Garnison

De DHIALSACE
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Ensemble des formations militaires stationnées dans une place forte, une localité, un camp ou assurant la défense d’un ouvrage fortifié, par extension la ville qui abrite les troupes. Le mot dérive du terme militaire « garnir » qui signifie approvisionner une ville et y entreposer du matériel pour en faire une place de guerre (L. Bély).

En tant que province frontière, l’Alsace accueille des garnisons dès l’époque romaine. Vers 10 avant J.‑C., Drusus fait édifier une cinquantaine de camps fortifiés le long du Rhin, dont cinq en Alsace, comme Argentoratum (Strasbourg). Au Moyen Âge, les seigneurs entretiennent dans leurs demeures fortifiées ou dans leurs châteaux, une garnison de faible effectif, uniquement renforcée en temps de guerre. En temps de paix, les lieux sont surveillés par un concierge et éventuellement par le châtelain (Burgvogt), ses fils et deux ou trois valets (Knechte). Au XIIe siècle, la défense du château fort est assurée par un bailli (Vogt) assisté d’une garnison de six à huit hommes d’armes ou valets. En 1330, la garnison du Falkenstein se compose d’un concierge et de six valets. En 1440, douze valets montent la garde dans le château de Lichtenberg (Ch.‑L. Salch). Au cours du XIIIe siècle, les grandes seigneuries confient la défense de leurs forteresses importantes à plusieurs vassaux qui reçoivent en échange des biens et des droits dans le cadre des fiefs castraux (P. Schmitt et alii). Ce système s’applique aux châteaux dont l’importance stratégique ou l’étendue justifient la multiplication des moyens de défense, comme le Hohlandsbourg dont les huit vassaux castraux entretiennent au XIIIe siècle une garnison d’environ 30 à 40 hommes d’armes.

En temps de guerre, la garnison est renforcée mais les effectifs paraissent néanmoins dérisoires. Le Herrenstein abrite habituellement une garnison de neuf valets fournis par Strasbourg et par les autres propriétaires. En cas de danger, la garnison est complétée, Strasbourg promet d’y envoyer douze hommes d’armes, les deux autres partenaires quatre soldats supplémentaires (P. Schmittet alii). De même, le Fleckenstein accueille une garnison de dix écuyers et trente valets d’armes en 1408. Dans l’Ortenberg, vingt-deux hommes d’armes font face à l’armée de Charles le Téméraire en 1470 (Ch.‑L. Salch). Pour les villes, la question des garnisons se pose surtout en temps de guerre et au fur et à mesure que s’organisent les armées permanentes et que leurs effectifs s’étoffent. Mulhouse possède une garnison de soixante hommes d’armes en 1261 et Thann de douze valets en 1470 (Ch.‑L. Salch).

Pendant la guerre de Trente Ans, les Impériaux, les Suédois et les Français installent des garnisons pour tenir les différents points stratégiques. Le château du Hohnack à Labaroche est ainsi occupé par une troupe de vingt-cinq soldats français en 1634 (A. Scherlen, Perles d’Alsace, t. 2, p. 163). Les villes alsaciennes qui se placent sous la protection du roi de France accueillent une garnison française : Bouxwiller, Ingwiller et Neuwiller en 1633, Haguenau et Saverne en 1634, Colmar en 1635, Munster, Turckheim et Kaysersberg en 1636. Les traités de protection fixent les modalités de la vie de garnison et les bourgeois demandent que les garnisons soient entretenues aux frais du roi et à la charge de la municipalité. Au XVIIe siècle, la présence continuelle de la guerre, l’effectif considérable des troupes maintenues sur pied dans les quartiers d’hiver ou en temps de paix dans les localités, obligent le roi à trouver une solution générale au logement des troupes. Faute de casernes, il faut les loger dans les réduits des fortifications ou chez l’habitant, contraint de leur fournir le logement et le couvert (v. Caserne).

Redevenue province frontière par les traités de Westphalie, l’Alsace abrite plusieurs garnisons. La province est protégée par six places importantes : Fort-Louis, Strasbourg, Breisach, puis la Ville Neuve de Brisach, ensuite Neuf-Brisach, Huningue, Landau et Belfort. Wissembourg, Lauterbourg, Lichtenberg, La Petite Pierre, Landskron, Haguenau et Sélestat constituent des postes secondaires avec des garnisons plus réduites, souvent composées de vétérans ou d’invalides. À partir de 1681, la plus importante garnison est logée à Strasbourg.

À partir de la fin du XVIIe siècle, l’infanterie française est réorganisée et les conditions d’hébergement des troupes sont revues dans son souci d’efficacité et de contrôle. Des casernes sont édifiées pour loger la troupe dans les villes qui abritent désormais de façon permanente des garnisons. En octobre 1681, les effectifs de la garnison de Strasbourg sont fixés à 7 075 hommes sous l’autorité d’un gouverneur. Dès 1683, neuf casernes sont construites ou aménagées et permettent de loger 4 235 hommes et 424 chevaux. En 1697, les casernes peuvent abriter 190 officiers, 5 092 hommes et 927 chevaux. Une partie de la garnison reste logée chez l’habitant. En 1704, sur 3 634 maisons, 790 hébergent des officiers et 2 494 reçoivent des hommes de troupe. Des militaires sont logés chez l’habitant jusqu’au 1er janvier 1753 (Encyclopédie d’Alsace). Le service des garnisons est rigoureusement organisé à partir du règlement de 1661 complété par de nombreuses ordonnances comme celles de 1727 et de 1768 qui traitent de la police des places et des obligations de service. Les troupes placées en garnison sont astreintes à des exercices hebdomadaires qui entretiennent la discipline de la troupe et évitent l’excès d’oisiveté des soldats (L. Bély).

