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L’infanterie regroupe l’ensemble des unités militaires qui combattent à pied, le soldat étant appelé fantassin. Le terme de fantassin est emprunté à l’italien «&nbsp;''fante''&nbsp;» qui signifie serviteur, valet (''Knecht'' en allemand). Il désigne le serviteur d’un homme d’armes. «&nbsp;''Infanteria''&nbsp;», dérivé de l’italien «&nbsp;''infante&nbsp;''», enfant, prend le sens de jeune soldat au XVI<sup>e</sup>&nbsp;siècle et désigne un groupe de fantassins.
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Les armées seigneuriales ou royales du Moyen Âge comprennent des hommes à pied ainsi que des archers ou des arbalétriers issus du tiers état tandis que la noblesse forme la [[Chevalerie|chevalerie]]. Les gens à pied correspondent à des combattants tels que les vougiers avec une arme d’hast, ou les coutiliers munis d’une lance et d’une épée, mais aussi à des gens de service comme les mineurs, charpentiers ou charretiers… Cependant, la notion d’infanterie comme corps d’armée spécifique n’apparaît réellement qu’au XV<sup>e</sup>&nbsp;siècle avec le déclin de la chevalerie et la diversification des troupes.
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Dans le royaume de France, à partir de l’édit de Tours de 1448, on distingue définitivement les hommes à pied des gens à cheval ou «&nbsp;gendarmes&nbsp;».
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À partir du XV<sup>e</sup> siècle, la masse des piquiers forme l’ossature et l’ordre de bataille. Ils sont accompagnés de hallebardiers et d’arquebusiers qui marchent au son des tambours et des fifres. Toutes les armées ont recours aux « aventuriers », mercenaires étrangers, particulièrement suisses. Les lansquenets «&nbsp;''Landknechten''&nbsp;» avancent sur l’ennemi, la pique pointée, certains portent une arquebuse ou une hallebarde en plus de leur épée dite lansquenette.
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Dans le Saint-Empire, l’Alsace est un bassin de recrutement de lansquenets. La bataille de Scherwiller qui marque la défaite des Paysans est une défaite des [[Lansquenets|lansquenets]] alsaciens qui combattent dans les rangs des bandes paysannes. (''[[Landknechten]]'').
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Aux XVI<sup>e</sup> et XVII<sup>e</sup> siècles, les unités de fantassins sont organisées sur le modèle de l’infanterie espagnole des ''tercios'' avec une combinaison de piquiers au centre et des hommes armés de mousquets sur les flancs.
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La montre d’armes de 1604 dans le comté de Belfort établit un état nominatif des hommes pouvant porter des armes. On distingue ainsi les ''Schlachtschwerdter'', fantassins revêtus d’une cuirasse et portant un espadon, une longue épée dentelée maniée à deux mains, les ''Doppelsöldner'', les doubles-soldes avec cuirasse et pique, les ''Muscatierer'' ou ''Musquetschützen'' armés d’un mousquet, les ''Hackenschützen'' ou ''Haggenschützen'', arquebusiers portant un casque et les ''Blose Knechten'' de simples fantassins armés d’une longue pique ou d’une hallebarde. (voir&nbsp;[[Milice]], § Recrutement militaire dans la Régence d'Ensisheim).
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À partir de la guerre de Trente Ans, les fantassins abandonnent les pesantes armures de fer, ne gardant que le casque et le corselet. Ils se divisent en piquiers et [[Arquebuse,_Arquebusier|arquebusiers]] tandis que les mousquetaires prennent de l’importance. À la fin du XVII<sup>e</sup> siècle, les piquiers et hallebardiers disparaissent au profit des porteurs d’armes à feu. Le fusil à silex remplace le mousquet à mèche et l’invention de la baïonnette met fin à la pique. Dès&nbsp;1668, on note la présence de grenadiers dans les compagnies de l’infanterie française. En&nbsp;1703, la pique est définitivement abandonnée.
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La généralisation des armes à feu amène le développement d’une infanterie de ligne qui forme désormais le noyau des armées. Désormais, l’infanterie influence la décision sur les champs de bataille pour la régularité de son tir et la cohésion dans ses rangs. Ordinairement, l’infanterie constitue le centre du dispositif d’une bataille et la cavalerie se tient aux ailes. À partir du règne de Louis&nbsp;XIV, l’infanterie combat sur six rangs, puis cinq, quatre, voire trois&nbsp; rangs après 1753. Même si elle apparaît moins valorisée que la cavalerie, l’infanterie ne cesse de progresser sous l’Ancien Régime aussi bien en effectif que dans l’importance tactique.
