Hof (curia, cour)

De DHIALSACE
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La cour est l’entourage rapproché d’un détenteur du pouvoir, roi ou seigneur immédiat de l’Empire. Elle est liée à sa personne et à sa résidence. Elle possède sa propre organisation : des offices spécialisés, une hiérarchie, un ordre protocolaire et dispose de locaux spécifiques. Au fil du temps, elle se distingue des organes de gouvernement ou des instances judiciaires (hofgericht, lehengericht) auxquels elle était liée à travers son maître.

En Alsace, le souverain n’a pas de siège permanent, à l’exception de la Pfalz de Haguenau dans laquelle séjournent fréquemment les Hohenstaufen, tel Frédéric II, qui y passe régulièrement l’hiver entre 1212 et 1220, puis y stationne en 1235-1236, ou de son fils Henri (VII), présent dans les années 1230. Le nomadisme du souverain donne lieu à des passages assez brefs dans les villes impériales où il a droit de gîte ou à Strasbourg, ses serviteurs et ses courtisans étant logés, comme lui, dans les maisons religieuses, les auberges ou des demeures privées. Le roi Sigismond Ier passe sept mois à Bâle, devenu l’épicentre de l’Empire (11 octobre 1433-11 mai 1434), au moment où s’y tient le concile. C’est sous le règne de Maximilien Ier, pour des raisons géopolitiques liées à l’héritage bourguignon de sa femme, que les séjours sont les plus fréquents, à Colmar, où il loge au couvent des Dominicains et envisage de réunir la diète d’Empire (1493), Strasbourg et Haguenau. Leur durée maximale est de deux mois (Colmar, mars 1493, Haguenau, mi-novembre 1512-mi-janvier 1513, novembre-décembre 1516).

Les grands seigneurs possessionnés en Alsace entretiennent également une cour dans leur chef-lieu. Ainsi, les ducs d’Autriche, qui vivent le plus souvent dans leurs terres du Danube ou au Tyrol (pour les branches cadettes, de 1411/1426 à 1490, puis de 1564 à 1648) : Ensisheim ou Thann les accueillent dans leurs châteaux, tandis que la duchesse douairière Catherine de Bourgogne s’installe à Belfort avec ses serviteurs entre 1415 et 1426 : c’est le seul exemple d’une princesse établie dans ses terres alsaciennes.

Installé à Heidelberg, le comte palatin est le centre de gravité du bailliage impérial de Haguenau entre 1408 et 1504 puis 1530 et 1558 et, de ce fait, attire à lui de nombreux courtisans ou se déplace avec eux. Il en va de même des comtes, puis ducs de Wurtemberg, dont Montbéliard est une des résidences les plus courues, Riquewihr pouvant servir de dégagement, notamment lorsqu’elle abrite des cadets, comme le comte Georges apanagé entre 1514 et 1558 ou, ultérieurement, les descendants de celui-ci décrits par la baronne d’Oberkirch à la fin de l’Ancien Régime.

Les petites cours des princes possessionnés mouvant de la province d’Alsace ont succédé à celles des dynastes indigènes comme les Ribeaupierre, les seuls, avec les Lichtenberg à pouvoir se prévaloir d’un statut supérieur. Jusqu’à leur extinction en ligne masculine, en 1673, les premiers entretenaient un train de vie proche de celui de petits princes (bien que leur immédiateté fût contestable) : cette situation se vérifie surtout au XVIe et au XVIIe siècle, lorsqu’ils cessent d’exercer des grands commandements ou de paraître à la cour impériale. En 1496, le service du château de Ribeauvillé et ses dépendances rassemble 58 personnes ; on en compte 44 en 1571 (y compris les extras), et 88 au début du XVIIe siècle, les nobles étant exclus de ce total. Les Deux-Ponts-Birkenfeld qui prennent leur suite, les comtes de Hanau ou les landgraves de Hesse-Darmstadt qui succèdent aux Lichtenberg valorisent le site de Bouxwiller, mais il existe encore d’autres lieux susceptibles de jouer le même rôle.

Strasbourg, Saverne, Dachstein, Rouffach ou Ettenheim sont les résidences du prince-évêque de Strasbourg (tout comme Bâle, puis Porrentruy, pour l’évêché de Bâle). L’organisation curiale s’y développe d’autant plus que le prélat exerce des pouvoirs temporels et spirituels plus structurés que ceux des grands seigneurs laïcs. L’hôtel épiscopal est régi par un maître d’hôtel (hofmeister), épaulé par un vidame (vitzthum) choisis parmi les vassaux, auxquels reviennent les différents offices. Ces fonctions honorifiques se doublent d’une dimension politique réelle, à la tête de l’administration des territoires. La domesticité, nombreuse, se répartit selon ses spécialités. L’étude reste à faire du Moyen Âge central jusqu’à l’avènement des Rohan.

