Hanau-Lichtenberg (comté de)

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Nom donné à partir de 1480 à l’ensemble constitué par la seigneurie de Lichtenberg (avec Bouxwiller) et les territoires des comtes de Hanau (en Hesse avec pour résidence Hanau). Désigne plus particulièrement la partie alsacienne du comté.

Historique

La seigneurie de Lichtenberg et le comté de Hanau

Les Lichtenberg sont une famille noble apparue en 1206 et devenue au XIVe siècle la lignée la plus puissante de Basse-Alsace. Le nom de Lichtenberg apparaît en 1206 avec Rudolfus de Lichtenberg, archidiacre du chapitre de Strasbourg. La famille agrandit ses possessions en succédant aux Hunebourg à la charge de l’avouerie de l’abbaye de Neuwiller-les-Saverne, dont Bouxwiller et Ingwiller dépendent. Le château de Lichtenberg est fondé dans un district forestier appartenant à l’abbaye. Puis, au milieu du XIIIe siècle, ils obtiennent l’avouerie de la ville de Strasbourg et trois Lichtenberg sont élus évêques de cette ville, Conrad de 1273 à 1299, son frère Friedrich de 1299 à 1306 et Johann de 1353 à 1365. Puis ils acquièrent dans la seconde moitié du XIIIe siècle des domaines sur la rive droite du Rhin autour du château de Lichtenau. En 1332, ils achètent les droits et possessions des derniers landgraves de Basse-Alsace, les sires de Werd, entre Brumath et Niederbronn. Ils prennent la précaution de décider qu’en cas d’extinction d’une des branches de la famille, les biens iraient aux survivantes. Le XVe siècle est marqué par un effort de création d’unités administratives et de centralisation et aussi par des conflits avec trois autres lignées, les Hohen-Geroldseck, les sires de Fleckenstein, et les comtes de Leiningen-Linange : cela se termine en 1451 par un conflit armé où les Lichtenberg sont vainqueurs.

Le seul Lichtenberg à avoir porté le titre de comte est Jacob (1416-1480), dernier de la dynastie et sans descendance et son frère cadet décédé avant lui et père de deux filles, Ludwig V (1418-1478). En 1451 éclate un conflit qui embrase toute la région entre Sarre et Rhin, opposant Jacob et les Leiningen-Linange et Jacob en est sorti vainqueur. Il est surtout connu pour sa maîtresse Barbe d’Ottenheim, à la réputation de sorcière, ce qui provoqua un conflit de dix ans avec son frère cadet qui était un guerrier. Par un accord avec Jacob, il fait désigner ses deux filles comme les seules héritières du comté, ainsi partagé entre ses deux gendres Sigmund von Zweibrücken-Bitsch/Deux-Ponts-Bitche et Philippe Ier de Hanau, un partage effectué à la mort de Jacob en 1480. La famille s’éteint en 1480 après la mort du comte Jacob, qui laisse aux deux filles de Ludwig V, Anna et Élisabeth, un vaste domaine s’étendant de part et d’autre du Rhin, englobant plus de 200 localités et plus de 30 châteaux.

Le comté de Hanau-Lichtenberg

Le comté est partagé entre les deux gendres de Louis V, Philippe Ier comte de Hanau (comté situé en Hesse, près de Francfort) et Symon Wecker de Deux-Ponts-Bitche dont la branche s’éteint en 1570, permettant ainsi la réunification de l’ensemble, désormais intitulé comté de Hanau-Lichtenberg. Philippe Ier meurt la même année 1480 et son fils Philippe  II (1480-1504) séjourne peu en Alsace, alors que son petit-fils Philippe III (1504-1538) se montre ouvert aux idées humanistes et crée en 1528 l’hospice de Bouxwiller (qui existe encore aujourd’hui sous le nom d’hôpital rural). Il a été très affecté par le sac de Bouxwiller par les rustauds de Cleebourg en 1525, ce qui le fait hésiter à adopter la Réforme.

Son fils Philippe IV (1538-1590) introduit la Réforme en 1545 et transforme Bouxwiller en capitale du comté avec des institutions politiques, financières et ecclésiastiques. Il y construit un beau château Renaissance, détruit à la Révolution. En 1570, il réunit la totalité des anciennes possessions du comté. Il fait alors rénover par l’architecte Daniel Specklin le château de Lichtenberg sans faire appel à une contribution de ses sujets. Il a un très beau monument funéraire à la chapelle du château de Lichtenberg.

