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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Compagnon, Sociétaire, ''Socius''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">D’un point de vue étymologique, ''Gesellen'' désigne ceux qui habitent une même salle (en français sont camarades les habitants d’une même chambre et compagnons ceux qui partagent le pain). Le terme&nbsp;''Geselle'' renvoie tout d’abord au compagnon des métiers de l’[[Artisanat|artisanat]] (''Handwerksgeselle'') qui poursuit sa formation professionnelle avant de parvenir à la maîtrise en ayant satisfait à plusieurs conditions. Dans ce cas, ''Geselle'' trouve son équivalent dans le mot ''[[Knecht]]'' (traduit aussi par valet – de ferme ou non – ou ouvrier, et signifiant également [[Écuyer|écuyer]]). Si ''Knecht'' est majoritairement utilisé par les autorités des métiers ou des villes pour désigner les compagnons de métier dans les règlements établis à leur intention, les compagnons privilégient le mot ''Geselle'' dans leurs écrits (règlements et statuts de leurs [[Confrérie|confréries]] ou de leurs poêles, correspondance). D’une part, cette préférence indique leur attachement à la communauté qu’ils forment, en particulier lorsqu’ils sont en conflit ouvert avec les autorités et qu’ils se concertent à l’échelle régionale pour imposer leurs revendications. D’autre part, elle met l’accent sur la conscience qu’ont les compagnons de leur valeur dans le monde du travail, car ''Knecht'' désigne aussi le simple domestique.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Peuvent aussi se désigner par ''Gesellen'' les compagnons qui travaillent dans le même atelier ou sur un même chantier ou ceux qui se rencontrent lors de leur pérégrination obligatoire (''Wandern'') dans les pays étrangers et qui ont pendant un temps une histoire et un itinéraire communs. Le sens de compagnon de travail ou de route se superpose alors à celui de compagnon de métier et prend la connotation de camarade.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Enfin, ''Geselle'' désigne l’adhérent – maître ou compagnon – à une ''[[Gesellschaft]]'', institution médiévale et de l’époque moderne, qui est la réunion des membres d’un métier ou d’une [[Corporation|corporation]] ou encore d’une couche sociale (par exemple les patriciens) dans une association liée à un poêle (''Stube''). Cette structure constitue une entente (''conjuratio'') au sein de laquelle les ''Gesellen'' sont liés pour avoir prêté serment de respecter les statuts et règlements.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le terme ''Geselle'' trouve aussi son emploi :</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">-- dans le domaine religieux : ''Geselle'' / ''socius'' désigne le « vicaire » d’un curé (p. ex. SUB, III, 104, n<sup>o</sup> 331, 1295), engagé et rétribué par ce dernier, et appelé plus tard ''Helfer'' ou ''Mietling''. Par ailleurs, un religieux d’un ordre mendiant est parfois désigné comme le ''socius'' / ''geselle'' d’un autre (p. ex. ''ZGO'', 78, 1926, 58, n<sup>o</sup> 6) ;</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">-- dans l’aristocratie, les mêmes mots semblent désigner un vassal privilégié, p. ex. lorsque l’évêque de Bâle, faisant la paix avec le comte de Ferrette en 1281, écrit : ''wir nemmen ouch graven Thiebalden […] zu einem gesellen 6 jor und sulent ime cleidere geben'' […] (Trouillat II 343, n<sup>o</sup> 262). En 1258, Cuno von Bergheim se dit jadis ''socius'' et ''miles'' du comte Simund von Leiningen (''Alsatia Diplomatica'' I 423, no 576). Burkhard Murnhart et Wilhelm Meienris, ''socii'' de l’évêque Walter à Hausbergen, en 1262, l’accompagnent dans sa fuite (MGH SS 17, 111). À la fin du XIV<sup>e</sup> siècle, Schwarz Rudolf von Andlau appelle Hans Erbe ''unser friunt und geselle'' (AMS, VI 696/37) ;</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">-- peuvent encore être appelés geselle un officier municipal par son collègue, un homme d’affaires par son associé, un soldat par un autre, un homme par sa bien-aimée.</p>  
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Compagnon, Sociétaire, ''Socius''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">D’un point de vue étymologique, ''Gesellen'' désigne ceux qui habitent une même salle (en français sont camarades les habitants d’une même chambre et compagnons ceux qui partagent le pain). Le terme&nbsp;''Geselle'' renvoie tout d’abord au compagnon des métiers de l’[[Artisanat|artisanat]] (''Handwerksgeselle'') qui poursuit sa formation professionnelle avant de parvenir à la maîtrise en ayant satisfait à plusieurs conditions. Dans ce cas, ''Geselle'' trouve son équivalent dans le mot ''[[Knecht|Knecht]]'' (traduit aussi par valet – de ferme ou non – ou ouvrier, et signifiant également [[Écuyer|écuyer]]). Si ''Knecht'' est majoritairement utilisé par les autorités des métiers ou des villes pour désigner les compagnons de métier dans les règlements établis à leur intention, les compagnons privilégient le mot ''Geselle'' dans leurs écrits (règlements et statuts de leurs [[Confrérie|confréries]] ou de leurs poêles, correspondance). D’une part, cette préférence indique leur attachement à la communauté qu’ils forment, en particulier lorsqu’ils sont en conflit ouvert avec les autorités et qu’ils se concertent à l’échelle régionale pour imposer leurs revendications. D’autre part, elle met l’accent sur la conscience qu’ont les compagnons de leur valeur dans le monde du travail, car ''Knecht'' désigne aussi le simple domestique.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Peuvent aussi se désigner par ''Gesellen'' les compagnons qui travaillent dans le même atelier ou sur un même chantier ou ceux qui se rencontrent lors de leur pérégrination obligatoire (''Wandern'') dans les pays étrangers et qui ont pendant un temps une histoire et un itinéraire communs. Le sens de compagnon de travail ou de route se superpose alors à celui de compagnon de métier et prend la connotation de camarade.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Enfin, ''Geselle'' désigne l’adhérent – maître ou compagnon – à une ''[[Gesellschaft|Gesellschaft]]'', institution médiévale et de l’époque moderne, qui est la réunion des membres d’un métier ou d’une [[Corporation|corporation]] ou encore d’une couche sociale (par exemple les patriciens) dans une association liée à un poêle (''Stube''). Cette structure constitue une entente (''conjuratio'') au sein de laquelle les ''Gesellen'' sont liés pour avoir prêté serment de respecter les statuts et règlements.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le terme ''Geselle'' trouve aussi son emploi&nbsp;:</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">-- dans le domaine religieux&nbsp;: ''Geselle'' / ''socius'' désigne le «&nbsp;vicaire&nbsp;» d’un curé (p. ex. SUB, III, 104, n<sup>o</sup> 331, 1295), engagé et rétribué par ce dernier, et appelé plus tard ''Helfer'' ou ''Mietling''. Par ailleurs, un religieux d’un ordre mendiant est parfois désigné comme le ''socius'' / ''geselle'' d’un autre (p. ex. ''ZGO'', 78, 1926, 58, n<sup>o</sup> 6)&nbsp;;</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">-- dans l’aristocratie, les mêmes mots semblent désigner un vassal privilégié, p. ex. lorsque l’évêque de Bâle, faisant la paix avec le comte de Ferrette en 1281, écrit&nbsp;: ''wir nemmen ouch graven Thiebalden […] zu einem gesellen 6 jor und sulent ime cleidere geben'' […] (Trouillat II 343, n<sup>o</sup> 262). En 1258, Cuno von Bergheim se dit jadis ''socius'' et ''miles'' du comte Simund von Leiningen (''Alsatia Diplomatica'' I 423, no 576). Burkhard Murnhart et Wilhelm Meienris, ''socii'' de l’évêque Walter à Hausbergen, en 1262, l’accompagnent dans sa fuite (MGH SS 17, 111). À la fin du XIV<sup>e</sup> siècle, Schwarz Rudolf von Andlau appelle Hans Erbe ''unser friunt und geselle'' (AMS, VI 696/37)&nbsp;;</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">-- peuvent encore être appelés geselle un officier municipal par son collègue, un homme d’affaires par son associé, un soldat par un autre, un homme par sa bien-aimée.</p>  
 
