Gimpelmarkt

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Marché aux guenilles, Marché aux puces

Le marché aux puces de Strasbourg, établi depuis quelques années rue du Vieux Marché aux Poissons après s’être longtemps tenu rue du Vieil Hôpital, se rattache à une tradition multiséculaire et peut, à juste titre, être considéré comme l’un des plus anciens marchés strasbourgeois.

On ne sait que peu de choses sur ses origines. On ignore ainsi sur quelle place et à quelle date exacte le Gimpelmarkt de Strasbourg a vu le jour, mais il est établi qu’il se trouvait avant 1450 place du Château, en un lieu qui a accueilli au cours des siècles de nombreux marchés. Il se tenait deux fois par semaine au voisinage de la cathédrale, avant d’être transféré rue des Grandes-Arcades, puis, de là, place du Jeu-des-Enfants, au cours du XVe siècle d’après une notice d’Adolphe Seyboth. De nombreux fripiers (Kraemer) y exerçaient commerce, et il rapporte qu’en 1509, il avait été enjoint à la femme du bourreau qui y vendait de vieux habits de tenir son étal à distance de ceux des autres marchands. En 1789, trente-sept fripiers continuent à y proposer à la vente de vieux vêtements.

Fischart nous livre dans l’un de ses poèmes une évocation du Flöhhaz en 1577 et des nombreux objets (fripes, langes, épingles et aiguilles sans pointe, vieux fers à cheval, clous tordus, verres ébréchés, vraies – et même fausses – monnaies romaines…), tous plus usagés les uns que les autres que vend une marchande aussi âgée que sa marchandise. Geiler de Kaysersberg le mentionne également dans l’un de ses sermons : « Gümpelmarckt, darauf man feil hat alt Lumpen und alt Hader ». Thomas Murner n’est pas en reste et nous livre une indication supplémentaire. Le marché aux guenilles est aussi le lieu où exercent nombre de charlatans et d’arracheurs de dents : « … ungelehrte Aerzte d.h. Quacksalber mit dem nammen eins doctors uff dem Gimpelmarckt verkauffen ». Cette présence « médicale » semble d’ailleurs se prolonger jusqu’au XIXe siècle.

La Bibliothèque Nationale conserve un arrêté du maire de Strasbourg Hermann, en date du 6 août 1802, qui permet de se familiariser avec la règle qui régit le « brocantage », Beschluss des Maire der Stadt Strassburg vom 18ten Hitzmonat (Thermidor) 10ten Jahrs der Republik. Il fait référence à un règlement de police plus ancien, daté du 18 juillet 1708 : Polizey-Verordnung der Stadt Strassburg, titre XI, art. 12, dont il semble reprendre en partie les prescriptions : il témoigne de l’anciennete de la profession de brocanteur.

Au fil de la quinzaine d’articles, on découvre les conditions d’exercice très strictes encadrant cette profession. S’établir comme brocanteur nécessitait tout d’abord une double démarche : obtenir une autorisation municipale (art. 1), puis faire une déclaration obligatoire au bureau de police (art. 2).

Trois conditions sont requises (art. 3) :

  • savoir parler et écrire au moins une des deux langues en usage dans la ville ;
  • avoir un domicile officiel ou privé à Strasbourg depuis au moins un an ;
  • fournir un certificat de bonne moralité, établi par le commissaire du district sur le témoignage d’au moins trois personnes.

Les articles 4 à 6 précisent l’usage obligatoire d’une enseigne sous la forme d’un panneau en laiton portant la mention « Brokantirer » et le numéro d’autorisation reçu au moment de la déclaration d’établissement (art. 4). La vente de ces plaques est interdite et il est fait obligation de la montrer aux autorités à chaque fois que cela sera requis (art. 6).

L’article 7 mentionne l’obligation de tenir un registre de commerce. Le type de marchandises que le brocanteur peut proposer à la vente fait également l’objet d’une définition précise : il lui est ainsi interdit de vendre ou d’acheter des objets neufs, de même que des objets en or et en argent, à l’exception toutefois de vieux galons en passementerie brodés ou de vêtements tissés de fils d’or et d’argent.

En dehors des heures du marché, les brocanteurs ne peuvent pas présenter leurs marchandises autrement qu’en les portant sur les bras et il leur est interdit de les étaler (art. 10), mais aussi de se rassembler dans des halles, sur le marché ou en d’autres lieux publics, ou encore de rester en un même lieu dans les rues (art. 11).

L’article 13 fait état des sanctions encourues en cas de non-respect de ces règles. Une amende de 20 francs constitue la moyenne, mais elle peut être plus élevée en particulier en cas de vente d’armes.

Bien que haut en couleurs, le marché aux puces n’a fait l’objet que de peu de représentations, mais celles-ci s’échelonnent à travers le temps, de la fin du XVIIIe siècle à nos jours. Un joli dessin en ombres chinoises, réalisé par Pierre Buttner, évoque les stands du marché au XIXe siècle. Une lithographie de Lemaître, d’après un dessin d’Eugène Laville, présente plusieurs stands en gros plan rue du Vieux-Marché-aux-Vins en 1845. Deux dessins, l’un aquarellé de Frédéric Piton, daté de 1857, l’autre à la plume d’Alfred Touchemolin, représentent la place Saint-Pierre-le-Vieux vers 1848, avant la démolition de l’ancien rempart médiéval de la ville, avec au premier plan, les étals du marché aux puces qui animent la représentation architecturale de ce quartier ancien de la ville.

Sources - Bibliographie

Beschluss des Maire der Stadt Strassburg vom 18ten Hitzmonat (Thermidor) 10ten Jahrs der Republik. Das Brokantiren betreffend (BNUS, MR 10082, 32) en date du 6 août 1802.

Polizey-Verordnung der Stadt Strassburg, titre XI, art. 12.

AMS, 191MW 151 et suivants : Grümpelmarkt und Kramwaarenmarkt.

AMS, VII, M I 14 : un plan d’implantation de l’ensemble des stands à louer a été dressé par l’architecte de la Ville en 1866. Ce relevé, daté du 19 mai 1866, est intitulé « Plan de la rue du Vieux Marché aux Vins et des rues adjacentes indiquant le tracé des places affectées pour le marché aux guenilles ».

TEICHMANN (Wilhelm), « Vom Strassburger Gimpelmarkt. Anno 1577 », Jahrbuch für Geschichte, Sprache und Literatur Elsass-Lothringen, 1902, p. 201-202.

HOLL (Paul), « Souvenirs d’un brocanteur alsacien », La Vie en Alsace, 1931, p. 69-72, 88-93.

SEYBOTH (Adolphe), Strasbourg historique et pittoresque depuis son origine jusqu’en 1870, 2e partie, réédition 1971, p. 697.

SCHNITZLER (Bernadette), « Le marché aux puces de Strasbourg : la longue et pittoresque histoire du Gimpelmärik », Annuaire des Amis du Vieux Strasbourg, 2003, p. 129-142.

Notice connexe

Marché

Bernardette Schnitlzer