Hungertuch

De DHIALSACE
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Fastentuch, FastenlakeSegelVelum quadragesimaleVelum templi.

Selon une tradition, apparemment d’origine française, attestée aux alentours de l’an Mil, mais qui s’est répandue dès le XIe siècle, le maître-autel des églises catholiques était occulté, au début du carême, par un grand voile, suspendu entre le choeur et la nef, pour inciter les ouailles à la pénitence et au jeûne, en les privant de la vue de l’autel et des offices. Il n’était ouvert qu’à l’offertoire et à l’élévation et pendant la messe dominicale. On l’appelait aussi « velum templi » parce qu’on l’enlevait, le mercredi saint, au moment où, au cours de la lecture de la Passion, on arrivait à la phrase : « Velum templi scissum est ». Un « velum quadragesimale » figure dans des inventaires de 1470 et 1487 de la commanderie de Saint-Jean à Sélestat. Dans la langue populaire, il est aussi qualifié de Hungertuch, appellation manifestement imputable au jeûne sévère jadis pratiqué pendant le carême. À Rouffach, on croyait que le Fastentuech avait été appelé Hungertuch à cause de la famine qui y avait sévi en 1347, à la suite de laquelle on en a confectionné un portant cette date. Geiler de Kaysersberg évoque ce voile à deux reprises dans ses sermons et parle du « segel außgespannen zwischen dem chor und dem schiff der kirchen ». Il en existait un à Saint-Thomas, mentionné dans les comptes de 1415/16 (AMS 2 AST 52/XXIII, f. 8) et de 1514/15 (AMS 1 AST/832/9, f. 14 v°). Un inventaire de l’église paroissiale de Saverne mentionne « ein altt leynin weiss Hungertuch » (1544). Il en est aussi fait mention à Boersch en 1465, à Wissembourg en 1477 et 1494, ainsi qu’à Soultz, dans le Haut-Rhin en 1580. En 1579, le curé de Weyersheim déplore que sa paroisse n’en possède pas. La Kirchenordnung de Dannemarie de 1612 intime au Kirchwart de le dérouler la veille du mercredi des cendres : « uff Zinstag vor Aschermittwoch das Fastenthuech herabelassen ». Erstein en possédait un en 1625 et les Jésuites de Molsheim en acquirent un très grand (Velum praegrande) en 1629. Le ungertuech de Bergheim est encore attesté en 1785. Généralement en lin, il était ordinairement noir ou violet ; ainsi les Récollets de Saverne détenaient en 1573 « ein schwarz leinen fasttug, gemalt », mais il était blanc à l’église paroissiale. Grandidier évoque « des corporaux attachés ensemble avec des épingles ». Il pouvait aussi être peint, comme on vient de le voir ; en 1485, Clemens von Baden achemina de Bade, avec ses compagnons, celui qu’il avait peint pour l’église Saint-Georges de Haguenau au prix de 24 florins. Il pouvait aussi être orné de gravures, voire de scènes brodées. Celui de la cathédrale de Fribourg (1612) comporte une grande Crucifixion, bordée d’une vingtaine d’autres scènes de la Passion ; il était jusqu’à peu régulièrement accroché à l’entrée du choeur pendant le Carême, et à présent au fond du choeur. À Strasbourg, la tradition fut abolie par le Magistrat en 1525 et n’a pas été réintroduite en 1681, mais ailleurs, comme à Bergheim, elle a perduré jusqu’à la Révolution.

Bibliographie

GRANDIDIER, Cathédrale (1782), p. 377, note h.

GRIMM, Wörterbuch (1880-1970), t. 4/2/2, col. 1950.

WALTER (Theobald), Urkundenbuch der Pfarrei Rufach, Rufach, 1900, p. 25, n°26.

BRAUN (Joseph), Der christliche Altar, Munich, 1924, t. 2, p. 148-159.

PFLEGER (Luzian), « Analecta liturgica Argentinensia», AEKG3, 1928, p. 378-379.

BUCHBERGER (Michael), Lexikon für Theologie und Kirche. 2. Aufl., Freiburg i. Br., 1933, t. V, col. 200.

Der große Herder. Nachschlagewerk für Wissen und Leben, Freiburg i. Br., 1933, t. VI, col. 238‑239.

BARTH (Médard), « Das Fasten- oder Hungertuch im Elsass », AEKG 6, 1931, p. 406‑408.

VEIT (Ludwig Andreas), Volksfrommes Brauchtum und Kirche im deutschen Mittelalter, Freiburg i. Br., 1936, p. 97, 120, 125, 137.

Der große Brockhaus, Wiesbaden, 1954, t. V, p. 583.

ECKER-HUBERTI (Manfred), Lexicon der Bräuche und Feste, Freiburg i. Br., 2000, p. 163.

KECK (Fridolin), Das Freiburger Fastentuch 1612-2012, Freiburg i. Br., 2012.

Notices connexes

Carême

Mittwoch (Krummittwoch, Aschmittwoch, grosser-, hoher Mittwoch)

Louis Schlaefli