Son fils Philippe V (1590-1599) avait la passion de la fauconnerie et de l’élevage des chevaux. Il a fait ouvrir un atelier de monnaie à Ingwiller et rendu les bains de Niederbronn accessibles à tout le monde. Il a été enterré à côté de son père au château de Lichtenberg.

Au XVIIe siècle, les comtes ont eu à subir les troubles provoqués par les passages de troupes avec leur cortège de pillages et de famines. Hans Reinhard Ier (1594-1625) a créé en  1612 le collège de Bouxwiller (dont on a fêté le 4e centenaire en 2012) : institué sur le modèle du Gymnase de Strasbourg, il a porté également l’appellation de Gymnase. Il fait du comté la seigneurie la plus alphabétisée en Alsace et fait construire à Bouxwiller la première église protestante en Alsace. Il fonde en 1616 le village de Reinhardsmunster, qui sera converti au catholicisme sous Louis XIV. Son fils Philippe Wolfgang (1625-1641) ouvre les portes de ses villes aux garnisons françaises pour les épargner.

Friedrich Casimir (1641-1685) a voulu créer une colonie de près de 100 000 km² en Amérique latine, une chimère qui a échoué. Il encourage la plantation d’arbres fruitiers (pruniers) : à Westhoffen chaque nouveau couple de jeunes mariés doit planter deux arbres fruitiers. Il fait recenser les terres et habitats laissés vacants par la guerre de Trente Ans, en obligeant les propriétaires survivants à déclarer leurs biens : les biens vacants deviennent propriétés du comté qui se charge de les réaffecter à l’usage des immigrés, soit en les louant, soit en les vendant. Son frère Hans Reinhard II, décédé en 1666, transfère le siège du comté de Lichtenberg à Bouxwiller, à la suite du serment de vassalité prêté à Louis XIV en 1680. En 1658, il fait construire une nouvelle chancellerie (actuel Hôtel de Ville) à Bouxwiller.

Hans-Reinhard III (1688 à 1736) est le dernier comte de Hanau-Lichtenberg au XVIIIe siècle. Par lettres patentes d’avril 1701, Bouxwiller est exemptée de garnison. En 1712, il règne aussi sur le comté de Hanau-Münzenberg sur la rive droite. Il a été un grand bâtisseur : après avoir obtenu tous les droits sur Brumath auprès de l’archevêque de Mayence, il construit le château de Brumath (1720) – transformé en église protestante en 1804 –, l’hôtel de Hanau à Strasbourg, appelé ensuite palais de Hesse-Darmstadt et devenu aujourd’hui l’Hôtel de Ville de Strasbourg. Hans Reinhard III avait une fille unique, Charlotte-Christine, qui épouse en 1717 Louis VIII, prince héritier du landgraviat de Hesse-Darmstadt. Elle hérite du comté de Hanau-Lichtenberg, transmis directement à leur fils Louis IX.

