Frontière

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Frontières, GrenzeGrenzen

I. Frontières culturelles

Cette présentation, qui ne se veut nullement exhaustive, se situe à la frontière des institutions puisque, moyennant une gamme très variée de critères, elle prend en compte des usages qui s’inscrivent, non pas de part et d’autre d’une frontière rectiligne ou linéaire – le Rhin, les Vosges, le Jura –, mais dans une aire culturelle et, par conséquent, dans une zone d’influence, plus difficile à cerner qu’une véritable frontière. Sans tomber dans les excès d’un déterminisme ethnologique, force est de constater que l’Alsace, région des marges par excellence, située entre l’espace germanique et l’espace français et ouverte, le long de l’axe rhodano-rhénan, aux influences méditerranéennes, est soumise à divers courants qui en font un « carrefour » plutôt qu’un « creuset », puisque les influences qui s’exercent sur la province ont tendance à s’ajouter les unes aux autres sans forcément se fondre entre elles. Les tentatives de centralisation, de l’apparition des États nationaux à la Révolution et à l’Empire, se montreront incapables de mettre un terme à ce qui est perçu par les autochtones comme l’expression d’une « identité » et par les étrangers comme un ensemble de « particularités ». En effet, l’originalité alsacienne est essentiellement relevée par les voyageurs et hôtes de passage, venus d’outre-Rhin comme d’outre-Vosges (Montaigne, L’Hermine, Goethe, pour ne citer que les plus célèbres) et par les administrateurs français « parachutés » dans une province nouvellement rattachée au Royaume dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Les uns et les autres apportent leur irremplaçable regard neuf qui, quoique superficiel et subjectif, a le mérite de relever ce que les autochtones, par accoutumance, ne perçoivent plus, pas davantage qu’ils ne perçoivent de « frontière » autre que politique, et, par conséquent, d’autoriser la comparaison avec d’autres régions. Le piège réside dans la généralisation de ces descriptions, rapides et quelque peu réductrices, assorties de jugements hâtifs, qui ont tendance à se fonder sur une fausse unicité de l’Alsace (l’ouest et l’est, le nord et le sud) et à mêler montagne et plaine, ville et campagne, peuple et élites, vie quotidienne et circonstances exceptionnelles.

Il est des domaines dans lesquels, la notion de frontière, dans son acception conventionnelle, n’est guère pertinente, du fait de la porosité de cette dernière : comment en serait-il autrement, compte tenu des échanges constants d’hommes (immigration au XVIIe siècle), de marchandises (par la vallée du Rhin et les vallées vosgiennes), et d’idées (Humanisme et Renaissance) ? Sur le plan géopolitique, ce qui frappe d’emblée les analystes, c’est, quelle que soit l’ambition d’une centralisation française, du reste assez tardive, la persistance d’une mosaïque seigneuriale, plus proche de la Kleinstaaterei allemande à l’ouest de l’Elbe que du système féodal français, moyennant un certain nombre de « libertés » revendiquées par des potentats locaux, puis par les communautés d’habitants. Au nombre des principautés les plus importantes, certaines s’étendent d’ailleurs de part et d’autre du Rhin (duché de Wurtemberg, comté de Hanau-Lichtenberg). Or, l’appartenance politique influe sur les choix religieux, l’Alsace étant le lieu de cohabitation entre les trois confessions. Sur le plan juridique, nombreuses sont les spécificités, amplement développées par ailleurs, du droit édicté et appliqué dans la province, qu’il soit public ou familial. Par l’édit de 1657, la monarchie s’engage d’ailleurs à respecter les usages locaux avant que l’intendant de La Grange ne conseille de « ne pas y toucher », tant les Alsaciens sont attachés, comme le note l’Hermine, aux « lois d’Allemagne ». La manière de « tenir » la terre rapproche l’Alsace davantage de l’aire germanique que de l’espace français : à la notion de « propriété », au sens romain du terme, de petite propriété en l’occurrence, se substitue celle de « possession », présente dans l’Erblehen, emphytéose de fait parfois fort éloignée de l’emphythéose de droit, mise en exergue par des juristes français férus de droit romain.

Dans le domaine économique, l’attention des ressortissants français ou occasionnellement anglais, comme Arthur Young, est retenue par l’importance de la petite culture intensive « à la flamande », du reste fort répandue dans l’ensemble de la vallée rhénane, obtenant des rendements honorables au prix de l’utilisation d’une abondante fumure et de l’emploi d’une main-d’oeuvre pléthorique. C’est que la structure des exploitations et les techniques culturales rappellent davantage celles de l’espace rhénan que celles de l’espace français, tandis que « l’abondance de la population » stimule à la fois l’emploi et la demande. Alors que le vignoble atteint ses limites septentrionales grâce à une bonne exposition, deux productions agricoles, véritables plantes de civilisation, sont symptomatiques de la transgression d’une frontière : la pomme de terre, progressant de l’est vers l’ouest, connue dans les « jardins d’Allemagne » (Hesse, pays de Bade, Alsace) dès le XVIe siècle, avant de conquérir les terroirs français et de devenir une culture de plein champ ; le maïs qui se diffuse, au contraire, du sud au nord avant de s’implanter, au milieu du XVIIe siècle, sous des noms fort révélateurs (Welschweizen, Welschkorn, Türkenkorn), en Alsace. Le préfixe de « welsch » qu’on retrouve dans les Welschbohnen (fèves) ou les Welschhühner (dindes) est particulièrement révélateur à ce sujet. La frontière se concrétise également dans la manière de compter, de mesurer et d’estimer les surfaces : le Gulden (florin) résiste face à la livre tournois ; l’arpent de Paris a du mal à s’imposer face à l’Acker ou au Morgen, comme le rézal (Viertel) et le boisseau (Sester), en tant que mesures locales, ne se laissent pas facilement détrôner par le setier de Paris ou le sac du roi.

Mais c’est dans la vie de tous les jours que la frontière culturelle est la plus sensible :

- Habitat et mobilier : des villages majoritairement groupés, du moins en plaine ; une maison relativement mobile du fait de ses structures porteuses et qui accorde une place importante au bois ; une toiture à forte pente et une charpente « à l’allemande » ; un poêle de fonte à feu fermé qui tranche avec la cheminée de pierre à feu ouvert « à la française » réservée aux demeures aristocratiques ; un « coffre d’Allemagne » qui ne ressemble guère au bahut lorrain ou à la huche française ; des lits plus courts et plus étroits que ceux rencontrés outre-Vosges, participant d’une culture de la paillasse (et non du matelas) et de l’édredon à l’allemande (Deckbett) plutôt que de celle de la légère couverture à la française ; une alcôve qui se substitue progressivement à l’armoire-lit, la première étant plus ouverte sur la salle de séjour que la seconde.

