Herrenstube

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Herrentrinkstube, Stubengesellschaft, poêle des notables

Généralités

Des poêles (Trinkstuben) constituaient anciennement le lieu de réunion de différents groupes sociaux. Dès le XIVe siècle, il en existait, par exemple à Strasbourg (zum Hohen Steg, zum Mülnstein…), à Mulhouse (Edelleut Trinkstube) ou à Ribeauvillé, qui étaient réservés aux nobles. Colmar disposait d’une pfaffenstube en 1358 ; à la même époque, le Wagkeller était le poêle des notables, appelé ailleurs Herrenstube, le nom Herr s’appliquant notamment aux membres du Magistrat, aux nobles et au clergé, ainsi distingués des bourgeois qui se retrouvaient dans la Bürgertrinkstube et surtout des artisans groupés dans les corporations qui disposaient de Zunftstuben. La Ratstube, qui pouvait coexister, servait au magistrat local, mais la Herrenstube de Benfeld était, en fait, la Trinkstube des conseillers. À Altkirch également, les conseillers du Magistrat se rendaient à leur Herrenstube après les séances et les réunions des différentes commissions pour y boire et manger aux frais de la ville ; en 1640, ces dépenses correspondaient au septième des recettes et au quart des dépenses de la ville. Haguenau disposait de trois drinkstuben, la Ober- et la Niederstube réservées aux nobles, et la dernière, qui avait son siège à l’hôtel de ville, destinée aux seuls membres du Conseil. En 1462, le nouvel hôtel de ville d’Obernai est appelé « die neue Herrenstube ». L’Ammeisterstube de Strasbourg n’était, en fait, pas une Herrenstube, même si, à l’occasion, elle portait ce nom. Bien plus, ce « Poêle des consuls ou seigneurs » avait son siège au poêle zur Luzern (À la Lanterne) dans la Herrenstubgasse (1681), devenue rue de la Lanterne. Ces mentions révèlent l’ambivalence du mot Herrenstube.

À Saverne, par contre, les nobles et les notables se réunissaient dans la Herren- oder Edelleuttrinkstube. Celle de Sélestat comportait les membres du Magistrat, des clercs ainsi que des nobles de la ville et des environs. La ehrlig stub de Guebwiller était réservée à la noblesse et à la hohe Geistlichkeit. À Rouffach, en 1613, la Stubenhitzgesellschaft comptait dans ses rangs le curé et le gardien du couvent des Franciscains, outre les notables locaux.

Dans certaines Herrenstuben au vrai sens du terme, furent néanmoins admis, parmi les notables, des fonctionnaires importants comme le greffier-syndic ou celui du tribunal, l’architecte de la ville, le maître de l’hôpital, en général des personnes honorables ; ce fut le cas à Rouffach. À Molsheim figuraient même parmi les « gemeine Gesellen » le Rebmeister, le Dinghofmeyer, le meunier épiscopal, le maître d’école et le sacristain.

Dans tous les cas, les membres payaient un droit d’entrée et une cotisation annuelle (stubenhitz à Kaysersberg). Tous avaient obligation de se rendre aux convocations, sous peine d’amende. À leur tête se trouvaient le ou les Stubenmeister, élus pour un an. À Molsheim, il y en avait deux : l’un du clergé et l’autre de la noblesse et des autres compagnons ; le clerc devait être élu par les laïcs et le laïc par les clercs. Ils dirigeaient la société qui leur devait obéissance et géraient les finances. Ils étaient généralement secondés par un Hauptkann qui s’occupait de l’intendance (repas, luminaire, jeux…), aidé parfois par un valet (Stubenknecht), voire par un cuisinier (Küchenmeister), tous astreints au secret.

Les Herrenstuben étaient soumises à des règlements stricts, souvent copiés les uns sur les autres, portant sur l’admission des membres, les droits d’entrée, les cotisations, les Stubenmeister et leur personnel et surtout sur la conduite des membres. Assez généralement, il est fait état d’injures, d’excès de boisson, de querelles, de bris de vaisselle… Le règlement de Molsheim insistait sur les méfaits, délits et crimes. Il faut dire que la plus ancienne mention de l’institution correspond à un bain de sang. Les dissensions entre les nobles de Rosheim et les Rebstock, avaient entraîné, en 1374, le massacre de 3 membres de la famille des Rosheim à Strasbourg « auff ihrer trinkstuben ». Les Rebstock, bannis de Strasbourg pour dix ans, se replièrent à Molsheim. L’année suivante, le soir de la Saint-Valentin, sur dix d’entre eux qui dînaient « auf der junkherren trinkstube » à Molsheim, huit furent poignardés par les Rosheim qui y avaient fait intrusion.