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Devant l’indiscipline proverbiale des troupes de mercenaires, la monarchie française recourt à une infanterie nationale complétée par des unités étrangères qui ne doivent théoriquement pas engager de soldats français. Le nombre de régiments d’infanterie passe de&nbsp;72 en&nbsp;1633 à 101 en&nbsp;1659. En&nbsp;1691, à la mort de Louvois, on compte 86&nbsp;régiments dont 14&nbsp;étrangers. À la fin du XVII<sup>e</sup>&nbsp;siècle, pendant la guerre de Succession d’Espagne, le nombre de régiments dépasse 300 et leur effectif théorique atteint 400 000&nbsp;hommes (voir&nbsp;[[Milice]], § Recrutement de l'infanterie royale en Alsace).
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Hiérarchiquement, les deux premiers régiments d’infanterie sont les gardes françaises et les gardes suisses. Depuis Louvois et surtout depuis une ordonnance de 1762, les régiments français abandonnent le nom de leurs colonels pour être désignés&nbsp;soit par le nom d’une province, soit par un titre «&nbsp;de la Reine&nbsp;», «&nbsp;du Dauphin&nbsp;». En&nbsp;1700, l’intendant d’Alsace Jacques La Grange évoque le régiment d’[[Alsace-Infanterie_(Régiment)|infanterie Alsace]] levé dans la province et entretenu par le roi. Le prince de Nassau fut son premier colonel, puis le prince de Birkenfeld, lieutenant général des armées du roi, remplacé par son fils, brigadier des armées du roi.
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En tant que province frontière, l’Alsace revêt une grande importance stratégique. Longtemps, les régiments allemands ont recruté dans le Saint-Empire, puis, devant le manque de volontaires, ils enrôlent au XVIII<sup>e</sup>&nbsp;siècle, des Alsaciens et des Lorrains, si bien que les régiments dits allemands sont en grande partie composés de sujets du roi de France. En outre, le régiment royal-italien fondé en&nbsp;1671 et dissous en&nbsp;1788, lève des hommes en Italie et au Piémont. Il stationne à Huningue de&nbsp;1744 à&nbsp;1747.
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À la veille de la Révolution, 24 000 hommes tiennent garnison dans les places fortes et quelques villes ouvertes alsaciennes. Strasbourg abrite alors les régiments [[Alsace-Infanterie_(Régiment)|Alsace]],&nbsp;Royal-Infanterie et le régiment allemand Royal Hesse-Darmstadt (voir&nbsp;[[Hanau-Lichtenberg_(comté_de)|Hanau-Lichtenberg]]). À Neuf-Brisach, se trouvent le régiment Piémont et le régiment allemand Royal Deux-Ponts, crée en&nbsp;1757 par Christian&nbsp;IV de Deux-Ponts, colonel de l’[[Alsace-Infanterie_(Régiment)|Alsace Infanterie]], recruté lui aussi en Alsace et en Lorraine. Belfort héberge le Royale Marine, Landau le régiment Neustrie, Huningue le régiment Bourgogne, Sélestat le régiment allemand La Marck et Wissembourg-Beauvais qui détache 200&nbsp;hommes à Fort-Louis. En outre, des compagnies d’invalides séjournent à La Petite Pierre, Lichtenberg, Landskron, Belfort et au Fort-Mortier près de Neuf-Brisach.
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En 1789, l’armée du roi compte 12 bataillons d’infanterie légère, 102 régiments d’infanterie dont 79&nbsp;français à uniforme blanc et 23&nbsp;régiments étrangers dont douze suisses à uniforme rouge, sept allemands à habit bleu et culotte blanche, deux irlandais à habit rouge et culotte blanche, un&nbsp;liégeois et un&nbsp;suédois.
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Lors de la Révolution, l’armée française connaît d’importants bouleversements. Les levées en masse des volontaires de&nbsp;1792 et des «&nbsp;soldats de l’an II » sont orientées vers l’infanterie, désignés désormais par des numéros et non par des noms de provinces. Les effectifs militaires totaux atteignent 800 000&nbsp;hommes en décembre&nbsp;1793. Infatigables marcheurs, les fantassins sont issus très majoritairement de la paysannerie. Souvent mal équipés, portant sur leur dos un équipement qui peut atteindre 20 kg, à peine nourris, payés avec retard, condamnés à vivre sur le pays, ils se déplacent à pied parcourant d’importantes distances entre les différents champs de bataille. Leur moral demeure élevé en dépit des misères subies, grâce notamment à un esprit de corps très développé. Depuis&nbsp;1798, les armées sont recrutées par [[Conscription|conscription]]&nbsp;: tous les citoyens de vingt ans sont appelés, révisés, et incorporés par voie de tirage au sort. La&nbsp;[[Garde_nationale|garde nationale]] rassemble tous les citoyens valides de 16 à 60&nbsp;ans, réunis dans des bataillons composés majoritairement de compagnies d’infanterie.