- Habillement : pour les hommes, la découverte d’une culotte bouffante « à la suisse » qui se distingue de l’étroite « culotte française » et d’une veste courte, la redingote à la française étant réservée aux jours de fête ; pour les femmes, la bizarrerie d’un « costume à l’allemande » qui s’ajoute à celle des coiffures, avec un décalage de comportement sensible avec la ville dont les habitants s’habillent plus volontiers « à la française » ; partout des toiles grossières, chanvre et lin, sauf dans les classes aisées qui ont recours aux toiles fines manière de Hollande, d’Angleterre ou de France ; enfin de robustes chaussures à épaisses semelles, de préférence aux sabots…

- Habitudes alimentaires venues de l’Europe centre-orientale et reposant sur une nourriture consistante, à digestion lente, à base de céréales, de féculents (quenelles et beignets) et de pommes de terre ; transition entre la civilisation de la bouillie et celle du pain, entre celle du pain noir et celle du pain blanc, entre celle des graisses animales (beurre et saindoux) et celle des huiles végétales (noix et colza) ; importance des fruits séchés (Schnitz ou poires cuites) accompagnant un plat de jambon, la viande de porc étant d’ailleurs prédominante dans les ragoûts, les potées ou la choucroute ; passage de la civilisation de la bière à celle du vin, un vin léger, plus rarement mélangé à l’eau comme on a l’habitude de le consommer « en France » ; manière de boire originale, qui repose, en dehors des repas, sur une tradition de convivialité ou d’hospitalité (le Willkommbecher) et accompagne parfois la « danse à l’alsacienne »…

- Outillage divers enfin : râteau français et râteau allemand, fer à repasser allemand et fer à repasser français font bon ménage. Traduisant la progression de la francisation, on sacrifie, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à des dénominations à consonance bien française (Marmitte, Casserole, Salatier, Boutelien, Bandoflen, Bottinen, Grabatte,Couverte, Carapiener), à peine déformées par le langage populaire, mais correspondant, semble-til, à des réalités anciennes. C’est certes la ville qui sert de réceptacle aux influences venues de l’extérieur, mais la campagne, touchée dans un deuxième temps, n’est pas en reste.

Ces observations s’avèrent néanmoins insuffisantes pour faire sortir l’Alsace du statut particulier qui est le sien, tantôt de « Halbfrankreich » (Goethe), tantôt de « province d’Allemagne » (Le Pezay) ou de « Germany » (Arthur Young), selon l’optique adoptée par les visiteurs de passage… Ce sont là des différences civilisationnelles, parfois sans rapport avec les frontières politiques ou linguistiques, dont les voyageurs ont eu l’intuition alors que l’historien, pourtant sensible à ce regard croisé, éprouve parfois du mal à apprécier leur épaisseur historique.

Sources 

Elles reposent essentiellement sur l’analyse des mémoires des intendants ou de leurs subordonnés et l’étude des récits de voyage qui se multiplient à l’époque moderne : Montaigne (1580-1581) ; Bergeron (1600, 1603, 1617) ; Coryat (1611) ; Koszul (1611) ; du Val (1662) ; L’Hermine (1674-1681) ; de La Grange (1697) ; Le Pelletier de La Houssaye (1701) ; anonymes (1721, 1757-1764, vers 1778, 1780, 1782, 1784, 1786) ; Mortemart (1769) ; Masson de Pezay (1771) ; Goethe (1771) ; Grimm (1775) ; Schmohl (1780) ; Saltzmann (1780) ; Gercken (1783) ; Young (1787-1789) ; Karamzine (1789-1790) ; Storch (1790) ; Piaggino (1793) ; Merckel (1794) ; Roland (1800) ; Meiners (1802) ; Kranz (1805) ; Hammer (1807) ; Aufschlager (1826-1828), auxquels on ajoutera Voltaire (1753-1754) et, en sens inverse, venant d’un Alsacien voyageant « en France », Brackenhoffer (1643-1644).

NEYREMAND (Ernest de), Séjour en Alsace de quelques hommes célèbres, Colmar, 1860.

STOEBER (Auguste), Curiosités de voyages en Alsace depuis le XVIe jusqu’au XIXe siècle, Colmar, 1874.

PFISTER (Christian), « Louis XIV en Alsace », Saisons d’Alsace, 17, 1955, p. 5-63.

LIVET (Georges), « Comment les Français du XVIIe siècle voyaient la France », Revue XVIIe siècle, 25-26, 1955, p. 103-130.

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BOEHLER (Jean-Michel), « De la frontière au carrefour culturel : perception de l’identité de l’Alsace rurale aux XVIIe et XVIIIe siècles », Identités, appartenances, revendications identitaires, (colloque à l’Université Paris-Nanterre du 25 avril 2003), Actes, Paris, 2005, p. 203-211.

BOEHLER (Jean-Michel), « Étrangers et étranges : terre et paysans d’Alsace vus par les ressortissants d’outre-Rhin et d’outre-Vosges aux XVIIe et XVIIIe siècles », colloque de Strasbourg, 2007, de l’Association interuniversitaire de l’Est, DINET (Dominique), GRANDHOMME (Jean-Noël), LABOULAIS (Isabelle) (dir.),Les formes du voyage. Approches interdisciplinaires, Actes, Strasbourg, 2010, p. 11-23.

V. Décapole, Droit_de_l'Alsace, Erblehen, Frontière linguistique, Maison.

Jean-Michel Boehler

II. Frontière linguistique germano-romane

Au XXe siècle, la frontière linguistique germano- romane passe, en Alsace, « entre Lutzelhouse (roman) et Muhlbach dans la vallée de la Bruche, puis entre Neuwiller et Natzwiller, Lalaye et Bassemberg, Lièpvre et La Vancelle, puis, dans le Haut-Rhin, entre Labaroche et Turckheim, longe ensuite la limite départementale jusqu’à Bretten et Saint-Côme qui sont de langue romane, face à Sternenberg et Guevenatten, de langue germanique. Tout au sud de l’Alsace, il y a encore neuf localités de langue romane, la limite passant entre Valdieu et Elbach, Romagny et Altenach, puis entre Courtavon et Liebsdorf, Levoncourt et Oberlarg » (Philipp 1982, p. 216). Jusqu’en 1815, la partie romane de l’Alsace compte encore les anciennes principautés de Porrentruy et de Montbéliard, ainsi que le pays de Delémont. Le Territoire de Belfort, quant à lui, deviendra une entité départementale autonome en 1870.