À la veille de la Révolution, 24 000 hommes tiennent garnison en Alsace, de Belfort à Landau. Strasbourg reste la première garnison de la province avec des escadrons de cavalerie, des bataillons d’infanterie, une école et un régiment d’artillerie. Belfort, Colmar, Neuf-Brisach, Haguenau et Landau possèdent des escadrons de cavalerie (dragons, chasseurs ou hussards). Des bataillons d’infanterie sont stationnés à Belfort, Huningue, Neuf-Brisach et Landau ainsi qu’à Wissembourg qui détache deux cents hommes à Fort-Louis. Quelques compagnies d’infanterie sont installées à La Petite-Pierre, Lichtenberg, Landskron, Belfort et au Fort-Mortier, près de Neuf-Brisach (J. Krug‑Basse).

Si l’on ne trouve pas de récriminations majeures à l’égard des troupes de garnison dans les cahiers de doléances alsaciens de 1789, la population soulève néanmoins le problème du logement des soldats qui trop souvent demeure encore à la charge des civils. Aussi, les habitants demandent-ils la construction de casernes supplémentaires pour échapper à cette charge, comme à Colmar « Que personne ne sera exempte (sic) du logement des gens de guerre et que tout le monde sera astreint de contribuer à la bâtisse et à l’entretien des casernes, et que les lits et lumières seront fournies aux dépens du Roy » (art. 28. E. Pelzer). De même, à Bouquenom (Sarre-Union), on réclame l’édification de casernes : « le logement des gens de guerre n’est pas une des moindres charges dont le peuple est grevé […] le remède serait de faire bâtir des casernes dans chaque petite ville assujettie à ce logement » (R. Steegmann). Les dix villes impériales abondent dans ce sens : « que désormais la construction de casernes, annexes pour officiers de même que les livraisons des lits ; du bois et de la lumière, soit à la charge de la ville, vu que les villes fortifiées et les forteresses sont à la charge générale de la nation […] pendant que les logements des soldats devront être supportées par chacun sans distinction de situation » (art. 21. R. Steegmann).

La présence permanente des troupes dans les villes ne semble pas soulever une hostilité générale. La population bénéficie même de retombées économiques de la présence d’une garnison comme le sous-entendent les doléances particulières de Landau : « Il est vrai que la ville semble avoir une sorte de dédommagement par la présence de la garnison ; mais sans raison, car chacun sait combien peu il est possible de gagner avec les garnisons puisque celles-ci se procurent elles-mêmes tout le nécessaire, ainsi que les travailleurs de toutes sortes […] La ville attend du roi la libéralisation de toutes les dépenses que nécessite l’organisation militaire. » (R. Steegmann). Les troupes stationnées changent assez souvent, tous les deux ou trois ans en moyenne. Civils et militaires souhaitent à la veille de la Révolution que les rotations soient moins rapides. Les villes s’habituent à leur régiment, preuve de l’excellence du système (L. Bély) comme semblent le dire les habitants de Huningue : « Qu’on entretiendra dorénavant dans les villes de garnison une garnison toujours à peu près égale en nombre de sorte que le régiment qu’il faudra changer soit autant que possible remplacé par un autre, afin que les villes et les arrondissements ne soient point affligés par une variation funeste dans les consommations de bouches, de fourrages, etc. » (art. 51 E. Pelzer).

Sous la Révolution et le Premier Empire, la rotation des troupes de garnison s’accélère et Strasbourg devient avant tout un immense dépôt pour les troupes engagées en Allemagne.

Sources - Bibliographie

AHR, 2R 10-46 : terrains et bâtiments militaires (1800-1869).

AHR, 1Z 1064 : sous-préfecture d’Altkirch-Mulhouse : création de garnison, de logement de troupes (1801-1856).

AHR, 3Z 20 : sous-préfecture de Colmar : logement des troupes (1814-1816).

KRUG-BASSE, L’Alsace avant 1789 (1876).

NAVEREAU (André-Eugène), Le logement et les ustensiles des gens de guerre de 1439 à 1789, Poitiers, 1924.

LIVET (Georges), Intendance (1956).

RAPP (Francis), Le château-fort dans la vie médiévale, Strasbourg, 1968.

SCHMITT (Pierre), WILL (Robert), WIRTH (Jean), SALCH (Charles-Laurent),Châteaux et guerriers de l’Alsace médiévale, Strasbourg, 1975.

DOISE (Jean), « Histoire militaire de l’Alsace », Saisons d’Alsace, no 84, 1984, p. 9-112.

Encyclopédie d’Alsace, p. 3268-3269.

DALLEMAGNE (François), Les casernes françaises, Paris, 1990.

STEEGMANN (Robert), Les cahiers de doléances de la Basse-Alsace, Strasbourg, 1990.

PELZER (Erich), Les cahiers des plaintes et doléances de la Haute Alsace, Strasbourg, 1993.

SALCH (Charles-Laurent),Les clefs des châteaux-forts d’Alsace, Lichtenberg, 1995.

BÉLY (Lucien), Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, 2003.

Notices connexes

Caserne

Château_fort

Citadelle

Fortifications

Ustensiles

Philippe Jéhin