Hof (ferme, exploitation agricole)

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L’acception la plus ancienne de ce terme renvoie sans doute au sens originel du mot « Hof » en tant que centre juridique, administratif et économique (« curia ») d’un grand domaine seigneurial ou princier. C’est dans cette optique qu’en 1889 Karl Lamprecht en fait la caractéristique du « Hofsystem », d’essence domaniale, par opposition au « Dorfsystem » à caractère communautaire. Il est vrai que le terme de « Hof » concerne d’abord de grandes fermes, parfois considérées, sous le nom générique de « Hofgüter », comme des métairies, voire des colonges : par exemple, à Woellenheim, le Schultzenhof et le Neubürehof appartenant à l’abbaye de Grauftal dès la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle ; à Muntzenheim, le Freihof mentionné au siècle suivant, tout comme le Fleckensteinerhof à Kutzenhausen, tandis qu’à Stundwiller et à Birlenbach on se contente d’utiliser, pour les désigner, le terme générique de « Hofgut » suivi de la localisation géographique… On pourrait multiplier les exemples, mais la complexité de la situation va au-delà d’une opposition simpliste.

Connu dans le sud de l’Alsace et dans le Territoire de Belfort sous le nom de « chézal » ou de « courtil », ce terme revêt d’abord une acception topographique dans la mesure où il désigne un emplacement (Hofreite), pouvant qualifier le terrain sur lequel on bâtit l’habitation et, par extension, le cœur même de l’exploitation (Hof, Hofstatt) et sert d’ailleurs fréquemment de base aux opérations de dénombrement ou à l’assiette fiscale. Au sens littéral, il s’agit donc d’une entité spatiale qui s’inscrit dans le paysage villageois et se retrouve fréquemment dans les terriers qui dévoilent, du fait même, les éléments constitutifs du Hof en question. Ce dernier contient, outre la cour de la ferme elle-même, la maison d’habitation et les bâtiments d’exploitation (grange, chartil avec train de culture, étables avec cheptel), parfois un petit jardin attenant à la maison. Lors de la reconstruction de Kunheim, entre 1632 et 1650, le seigneur fait bien la distinction entre « Platzungen » (places vides) et « Hofstätten » (en l’occurrence, fermes en ruines), la structure ancienne restant durablement inscrite dans le tissu villageois (AHR 2 E 160 et 138 J 20). L’expression « Haus und Hof » désigne globalement la totalité du patrimoine foncier, dès lors que le terme de « Hof » devient synonyme d’exploitation, réalité qui est présente dans des locutions variées : « zu den Höfen des Ortes verteilt » en cas de distribution de communaux ; « wenn ein Hof ledig wird » en cas de vente ; « den Hof ausrufen » en cas de mise aux enchères… Pour peu qu’il ait quelque envergure, son propriétaire, le Hofherr, surveille d’un coup d’œil et parfois à l’abri des regards indiscrets l’ensemble de cet espace intérieur.

À l’inverse de Lamprecht, on serait donc tenté d’en conclure que le Hof caractérise l’habitat « groupé » ou « rapproché » par opposition à l’habitat « dispersé » ou « espacé » (expression utilisée pour la Bourgogne par André Deléage, 1941). En réalité, la diversité des situations se reflète dans la superficie qu’occupe le Hof, au sens matériel du terme, ce qui trahit, en définitive, l’importance, plus ou moins grande, des récoltes à stocker et du train de culture à abriter. En effet, loin de se réduire à une simple unité spatiale, le Hof renvoie à la notion même d’exploitation –  « ein grosser, ein kleiner Hof ». À Ostheim, un registre de contributions foncières de 1694, fait état de « Bauernhöfe », de « Mittelhöfe » et de « Taglöhnerhöfe » (AHR 18 J 587) ; il n’y a rien de commun, en effet, entre la masure du journalier, flanquée d’une petite étable souvent abritée sous le même toit (Eindachhaus), la ferme-cour en fer à cheval, à bâtiments dissociés et spécialisés, du laboureur cossu (Mehrdachhaus) et la ferme seigneuriale : on passe de quelques ares à quelques dizaines, voire à plus d’une centaine d’ares. Il en va de même de la valeur du Hof : de 200-400 à 1.300-1.500 et jusqu’à 3.000-3.500 livres au XVIIIe siècle. Signalons cependant que le Hof n’a rien d’exclusivement villageois : dans les villes, petites (Obernai) et grandes (Strasbourg, Mulhouse), nobles (adeliger Hof, Herrenhof) et bourgeois peuvent posséder un Hof qu’ils font exploiter par des fermiers selon des modalités de location variées, comparables à celles qu’utilisent, par exemple, les bourgeois de Strasbourg installés à demeure au XVIIIe siècle à la campagne (comme, à Kuttolsheim, les Goll, les Zoller et les Hummel).

Bibliographie

BOEHLER (Jean-Michel), Paysannerie (1994), t. I, p. 161, 234, 266, 316, 340 et 631 ; t. II, p. 1288, 1559 et 1564.

Notices connexes

Chézal

Colonge

Cour-courtil

Droit de l’Alsace

Erbgut

Erbleh(e)n

Ferrette (coutume de)

Haus (habitat rural)

Haus_(domus)

Hofleh(e)n

Hofstätte

Jean-Michel Boehler