Processus global de la constitution d’une « frontière » (= limite) linguistique

Lorsqu’il est question de langues, liées à un espace, il s’agira en Europe, prioritairement jusqu’au début du XIXe, de variétés orales, quelle que soit la désignation qui les catégorise (dialectes, parlers, patois, parlures…). Lorsque la communication orale n’est plus possible entre des locuteurs habitant deux points spatiaux proches de quelques kilomètres, c’est que les moyens linguistiques utilisés appartiennent vraisemblablement à des ensembles (« familles ») linguistiques différents. Dans ce cas, il est plus que probable que passe, entre ces deux points, une limite linguistique qui participe à un ensemble plus vaste, c’est-à-dire à une limite entre deux ensembles linguistiques que l’on pourra reporter sur une carte.

C’est dans ce sens qu’il s’agira de comprendre « frontière » ou « limite germano-romane », les langues standardisées de l’époque contemporaine n’étant pas incluses dans la critérisation du traçage d’une limite linguistique de ce type.

S’agissant de la limite germano-romane, elle concerne l’Alsace à l’ouest du domaine, à partir du Donon, autour de la crête des Vosges, et se poursuit jusqu’à la frontière suisse. Le nord du domaine alsacien fait partie d’un ensemble de parlers germaniques (essentiellement franciques) qui sont en usage bien au-delà de l’espace alsacien.

Émergence d’une limite linguistique germano-romane

Il semble acquis que c’est l’arrivée progressive des Alamans à partir du IVe siècle, puis des Francs au Ve siècle, dans un espace essentiellement occupé par des locuteurs de variétés gallo-romanes qui implante des parlers germaniques de manière durable. C’est par la colonisation de l’espace par les nouveaux arrivants qu’un changement linguistique aura lieu. En effet, les Germains, probablement en nombre assez important, vont diffuser leurs parlers et supplanter assez rapidement les variétés gallo-romaines en usage. C’est par ce changement linguistique qu’une première limite germano-romane peut être postulée, avec, probablement, des zones ou des îlots dans l’espace germanique où les variétés des occupants plus anciens se maintiennent encore un certain temps. Trois hypothèses sur l’aire et l’étendue de la colonisation linguistique amènent l’élaboration de tracés différents de la limite linguistique. Si la colonisation s’est faite de manière géographiquement extensive, la limite a dû se situer non loin de la limite contemporaine des espaces linguistiques germanique et roman. Si, en revanche, la population gallo-romaine s’est déplacée vers et dans la montagne, ce dont les toponymes en -weiler (de villae) garderaient la trace, la limite a dû se situer le long du pied des Vosges jusqu’au VIIe siècle. « Dans les deux cas, les aires de langue germanique et romane étaient contiguës dès le commencement » (Lévy 1929, p. 111). Lévy (1929, p. 112) propose une troisième hypothèse selon laquelle la colonisation germanique n’est pas allée jusque dans la montagne et les populations gallo-romaines n’ont pas été repoussées dans les vallées vosgiennes. Dans ce cas, il y a dû y avoir une colonisation ultérieure, de sorte que, dans un premier temps, « il y avait deux frontières linguistiques, l’une sur la pente occidentale de la montagne [= des Vosges, côté lorrain], l’autre à l’est [du côté alsacien], et entre les deux [limites], un vide large de plusieurs lieues » (Autre hypothèse encore : les locuteurs de gallo-roman dans les vallées vosgiennes (welches) sont venus ultérieurement du versant occidental des Vosges, après la colonisation complète aux Ve-VIIe siècles du versant oriental par les locuteurs de variétés germaniques). D’autres rappellent que la question n’est pas tranchée et que les raisons des occupations par des populations romanophones du versant oriental des Vosges peuvent être multifactorielles, de genèse et d’époque différentes selon les micro-espaces considérés (Lanher/ Litaize/Monamy 1985, p. 5886).

Le fait que la colonisation des nouveaux arrivants venant de l’est ne soit pas allée plus loin dans le massif vosgien serait avant tout dû à la configuration de la structure de la montagne, du côté oriental, et au fait que la part des forêts était encore particulièrement importante et aurait constitué un obstacle non insurmontable, mais dissuasif (Lévy 1929, p. 116).

En tout état de cause, deux espaces linguistiques différenciés s’établissent entre le Ve et le VIIIe siècle. Quelle que soit la lecture qui est faite de leur établissement, il semble qu’il y ait un accord sur le fait qu’il n’y ait eu que rarement ou qu’occasionnellement des zones linguistiquement mixtes (comme cela a probablement été le cas plus au nord), mais plutôt des zones linguistiquement juxtaposées.

Il semble qu’autour de l’an mil, la limite globale entre l’espace de langue romane et l’espace de langue germanique se soit stabilisée, avec une présence de la langue romane dans la plupart des hautes vallées vosgiennes. Elle se maintiendra durant tout le Moyen Âge. Il n’y a guère que dans le Jura sundgovien que « le germanique n’a peut-être pas atteint immédiatement sa plus grande extension » (Lévy 1929, p. 130) aux Xe et XIe siècles.

Entre le XIIe siècle et le milieu du XVe siècle, la limite linguistique ne connaîtra que peu de changements. Lévy (1929, p. 160, en référence aux travaux de Witte 1907 et 1897) signale quelques modifications possibles au profit de l’espace germanique, notamment dans la haute vallée de Munster. Plus au sud, Bréchaumont aurait passé dans l’espace germanique avant 1500. Toujours dans le Sundgau, Pfetterhouse, Gerschwiller (village disparu), Oberlarg, Lucelle et Winkel auraient également passé dans l’espace de langue germanique.

C’est à partir de la fin du XVe siècle que la limite linguistique connaîtra plus de changements, mais sans bouleversement spatial et quantitatif majeur, la crête des Vosges restant l’axe principal de la limite. Néanmoins, deux vallées, celle de la Bruche (autour de Schirmeck) et celle de la Lièpvre (autour de Sainte-Marie-aux-Mines) vont connaître des changements assez importants.