Les principautés ecclésiastiques plus modestes n’ont pas vraiment de cour, si ce n’est dans des circonstances exceptionnelles, lors de l’intronisation de leur chef ou dans des cas limités (cours féodales). La plus illustre d’entre elles, Murbach, se distingue à la fin du XVIe siècle lorsque le cardinal André d’Autriche vient résider à Guebwiller avec une suite de 200 personnes, mais c’est un cas unique (et éphémère). Dans le cérémonial introduit ou rétabli à l’abbaye de Munster à la fin du XVe siècle, deux officiers (nobles ?) sont chargés de porter le sceptre et l’épée de Dagobert aux côtés de l’abbé revêtu de ses ornements pontificaux, mais on ne peut pas vraiment parler d’une cour permanente. En revanche, le Salbuch de l’abbaye d’Andlau, transcrit en 1348 donne un organigramme complet de l’entourage de l’abbesse : outre le maître d’hôtel (hofmeister), qui est alors Henin de Ratsamhausen, et qui subsiste jusqu’au XVIIIe siècle en tant qu’obristhofmeister, celui-ci comprend un cuisinier (küchenmeister), un maréchal (marschalk), un échanson (schenck) et un chambrier (kammerer) pris parmi les bourgeois d’Andlau.

Ces officiers, qui ne paraissent pas avoir exercé en permanence, doivent être considérés comme une relique de la ministérialité du XIe et du XIIe siècle, ou comme une réplique, à l’échelle locale, des usages observés dans les cours royales ou dans celles de la haute aristocratie.

Ils font partie de la familia et leur fonction est en rapport direct avec l’entretien de la maisonnée. Il arrive que les offices s’identifient à des familles et deviennent des patronymes à l’exemple du nom truchsess (écuyer tranchant), qui peut être associé à une résidence (Truchsess von Rheinfelden, von Wolhausen, von Waldburg), de celui de schenck (Schenck von Stauffenberg), etc. Avec la modernité, à partir de la Renaissance, on assiste à une inflation de termes, par l’adjonction du préfixe erb (Erbmarschall von Pappenheim, erbschenck) ou de hof (hofmarschalk, hofkoch, hofschmidt… chez les Ribeaupierre).

Dans les principautés les plus avancées, comme la Bourgogne des grands ducs, le Palatinat, le Wurtemberg, la fin du Moyen Âge se traduit par la mise en place de règlements qui codifient les relations du prince, des courtisans et de la domesticité, encadrent les comportements (calendrier, tenue, services, obligations) et définissent l’étiquette selon les circonstances. Cette curialité qui se situe à la rencontre de l’histoire culturelle et de celle des institutions a fait l’objet de nombreux travaux d’historiens allemands dans le cadre de la Residenz-Kommission de l’Académie de Göttingen.

Bibliographie

La liste des publications de la Residenz-Kommission se trouvent sur le site internet http://resikom.adw-goettingen.gwdg.de

Pour l’Alsace :

FALLER (Robert), « Le château de Ribeauvillé », Bull. de la SH de Ribeauvillé, 7, 1938, p. 33-63.

HERZOG (Émile), « Der Rappoltsteiner Hofbarbier », Bull. de la SH de Ribeauvillé, 1937, p. 19-31.

JORDAN (Benoît), La noblesse d’Alsace entre la gloire et la vertu : les sires de Ribeaupierre, 1451-1585, Strasbourg, Société savante d’Alsace, 1991.

MEYER (Octave), La Régence épiscopale de Saverne, Strasbourg, 1935.

XAYSONGKHAM (Stéphane), La maison du Cardinal de Rohan ou château de Saverne, Strasbourg, Société savante d’Alsace, 2014.

Notices connexes

Bâle (concile de)

Château fort

Dinghof, Domesticité urbaine, Droit de l’Alsace (service vassalique)

Échanson, Empire

Familia, Féodalité, Fürsten (princes possessionnés)

Haguenau, Hanau-Lichtenberg, Hof, Hofgericht, Hofmeister

Kuchenmeister

Lehengericht

Marschalk

Prince évêque

Ribeaupierre

Schenk, Strasbourg

Truchsess

Georges Bischoff