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L’armée est réorganisée sous le Consulat en&nbsp;1803. Elle comprend 90&nbsp;régiments d’infanterie de ligne et 27 régiments d’infanterie légère. Cette distinction est apparue au milieu du XVIII<sup>e</sup> siècle, pendant la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). L’infanterie de ligne combat en formation serrée, alignée face à l’ennemi, elle compose les compagnies au centre du bataillon. Son alignement sur plusieurs rangs permet une grande puissance de feu simultanée. Elle est principalement formée de fusiliers et de grenadiers, les voltigeurs et les tirailleurs sont utilisés pour le harcèlement. L’infanterie légère est généralement composée de chasseurs à pied et de carabiniers, chargés d’éclairer la marche des convois, servir d’avant-garde ou pour faire le service de tirailleurs. Un régiment compte deux à huit bataillons, subdivisés en compagnies dont une d’élite&nbsp;: les grenadiers pour la ligne, les carabiniers dans la légère.
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En 1805, Napoléon possède une armée d’environ 450 000&nbsp;fantassins qui représentent 70 à 75% de la Grande Armée. Formés au dépôt de leur corps pour un rudiment de formation, les fantassins se familiarisent avec la marche sur trois&nbsp;rangs ou en colonnes, apprennent à tirer au fusil, s’entraînent à l’escrime, aux armes blanches et surtout à la baïonnette. Les besoins accrus en soldats limitent le temps de formation et les dernières classes enrôlés comme les «&nbsp;Marie-Louise&nbsp;» découvrent les rudiments du combat au contact des plus anciens du régiment. Sur le terrain, une ligne de tirailleurs prépare l’action en avançant isolément. La première ligne de combat forme un front continu de compagnies alignées, avançant ou s’immobilisant. Un tir nourrit se fait sur trois rangs. La deuxième ligne est placée en colonne. Elle est destinée à affronter directement l’ennemi, soit en se plaçant en ligne, soit en abordant l’ennemi à la baïonnette par un choc brutal, soit en formant un carré face à une charge de cavalerie.
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Qualifiée par Napoléon « reine des batailles », l’infanterie ne joue cependant pas un rôle décisif sur les champs de bataille au début du XIX<sup>e</sup>&nbsp;siècle.
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== Bibliographie ==
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KRUG-BASSE (Jules), ''L’Alsace avant 1789'', Paris-Colmar, Sandoz & Barth, 1876.
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BELHOMME (Victor),''Histoire de l’infanterie en France'', Paris-Limoges, 1893-1902, 5&nbsp;vol.
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BACQUET (Louis-Hippolyte), ''L’infanterie au XVIII<sup>e</sup> siècle'', Paris-Nancy, 1907.
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MARION (Marcel), ''Dictionnaire des institutions de la France des XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles'', Paris, 1923, p.&nbsp;289-290.
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BAUD (Georges), «&nbsp;Le régiment royal-italien à Huningue, 1744-1747 », ''Société d’histoire de Huningue et de sa région'', 1991, n°36, p.&nbsp;57-65.
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CORVISIER (André), ''Histoire militaire de la France'', Paris, 1992, tomes 1 et 2.
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BELY (Lucien), ''Dictionnaire de l’Ancien Régime'', Paris, 1996, p.&nbsp;662-663.
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TULARD (Jean), ''Dictionnaire Napoléon'', Paris, 1999, p.&nbsp;920-926.
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BLUCHE (François), ''Dictionnaire du Grand Siècle'', Paris, 2005, p.&nbsp;753-754.
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BILLEREY (Robert), « La montre d’armes de 1604 »,''Bulletin de la société belfortaine d’émulation'', n°98, 2007, p.&nbsp;47-159.
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== Notices connexes ==
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[[Alsace-Infanterie_(Régiment)|Alsace-Infanterie (régiment)]]
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[[Arbalète]]
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[[Artillerie]]
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[[Arquebuse,_Arquebusier|Arquebuse]]
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[[Cadets-gentilshommes_(Compagnie_de)|Cadets-gentilshommes]]
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[[Caserne]]
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[[Conscription]]
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''[[Fähnlein]]''
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[[Garde_nationale]]
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[[Garnison]]
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[[Milice]]
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: right;">'''Philippe Jéhin'''</p>
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[[Category:I]]