Dans la vallée de la Bruche, les changements linguistiques semblent faire suite à une modification politico-économique et religieuse. L’évêque de Strasbourg remet au monétaire Gennetaire de Nancy les mines de fer de Schirmeck en 1601. Cela pourrait être l’élément déclencheur d’une romanisation des communes environnantes (Wackenbach, Rothau, Fouday, Waldersbach, Wildersbach, Blancherupt, Solbach et Neuviller-la-Roche), « mouvement que les dévastations de la guerre de Trente Ans vont accélérer par la suite » (Lévy 1929, p. 195). Seule la commune de Natzwiller reste de langue germanique : elle dépend de l’évêque de Strasbourg, tandis que toutes les autres communes font partie de la seigneurie du Ban-de-la-Roche et passent toutes au protestantisme en 1589. « Du coup, toutes les relations entre les communes voisines sont coupées, tandis que tout le Ban-de-la-Roche et la vallée supérieure de la Bruche, sous l’influence d’une orientation industrielle nouvelle, se tournent vers l’ouest et en reçoivent une colonisation presque exclusivement protestante » (Lévy 1929, p. 195-196). Pour la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, qui est ancrée dans l’espace roman jusqu’au milieu du XVIe siècle au moins, la situation commence à changer lorsque les activités d’extraction minière, un temps abandonnées, reprennent. Comme il n’est pas possible de recruter les mineurs nécessaires à la reprise de l’activité industrielle sur place, ils vont venir de plusieurs régions de langue allemande de l’Empire, de sorte que « les vassaux naturels des Ribeaupierre, bourgeois et manants », parlaient une variété linguistique romane, tandis que « les membres de la Knappschaft, sujets d’Autriche – Ribeaupierre », n’utilisaient que des variétés d’allemand. En conséquence, « les anciens hameaux de Saint-Blaise et d’Echery étaient au XVIe siècle » de langue romane, les nouveaux hameaux de Fortelbach [Fertrupt] et de Marienkirch [Sainte-Marie] de langue allemande (Lévy 1929, p. 197). Tout ce qui touche de près ou de loin aux mines est de langue allemande, tandis que la variété romane est présente dans l’ensemble des autres dimensions de la société. L’arrivée de Huguenots lorrains et bourguignons renforce la composante romane. Dans ce sens, ce n’est pas tant une répartition spatiale qui est pertinente, mais une répartition selon les provenances linguistiques des nouveaux arrivants. Lévy (1929, p. 199) observe que ce n’est donc pas la frontière linguistique qui s’est déplacée dans ces deux vallées, mais que ce sont des groupes humains qui se sont installés de part et d’autre de la limite linguistique, cette installation amenant une modification pérenne de la limite linguistique (Lévy 1929, p. 199).

Ce sont ces mêmes vallées, touchées par la guerre de Trente Ans, qui vont connaître des changements linguistiques. Les vides humains sont tels que, dans la Vallée de la Bruche, ils furent comblés par les immigrants bourguignons et lorrains, dans le Ban-de-la-Roche, surtout par des réformés de Suisse et du pays de Montbéliard. L’immigration se poursuivra tout au long du XVIIIe siècle. Les variétés de roman s’imposèrent jusqu’à repousser la limite des langues au-delà de Lutzelhouse et de Neuviller-la-Roche. Au XVIIIe siècle, le Ban de la Roche sera totalement de langue romane. Dans la vallée de la Lièpvre, ce furent essentiellement des Suisses allemands qui répondirent aux sollicitations pour le repeuplement suite à la guerre de Trente Ans (Lévy 1929, p. 267-269). La présence de la variété germanique, notamment par la migration, s’accentuera encore au XVIIIe siècle. Dans le Sundgau, parmi les villages près de la frontière linguistique, Piémont (1963, p. 320-321) compte encore Bretten parmi les localités romanophones.

Au total, « en plus de mille ans, la frontière linguistique n’a pas subi de changements aussi considérables que celles des dernières années avant et des premières après la conclusion de la paix de Munster, sur deux points : la région des lacs lorrains et la vallée de la Bruche » (Lévy 1929, p. 264), mais, tendanciellement, la limite des langues orales entre l’ensemble roman et l’ensemble germanique à l’ouest de l’espace alsacien reste d’une remarquable stabilité durant près d’un millénaire. Il n’en reste pas moins que des traces linguistiques (romanes ou germaniques) perdureront dans les espaces de l’« autre » variété bien au-delà des changements linguistiques et que la limite germano-romane restera linguistiquement durablement poreuse.

Bibliographie

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WITTE (Hans), Zur Geschichte des Deutschtums im Elsass und im Vogesengebiet (Forschungen zur deutschen Landes– und Volkskunde X, 4), Stuttgart 1897.

WITTE (Hans), « Romanische Bevölkerungsrückstände in deutschen Vogesentälern », Deutsche Erde, 1-3, 1907.

LEVY (Paul), Histoire linguistique d’Alsace et de Lorraine. Tome I : Des origines à la Révolution française, Paris, 1929.

FAESSEL (Robert), « La limite linguistique dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines », RA, 1936, p. 179-184.

PIÉMONT (Paul Auguste), L’établissement de la frontière linguistique franco-germanique, Strasbourg, 1963, p. 306-324.

WILSDORF (Christian), « L’origine de la population welche des vallées haut-rhinoises », VALENTIN André (dir.), Lapoutroie et son passé, les racines de l’avenir, Lapoutroie 1979, p. 6-11.

RICHARD (Jean), « Au coeur de l’Alsace : la richesse de deux groupes linguistiques voisins depuis des siècles », Ann. SHVV, 5, 1980, p. 117-129.

PHILIPP (Marthe), « L’espace dialectal alsacien », KLEIN (Jean-Pierre), PHILIPP (Marthe), BOTHORELWITZ (Arlette), FINCK (Adrien), KLEIN (Georges), DOERFLINGER (Marguerite), NONN (Henri), Alsace, Paris, 1982.

LANHER (Jean), LITAIZE (Alain), MONAMY (Jacques), notice « Patois roman », Encyclopédie d’Alsace, 10, 1985, p. 5881-5887.

WILSDORF (Christian), « Quand a-t-on commencé à parler un patois roman dans le Val de Lièpvre et dans celui d’Orbey ? », Cahier de la Société d’histoire du Val de Lièpvre, 10, 1985, p. 23-30.

