Héraldique

De DHIALSACE
Aller à : navigation, rechercher

Wappenkunst.

Généralités

On appelle héraldique la science et l’art des armoiries : science pour les règles strictes et la terminologie qui régissent la composition, la définition et la reproduction des blasons ou, autrement dit, des armoiries ou armes ; et art dans l’exécution des armoiries par le dessin, la peinture et tout autre moyen graphique ou plastique. La notice « Armoiries », publiée dans le premier fascicule de ce dictionnaire, retrace à fond l’évolution de l’héraldique en Alsace, de sorte que nous y renvoyons le lecteur, en insistant ci-après sur la bibliographie disponible.

En Alsace, comme dans toute l’Europe féodale, les chevaliers combattant dans les batailles et les tournois avaient le visage caché par le heaume de leur armure. Il était donc impossible de les reconnaître. Pour y parvenir cependant, ils commencèrent au XIIe siècle à peindre sur leur bouclier une figure symbolisant leur identité. Elle devint peu à peu héréditaire et familiale. Ce symbole fut repris sur les étendards et les sceaux. Ainsi, même en cas de division d’une famille en rameaux portant un patronyme ou un nom de terre différent, ceux-ci ont parfois conservé les mêmes armoiries, avec des ajouts ou des modifications de détail, dites brisures.

À leur tour, surtout à partir de la fin du Moyen Âge, nombre de communautés villageoises et urbaines, des tribus de métiers, des institutions religieuses et civiles ont adopté des armoiries et les ont utilisées également sur leurs sceaux. Dès la fin du Moyen Âge également, les familles notables et les titulaires de fonctions usant de sceau ont créé leurs armoiries. À partir du XVe siècle, des édiles, des officiers impériaux ou seigneuriaux, des marchands enrichis obtinrent, parfois contre rémunération, des empereurs, des princes ou simplement des comtes palatins d’empire, des lettres d’armoiries (Wappenbriefe), combinées quelquefois avec l’anoblissement et la possibilité de tenir fief. Mais aucune autorité ni juridiction n’a légiféré en la matière, pas même à propos d’usurpation d’armoiries. C’est une règle tardive que d’éviter d’adopter sciemment des armoiries déjà portées par une autre famille que la sienne. Les procès intentés au XVIe siècle contre les Mosung, de Strasbourg, et au XVIIIe siècle contre le sieur de Valcourt, de Wettolsheim, visaient seulement une usurpation de noblesse et de titres.

Histoire de l’héraldique alsacienne : Moyen Âge et Epoque moderne

Les livres de fiefs

Les livres de fiefs tenus à jour par les cours féodales (Droit de l’Alsace, Fiefs) peuvent comprendre les armoiries des vassaux. Ainsi les 17 armoriaux alsaciens du Moyen Âge allemand contenant des blasons alsaciens, répertoriés par E. van Berchem, D. Galbreath et O. Hupp, Die Wappenbücher des deutschen Mittelalters, dans Beiträge zur Geschichte der Heraldik (Schriftenreihe der Reichstelle für Sippenforschung, III), Berlin, 1939) relevés par F.-J. Himly dans la Revue d’Alsace, t. 87, 947, p. 141-143, dont le livre des fiefs de l’évêché de Bâle, de l’évêché de Spire, de l’abbaye de Murbach.

Les historiens de l’Alsace

Les armoiries commencent à être bien connues et étudiées à l’époque moderne. Ainsi Bernhard Hertzog, Edelsasser Chronick. Cronicon Alsatiae, Strasbourg, 1592, livres 5 et 6 en particulier. Comme il s’en explique lui-même, Herzog s’est intéressé de son propre chef à l’histoire de la Basse-Alsace où il exerçait pour le comte de Hanau-Lichtenberg les fonctions de bailli de Woerth. Il y publie en particulier des notices sur les familles seigneuriales et sur les lignages patriciens de Sélestat, Strasbourg et surtout ceux de Haguenau et de Wissembourg auxquels il est apparenté, en y ajoutant le dessin de leurs armoiries, avec indication des couleurs.

Au siècle suivant, Philippe Jacques Spener, plus connu comme théologien et père du piétisme, a pris le relais de Herzog tout en élargissant géographiquement son champ de recherches, en s’intéressant à son tour à l’héraldique des familles nobles de son temps, combinée avec leurs généalogies. Il a laissé plusieurs travaux en cette matière dont le plus important est le Theatrum nobilitatis Europeae, en 3 volumes, 1668-1678, réimprimés en 1717, abondamment illustrés de planches gravées d’armoiries.