Version du 24 octobre 2020 à 17:21

Fusstruppe.

L’infanterie regroupe l’ensemble des unités militaires qui combattent à pied, le soldat étant appelé fantassin. Le terme de fantassin est emprunté à l’italien « fante » qui signifie serviteur, valet (Knecht en allemand). Il désigne le serviteur d’un homme d’armes. « Infanteria », dérivé de l’italien « infante », enfant, prend le sens de jeune soldat au XVIe siècle et désigne un groupe de fantassins.

Les armées seigneuriales ou royales du Moyen Âge comprennent des hommes à pied ainsi que des archers ou des arbalétriers issus du tiers état tandis que la noblesse forme la chevalerie. Les gens à pied correspondent à des combattants tels que les vougiers avec une arme d’hast, ou les coutiliers munis d’une lance et d’une épée, mais aussi à des gens de service comme les mineurs, charpentiers ou charretiers… Cependant, la notion d’infanterie comme corps d’armée spécifique n’apparaît réellement qu’au XVe siècle avec le déclin de la chevalerie et la diversification des troupes.

Dans le royaume de France, à partir de l’édit de Tours de 1448, on distingue définitivement les hommes à pied des gens à cheval ou « gendarmes ».

À partir du XVe siècle, la masse des piquiers forme l’ossature et l’ordre de bataille. Ils sont accompagnés de hallebardiers et d’arquebusiers qui marchent au son des tambours et des fifres. Toutes les armées ont recours aux « aventuriers », mercenaires étrangers, particulièrement suisses. Les lansquenets « Landknechten » avancent sur l’ennemi, la pique pointée, certains portent une arquebuse ou une hallebarde en plus de leur épée dite lansquenette.

Dans le Saint-Empire, l’Alsace est un bassin de recrutement de lansquenets. La bataille de Scherwiller qui marque la défaite des Paysans est une défaite des lansquenets alsaciens qui combattent dans les rangs des bandes paysannes. (Landknechten).

Aux XVIe et XVIIe siècles, les unités de fantassins sont organisées sur le modèle de l’infanterie espagnole des tercios avec une combinaison de piquiers au centre et des hommes armés de mousquets sur les flancs.

La montre d’armes de 1604 dans le comté de Belfort établit un état nominatif des hommes pouvant porter des armes. On distingue ainsi les Schlachtschwerdter, fantassins revêtus d’une cuirasse et portant un espadon, une longue épée dentelée maniée à deux mains, les Doppelsöldner, les doubles-soldes avec cuirasse et pique, les Muscatierer ou Musquetschützen armés d’un mousquet, les Hackenschützen ou Haggenschützen, arquebusiers portant un casque et les Blose Knechten de simples fantassins armés d’une longue pique ou d’une hallebarde. (voir Milice, § Recrutement militaire dans la Régence d'Ensisheim).

À partir de la guerre de Trente Ans, les fantassins abandonnent les pesantes armures de fer, ne gardant que le casque et le corselet. Ils se divisent en piquiers et arquebusiers tandis que les mousquetaires prennent de l’importance. À la fin du XVIIe siècle, les piquiers et hallebardiers disparaissent au profit des porteurs d’armes à feu. Le fusil à silex remplace le mousquet à mèche et l’invention de la baïonnette met fin à la pique. Dès 1668, on note la présence de grenadiers dans les compagnies de l’infanterie française. En 1703, la pique est définitivement abandonnée.