Le landgraviat de Hesse-Darmstadt : Louis IX et Caroline

Hans-Reinhard a transmis directement sa succession à son petit-fils Louis IX (1719-1790), seul représentant de la dynastie en Alsace. De 1736 à 1789, les landgraves de Hesse-Darmstadt ont donc le statut de princes possessionnés du comté de Hanau-Lichtenberg. Louis IX était un homme solitaire, lunatique et passionné par les armes. Il composa des centaines de marches militaires au tambour. Pour cela, il résida en dehors du royaume de France, à Pirmasens, une bourgade du Palatinat actuel qu’il transforma en résidence princière et en ville de garnison. Ce n’est qu’en 1774 qu’il transféra sa capitale à Darmstadt. À sa mort en avril 1790, malgré le début de l’effervescence révolutionnaire, toutes les localités du comté ont fait sonner le glas et célébré un office funèbre selon la tradition. Louis IX est surtout connu par sa femme Caroline, fille du duc de Deux-Ponts Christian III et arrière petite-fille du dernier comte de Ribeaupierre, Jean Jacques de Ribeaupierre, à qui il a laissé le gouvernement de Bouxwiller. Elle a vécu de 1704 à 1774. Pendant que son mari jouait au soldat à Pirmasens, elle a passé 18 ans de sa vie conjugale à Bouxwiller, où elle a été surnommée « la grande Landgravine ». C’est elle qui a exercé de fait comme régente la gouvernance du landgraviat de Hesse-Darmstadt après la mort de Louis VIII. Elle a su créer une cour brillante à Bouxwiller, a fait aménager un grand jardin avec une Orangerie (transférée à Strasbourg sous la Révolution) avec des statues copies d’antiques (en partie conservées dans le parc de l’hôpital actuel) ; elle a marié ses cinq filles à des têtes couronnées. Elle a noué des relations avec tous les grands d’Alsace, y compris les cardinaux de Rohan, alors qu’elle était une protestante convaincue mais d’esprit ouvert. Elle a entretenu une correspondance de plusieurs milliers de lettres, la plupart dans un français remarquable, avec de nombreux correspondants du monde des Lettres, dont Diderot, Voltaire et Grimm : cette correspondance a été publiée en 1877 en 2 volumes par Ph. A. Walther, Briefwechsel der großen Landgräfin Karolina von Hessen. Caroline a constitué une bibliothèque de près de 3 000 titres, transférée à Darmstadt en 1790. Elle éprouva une grande sympathie pour le roi de Prusse Frédéric II et prit son parti pendant les grandes guerres européennes : guerre de succession d’Autriche de 1740-1748. Résidant alors en Prusse, elle le soutint encore pendant la guerre de Sept Ans opposant la Prusse et l’Angleterre à l’Autriche et la France de 1756 à 1763.

Leur fils Louis X (1753-1830) transfère les services de la régence et du consistoire de Bouxwiller à Darmstadt en 1790. Louis X a fait partie des princes possessionnés qui votent le conclusum de la Diète de Ratisbonne du 22 mars 1793 et provoquent la guerre avec la France le 3 juin 1793. Ses biens sont saisis et vendus, mesure anticipée par l’administration bas-rhinoise qui avait qualifié les Hesse-Darmstadt d’émigrés. La vente s’étend sur les biens répartis dans 56 villages d’Alsace du Nord, à Brumath (le château) et à Strasbourg (ABR Q 2516-2518 et Q 2530-2535). Il n’est pas sûr que les Domaines aient fait une bonne affaire car ils confisquent les biens avec leurs dettes, or les biens sont largement hypothéqués, ce qui facilitera les règlements de 1801. La Paix de Lunéville (1801) consacre la saisie de leurs biens de rive gauche et l’indemnisation des princes par des seigneuries sécularisées de l’Empire. Le Landgrave de Hesse-Darmstadt perd le comté de Hanau-Lichtenberg mais obtient en échange le duché de Westphalie, Mayence (Hesse rhénane) et dix millions de florins. En 1806 en adhérant à la Confédération du Rhin, Louis X est élevé à la dignité de grand-duc de Hesse (Fürsten, princes possessionnés).

Le territoire du Hanau-Lichtenberg

De 1480 à 1789, le Hanau-Lichtenberg a été en Basse-Alsace la deuxième plus grande seigneurie après la principauté épiscopale de Strasbourg. Le comté constitue une masse compacte au pied des Vosges entre Saverne et Niederbronn et le Pays de Hanau en constitue le centre. Le comté comprend en outre des parties importantes dans le nord (Wœrth, Hatten, Betschdorf), la région de Brumath, une zone rhénane entre Rœschwoog et Offendorf, dont une partie sur la rive droite entre Kehl et Baden-Baden, ainsi que deux isolats : Westhoffen-Balbronn et Wolfisheim à 6 km de Strasbourg, où il existe de 1654 à 1788 une communauté réformée avec un culte accueilli dans l’église luthérienne pour les réformés de Strasbourg. Ceux-ci n’ont plus le droit de célébrer leur culte dans cette ville jusqu’à 1788, date de l’Édit de tolérance de Louis XVI, qui leur permet de reprendre leur culte à Strasbourg dans l’église du Bouclier.