L’Armorial général de la France

À la fin du XVIIe siècle, ayant besoin d’argent, Louis XIV s’est mué en véritable « marchand de merlettes » (la merlette est en héraldique une silhouette d’oiseau, dépourvu de bec et de pattes) en donnant, par un édit de 1696, l’ordre à son héraut d’armes et généalogiste Charles René d’Hozier de recenser dans tout le royaume, contre une taxe de 20 livres, les titulaires d’armoiries, qu’ils fussent nobles, notables, communautés civiles et religieuses, corporations, etc., ou, sans que cela fût expressément avoué, de leur en attribuer d’office. Le titulaire recevait en échange de son paiement un brevet préimprimé, contenant le blasonnement et le dessin colorié des armes enregistrées. Peu de ces brevets ont été transmis jusqu’à nos jours par les descendants des individus et les collectivités « bénéficiaires ». Cette initiative, purement financière, a eu pour conséquence une certaine dévalorisation de l’héraldique, du fait, d’une part, de la médiocrité des armes créées ou attribuées (par exemple une multitude de figures de saints patrons de villages ou simplement les initiales du titulaire), d’autre part, du type de recensement opéré par individu et non par famille. Ainsi, des membres d’une même famille recevaient des armoiries différentes, sans souci de leur transmission aux générations futures. D’autres se voyaient imposer des armes différentes de celles que portait déjà leur famille.

L’ensemble est conservé à la Bibliothèque nationale de France (Paris), cabinet des manuscrits, en deux versions : l’une, seulement descriptive, l’autre uniquement figurée en couleurs (« émaux » et « métaux »). Il est consultable sur le site Gallica. Cet armorial, terminé en 1700 pour notre province, a été publié, sans les images et avec de nombreuses erreurs de transcription des noms propres, en plus de celles dues aux agents de d’Hozier, par Anatole de Barthélemy, sous le titre d’Armorial de la généralité d’Alsace, en 1861. Un chercheur de Gambsheim, M. Richard Jung, en a tenté une réédition corrigée et illustrée en 2008, mais n’a pas obtenu la subvention escomptée, nécessaire à sa publication, ni un nombre suffisant de souscriptions.

Sources et bibliographie

La description ou blasonnement des armoiries emploie un langage spécifique qui paraît hermétique, car il est l’héritage des hérauts d’armes médiévaux. Des traités d’héraldique permettant de se familiariser dans cette discipline sont publiés à intervalles plus ou moins réguliers. Les ouvrages classiques les plus recommandables sont les suivants :

GALBREATH (D.L.) et JÉQUIER (Léon), Manuel du blason, Lausanne, 1977, et NEUBECKER (Ottfried), HARMIGNIES (Roger), Le grand livre de l’héraldique, Bruxelles, 1977, tous deux richement illustrés. Celui-ci souligne, p. 15, qu’en Alsace en particulier, comme dans tout l’espace germanique, l’individualisation des armes d’une famille par des brisures s’exprimait, non seulement par l’introduction de meubles particuliers dans l’écu, mais aussi par le choix du cimier. Neubecker en a compté 24 différents chez les Mullenheim et 33 chez les Zorn.

VEYRIN-FORRER (Théodore), Précis d’héraldique, 2e éd. revue par Popoff (Michel), Paris, 2000.

DEMANGE (Jean François), Glossaire historique et héraldique. L’archéologie des mots, Anglet-Paris, 2004.

PASTOUREAU (Michel), Traité d’héraldique, 5e éd., Paris, 2008.

Le site www.heraldique.org est également profitable.

Bibliographie héraldique alsacienne

L’Alsace est représentée dans les volumes illustrés de J. Siebmacher, auteur du XVIIe siècle, Grosses und allgemeines Wappenbuch, dit le Neuer-Siebmacher, Nuremberg, 1854 et années suivantes, dont surtout sont recommandés pour la noblesse, le t. 2, de M. Gritzner, Der Adel des Elsass, 1871, et pour les roturiers, Die Wappen bürgerlicher Geschlechter Deutschlands und der Schweiz, de 1858, 1872 et 1888, réimprimés à partir de 1971. H. Jager-Sunstenau en a publié un index : GeneralIndex zu dem Siebmacher’schen Wappenbüchern 1605-1961, Graz, 1964, avec bibliographie.

Les ouvrages classiques pour la province sont ceux d’Ernest Lehr, L’Alsace noble, 3 vol., Paris, 1870, réimprimé, Paris, 1972, en un volume, y compris la partie consacrée au patriciat noble et bourgeois de Strasbourg, et de J. Kindler von Knobloch, Der alte Adel im Oberelsass, Berlin, 1882, Das goldene Buch von Strassburg, Vienne, 1886, et Oberbadisches Geschlechterbuch, 3 vol., Heidelberg, 1898-1919 (s’arrêtant à la fin de la lettre r et visibles sur un site allemand), tous pourvus de blasons coloriés ou non.

Le Hollandais J. B. Rietstap a compilé tous les armoriaux européens publiés avant lui, sauf l’Armorial de la généralité d’Alsace, sous le titre Armorial général, nouvelle édition, Berlin 1934, 2 volumes de texte et 3 volumes de planches gravées. Il ne vaut pour l’Alsace que pour la noblesse et les familles dirigeantes de Strasbourg. Sa consultation numérique est désormais possible.