La généralisation des armes à feu amène le développement d’une infanterie de ligne qui forme désormais le noyau des armées. Désormais, l’infanterie influence la décision sur les champs de bataille pour la régularité de son tir et la cohésion dans ses rangs. Ordinairement, l’infanterie constitue le centre du dispositif d’une bataille et la cavalerie se tient aux ailes. À partir du règne de Louis XIV, l’infanterie combat sur six rangs, puis cinq, quatre, voire trois  rangs après 1753. Même si elle apparaît moins valorisée que la cavalerie, l’infanterie ne cesse de progresser sous l’Ancien Régime aussi bien en effectif que dans l’importance tactique.

Devant l’indiscipline proverbiale des troupes de mercenaires, la monarchie française recourt à une infanterie nationale complétée par des unités étrangères qui ne doivent théoriquement pas engager de soldats français. Le nombre de régiments d’infanterie passe de 72 en 1633 à 101 en 1659. En 1691, à la mort de Louvois, on compte 86 régiments dont 14 étrangers. À la fin du XVIIe siècle, pendant la guerre de Succession d’Espagne, le nombre de régiments dépasse 300 et leur effectif théorique atteint 400 000 hommes (voir Milice, § Recrutement de l'infanterie royale en Alsace).

Hiérarchiquement, les deux premiers régiments d’infanterie sont les gardes françaises et les gardes suisses. Depuis Louvois et surtout depuis une ordonnance de 1762, les régiments français abandonnent le nom de leurs colonels pour être désignés soit par le nom d’une province, soit par un titre « de la Reine », « du Dauphin ». En 1700, l’intendant d’Alsace Jacques La Grange évoque le régiment d’infanterie Alsace levé dans la province et entretenu par le roi. Le prince de Nassau fut son premier colonel, puis le prince de Birkenfeld, lieutenant général des armées du roi, remplacé par son fils, brigadier des armées du roi.

En tant que province frontière, l’Alsace revêt une grande importance stratégique. Longtemps, les régiments allemands ont recruté dans le Saint-Empire, puis, devant le manque de volontaires, ils enrôlent au XVIIIe siècle, des Alsaciens et des Lorrains, si bien que les régiments dits allemands sont en grande partie composés de sujets du roi de France. En outre, le régiment royal-italien fondé en 1671 et dissous en 1788, lève des hommes en Italie et au Piémont. Il stationne à Huningue de 1744 à 1747.

À la veille de la Révolution, 24 000 hommes tiennent garnison dans les places fortes et quelques villes ouvertes alsaciennes. Strasbourg abrite alors les régiments Alsace, Royal-Infanterie et le régiment allemand Royal Hesse-Darmstadt (voir Hanau-Lichtenberg). À Neuf-Brisach, se trouvent le régiment Piémont et le régiment allemand Royal Deux-Ponts, crée en 1757 par Christian IV de Deux-Ponts, colonel de l’Alsace Infanterie, recruté lui aussi en Alsace et en Lorraine. Belfort héberge le Royale Marine, Landau le régiment Neustrie, Huningue le régiment Bourgogne, Sélestat le régiment allemand La Marck et Wissembourg-Beauvais qui détache 200 hommes à Fort-Louis. En outre, des compagnies d’invalides séjournent à La Petite Pierre, Lichtenberg, Landskron, Belfort et au Fort-Mortier près de Neuf-Brisach.

En 1789, l’armée du roi compte 12 bataillons d’infanterie légère, 102 régiments d’infanterie dont 79 français à uniforme blanc et 23 régiments étrangers dont douze suisses à uniforme rouge, sept allemands à habit bleu et culotte blanche, deux irlandais à habit rouge et culotte blanche, un liégeois et un suédois.