Les centres politiques et administratifs

• Le château de Lichtenberg

Le château de Lichtenberg est situé à 414 mètres d’altitude sur un escarpement rocheux. C’est sur le massif rocheux central que se trouvait le château primitif, mais il s’est ensuite étendu sur la plateforme qui l’entoure. Le château a été longtemps une copropriété entre les différentes branches de la famille comtale, avant d’être réunifié en 1570 par Philippe IV, puis transformé en forteresse de garnison par Vauban. Parmi les parties les plus intéressantes figurent la salle des chevaliers, un rocher central avec deux tours reliées par un mur bouclier, la tour de l’horloge et la chapelle. Parmi les bâtisseurs, il faut citer l’évêque de Strasbourg, Conrad de Lichtenberg, également constructeur de la façade occidentale de la cathédrale de Strasbourg de 1275 à 1299. Au XVIe siècle, le château est fortifié par l’architecte Daniel Specklin. Puis il fait partie du système défensif élaboré par Vauban et abrite une garnison jusqu’en 1870.

• La capitale du comté : la Residenzstadt Bouxwiller

Les comtes élèvent dans leur « Residenzstadt » Bouxwiller un château de style Renaissance, détruit après 1789 et de nombreux bâtiments publics, surtout la chancellerie (1659) qui est aujourd’hui l’Hôtel de Ville, le Neubau qui était la résidence des conseillers.

• Les autres localités importantes du comté

Parmi les autres localités importantes du comté, les chefs-lieux de bailliage, Ingwiller, Pfaffenhoffen, Neuwiller-les-Saverne et Brumath. La population juive, 2 à 3% de la population, est concentrée dans les chefs-lieux de bailliage, où le comte autorise l’érection de synagogues.

• L’Hôtel de Hanau-Lichtenberg à Strasbourg

Les comtes de Hanau avaient toujours eu une résidence strasbourgeoise. En 1573, ils s’établissent rue Brûlée dans l’ancien hôtel d’Ochsenstein, bâtisse dotée de tourelles du côté du Marché-auxchevaux. En 1723, le comte Hans-Reinhard  III décide de le raser et de faire construire sur son emplacement un hôtel classique. Il confie le projet à Joseph Massol, qui venait de construire le palais épiscopal et l’Hôtel du Grand Chapitre. Avec son entrée en fer à cheval et son corps de logis en parements de grès clair et trophées de chasse, l’hôtel, achevé en 1737, à qui il manque les deux ailes latérales, a cependant belle allure. La façade sur jardin est plus austère avec ses avant-corps peu prononcés et son toit d’ardoise à deux pans. Terrasse et escalier ont été rajoutés en 1840 seulement, lorsque la couverture du Fossé des Treize nauséabond a permis d’ouvrir l’hôtel sur la place Broglie. Les Hanau-Lichtenberg puis les Hesse-Darmstadt ont à partir de 1682 maintenu de bonnes relations avec les représentants de la monarchie française, dont les intendants et les cardinaux de Rohan. La Grande Landgravine Caroline (1741-1774) a entretenu de bons rapports avec ces cardinaux qu’elle a rencontrés à diverses reprises, tant à Saverne qu’à Strasbourg. Les Hanau-Lichtenberg, puis les Hesse-Darmstadt ont exercé périodiquement les fonctions de colonel du Royal-Bavière, devenu Royal-Darmstadt, en garnison à Strasbourg. Ils y séjournent peu. Devenu bien national et propriété de l’État en 1792, l’hôtel est donné par Napoléon Ier à la Ville de Strasbourg en échange du Palais Rohan devenu palais impérial à Strasbourg en 1805. Les services de la Ville s’y installent à ce moment-là et les archives municipales occupent le deuxième étage.

Géographie administrative et ecclésiastique

Les bailliages (Ämter)

Le comté de Hanau est composé de 10 bailliages (Ämter) alsaciens et de deux bailliages cisrhénans, Lichtenau et Willstätt (J. Adam l’Almanach d’Oberlin, qui regroupe les bailliages de Ingwiller et de Pfaffenhoffen. Par ailleurs, Niederbronn, cité comme chef lieu de bailliage par Adam, était en 1789 dans la seigneurie des Linange).