== <span style="font-size:x-large;">Bibliographie</span> ==
 
== <span style="font-size:x-large;">Bibliographie</span> ==
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">TROUILLAT (Joseph), ''Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle'', II, 343, 344, no 262, Porrentruy, 1852-1867.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BADER (Karl Siegfried), ''Dorfgenossenschaft und Dorfgemeinde'', Cologne-Graz, 1962, p. 10 et n. 38.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">SCHULZ (Knut), ''Handwerksgesellen und Lohnarbeiter. Untersuchungen zur oberrheinischen und oberdeutschen Stadtgeschichte des 14. bis 17. Jahrhunderts'', Sigmaringen, 1985.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">DEBUS KEHR (Monique), ''Travailler, prier, se révolter. Les compagnons de métier dans la société urbaine et leur relation au pouvoir'' (Publications de la Société savante d’Alsace, coll. « Recherches et Documents », t. 77), Strasbourg, 2007.</p>  
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">TROUILLAT (Joseph), ''Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle'', II, 343, 344, no 262, Porrentruy, 1852-1867.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BADER (Karl Siegfried), ''Dorfgenossenschaft und Dorfgemeinde'', Cologne-Graz, 1962, p. 10 et n. 38.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">SCHULZ (Knut), ''Handwerksgesellen und Lohnarbeiter. Untersuchungen zur oberrheinischen und oberdeutschen Stadtgeschichte des 14. bis 17. Jahrhunderts'', Sigmaringen, 1985.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">DEBUS KEHR (Monique), ''Travailler, prier, se révolter. Les compagnons de métier dans la société urbaine et leur relation au pouvoir'' (Publications de la Société savante d’Alsace, coll. «&nbsp;Recherches et Documents&nbsp;», t. 77), Strasbourg, 2007.</p>  
 