Lors de la Révolution, l’armée française connaît d’importants bouleversements. Les levées en masse des volontaires de 1792 et des « soldats de l’an II » sont orientées vers l’infanterie, désignés désormais par des numéros et non par des noms de provinces. Les effectifs militaires totaux atteignent 800 000 hommes en décembre 1793. Infatigables marcheurs, les fantassins sont issus très majoritairement de la paysannerie. Souvent mal équipés, portant sur leur dos un équipement qui peut atteindre 20 kg, à peine nourris, payés avec retard, condamnés à vivre sur le pays, ils se déplacent à pied parcourant d’importantes distances entre les différents champs de bataille. Leur moral demeure élevé en dépit des misères subies, grâce notamment à un esprit de corps très développé. Depuis 1798, les armées sont recrutées par conscription : tous les citoyens de vingt ans sont appelés, révisés, et incorporés par voie de tirage au sort. La garde nationale rassemble tous les citoyens valides de 16 à 60 ans, réunis dans des bataillons composés majoritairement de compagnies d’infanterie.

L’armée est réorganisée sous le Consulat en 1803. Elle comprend 90 régiments d’infanterie de ligne et 27 régiments d’infanterie légère. Cette distinction est apparue au milieu du XVIIIe siècle, pendant la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). L’infanterie de ligne combat en formation serrée, alignée face à l’ennemi, elle compose les compagnies au centre du bataillon. Son alignement sur plusieurs rangs permet une grande puissance de feu simultanée. Elle est principalement formée de fusiliers et de grenadiers, les voltigeurs et les tirailleurs sont utilisés pour le harcèlement. L’infanterie légère est généralement composée de chasseurs à pied et de carabiniers, chargés d’éclairer la marche des convois, servir d’avant-garde ou pour faire le service de tirailleurs. Un régiment compte deux à huit bataillons, subdivisés en compagnies dont une d’élite : les grenadiers pour la ligne, les carabiniers dans la légère.

En 1805, Napoléon possède une armée d’environ 450 000 fantassins qui représentent 70 à 75% de la Grande Armée. Formés au dépôt de leur corps pour un rudiment de formation, les fantassins se familiarisent avec la marche sur trois rangs ou en colonnes, apprennent à tirer au fusil, s’entraînent à l’escrime, aux armes blanches et surtout à la baïonnette. Les besoins accrus en soldats limitent le temps de formation et les dernières classes enrôlés comme les « Marie-Louise » découvrent les rudiments du combat au contact des plus anciens du régiment. Sur le terrain, une ligne de tirailleurs prépare l’action en avançant isolément. La première ligne de combat forme un front continu de compagnies alignées, avançant ou s’immobilisant. Un tir nourrit se fait sur trois rangs. La deuxième ligne est placée en colonne. Elle est destinée à affronter directement l’ennemi, soit en se plaçant en ligne, soit en abordant l’ennemi à la baïonnette par un choc brutal, soit en formant un carré face à une charge de cavalerie.

Qualifiée par Napoléon « reine des batailles », l’infanterie ne joue cependant pas un rôle décisif sur les champs de bataille au début du XIXe siècle.

Bibliographie

KRUG-BASSE (Jules), L’Alsace avant 1789, Paris-Colmar, Sandoz & Barth, 1876.

BELHOMME (Victor),Histoire de l’infanterie en France, Paris-Limoges, 1893-1902, 5 vol.

BACQUET (Louis-Hippolyte), L’infanterie au XVIIIe siècle, Paris-Nancy, 1907.

MARION (Marcel), Dictionnaire des institutions de la France des XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1923, p. 289-290.

BAUD (Georges), « Le régiment royal-italien à Huningue, 1744-1747 », Société d’histoire de Huningue et de sa région, 1991, n°36, p. 57-65.

CORVISIER (André), Histoire militaire de la France, Paris, 1992, tomes 1 et 2.

BELY (Lucien), Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, 1996, p. 662-663.

TULARD (Jean), Dictionnaire Napoléon, Paris, 1999, p. 920-926.

BLUCHE (François), Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, 2005, p. 753-754.

BILLEREY (Robert), « La montre d’armes de 1604 »,Bulletin de la société belfortaine d’émulation, n°98, 2007, p. 47-159.

Notices connexes

Alsace-Infanterie (régiment)

Arbalète

Artillerie

Arquebuse

Cadets-gentilshommes

Caserne

Conscription

Fähnlein

Feldordnung

Garde_nationale

Garnison

Génie

Milice

Philippe Jéhin