ZIMMERMANN (Béatrice), « Le peuple welche et son patois dans le canton de Villé du XIXe siècle à nos jours »,Ann. SHVV, 28, 2003, p. 57-130.

V. Écriture (langue écrite et langue orale), Langues_de_l’Alsace.

Dominique Huck

III. Frontières politiques

A. La frontière (Moyen Âge)

Avant l’époque moderne, la notion de frontière n’a pas l’acception que le droit international lui a reconnue depuis, celle de limite de souveraineté au sens politique, militaire, juridique, voire religieux. Le français « frontière » est issu d’un terme castillan (frontera) lié à la Reconquista face aux musulmans ; l’allemand Grenze (en mittelhochdeutsch : Granitze…) vient d’un nom slave utilisé par les colons de l’est de l’Allemagne au XIIe siècle). La mitoyenneté se définit différemment selon les réalités envisagées et les circonscriptions afférentes.

Quand la domination d’un peuple, d’une communauté ou d’un individu s’étend dans l’espace, cela se traduit par des signes plus ou moins visibles à la périphérie de celui-ci : changement de langue, de lois, de mode de vie, sans donner lieu obligatoirement à un passage rapide. Ainsi, la transition entre le français et l’allemand s’effectue sur le versant alsacien des Vosges, dans les vallées, et non sur la crête et s’inscrit dans la longue durée. Les aires linguistiques ne coïncident pas davantage avec les coutumes ou les diocèses (en Haute-Alsace, il existe quelques paroisses de parler roman mouvant du diocèse de Bâle). Ce différentiel peut être dû à la permanence de structures plus anciennes, antérieures aux mouvements de population de la fin de l’Antiquité. Il en va de même pour les appartenances confessionnelles, « frontière invisible » postérieure à la paix d’Augsbourg de 1555 ou, plus largement, pour le cadre seigneurial, établi au Moyen Âge central et recomposé au gré des concurrences ou des successions.

L’Alsace ne connaît pas de frontière d’État avant la fin du XVIIe siècle. La formule de Tacite, souvent invoquée entre 1871 et 1914, selon laquelle « le Rhin sépare les Gaules de toute la Germanie » est un raccourci sans fondement. La mise en place par les conquérants romains (campagne de Drusus) d’une série de points fortifiés le long du fleuve vers 12 avant J.-C. est une étape dans l’extension de l’Empire, mais cette première ligne perd son intérêt lorsque s’organise le limes, sur le plateau souabe, à l’Est du Neckar, sous le règne de Vespasien (69-79). Lorsque cette « barrière » des Champs décumates – plus perméable qu’on ne le croit – est débordée par les Alamans, v. 260, le Rhin retrouve une fonction militaire qu’il garde jusqu’en 406, lors de la traversée décisive des Germains près de Worms. Après cette date, il n’a plus de rôle discriminant dans l’organisation des différents royaumes issus de la suprématie des Francs : Austrasie, Lotharingie, royaume d’Allemagne.

La fossilisation ou la récurrence de « frontières » plus anciennes ou de territoires disparus est un thème pour lequel la toponymie est fréquemment sollicitée : Marcel Thomann a mis l’accent sur l’apport de celle-ci, en insistant sur une terminologie institutionnelle où l’on retrouve le mot Land – son composé Landgraben (v. Landgraben) est le plus significatif –, ou la racine truh, latinisée en traucum, qui a donné Truchsess – l’officier chargé de surveiller le passage – et se retrouve à des emplacements stratégiques (Turquestein pouvant en être issu, par métathèse). Ces « marquages » correspondraient à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge, mais il est possible qu’ils aient perdu leur fonction première lors de la mise en place du duché d’Alsace, vraisemblablement sous Dagobert Ier (623-639) : ce dernier doit être considéré comme un grand commandement, davantage comme une « marche » aux contours mouvants que comme une circonscription politique.

À la fin du premier millénaire, quand se dessinent vraiment les deux comtés alsaciens, les limites naturelles fournies par les Vosges et le Rhin s’imposent facilement. La crête (First ou Fürst, faîte) sépare Alsace et Lorraine : on distingue les deux versants «jenseit der virst » et « diesseit der virst » (1373) et l’on estime que la séparation se fait suivant le partage des eaux, selon la fonte des neiges (« als der sne smiltzet », 1339). Ce repère est constamment sollicité dans les Landfrieden (v. [[Landfriede[n]|Landfrieden]]), paix provinciales englobant généralement les deux rives du Rhin, entre le Jura et la Lauter, principalement au XIVe siècle. En 1521, on estime que « le plus hault de Balon [d’Alsace, alias Ballon des Allemands] sépare le duché de Lorrayne et la seignourie de Rosemont, selon que les neges se fondent » ; au même moment, le bailli du Guirbaden confirme cette ligne de partage par la formule « hie stand ich mit einem fuss jn Lothringen, und mit dem andern uf österreichischem grund », « J’avais un pied en Lorraine et l’autre sur le sol autrichien ». À partir de 1516, ce tracé est validé par des traités entre les Habsbourg et les ducs de Lorraine et peut être considéré comme une frontière « moderne », le duc Antoine utilisant de son côté les mots de « frontier und grenzen unserer furstenthumben und land » pour le définir. Contrairement à une opinion répandue, les châteaux forts du massif vosgien ne correspondent aucunement à une ligne de défense du versant alsacien : ils s’expliquent par des enjeux locaux. Ce n’est qu’au moment des guerres de Bourgogne (1474-1477) que s’esquisse une militarisation concertée de la montagne, d’abord sous la forme d’observatoires ou de retranchements (des tours en bois sont évoquées au cours de cette première phase), puis, lors de l’adoption des plans de défense (v. Landsrettung) après 1515.

Du côté du Rhin, qui sépare les deux landgraviats de l’ensemble moins indentifiable constitué par les terres des margraves de Bade, du Brisgau et de l’Ortenau, la césure naturelle a la même évidence que dans les Vosges, bien qu’elle ne coïncide pas avec les limites du diocèse de Strasbourg (qui s’étend sur la rive droite). Vieux-Brisach, réputée avoir changé de rive au XIIIe siècle, selon la chronique de Colmar, n’est, en réalité jamais incluse dans la Haute-Alsace qui lui fait face ; des contestations portent sur l’appartenance des îles du Rhin face à Ottmarsheim : vers 1473, Charles le Téméraire les revendique en alléguant que la « vicomté d’Aulsays » (le landgraviat supérieur) est l’héritière d’un ancien royaume bourguignon de la nuit des temps.