Les membres pouvaient se retrouver dans leur poêle, pour y manger, boire, jouer, le soir, mais surtout à l’occasion des grandes fêtes religieuses (Noël, l’Épiphanie, Pâques…) et profanes (Nouvel an, carnaval, prestation de serment, foire…). Kollnig insiste sur le rôle des Herrenstuben dans l’émergence et la diffusion de la tradition du sapin de Noël en Alsace : « In Schlettstadt wurden nach der Schilderung des Chronisten Beck vom Jahre 1600 die „meygen” in der Herrenstube am Abend vor Weihnachten aufgerichtet und mit Äpfeln und allerhand Zierat geschmückt, um dann am Dreikönigstag von den Buben der Ratsherren und der Stubengesellen wieder geplündert zu werden. Schließlich liegen auch aus Straßburg ähnliche Berichte vor, denen zufolge im Jahre 1605 in der Herrenstube Weihnachtsbäume aufgestellt wurden, geschmückt mit farbigem Papier, mit Äpfeln, Oblaten, mit Zischgold und Zuckerwerk. Die Vermutung liegt nahe, daß sich der Übergang des Wintermaien zum Weihnachtsbaum und vor allem dessen vielfältige Auschmückung in den städischen Herrenstuben vollzog … Von den Herrenstuben aus – so dürfen wir schließen – fand der geschmückte Tannenbaum im Haus, in der Familie, bald Eingang ». La société de Sélestat disposait même de bains (Badhus vor dem Illtor) et celle de Colmar organisait des Badefahrten. Il est souvent fait mention de jeux de cartes, de dés… : à Molsheim, le « Spilgelt … uff der Edellute stube » revenait à l’évêque.

Le local pouvait être mis à la disposition des membres pour des fêtes familiales, spécialement les banquets de noces, ou loués à des particuliers contre rétribution.

Les Herrenstuben furent florissantes aux XVe et XVIe siècles, mais celle de Molsheim a disparu avant 1580, beaucoup d’autres au cours de la guerre de Trente Ans et ailleurs elles ont disparu, sans qu’il en soit fait mention, avant la Révolution. Pour celle d’Ammerschwihr, il subsiste les listes des membres de 1665 à 1825, mais il convient de préciser qu’elle fut réorganisée en 1781 et prit le nom de « Ehrenbruderschaft des hl. Stephani ». Celles de Molsheim, Ribeauvillé et Zellenberg jouissaient du droit d’asile. 

Liste des Herrenstuben (et autres) répertoriées par. L. Sittler :

Altkirch, Ammerschwihr, Benfeld, Bergheim, Colmar, Erstein, Guebwiller, Guémar, Habsheim, Haguenau, Hunawihr, Kaysersberg, Kientzheim, Marmoutier, Mittelwihr, Molsheim, Mulhouse, Munster, Neuwiller-les-Saverne, Obernai, Ostheim, Saverne, Ribeauvillé, Riquewihr, Rouffach, Sélestat, Sigolsheim, Soultz (68), Strasbourg, Turckheim, Wuenheim.

Bibliographie

SEYBOTH (Adolph), Das alte Strassburg vom 13. Jahrhundert bis zum Jahre 1870. Geschichtliche Topographie nach den Urkunden und Chroniken bearbeitet, Strasbourg, s.d. (1890), p. 55, 73.

PFLEGER (Alfred), « Die Schlettstadter Herrenstuben und die Stubengesellschaften », JGSL, 1917, p. 38-70.

SCHNEIDER (Camille), Der Weihnachtsbaum und seine Heimat, das Elsaß, Stuttgart, 1929.

KOLLNIG, Els. Weistümer, (1941), p. 155.

SITTLER (Lucien), « Les Herrenstuben en Alsace », RA 110, 1984, p. 75-96, avec importante bibliographie.

SCHLAEFLI (Louis), « Notes sur les Trinkstuben de Molsheim », SHAME 1985, p. 57-62.

SCHLAEFLI (Louis), « La « Herrenstube » de Molsheim au XVIe siècle », SHAME 1992, p. 37-49.

