Impôts

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Impôts d’Ancien Régime

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Bede

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Don gratuit, Douane

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Ferme des impôts, Fiscalité, Finances

Gabelle, Gewerf

Maspfennig

Péage

Subvention

Taille

Vingtième

Impôts (Révolution, Consulat, Empire)

La Révolution met fin à la fiscalité d’Ancien Régime et abolit les impositions souveraines (État, seigneurs et villes), ainsi que les prélèvements seigneuriaux, mais en distinguant les rentes féodales et foncières (Fiscalité).

Les débats portant sur les prélèvements fiscaux, légaux ou non, avaient atteint leur paroxysme au cours des deux dernières années de l’Ancien Régime, marquées par les commentaires et les protestations de l’Assemblée provinciale et de la Commission intermédiaire, fort peu suivis d’effet. Hoffmann en a fait un tableau complet.

Quoique fort diverses à travers la province, les procédures pour la fixation du montant de la taille fixe ou variable ou gewerf étaient bien connues. Baillis et prévôts-schultheiss ou maires (Meyer) en avaient été le plus souvent les acteurs principaux. Ils tenaient compte parfois des déclarations des contribuables, après avis de jurés-répartiteurs ; ils arrêtaient, d’après le cours des produits – le plus souvent agricoles –, le montant de la taille variable. Les rôles où figurent les noms des contribuables et le montant des taxes étaient proclamés en assemblée générale des maires dans le bailliage de Ferrette. À Colmar, la taille des contribuables était levée sur la base d’une matrice : elle relevait la répartition des biens et fonds en classes dans le ban. Le recouvrement était confié aux maires ou aux jurés (geschworene). Baillis, maires et préposés avaient droit à un honoraire et banquetaient aux frais du contribuable, ce qui avait entraîné les remontrances du Conseil souverain, puis de la Commission intermédiaire. Les villes et seigneuries afferment le plus souvent la perception, pour un produit fixe ou proportionnel (Hoffmann, Alsace au XVIIIe, III, p. 483-402).

État des contributions directes acquittées, par les communes de la ci-devant province d’Alsace, en 1788 en livres (sans les sous et les deniers)

Subvention 311 250
Solde de milices  157 867
Abonnement des droits de courtiers-jaugeurs 34 505
Maréchaussée 68 651
Mendicité 24 054
Fourrages (diverses pensions mises à la charge de la province d’Alsace) 1 115 001
Capitation 637 845
Gages des officiers du Conseil souverain d’Alsace 55 046
Supplément des gages des officiers du Conseil souverain d’Alsace  1 569
Remboursement des quittances de finances provenant de la liquidation des offices dudit conseil  50 355
Abonnement des droits sur l’amidon, la poudre à poudrer, le papier 68 803
Canaux de Picardie, de Bourgogne, etc. 7 058 7 058
Indemnité des huissiers du conseil d’État 409
Frais communs, généraux et particuliers 1 110 356
Vingtièmes 764 461
Corvée 659 817
Abonnement de la ville de Strasbourg pour les accessoires de la capitation et pour les vingtièmes 147 068
Abonnement des clergés pour la capitation et les vingtièmes 171 572
Total 5 416 595
Basse Alsace 2 757 691
Haute Alsace 2 658 904

Hermann, Notices, p. 221-222.

Le nouveau système fiscal s’impose à une province harassée par les impôts et les « plaies que causent à la province une foule de commis » des bureaux des finances et recettes particulières.

Le nouveau système fiscal : les impôts qu’on appellera « les quatre vieilles »

La Constituante établit au printemps 1791 un nouveau système fiscal répondant au principe de l’égalité devant l’impôt, du point de vue du statut personnel (abolition des exemptions spécifiques de la noblesse et du clergé) et du point de vue territorial : tous les contribuables de tous les territoires de la Nation se voient appliquer les mêmes règles. Il restera en vigueur en Alsace-Lorraine jusqu’en 1903, alors que la France adopte en 1914 l’impôt progressif sur le revenu, levé à partir de 1917, et introduit en 1919 en Alsace-Lorraine.