Bouxwiller (Bouxwiller, Bosselshausen, Durningen, Duntzenheim, Ernolsheim, Geiswiller, Gimbrett, Gottesheim, Griesbach, Hattmatt, Hohatzenheim, Hohfrankenheim, Imbsheim, Issenhausen, Kirrwiller, Melsheim, Menchhoffen, Niedersoultzbach, Prinzheim, Reitwiller, Riedheim, Ringendorf, Uttwiller, Wickersheim, Wilshausen, Woellenheim, Zoebersdorf),

Ingwiller (Ingwiller, Ingenheim, Lichtenberg, Mietesheim, Neuwiller, Obersoultzbach, Reipertswiller, Schillersdorf, Wimmenau),

Pfaffenhoffen (Pfaffenhoffen, Alteckendorf, Bischholtz, Bueswiller, Niedermodern, Obermodern, Offwiller, Schalkendorf, Schwindratzheim),

Brumath (Brumath, Bietlenheim, Eckwersheim, Geudertheim, Gries, Hoerdt, Krautwiller, Kutzenhausen, Mittelhausen, Waltenheim, Weitbruch),

Woerth (Woerth, Diefenbach, Eberbach, Goersdorf, Griesbach, Lampertsloch, Mitschdorf, Oberdorf-Spachbach, Preuschdorf),

Offendorf (Offendorf, Drusenheim, Herrlisheim, Oberhoffen, Rohrwiller),

Hatten (Hatten, Kühlendorf, Leiterswiller, Oberbetschdorf, Niederbetschdorf, Reimerswiller, Rittershoffen, Schwabwiller),

Engwiller (Dambach, Gumbrechtshoffen, Langensoultzbach, Uttenhoffen, Windstein),

Wolfisheim (Wolfisheim, Hangenbieten),

Westhoffen (Westhoffen, Balbronn, Allenwiller, Hengwiller, Reinhardsmunster, Wolschheim, Traenheim),

Lemberg (Lemberg, Baerenthal, Obersteinbach, Neunhofen).

Comme pour toute l’Alsace, les lettres patentes royales de 1701 imposent au comté de Hanau, de placer à la tête des bailliages et des communautés des baillis gradués d’universités françaises et des prévôts catholiques. La Régence de Bouxwiller, composée d’officiers protestants, connaît donc en appel des jugements de ces baillis catholiques, ce que n’admet pas le Conseil_souverain (1705). Sur proposition de l’Intendant, le roi prend de nouvelles lettres patentes, qui précisent que la Régence continue d’être instance d’appel et qu’elle pourra continuer d’employer des conseillers non gradués, non catholiques, tout comme le font Strasbourg et le Directoire de la Noblesse de Basse-Alsace. Enfin la juridiction sur toutes les affaires d’école et d’église relève de la Régence de Bouxwiller, compétente également pour les bailliages cisrhénans. (Livet, p. 823 et de Boug, Lettres patentes 14 avril 1707, Ordonnances, I, 316, et 372).

En 1717, de nouvelles lettres patentes arrêtent que les officiers et domestiques au service des Hanau sont réputés régnicoles, tant qu’ils sont au service des Hanau. Elle permet donc de poursuivre la pratique dans le recrutement de gradués ou non gradués allemands, pour les emplois du comté (Lettres patentes 14 avril 1717, Ordonnances, I, 489). Hofrat, Hofkammer.

L’administration ecclésiastique

Après l’introduction définitive de la Réforme (1545), le comté de Hanau se dote en 1573 d’une ordonnance ecclésiastique (Kirchenordnung), qui sera amendée en 1659 et complétée par des règlements partiels (Schulordnung etc.). Ces textes règlent la vie et l’administration de l’Église et des écoles, que gère la Régence de Bouxwiller. Jusqu’à la fin du XVIe  siècle une assemblée annuelle, le synode, réunit tous les pasteurs pour approfondir leurs connaissances théologiques et assurer un consensus sur les questions de foi et de culte. La guerre de Trente Ans dévaste le comté et paralyse la vie religieuse, qui ne reprend que petit à petit. En 1648, la Régence se dote d’un consistoire, qui associe le Surintendant et les conseillers ecclésiastiques, qui constituent une des divisions de la Régence (Régence de Bouxwiller). Le consistoire arrête les règlements ecclésiastiques qui gouvernent la liturgie des cultes, l’activité de l’école du dimanche, le texte des catéchismes et les recueils de cantiques, le calendrier liturgique et les fêtes religieuses, le déroulement des sacrements. Surintendant et consistoire vérifient les comptes des pasteurs (casuels), procèdent aux inspections (Kirchenvistationen), supervisent la réception des taxes ecclésiastiques et procèdent à la révision des comptes des paroisses et de leurs receveurs (Kirchenschaffneien). Les paroisses du comté sont dotées d’un conseil ecclésiastique (Kirchenrat) institution officialisée en 1657, qui regroupe le pasteur, le Stabhalter, et 2 anciens (Älteste) nommés sur proposition du pasteur. Recrutés par le consistoire, qui les examine et les nomme, les pasteurs, de plus en plus souvent des gradués en théologie de l’Université de Strasbourg, sont rémunérés par les caisses du comté ou par les caisses locales de la paroisse.