Notices connexes

Asile, Artisanat, Auberge

Bains

ChevalerieCorporation

Danse

Edelleutstuben, Ehrenstubgesellschaft

Gastronomie de l’Alsace

Hauptkann

Jeu

Poêle des bourgeois

Ratstube

Trinkstube

Zunftstub

Claude Betzinger

Herrenstube (Colmar) – Société et poêle des patriciens, Wagkeller

À Colmar, la société des patriciens se nommait zum Wagkeller, nom du poêle dans lequel ils se réunissaient. Ces patriciens (et autres membres de la « bonne société ») étaient « les messieurs du conseil, les fonctionnaires supérieurs, une partie de la noblesse locale, les docteurs, les commerçants et les artisans considérés, ainsi que beaucoup de seigneurs et baillis des environs […] qui se retrouvaient ici en bonne compagnie pour passer le temps à jouer et à faire ripaille ». Les activités les plus prisées étaient les « vacances » à la campagne, dans des maisons équipées d’un bassin (Badefahrt), et la cure thermale annuelle à laquelle participait aussi le clergé, non seulement de Colmar, mais encore d’ailleurs (Munster, Issenheim…). Stubenmeister et Küchenmeister veillaient au bon fonctionnement du lieu et aux agapes. Les finances étaient assurées par le droit d’admission des membres, par des rentes foncières et une pièce de vigne à Kientzheim (depuis 1593) (Comptes : AMC, HH, 1-11/8-11). Les quelque cinquante membres du début du XVIe siècle n’étaient plus qu’une vingtaine à la fin du XVIIe et une douzaine à la fin du XVIIIe. Les registres des membres existent pour les années 1539, 1579 et 1763 (AMC, HH, 1-11/2).

Le Wagkeller est cité dès 1410 comme trinkstube et en 1434 comme Herrentrinkstube. À partir de 1459, il abrite aussi l’Hôtel de ville ; en 1698, il doit céder la place au Conseil_souverain. Aux XVe et XVIe siècles, le bâtiment sert aussi de salle de concert lors de la visite d’hôtes de marque. Il était situé à l’angle des actuelles rue des Augustins et Grand’Rue, dans le quartier dit Blumysenort, et subit divers remaniements qui finiront par l’inclure dans le tribunal de grande instance.

Une Herrenstube plus ancienne est celle des chanoines (qui étaient aussi des Herren) de la collégiale Saint-Martin. Elle est attestée en 1394 par la mention : Uff dem Kilichof [le cimetière Saint-Martin]… ein hus, ist der tumhern trinkstuben … gegen sant Martin der kilichtùr uber (AHR 24H 2/3 no156). Les chanoines possédaient donc leur propre Trinkstube, même si l’on ignore sa destinée.

Bibliographie

Curiosités d’Alsace, notice « Wagkeller », 2, 1862, p.  56-78 (attribuée à F. Chauffour par L. Sittler).

WALDNER (Eugen), « Auf einem Rundgang durch Colmar », Colmar, 1900, p. 15.

SITTLER (Lucien), « Les « Herrenstuben » en Alsace », RA 110, 1984, p. 75-96 (Colmar, p. 85-87).

SCHERLEN (Auguste), Topographie du vieux Colmar, Colmar, 1996, p. 185-189.

BRAEUNER (Gabriel) et LICHTLÉ (Francis), Dictionnaire historique de Colmar, Colmar, 2006, p. 272.

Notices connexes

Colmar

Wagkeller

Monique Debus Kehr

Herrenstube (Strasbourg)

C’est ainsi que fut appelé l’ancien poêle de la tribu de la Lanterne (zur Lucern ou Latern, dont l’immeuble existe encore de nos jours, 18, rue du Vieux-Marché-aux-Grains), où dînaient tous les jours les Stett- et Ammeister de la Ville. Une ordonnance de la chambre des XV de 1585, leur rappela cependant de ne pas trop s’attarder à table, afin d’être de retour à l’hôtel de ville à une heure après-dîner, sous peine d’amende. À noter aussi, que jusqu’au 27 février 1790 les séances de la Société des Amis de la Constitution de Strasbourg (fondée le 15 janvier 1790) se tinrent à la Herrenstube, avant d’occuper la salle du poêle des Cordonniers.

Bibliographie

Registre des procès-verbaux de la Société des Amis de la Constitution de Strasbourg, t. 1, AMS, 1MW111.

HERMANN (Jean-Frédéric), Notices historiques, statistiques et littéraires sur la ville de Strasbourg, 2 vol., Strasbourg, 1817-1819, t. 2, p. 443.

HEITZ (Friedrich Carl), Das Zunftwesen in Strassburg, Strasbourg, 1856, p. 48.

Claude Betzinger