Elle vote le 17 mars 1791 les principes de trois contributions directes : la foncière, la mobilière (revenus industriels et rentes) et la patente (revenus commerciaux), qui doivent être levés dès 1791. Pour l’ensemble du pays, elle fixe une somme forfaitaire pour chacune des contributions. Cette somme est répartie par départements, par districts, par communes.

En 1789 et 1790, la détermination de l’assiette, la répartition et le recouvrement sont confiés aux municipalités sous le contrôle des directoires départementaux et des districts.

Pour les prélèvements de 1791 et 1792, les rôles et matrices de la contribution foncière sont établis et ultérieurement modifiés par les maires, adjoints et cinq contribuables de la commune appelés répartiteurs. Ils dressent un état indicatif des différentes divisions ou sections du territoire de la commune, et en relèvent la consistance : maisons, terres labourables, vignes, prés, bois, jardins, etc., puis évaluent à partir de leurs déclarations les revenus des contribuables en fonction de la consistance et de la localisation de leurs biens dans chaque section.

Matrices et rôles se fondent sur les archives fiscales et en particulier sur les travaux d’établissement du cadastre entrepris par les intendants ; ils seront poursuivis par les administrations révolutionnaires et impériales. Ils sont corrigés, à la hausse le plus souvent, pour aboutir à la somme fixée par l’échelon supérieur, le district ou le département.

La contribution mobilière recouvre plusieurs taxes : 1) Trois jours de travail dus par tous les contribuables propriétaires, dont l’acquittement confère la qualité de citoyen actif. La valeur de la journée de travail est fixée par le département. À partir de l’an VII, elle est fixée à 1 franc 20 pour Strasbourg et les chefs-lieux de district, 1 franc pour les autres cantons, et 0,80 franc pour les plus pauvres (Candel, Diemeringen, Harskirch, Niederbronn, Villé, Dahn, Drulingen, Marmoutier, La Petite Pierre). La « journée de travail » sert aussi pour la détermination du montant des corvées, appelées désormais « prestations en nature ». 2) Une contribution proportionnelle au nombre de domestiques (l’homme valant deux femmes), au nombre de chevaux de trait, aux voitures. 3) Une taxe portant sur les revenus du commerce et de l’industrie calculée d’après le loyer du fonds de commerce. 4) Une taxe sur le traitement des fonctionnaires et pensionnés. 5) Une taxe d’habitation basée sur la valeur locative de l’immeuble d’habitation.

Enfin, la patente, dont le montant dépend du nombre d’habitants de l’agglomération, est prélevée auprès de ceux qui exercent commerce, industrie ou autres professions, d’après une liste qui comprend près de 500 métiers. Le rôle est établi par les agents communaux qui recensent maisons d’habitation, ateliers, boutiques et en évaluent le revenu locatif. La loi prescrit : « nul ne peut exercer d’activité commerciale ou industrielle qui ne paie patente ».

Le 4 frimaire an VII (24 novembre 1798), le Directoire adopte enfin l’indice le plus simple de la valeur locative des immeubles, celui du nombre des portes et fenêtres, portes cochères, charretières, entrées de boutiques. Même en exemptant granges, greniers et caves, ainsi que les ouvertures uniques des chaumières, l’établissement du rôle se heurte à de fortes résistances et recèle de nombreuses inexactitudes. L’impôt se révèle de faible productivité.

Dès 1798, la France dispose de ses « quatre vieilles »  : foncière, personnelle et mobilière, patente, portes et fenêtres.

La Constituante vote également des impôts indirects : l’enregistrement sur les actes de notaire, titres de propriété, droits de succession…, les droits de timbre frappant les actes publics, puis les droits de douane. De nombreux impôts extraordinaires viendront alourdir la charge du contribuable : contributions somptuaires, retenues pour subventions de guerre.

Les impôts locaux financent le fonctionnement des collectivités locales. Le système des « sous additionnels », ou « centimes additionnels » aux impôts d’État dont le montant est connu, intéresse les collectivités locales à leur prélèvement. En 1791, il s’agit de « 4 sous additionnels » sur la foncière et la mobilière, soit 20%, en sus du prélèvement d’État.