En 1718, la Régence divise le comté en 9 sections ecclésiastiques ou Specialaten, terme qui désigne une institution ecclésiastique et caritative extraordinaire. Elles recouvrent les 9 bailliages du comté. Le pasteur « Special » exerce pour cette circonscription les fonctions de Surintendant, mais il doit rendre compte aux pasteurs réunis en assemblée ainsi qu’au Surintendant de la Régence. Le Surintendant est également Special du bailliage de Bouxwiller.

Les paroisses procèdent au recrutement et à la nomination des maîtres d’école ; le recrutement et la nomination des professeurs du collège (gymnase) de Bouxwiller sont réservés au consistoire. Si le rôle des pasteurs est prépondérant dans la vie des paroisses, les laïcs (Schultheissen, Stabhalter, Anciens) se réservent les fonctions d’inspection : les Kirchencensoren puis, à partir de 1757, les Presbyterialen, assurent la police de l’église et de ses alentours, le respect du dimanche, l’ordre dans les auberges.

Une région fortement typée

Un bastion protestant

Depuis la Réformation, le pays de Hanau est devenu le principal bastion protestant de l’Alsace rurale. Sa culture religieuse a constitué un puissant facteur d’identité, d’autant que jusqu’en 1789, il avait sa propre Église territoriale avec son consistoire installé à Bouxwiller.

Jusqu’en 1727, la plupart des pasteurs sont originaires du reste de l’Allemagne protestante, hormis quelques fils de pasteurs locaux. En 1701, le pasteur Friedrich Hoeffel, originaire de Thuringe, est venu en Alsace. Il devient en 1713 surintendant et Speziale de Bouxwiller. Il est l’ancêtre d’une dynastie de six pasteurs qui exerce des fonctions ecclésiastiques jusqu’à la fin du XXe siècle. En 1727, Louis XV interdit le recrutement de pasteurs non « régnicoles », c’est-à-dire étrangers au royaume. À partir de cette date, les pasteurs sont recrutés en Alsace.

Le simultaneum

À la différence des autres seigneuries protestantes, le comté a nettement mieux résisté à la création de simultaneums imposée en 1684 par Louis XIV à toutes les localités protestantes d’Alsace, dès que sept familles catholiques y étaient installées. La proportion des églises simultanées y est moindre qu’ailleurs dans l’Alsace protestante. La jurisprudence est fondée sur un ordre royal du 25 juillet 1684 : « Le roi trouve bon que l’on exécute les ordres de Sa Majesté pour la prise de possession des chœurs des églises dans la Basse-Alsace, mais encore dans les lieux de la province qui sont de religion luthérienne, où il y a sept familles catholiques ». La prise de possession des chœurs des églises protestantes a lieu surtout de 1684 à 1688. Le comté de Hanau, en raison de son caractère assez compact, parvient à limiter les dégâts. À Bouxwiller, le comte a donné aux catholiques l’église Saint-Léger qui avait été abandonnée au profit de la nouvelle église qui reste entièrement protestante. Les neuf localités où le simultaneum est imposé sont Ingwiller, Pfaffenhoffen, Niedermodern, Kirrwiller, Weinbourg, Menchhoffen, Imbsheim, Dossenheim-sur-Zinsel et Reipertswiller. Le chœur y appartient aux catholiques et la nef aux protestants. Mais le bailliage d’Offendorff, situé le long du Rhin et formé, outre d’Offendorff, de Drusenheim, Herrlisheim et Rohrwiller, est entièrement converti au catholicisme vers  1685 par les garnisons situées le long du Rhin, ainsi que Reinhardsmunster, isolé et village neuf créé en 1615. Aujourd’hui le simultaneum subsiste dans les localités de Dossenheim-sur-Zinsel, Imbsheim, Menchhoffen, Riedheim et Weinbourg. Il n’est maintenu que pour la forme à Reipertswiller où l’autel catholique n’est utilisé qu’une seule fois par an.

