Gelehrte

De DHIALSACE
(Redirigé depuis Gradués)
Aller à : navigation, rechercher

Gradués, Hommes de lettres, Savants

Étudiants, diplômés (gradués) licenciés, docteurs et professeurs des Facultés, hommes de lettres.

Jusqu’au XVIIIe siècle, le terme « homme de lettres » traduit correctement le mot « Gelehrte ». Guyot, à l’article « gradués », en donne la définition suivante qu’il rattache au mot « universités » : « Établissement composé d’hommes de lettres préposés pour enseigner toutes les sciences dont l’esprit humain est susceptible. » (Guyot, 28, p. 177). Ultérieurement, on traduirait par « savants », comme dans « sociétés savantes », gelehrte Gesellschaften.

Strasbourg n’ayant pas eu d’université avant 1621 et les autres villes d’Alsace n’ayant que des écoles, comme l’école humaniste de Sélestat, les « gradués » qui y exercent, juges, avocats, professeurs des écoles, sont gradués ou professeurs d’universités étrangères, Bologne et Paris (comme Mathias de Neuenbourg de l’officialité de Strasbourg (v. Archives), Bâle (v. Bâle, université de –), Fribourg-en-Brisgau (comme Geiler de Kaysersberg, Brant, Murner), Tübingen (comme Louis Gremp), Heidelberg (comme Wimpheling) où ils ont souvent passé leurs grades, puis enseigné avant de revenir à Strasbourg y revêtir des fonctions dans l’Église (comme Geiler), l’administration de la ville (comme Brant), l’enseignement (y compris les studia d’ordres religieux, comme Murner) (v. Académie, Droit, Facultés de, École_humaniste). De 1450 à 1520, 40 % des bénéficiers sont gradués, le pourcentage étant plus important pour les chapitres urbains strasbourgeois (Rapp, 297-298).

Mais arrivée à un point d’équilibre compliqué dans ses institutions, la République de Strasbourg ne souhaitait pas, à l’inverse de ses voisines rhénanes, d’université qui aurait créé en son sein une collectivité totalement indépendante.

Les graveurs strasbourgeois de la Renaissance reproduisent souvent les tableaux de genre reproduisant des « gradués-gelehrten », le plus répandu étant celui des étudiants écoutant le professeur dans sa chaire faisant son cours. Pourtant les humanistes et réformateurs, tous diplômés, imposent progressivement à la République une nouvelle approche. La sécularisation des chapitres et couvents strasbourgeois (v. Fondations) permet d’affecter les biens municipalisés à de nouveaux collèges, comme ceux des prédicateurs, paedagogium, ou des étudiants pauvres Wilhelmitanum (v. Académie) ou de créer des bourses pour les universités voisines. Les professeurs modernistes attirés à Strasbourg assurent au Gymnase qu’ils fondent et organisent un rayonnement international avec l’afflux des élèves et des étudiants. Ils relancent la question d’une université strasbourgeoise, qui serait en mesure de délivrer des grades. Malgré la pression des fondateurs et enseignants du gymnase (Sturm), les résistances du Magistrat et du Convent ecclésiastique (Marbach) et les réserves du gouvernement du Saint‑Empire devant les demandes des villes protestantes, on se contente en 1566 d’un privilège de « Gymnasium illustre », formule d’établissement qui réunit formations secondaires et supérieures, ne comprend pas de facultés proprement dites, délivre le baccalauréat mais ne peut assurer la collation des grades de licence et doctorat, à passer dans d’autres universités. De 1523 à 1619, la moitié des pasteurs de Strasbourg est graduée par l’Académie, et il y un certain nombre de gradués de Bâle, Wittenberg, Tübingen, dont un contingent significatif de docteurs en théologie. Le pourcentage des gradués monte à 83 % en 1621 (B. Vogler). En 1617, l’Académie jésuite de Molsheim (avec les seules facultés de théologie et des arts) obtient le privilège universitaire de la collation des grades. En 1621, Strasbourg se retire de l’alliance dite de l’Union évangélique et obtient de l’empereur Ferdinand II, le privilège universitaire, pour ses quatre facultés. La rédaction de l’ordonnance de police de Strasbourg de 1628 et son titre « Kleiderordnung » reflète les hésitations de cette période de transition. Dans son alinéa premier, il place les Gelehrte (avec leurs femmes et enfants), soit les étudiants qui aspirent aux grades de « Licentiaten und Doctoren » dans la cinquième classe, avec les bourgeois, les négociants [item die Gelehrte, die zu jederzeit gradum Doctoratus vel Licentiae wurdiglich erlangen könnten und beständig bei den Studiis bleiben]. Puis, dans une incise, il traite des « Doctorn » et licenciés, à qui il laisse une grande liberté de costume, ce qui a conduit à conclure qu’ils étaient désormais hors classe (Kintz, Strasbourg, 3, p. 45). Il y a 135 juristes au service de la République de Strasbourg de 1640 à 1720, dont 25 docteurs et 7 licenciés (Greissler, p. 98). À l’époque moderne, le terme « gelehrte » est largement utilisé par les gouvernements pour désigner les juristes, qui doivent présenter leurs diplômes pour entrer dans les administrations publiques, par exemple en Autriche depuis les années 1730 (Hammerstein, p. 212). C’est le cas dès la fin du XVIIe siècle en France, où l’édit d’avril 1679 et la déclaration de 1680 imposent la licence de droit, passée obligatoirement dans une Faculté de droit du royaume, pour l’inscription sur les matricules d’avocat et les charges de judicature royales ou seigneuriales (de Boug, p. 74 et ss, p. 197 et ss). Les baillis et leurs assesseurs obligatoirement catholiques doivent être gradués ; ils remplacent les Dorfgerichte (v. Dorfgerichte). Ces exigences conviennent bien à la Faculté de Droit de l’Université de Strasbourg où affluent les jeunes catholiques alsaciens aspirant à ces fonctions (Livet, Intendance, p. 794). L’Université de Strasbourg se défend bec et ongles contre les tentatives de l’Université catholique d’obtenir un privilège de délivrance de grades en droit canonique, qui pourrait porter atteinte à sa Faculté qui enseigne les deux droits et produit des docteurs utriusque juris (v. Droit, Faculté de –). Le Roi qui a renouvelé les privilèges donnés par les Habsbourg, fait transférer l’Académie catholique de Molsheim à Strasbourg en 1702, et lui donne la qualité d’« Université fameuse du Royaume ». Mais, située en pays de concordat germanique, elle ne peut jouir du privilège de l’expectative des grades (Guyot, t. 28, 76-77) (v. Gradués, privilèges des –).