Les limites septentrionales et méridionales de l’Alsace résultent moins de la configuration du terrain que de la mouvance politique concernée. Ainsi, au nord, Wissembourg, qui relève du diocèse de Spire, se situe effectivement au-delà de la Forêt Sainte de Haguenau, perçue comme une zone de transition, mais en deçà du Palatinat, son territoire étant précocement défini par le Mundat, dont les bornes sont représentées, d’une manière spectaculaire, sur la vue cavalière de la ville en 1550.

Au sud, la limite des eaux de l’Ill et des affluents du Doubs, et donc des bassins du Rhône et du Rhin, qui est perceptible du côté de Soppe-le-Bas s’avère inopérante du point de vue politique (même si elle possède une certaine pertinence du point de vue linguistique ou ecclésiastique, puisque les diocèses de Besançon et de Bâle s’y côtoient). Cet espace ouvert fait l’objet d’un traité entre les comtes de Ferrette et de Montbéliard en 1226, pour éviter les empiètements des premiers dans le secteur de Belfort. Au milieu du XIVe siècle, l’actuel territoire de Belfort passe sous le contrôle des Habsbourg, sans être explicitement intégré dans le landgraviat de Haute-Alsace. Au XVe et au XVIe siècle, des conflits de juridiction donnent lieu à des éclaircissements, mais la frontière demeure coutumière : comme ailleurs, elle peut être matérialisée par des bornes, des armoiries, voire des signes remarquables (croix, arbres).

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Georges Bischoff

B. La frontière (époque moderne)

« Frontière » est un mot polysémique, régulièrement utilisé dans son acception métaphorique au point que souvent l’ancrage spatial et même territorial de la notion se trouve occulté. Or, c’est bien la frontière politique qui donne son armature au territoire et qui, de facto, se trouve, de bien des manières ; reliée à la chose militaire. La frontière est matérialisée et rendue visible par des places fortes ; elle se déplace au gré des conquêtes. Puis, une fois la paix signée, vient le temps de tracer la limite, beaucoup plus linéaire que la frontière. À l’époque moderne, le tracé de la limite mobilise des commissaires qui opèrent sur le terrain pour définir des lignes durables, censées pacifier les relations entre états voisins. D’ailleurs, à partir de 1746, il existe en France, au ministère des Affaires Étrangères, un fonds des limites qui conserve les pièces produites par les hommes chargés des travaux de délimitation. Ce corpus témoigne de la manière dont le droit a renforcé la spatialité de la limite.

L’Alsace délimitée par une frontière politique est une invention progressive du règne de Louis XIV. Si la frontière évoque assez spontanément les places fortes alsaciennes situées à proximité du Rhin ou sur le fleuve (Landau, Fort-Louis, la citadelle de Strasbourg, Neuf-Brisach, Huningue, Belfort), cette image ne doit pas occulter le processus complexe, étroitement lié à la volonté de façonner un territoire qui, au XVIIIe siècle, produit des tracés de plus en plus linéaires. Comme de nombreux historiens l’ont relevé, de Rodolphe Reuss à Jean-Marie Mayeur en passant par Georges Livet, l’Alsace avant 1648 peut être regardée comme « une simple expression géographique ». Certes, dès le VIIe siècle, le mot apparaît pour nommer le duché créé à la même époque. Il correspond à un pouvoir impérial délégué qui exerce son autorité aussi largement que possible mais sans territorialisation, ni création de frontière. Plus tard, après la désintégration de l’Empire carolingien donc du pouvoir ducal, le mot subsiste. Il préserve le souvenir de l’Alsace ; on le trouve notamment mentionné dans les travaux des géographes. Pourtant, l’usage d’une désignation ne permet pas de conclure à l’existence d’un territoire. Les historiens estiment qu’un territoire est l’objet d’une appropriation, de l’exercice d’un pouvoir ; qu’il est borné par des limites et désigné par un seul nom (D. Nordman, p. 516-517). Ce n’est pas le cas de l’Alsace, pas avant la deuxième moitié du XVIIe siècle. Auparavant, cet espace comprend des possessions autrichiennes essentiellement situées en Haute-Alsace, des principautés et des seigneuries, dont certaines sont réduites à quelques villages, les villes de la Décapole, Strasbourg et Mulhouse. Faute d’un pouvoir centralisé, la vie politique est régulée par des rapports de forces et la solution des conflits. Si les princes et les villes sont représentés aux États de Basse- Alsace et de Haute-Alsace afin de gérer leurs intérêts communs, si les États généraux d’Alsace se réunissent plus d’une centaine de fois entre 1528 et 1681, le territoire alsacien n’existe pas.

Les figures de la mosaïque territoriale qu’est l’Alsace avant l’annexion sont d’ailleurs reprises dans les descriptions – celles des géographes, comme celles des administrateurs – ; on y évoque un conglomérat de villes, de seigneuries, de droits divers auxquels il est difficile de rendre raison tant ces entités renvoient à des réalités politiques et juridiques multiples (seigneuries laïques, seigneuries ecclésiastiques, villes). Les premières descriptions de l’Alsace relèvent d’une sorte de géographie nomenclaturale dans laquelle la localisation ne constitue jamais une priorité. Seule la mise en carte de ces données – que ne pratiquent pas (encore) les auteurs de ces mémoires avant le XVIIIe siècle – permet de produire une lecture spatialisée de ces descriptions, lecture qui reste toutefois approximative puisque les limites de chaque entité manquent de précision, qu’il n’existe aucune forme de contiguïté dans cet espace. Une mosaïque de lieux dispersés produit sur la carte un semis de points discontinus. Cette caractéristique des descriptions de l’Alsace ne disparaît pas en 1648 avec le traité de Munster.