Les Juifs du comté

Dès le XIVe siècle, les comtes de Hanau-Lichtenberg ont eu le privilège impérial de prélever les impôts sur les Juifs résidant sur leur territoire. Toute la noblesse immédiate d’empire a obtenu le droit de recevoir ou de congédier les Juifs dans leurs domaines respectifs après la Diète d’Augsbourg de 1548. Ce droit a été maintenu et confirmé en 1701 par l’article XV du privilège des comtes de Hanau-Lichtenberg, « avec le droit de percevoir sur eux 12 écus par famille » et de les congédier. Les Juifs « solvables » obtenaient donc facilement ce droit d’entrée (Einzugsgeld), qui était de taux variable selon la fortune et pouvait atteindre des sommes considérables pour les plus riches, ce qui est quelquefois mentionné dans les contrats de mariage. Lors du mariage de Madel, fille de Mordechai de Pfaffenhoffen, le père signe à son gendre de Niedernai une obligation de 300 florins pour l’obtention du droit de séjour à Pfaffenhoffen (Notariat de Haguenau 69 E 16 du 19.08.1755). Les modalités d’admission des Juifs et de leurs enfants sont spécifiées en 1746 dans les Kammer und Rechnungordnungen (ABR 3045 fol 132). Les Juifs, bien qu’admis assez facilement, n’ont jamais eu le droit de bourgeoisie. Ils sont restés manants (Schirmsverwandte) et ils paient un Schirmgeld (droit de protection) quatre fois supérieur aux manants chrétiens. Cependant à Ingwiller, les Juifs paient un Bürgerrecht qui n’est peut-être qu’une contribution locale et qui ne prouve pas qu’ils étaient bourgeois.

Les lieux de résidence des Juifs sont peu nombreux, généralement dans les chefs-lieux de bailliage, les Juifs tenant à rester groupés pour leurs offices religieux. A. M. Haarscher recense 23 localités. Ainsi en 1784, il y a plus de 50 familles à Bouxwiller et Westhoffen, entre 30 et 40 à Ingwiller, Schwindratzheim et Balbronn, entre 10 et 20 familles à Pfaffenhoffen, Neuwiller, Wolfisheim et Ingenheim, moins de 10 familles à Brumath, Traenheim, Offendorf, Lichtenberg et Mittelhausen.

Outre les impôts imputables à tous les habitants (taille, droit de pâturage, corvées, accises et Ohmgeld (taxe sur le débit des boissons), capitation, subvention au Conseil souverain d’Alsace, vingtième d’industrie), les Juifs payaient des contributions spécifiques : droit d’admission (Einzugsgeld), droit de protection annuel (Schirmgeld), péage corporel au passage des portes des bourgades, supprimé en 1784 (Judenbatzengeld), le Judenschulgeld pour la création d’offices religieux, taxe d’enterrement à Westhoffen et Neuwiller, et le Juden Abzugsgeld pour les Juifs qui quittaient le comté et qui correspondait à une année de Schirmgeld.

Les synagogues officielles sont dans la Judenordnung de 1626 celles de Neuwiller et Brumath et une autre à Willstett sur la rive droite du Rhin. En 1683, les Juifs de Pfaffenhoffen et ceux d’Ingwiller obtiennent le droit d’un culte public. Une synagogue est attestée à Bouxwiller et à Westhoffen. En 1658, la Chancellerie demande aux Juifs de Bouxwiller de surseoir à l’édification d’une nouvelle synagogue, car ils n’avaient obtenu que l’accord pour l’agrandissement de l’ancienne. La nouvelle synagogue est construite en 1732. En 1747, la Chancellerie accepte la construction d’une nouvelle synagogue à Westhoffen. Cependant, la seule synagogue de l’Ancien Régime conservée est celle de Pfaffenhoffen, inaugurée en 1791. La synagogue est à la fois lieu de culte, centre communautaire, école, hébergement pour le pauvre de passage, four à Matzoth et bain rituel. Il y a en outre des oratoires, dont celui de Traenheim.

Bibliographie

Les Archives grand-ducales recueillies au Staatarchiv de Darmstadt, ont été en grande partie détruites en 1944.

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Bernard Vogler