an VII (28 janvier 1800) crée l’inspection aux revues chargée de l’organisation, de l’embrigadement, de l’incorporation, de la comptabilité et du licenciement des corps militaires. Le corps des inspecteurs aux revues est totalement distinct de celui des commissaires des guerres. L’inspection est placée sous les ordres d’un inspecteur général aux revues avec soixante inspecteurs issus des officiers généraux et des commissaires des guerres, répartis dans une hiérarchie très détaillée (S.H.A. TX r3). Il est prévu que les troupes de la République devront être passées en revue tous les trois mois. En 1801, le corps des inspecteurs aux revues passe à 136 officiers, à savoir six inspecteurs en chef, trente inspecteurs, et cent sous-inspecteurs. L’inspection efficace sous le Consulat souffre un réel relâchement dès 1805 : les états remis aux autorités apparaissent fantaisistes, malgré la multiplication du nombre d’inspecteurs qui atteint 202 en 1812.

Après la chute de l’Empire, dans le cadre de la réduction des effectifs militaires, l’ordonnance du 23 juillet 1817 supprime les inspecteurs aux revues et les commissaires des guerres pour les remplacer par un corps unique d’intendants militaires.

Bibliographie

CORVISIER (André), Le contrôle des troupes sous l’Ancien Régime, Paris, Service historique des armées-CNRS, 1966.

CORVISIER (André), Histoire militaire de la France, Paris, 1992, tomes 1 et 2.

BELY (Lucien), Dictionnaire d’Ancien Régime, Paris, 1996, p. 666-667.

TULARD (Jean), Dictionnaire Napoléon, Paris, 1999, p. 930-931.

BLUCHE (François), Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, 2005, p. 760-761.

BILLEREY (Robert), « La montre d’armes de 1604 », Bulletin de la société belfortaine d’émulation, n°98, 2007, p. 47-159.

Philippe Jéhin, Jean Vinot