Le budget des communes est donc abondé par : 1) la retenue sur la perception des impôts d’État ; 2) la vente des produits de leur domaine, communaux et forêts ; 3) le vote de sous (puis de centimes) additionnels supplémentaires, autorisés par les autorités départementales ou ministérielles ; 4) divers droits et impôts de circulation, comme l’octroi.

Une nouvelle administration fiscale

Méfiante au départ devant l’administration fiscale d’Ancien Régime, la Constituante a supprimé les offices de receveurs généraux (General Einnehmer) et de receveurs particuliers. Elle confie le recouvrement à des « collecteurs » municipaux, qui prélèvent l’impôt par mois (et non pas par trimestre, semestre (par exemple de la Saint Georges à la Saint-Michel) ou par an (toutes les Saint-Michel), comme antérieurement). Dans les textes allemands des lois, décrets et règlements des départements du Rhin, (y compris les quatre nouveaux départements), le collecteur est appelé « Steuereinnehmer » ou « Steuereinzieher ». Les percepteurs, dont il est précisé qu’ils doivent savoir calculer, lire et écrire, si possible dans les deux langues, sont désignés par le Conseil municipal après adjudication de la collecte, pour une remise de 2 à 3 centimes du franc sur les deux impôts fonciers et personnels, ou nommés sans concours par la commune si l’enchère reste vaine. Ils remettent le produit de la collecte à des receveurs de district (Districtseinnehmer), élus pour six ans. En l’an VI (22 brumaire - 12 novembre 1797), le Directoire institue les « agences de contributions directes », avec des commissaires départementaux, de canton, de municipalité, et des « préposés aux recettes » chargés de vérifier les matrices et rôles.

Le Consulat revient à une administration financière de fonctionnaires spécialisés. La loi du 3 frimaire an VIII (24 novembre 1799) remplace les « agents départementaux » par les directions des contributions directes avec un inspecteur et des contrôleurs d’arrondissement qui vérifient matrices et rôles et instruisent les plaintes et les contentieux. Les percepteurs des villes de plus de 15 000 francs de recettes sont désormais nommés à vie et doivent déposer un cautionnement. Ils sont rémunérés par un pourcentage de 4% sur les collectes. Puis, dans les campagnes, les villages sont regroupés par groupes de 20 000 francs – en Alsace, 5 à 6 communes – et confiés à des percepteurs nommés à vie. Les sommes collectées sont transmises aux receveurs particuliers (d’arrondissement) et par eux au receveur général du département (1807). Des « porteurs de contrainte » (Zwangsbefehlträger), assurent la rentrée des impôts des contribuables récalcitrants. Ces « porteurs de contrainte » – appelés « garnisaires » dans d’autres départements – sont nommés par le receveur particulier. Ils élisent domicile chez le contribuable récalcitrant, qui lui doit logement, nourriture, et 1 franc par jour. Il est en mesure de relever tous les biens du défaillant et de préparer, le cas échéant les saisies ultérieures (ou de les précéder par la vente forcée immédiate en maison commune). Les abus des « porteurs de contrainte » et de leurs donneurs d’ordre étaient déjà bien connus (Hofmann, II, p. 445-446). Les contributions indirectes sont mises en « régie intéressée », nouveau nom de la ferme.

L’adoption de ce système nouveau est facilitée par le paiement de l’impôt, dès 1792, en assignats, mais ultérieurement, il faudra exclure les années du « papier-monnaie » pour l’évaluation des valeurs locatives et des revenus.

Fiscalité d’Ancien Régime et fiscalité révolutionnaire : une comparaison

Jean François Hermann, qui fut secrétaire du Conseil des XV en 1789, député aux Cinq-Cents et maire de Strasbourg (NDBA) et qui est un partisan modéré de la Révolution, donne un exposé complet sur l’introduction de la nouvelle fiscalité dans ses Notices historiques et littéraires.

Il établit une comparaison des pressions fiscales de 1788 et de 1791.