Au XVIIIe siècle, le terme « gelehrte » recouvre le mot « savant », en général. Strasbourg avec les professeurs et savants des universités, son académie et ses sociétés, est au centre des réseaux de la « République des Lettres » ou Gelehrten Republik, avec les académies, les sociétés savantes, les sociétés patriotiques (Vaterländische Gesellschaften) de l’Alsace, comme celle de Colmar, ou encore celle, très ouverte sur Bâle, de Mulhouse non encore rattachée. Les éditeurs allemands publient les « Gelehrten Lexikon » de l’Allemagne, ou de la France, traduits en francais par « La France littéraire ». Éclairés, les savants, mais modérés : les propos que le directeur de l’Académie noble de Colmar, Pfeffel, fait tenir au roi Lion, dans sa fable « Die Aufklärung », paraissent au lendemain de la Révolution bien amers : « Anstatt in meiner Monarchie, Gelehrte Bürger ziehn wollen, Hätt ich vor allen Dingen sie, Zu guten Bürgern machen sollen » (Fabeln, « Die Aufklärung », p. 53-54).

Bibliographie

Polizeiordnung der Stadt Strassburg, 1629 (en ligne, Google Books).

De BOUG, Ordonnances d’Alsace, I et II (en ligne, Google Books).

PFEFFEL (Gottlieb Conrad), Fabeln, t. 1, 2e éd. (Google Book).

KNOD (Johann), Elsässische Studenten in Bologna und Heidelberg, Strasbourg, 1892.

SCHINDLING (Anton), Humanistische Hochschule und Freie Reichstadt, Wiesbaden, 1977.

HAMMERSTEIN (Notker), Aufklärung und katholisches Reich, Berlin 1977.

LIVET, RAPP, Histoire de Strasbourg (1980-82), t. 3, 1981.

KINTZ, La société strasbourgeoise (1984).

GREISSLER (Paul), La classe politique dirigeante à Strasbourg 1650-1750, Strasbourg, 1987.

SCHANG (Pierre), LIVET (Georges), Histoire du Gymnase Jean Sturm, Strasbourg, 1988.

SCHRECK (Nicolas), La République de Mulhouse et l’Europe des Lumières, Strasbourg, 1994.

BRAEUNER (Gabriel), Pfeffel l’Européen, Strasbourg, 1994.

VOGLER (Bernard), Histoire culturelle de l’Alsace, Strasbourg, 1994.

OEXLE (Otto Gerhard), Die Repräsentation der Gruppen, Texte, Bilder, Objekte, Göttingen, 1998.

VOSS (Jürgen), Schoepflin, un Alsacien de l’Europe des Lumières, Strasbourg, 1999.

HULSEN-ESCH (Alexandra), Gelehrte im Bild, Repräsentation, Darstellung und Wahrnehmung einer sozialen Gruppe im Mittelalter, Göttingen, 2006.

Notices connexes

Académie

Costume

Conseil_souverain

Dorfgericht

Droit de l’Alsace

Étrennes_de_confrérie

Université

François Igersheim