Hofleh(e)n

De DHIALSACE
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Le mot désigne un bien censitique héréditaire faisant partie intégrante, de génération en génération, de l’exploitation dans la mesure où une bonne partie des terres, tenues en propriété ou en fermage, sont rattachées d’office à cette dernière. En effet, le Hof renvoie à la signification même de la famille rurale qui repose, du moins dans les grandes exploitations, en vertu d’une conception délibérément verticale de la parenté, sur la lignée plus que sur le lignage qui se rattache au principe parental. En effet, les terres tenues en emphytéose se trouvent annexées à la ferme dont elles font partie intégrante et dont elles suivent la destinée. Les termes d’Erblehn et de Hoflehn expriment des réalités très proches : si le premier insiste sur leur caractère héréditaire, le second traduit l’indivisibilité de ces « biens attachés aux cours » (AHR E 132, Conseil souverain, 14 septembre 1775 ; AMS VII/70, Niederhausbergen, 1663 : « Gültgüter die… zu den Höfen eigentlich gehörig… »), constituant le noyau dur de l’exploitation (jusqu’à la moitié, voire les deux tiers de la valeur du patrimoine) et, par conséquent, confiés, de façon indivisible et inaliénable, au groupe familial représenté par l’héritier unique désigné par le père de famille (coutume dite de Ferrette). Une telle pratique, souvent considérée comme la condition même de la survie de l’exploitation, explique à la fois l’enchâssement de la famille dans la terre et la forte individualisation du patrimoine familial au point de conférer au Hof un nom (Hofnamen) fort différent du patronyme des occupants successifs. Si ce système, reposant sur l’indivision et l’inégalité, garantissant la double transmission du bien et du pouvoir, est répandu, sous diverses formes, dans les régions influencées par le droit romain (de la domus méditerranéenne à l’oustal des pays de langue d’oc et au « système à maison » de bien des pays européens), il n’en atteste pas moins l’appartenance de l’Alsace rurale à l’aire d’influence romano-germanique. Néanmoins, ces tendances individualistes ne semblent pas être assez vigoureuses pour compromettre l’esprit communautaire qui caractérise la campagne alsacienne, au demeurant fort diverse, géographiquement et socialement : ce dernier reste particulièrement fort sur les bordures de la plaine – Sundgau, Ried, Outre-Forêt – où le partage égal a toutes les chances de l’emporter.

Bibliographie

HOFFMANN, L’Alsace au XVIIIe siècle (1906), t.  I, p. 199-261.

AUGUSTINS (Georges), Comment se perpétuer ? Devenir des lignées et des destins des patrimoines dans les paysanneries européennes, Paris, 1989.

BOEHLER (Jean-Michel), Paysannerie, 1995, t. I, p. 161, 234, 266, 316, 340, 550, 556, 586-595, 631 ; t. II, p. 987, 1140, 1241, 1273, 1283, 1288, 1559, 1564, 1590, 1608.

BOEHLER (Jean-Michel), « L’art d’être propriétaire sans l’être tout en l’étant. Pratiques emphytéotiques dans la campagne alsacienne aux XVIIe et XVIIIe siècles », RA, 140, 2014, p. 79-96.

BOEHLER (Jean-Michel), LERCH (Dominique), Moissons d’histoire (XVe-XIXe siècle). Jean Vogt : un demi-siècle des recherches sur l’histoire rurale de la campagne alsacienne (1952-2005), Strasbourg, 2015, p. 326-330 et Bibliographie de Jean VOGT en rapport avec le sujet, numéros 409, 414, 436, 449, 451, 454, 459-461, 477, 480, 482, 499, 505, 516, 538,-540, 570, 576-577, 599-600, 613.

Notices connexes

Bauernlegen

Emphytéose

Erblehn

Gült

Hof

Jean-Michel Boehler