L’Alsace payait en 1788 en livres :

Impôts directs 2 757 691
Impôts indirects 1 298 000
Quart en sus représentant les exemptions des privilégiés 689 422
Total 4 745 113

Et en 1791 :

Contribution foncière 2 369 300
Contribution mobilière 503 000
Sous pour livre additionnels 574 460
Droit de patentes 200 000
Timbre et droit d’enregistrement, évaluation 1 000 000
Total 4 646 760

Apparemment, la Révolution a donc été bienvenue pour les contribuables. Mais Hermann reconnaît avoir sous-évalué les droits de timbre.

Le « reculement des barrières » au Rhin et l’établissement d’un nouveau tarif de douanes (1790-1791) ont introduit des droits de douane beaucoup plus élevés et privé la ville de Strasbourg d’une partie de ses revenus.

Droits de Douane

1788 Part de Strasbourg 218 458
  Part de l'État 91 077
1792 État 591 833

Enfin, les contraintes du contingent forfaitaire de contributions, à répartir entre circonscriptions et contribuables, avaient entraîné une majoration de la contribution foncière, d’autant plus que les Strasbourgeois se plaignent de n’avoir pas été exemptés de charges par la suppression des droits féodaux, comme l’ont été les paysans. Avec Hermann, qui reproduit le mémoire qu’il avait établi, Strasbourg demande donc l’indemnisation de la perte de ses revenus patrimoniaux douaniers, que, comme tous les privilégiés, elle n’obtient pas, et une révision de son contingent de contribution foncière. Mais les jurys, institués en 1797 pour réviser les rôles de la contribution dans le département du Bas-Rhin, concluent à une diminution de sa contribution du fait de la surévaluation de la valeur locative des importants terrains improductifs de son glacis et de sa banlieue. De nombreux autres cantons font également l’objet d’une révision.

En 1807, Strasbourg bénéficie de la mesure de suppression de la contribution mobilière, remplacée par l’octroi qui pèse principalement sur les grains, les vins, la bière, les bestiaux et est d’un rapport exceptionnel du fait de l’importance de la garnison et le passage de très nombreuses troupes.

Bibliographie

ABR 1 L 5 - 1 L 448-455-133 L 4. 133 L 18 b. Actes des Assemblées révolutionnaires.

P 40 Finances, affiches préfectorales concernant les contributions directes.

P 41 Circulaire du ministre des finances concernant les contributions directes.

P 80-81 Nomination des répartiteurs, répartement des contributions.

Annuaire du Bas-Rhin, an VII ; an VIII.

HERMANN (Jean Frédéric), Notices historiques, statistiques et littéraires sur la ville de Strasbourg, Strasbourg, 1819. Gallica.

AUFSCHLAGER (Jean Frédéric), Nouvelle description historique et topographique des deux départements du Rhin, Strasbourg, 1828, Gallica.

HOFFMANN (Charles), L’Alsace au Dix-Huitième siècle, Colmar 1907.

PONTEIL (Felix), La Situation économique du Bas-Rhin au lendemain de la Révolution française, Strasbourg, 1927.

SCHNERB (Robert), Les contributions directes à l’époque de la Révolution dans le département du Puy-de-Dôme, Paris, 1933.

L’HUILLIER (Fernand), Recherches sur l’Alsace napoléonienne, Strasbourg, 1947.

GODECHOT (Jacques),Les Institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, Paris, 1951.

MARX (Roland),Recherches sur la vie politique de l’Alsace prérévolutionnaire et révolutionnaire, Strasbourg, 1966.

IGERSHEIM (François), Politique et administration dans le Bas-Rhin (1848-1870), Strasbourg, 1993.

CONRAD (Olivier), Le conseil général du Haut-Rhin au XIXe siècle : les débuts d’une collectivité territoriale et l’influence des notables dans l’administration départementale (1800-1870), Strasbourg, 1998.

IGERSHEIM (François), L’Alsace politique 1870-1914, Strasbourg, 2016.

 

 

Notices connexes

Abonnement, Accise

Bede

Capitation, Cadastre, Corvée

Enregistrement

Ferme des impôts, Fiscalité, Finances des villes

Gabelle, Gewerf, Gefälle

Mobilière

Octroi

Patente personnelle et mobilière, Portes et fenêtres

Salz, Salzsteuer, Subvention, Succession (droits de)

Vingtième

François Igersheim