Citons encore le manuel de J. Jacques Waltz (Hansi), L’art héraldique en Alsace, surtout le t. 2, Les armes des tribus et des corporations et les emblèmes des artisans, Strasbourg, 1939, et le t. 3, Les armes des nobles et des bourgeois, 1949, réimprimés en un volume en 1975.

Pour la Haute-Alsace, le fichier de 1359 croquis d’armoiries de collectivités, familles et individus constitué peu à peu par Emile Herzog, Armorial du Haut-Rhin, est indispensable. Classé dans l’ordre alphabétique des possesseurs d’armes, il est conservé aux Archives du Haut-Rhin. Mulhouse n’appartenant pas au royaume, les armoiries de ses anciennes familles notables n’ont pas été recensées par d’Hozier, mais sont reproduites par Louis Schoenhaupt dans Le livre d’or de la ville de Mulhouse, 1883, reprenant le Bürgerbuch antérieur de Nicolas Ehrsam.

Il existe plusieurs autres recueils locaux et des armoriaux manuscrits, reproduisant des sceaux (Bischwiller) ou les blasons de membres des Magistrats urbains et des corporations (Strasbourg). Les cachets de cire apposés sur certains actes notariés ou fermant des lettres sont également une source.

En dépit de tous ces ouvrages, il reste beaucoup d’armoiries à découvrir. Il convient aussi de se souvenir que certains blasons étaient personnels, en particulier parmi les marchands et les artisans, y compris ceux recueillis par d’Hozier, et non héréditaires, qu’en outre certains titulaires, individus, familles, communautés en utilisaient d’autres que ceux qu’il a enregistrés dans L’Armorial de la généralité et qu’enfin la mode des cachets portant les initiales ou un emblème non héraldique s’est répandue dès le XVIIIe siècle. Elle correspond à une époque de déclin de l’héraldique en France. Il convient de noter encore qu’à la différence de la plupart des familles suisses, toutes les familles alsaciennes ne se pourvoyaient pas d’un blason.

Les démarches du chercheur

En Alsace, le problème que pose le plus souvent l’héraldique au chercheur est soit de connaître les armoiries d’une famille, d’une personne ou d’une collectivité, soit d’identifier leur détenteur d’après son dessin. Cité pour mémoire, le gros ouvrage de Louis Schoenhaupt, Armorial des communes d’Alsace, y compris les pierres bornes, avec des notices sur chaque commune, 1900, est dépassé, mais il peut servir encore pour ses dessins d’emblèmes communaux relevés sur des bornes, en réalité souvent différents de leurs armoiries.

Pour les armoiries communales, les données de ce dernier recueil ont été reprises, améliorées, corrigées, voire modifiées, finalement codifiées par une commission départementale d’héraldique, souvent d’après les sceaux, dans les deux ouvrages suivants : Armorial des communes du Haut-Rhin, 4 vol., Colmar, 1963-1981, réimprimé en un volume en 1984, et Les armoiries des communes du Bas-Rhin, 5 vol., 1947-1963, réédité en un seul volume, Armorial des communes du Bas-Rhin, Strasbourg, 1995.

Parallèlement, notons les apports de la sigillographie médiévale : Wittmer (Charles), Inventaire des sceaux des archives de la ville de Strasbourg 1050-1300, Strasbourg, 1946, et Haudot (Charles), Quatre mille sceaux d’Alsace et d’ailleurs, (Strasbourg), 1972, multigraphié, BNUS, cote M 43153, et Répertoire des sceaux de localités du Bas-Rhin, La Petite Pierre, 1993.

Identifier le détenteur des armoiries que l’on a sous les yeux est une énigme généralement beaucoup plus difficile à résoudre, en partie justement par défaut de matériel bibliographique exhaustif. On peut commencer par dépouiller les sept volumes de Th. de Renesse, Dictionnaire des figures héraldiques, Bruxelles, 1849-1903, qui classe les armoiries du Rietstap par figures et par meubles. On constate alors que le même blason peut avoir été adopté par plusieurs familles différentes, a priori sans lien entre elles. En cas d’échec de la tentative, il faut se résoudre à feuilleter les armoriaux illustrés, voire les catalogues de sceaux et les monuments funéraires armoriés, en s’efforçant de circonscrire sa recherche à la région ou au milieu social correspondant au blason à identifier. En y parvenant, des historiens ont ainsi pu découvrir, d’après ses armoiries d’alliance reproduites sur un retable, qui en était le couple donateur. Il arrive pourtant que l’énigme résiste à tout effort d’élucidation. C’est le cas actuel de la belle table datée de 1528, illustrant sur son pourtour la vie d’un noble, de sa naissance à sa mort, exposée au Musée de l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg, sur laquelle sont peints deux blasons accolés. Celui de l’épouse, à droite, porte les armes de la famille de Sébastien Brant, mais celui du mari, à gauche, le héros de l’histoire, reste à identifier.

Notices connexes

Armoiries 

Emblème

Généalogie

Noblesse

Sigillographie

Christian Wolff