À partir du milieu du XVIIe siècle, un territoire alsacien est façonné et, de manière progressive, il acquiert des frontières de plus en plus linéaires. À la fin du siècle, ce territoire est doté d’une frontière que la tradition géographique a qualifiée de naturelle. En 1697, le traité de Ryswick assigne au Rhin la fonction de frontière et renforce la cohérence territoriale de l’Alsace. Daniel Nordman a montré avec beaucoup de clarté que « le modèle alsacien » de création des frontières – qu’il distingue des modèles pyrénéen, lorrain et septentrional – se caractérise par des procédures de délimitation spécifiques qui énumèrent des droits plus que des terres. Le traité de Munster prévoit que l’Empereur renonce en son nom propre et au nom de la maison d’Autriche à tous les droits, propriétés, domaines, possessions et juridictions qui leur ont jusqu’alors appartenu sur la place forte de Brisach, le landgraviat de la Haute et de la Basse-Alsace, le Sundgau et les dix villes impériales. Le partage qui est instauré n’est pas de nature territoriale ; il distribue des droits de juridiction. Il n’implique aucun partage de souveraineté. Au cours des années qui suivent, la politique des « réunions » y contribue peu à peu ; elle entend proclamer la souveraineté royale sur tous les territoires alsaciens. L’Alsace ainsi incorporée à la France donne lieu à d’importants travaux de fortification supervisés par Vauban. En juin et juillet 1688, les soldats sont engagés pour participer à la construction de deux nouvelles places fortes (Mont-Royal et Fort-Louis), mais aussi aux travaux de Huningue, Belfort, Phalsbourg, Strasbourg et Landau. Quelques années plus tard, en 1697, la paix de Ryswick reconnaît à la France les réunions pratiquées à l’intérieur de l’Alsace et renforce la cohésion territoriale. Brisach, ainsi que les places occupées sur la rive droite du Rhin, sont restituées par la France. Déjà sanctuarisé par les campagnes menées par Turenne en 1674‑1675 dont le seul objectif était de repousser les Impériaux de l’autre côté du fleuve (Carte et notice de Jean-Michel Boehler, Atlas Historique d’Alsace), le Rhin constitue à partir de 1697 la limite de la souveraineté française. Cependant, ailleurs, l’extension du territoire de l’Alsace pose encore question. C’est le cas à l’ouest où, jusqu’en 1766 – date de l’annexion par la France des duchés de Lorraine et de Bar – l’Alsace jouxte essentiellement des enclaves étrangères. Vers le nord, au-delà de Lauterbourg, il faut trancher entre les deux affluents de la rive gauche du Rhin – la Lauter et la Queich – et déterminer celui qui tiendra lieu de limite pour la souveraineté française. Ces deux affluents du Rhin sont l’objet de conventions internationales qui perpétuent des modalités juridiques dans le découpage des territoires et font perdurer en Alsace des pratiques fondées sur des droits, caractéristiques du siècle précédent.

Au XVIIIe siècle, la monarchie française ne cesse de revendiquer des terres en Basse-Alsace, terres qui relèvent de l’évêque de Spire, de l’électeur palatin, du duc de Deux-Ponts. Au cours de la deuxième moitié du siècle, la répartition des souverainetés est l’objet de négociations qui n’aboutissent pas toujours et produisent à la fin de l’Ancien Régime des configurations territoriales complexes. Le cas de Lauterbourg est emblématique. Dès 1700, le comte de Hanau-Lichtenberg accepte la suprématie royale contre la reconnaissance, par des lettres patentes, de l’exercice de sa supériorité territoriale et de la jouissance de ses anciens droits et revenus. L’exercice des différentes souverainetés, royale et princières, est ainsi codifié au cours du XVIIIe siècle. En 1756, des lettres patentes de Versailles laissent à l’évêque de Spire la juridiction sur la partie alsacienne du diocèse de Lauterbourg qui est le chef-lieu d’un bailliage de l’évêque, Louis XV lui concède le droit de nommer des baillis et des officiers de justice, des droits de chasse, de pêche, de forêt et de corvée, différents droits économiques. En revanche, la nomination du sujet du roi de France aux cures, aux bénéfices et aux offices laïcs de l’évêché et du chapitre, comme celle des grands baillis, des baillis, des avocats, des procureurs fiscaux reste soumise à l’approbation du Conseil_souverain d’Alsace. Entre ces bailliages épiscopaux et l’Alsace, les marchandises sont exemptes de droits de péage. Daniel Nordman résume ainsi les termes de cet accord : « au roi la souveraineté ; à l’évêque, les redevances seigneuriales » (p. 372). Les projets de cessions et d’échanges sont censés former un territoire de plus en plus homogène et permettre à la France de gagner du terrain, l’ambition française visant à faire de la Queich la limite de sa souveraineté, de manière notamment à ce que Landau ne soit plus une enclave éloignée. Pour mener à bien cette politique, la France négocie avec le duché de Deux-Ponts et le Palatinat, les « bailliages contestés » situés en-deçà de la Queich. Cette question n’est réglée qu’en 1786, lorsqu’un texte accorde la cession du bas-office de Schambourg au duché de Deux-Ponts en échange de la reconnaissance de la souveraineté française sur les bailliages contestés. Pourtant, ce traité ne devait être exécuté qu’à la mort de l’électeur palatin. Or, elle ne survient qu’en 1799, date à laquelle la rive gauche du Rhin a été annexée par les armées de la République sans que cet accord puisse entrer en vigueur. En 1789, la France n’exerce donc sa souveraineté au nord de la Lauter qu’en vertu d’un traité qui n’est pas encore appliqué. Si les objectifs français ne sont pas atteints au nord de l’Alsace, l’ambition est à elle seule très parlante. Les négociations menées par la France illustrent cette volonté de façonner un territoire cohérent, délimité par des lignes claires.

Au même moment, des incertitudes dans le tracé des limites de l’Alsace émergent pourtant. L’Alsace jouit en effet d’un statut particulier en matière de douane : elle fait partie des « provinces à l’instar de l’étranger effectif ». Comme la Lorraine et les Trois Évêchés, elle possède une barrière douanière en direction de la France, mais pas vers les territoires étrangers avec lesquels son commerce est très développé. Ce statut particulier implique une disjonction entre les frontières politiques et les frontières économiques ; il est aussi vecteur de privilèges qui sont l’objet de débats dans l’espace public en 1787, lorsque le libre commerce du tabac en Alsace est mis en cause. Le premier président du Conseil souverain de Colmar note alors dans ses « Observations pour la Province d’Alsace (…) » que « la localité de cette Province et sa constitution exigent qu’on lui laisse son régime à l’instar de l’étranger effectif qu’elle a eu jusqu’à présent, d’autant que ce régime est parfaitement conciliable avec les vues et les intérêts du Roi ». Comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de justifier un état de fait, la situation et la nature sont ici mobilisées comme des arguments moins contestables que ceux fournis par la balance de commerce.