 
 
== <span style="font-size:x-large">Notice connexe</span> ==
 
== <span style="font-size:x-large">Notice connexe</span> ==
 
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Compagnon_de_métier|Compagnon de métier]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Monique Debus Kehr, Bernhard Metz'''</p>   
 
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify">[[Compagnon_de_métier|Compagnon de métier]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Monique Debus Kehr, Bernhard Metz'''</p>   
[[Category:G]] [[Category:Artisanat-Industrie]] [[Category:Travail]] [[Category:Statut personnel]]
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[[Category:G]]

Version du 4 février 2021 à 09:45

Compagnon, Sociétaire, Socius

D’un point de vue étymologique, Gesellen désigne ceux qui habitent une même salle (en français sont camarades les habitants d’une même chambre et compagnons ceux qui partagent le pain). Le terme Geselle renvoie tout d’abord au compagnon des métiers de l’artisanat (Handwerksgeselle) qui poursuit sa formation professionnelle avant de parvenir à la maîtrise en ayant satisfait à plusieurs conditions. Dans ce cas, Geselle trouve son équivalent dans le mot Knecht (traduit aussi par valet – de ferme ou non – ou ouvrier, et signifiant également écuyer). Si Knecht est majoritairement utilisé par les autorités des métiers ou des villes pour désigner les compagnons de métier dans les règlements établis à leur intention, les compagnons privilégient le mot Geselle dans leurs écrits (règlements et statuts de leurs confréries ou de leurs poêles, correspondance). D’une part, cette préférence indique leur attachement à la communauté qu’ils forment, en particulier lorsqu’ils sont en conflit ouvert avec les autorités et qu’ils se concertent à l’échelle régionale pour imposer leurs revendications. D’autre part, elle met l’accent sur la conscience qu’ont les compagnons de leur valeur dans le monde du travail, car Knecht désigne aussi le simple domestique.

Peuvent aussi se désigner par Gesellen les compagnons qui travaillent dans le même atelier ou sur un même chantier ou ceux qui se rencontrent lors de leur pérégrination obligatoire (Wandern) dans les pays étrangers et qui ont pendant un temps une histoire et un itinéraire communs. Le sens de compagnon de travail ou de route se superpose alors à celui de compagnon de métier et prend la connotation de camarade.

Enfin, Geselle désigne l’adhérent – maître ou compagnon – à une Gesellschaft, institution médiévale et de l’époque moderne, qui est la réunion des membres d’un métier ou d’une corporation ou encore d’une couche sociale (par exemple les patriciens) dans une association liée à un poêle (Stube). Cette structure constitue une entente (conjuratio) au sein de laquelle les Gesellen sont liés pour avoir prêté serment de respecter les statuts et règlements.

Le terme Geselle trouve aussi son emploi :

-- dans le domaine religieux : Geselle / socius désigne le « vicaire » d’un curé (p. ex. SUB, III, 104, no 331, 1295), engagé et rétribué par ce dernier, et appelé plus tard Helfer ou Mietling. Par ailleurs, un religieux d’un ordre mendiant est parfois désigné comme le socius / geselle d’un autre (p. ex. ZGO, 78, 1926, 58, no 6) ;

-- dans l’aristocratie, les mêmes mots semblent désigner un vassal privilégié, p. ex. lorsque l’évêque de Bâle, faisant la paix avec le comte de Ferrette en 1281, écrit : wir nemmen ouch graven Thiebalden […] zu einem gesellen 6 jor und sulent ime cleidere geben […] (Trouillat II 343, no 262). En 1258, Cuno von Bergheim se dit jadis socius et miles du comte Simund von Leiningen (Alsatia Diplomatica I 423, no 576). Burkhard Murnhart et Wilhelm Meienris, socii de l’évêque Walter à Hausbergen, en 1262, l’accompagnent dans sa fuite (MGH SS 17, 111). À la fin du XIVe siècle, Schwarz Rudolf von Andlau appelle Hans Erbe unser friunt und geselle (AMS, VI 696/37) ;

-- peuvent encore être appelés geselle un officier municipal par son collègue, un homme d’affaires par son associé, un soldat par un autre, un homme par sa bien-aimée.

Bibliographie

TROUILLAT (Joseph), Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, II, 343, 344, no 262, Porrentruy, 1852-1867.

BADER (Karl Siegfried), Dorfgenossenschaft und Dorfgemeinde, Cologne-Graz, 1962, p. 10 et n. 38.

SCHULZ (Knut), Handwerksgesellen und Lohnarbeiter. Untersuchungen zur oberrheinischen und oberdeutschen Stadtgeschichte des 14. bis 17. Jahrhunderts, Sigmaringen, 1985.

DEBUS KEHR (Monique), Travailler, prier, se révolter. Les compagnons de métier dans la société urbaine et leur relation au pouvoir (Publications de la Société savante d’Alsace, coll. « Recherches et Documents », t. 77), Strasbourg, 2007.

Notice connexe

Compagnon de métier

Monique Debus Kehr, Bernhard Metz