Autre phénomène qui renforce les incertitudes quant au tracé des limites : l’existence de nombreuses îles sur le Rhin qui subissent les fréquentes variations du cours du fleuve et les inondations régulières. Au XVIIIe siècle, les aménagements du Rhin tentent de limiter les dommages causés par le fleuve sur l’habitat comme sur les exploitations. Les sources de la pratique font apparaître le Rhin comme un espace dont les ressources végétales et animales sont exploitées. Les archives de l’Intendance évoquent les riverains qui exploitent les taillis aquatiques, les bois, les joncs et les roseaux pour y mener paître leurs bêtes, pour chasser et pêcher. Aux antipodes du « rempart de l’Alsace » évoqué par les géographes depuis le XVIIe siècle, le Rhin apparaît comme un espace d’intense circulation d’hommes et de biens. Les usages que les riverains ont du fleuve contrastent avec le contenu des traités : dans un cas, le Rhin sépare les souverainetés ; dans l’autre, un talweg qui dépend du corps des bateliers varie d’une saison à l’autre. En 1776, un mémoire cité par D. Nordman (p. 315) permet d’évaluer à 3 000 arpents au plus les terres appartenant à des communautés alsaciennes sous domination étrangère, à plus de 12 000 arpents de terres arables, de prés et de bois qui dépendent de communautés germaniques et qui ont été rejetées sur la rive française. Daniel Nordman évoque une dissociation de « l’aire de souveraineté et des droits particuliers » (p. 314). Les limites d’État – intangibles – ne recouvrent pas celles des terroirs, même au XVIIIe siècle qui correspond pourtant à « l’ère de la délimitation ».

En 1769, Choiseul confie à Noblat, prévôt de Belfort et subdélégué de l’intendant d’Alsace, les négociations des limites sur le Rhin. L’année précédente, il s’est vu attribuer une mission comparable pour les limites de Montbéliard, de l’évêché de Bâle et de la Suisse. Familier de ces pratiques, Noblat dispose également d’une bonne connaissance du pays. Il s’attache à évoquer les effets des inondations, les variations du cours principal du fleuve, les transformations soudaines que connaissent les îles, les dommages que subissent les rives du fleuve. Le principe qui guide les travaux consiste à réaffirmer que les terres relèvent de la souveraineté du roi et à reconnaître des droits d’usage aux communautés sur les îles proches de la rive gauche. Ces travaux de délimitation s’accompagnent d’un méticuleux travail d’arpentage où l’on voit la limite se construire pas à pas. À partir de Huningue, il faut ainsi une dizaine d’années pour parvenir à Strasbourg. Les travaux s’interrompent en 1790. Exception faite de deux tronçons, les travaux sont achevés jusqu’à Fort Louis. La délimitation de la frontière du Rhin s’est appuyée sur les intérêts des villages riverains afin de prévenir tout risque de conflit. Observer de près la délimitation de la frontière met en lumière le fait que, même naturalisée, la limite ne s’impose pas ; elle résulte d’une combinaison subtile de la géométrie et des intérêts locaux.

En 1789, de manière générale, les limites du territoire français sont régulières, mais, à l’image de toute la partie nord-est du territoire, la situation de l’Alsace reste à cet égard complexe. Une anecdote peut l’illustrer : celle du cardinal de Rohan qui passe le Rhin le 12 juillet 1790 pour s’installer dans la partie allemande de son diocèse. Vue de loin, il existe encore plusieurs enclaves dans le territoire alsacien : Mulhouse qui est liée à la Confédération helvétique, le comté de Saarwerden, la principauté de Salm à l’intérieur des terres françaises et Landau, à l’extérieur de celles-ci sur la Queich. Vue de près, la frontière nord de l’Alsace ne dispose d’aucun tracé stable et sûr. De plus, si l’on passe des territoires aux droits, les questions de souveraineté restent, elles aussi, à régler. Entre 1789 et 1792, la spécificité du cas alsacien et la complexité des questions de frontière que pose cette province se manifestent via l’affaire des princes d’Empire qui possèdent de vastes seigneuries en Alsace, ceux que l’on nomme les princes possessionnés. Ce débat est une conséquence de la spécificité du « modèle alsacien » déjà évoqué puisqu’à chacun de ces domaines alsaciens est attaché un régime particulier de féodalité et de souveraineté. Cette affaire commence avec les décrets votés entre le 4 et le 11 août 1789 ; elle s’achève avec le traité de Lunéville qui, en 1801, accorde aux princes des indemnités recognitives de la perte définitive de leurs domaines alsaciens. Après un arbitrage plutôt favorable aux princes possessionnés, rendu en octobre 1790 par Merlin de Douai, l’année 1792 ravive les tensions. Face à l’ultimatum de François II qui exige, le 15 avril 1792, la réintégration des princes possessionnés dans leurs prérogatives alsaciennes, l’Assemblée législative vote la déclaration de guerre au roi de Bohême et de Hongrie. Quelques mois plus tard, les biens des princes possessionnés sont mis sous séquestre. Cette décision marque l’entrée des domaines alsaciens des princes possessionnés dans le territoire de la République. En dépit de ces transferts de droits, les frontières de l’Alsace évoluent peu entre 1789 et 1815, sauf au nord de la province où la France perd une partie des territoires situés au nord de Lauterbourg, territoires qu’elle contrôlait en 1789 ou qu’elle avait annexés entre 1793 et 1814. Ainsi, Landau, qui avait été désenclavé et rattaché au Bas-Rhin, est conservé en 1814, puis cédé par la France en 1815. Plusieurs enclaves disparaissent : en 1793, le comté de Saarwerden est rattaché tardivement au département du Bas-Rhin ; la même année, la principauté de Salm, quant à elle, rejoint le département des Vosges ; puis, en 1798, la république de Mulhouse est annexée au Haut-Rhin.

Quelle qu’ait pu être la valeur rhétorique attribuée au Rhin – « séparation de l’Alsace et du Brisgau » pour Vauban, « rempart » pour l’Alsace aux yeux de l’intendant de La Grange, seuil où « commence le pays de la liberté » pour les premiers républicains – ce fleuve constitue une forme spatiale complexe, qui montre combien la frontière tisse des liens très étroits avec l’identité, combien elle est porteuse de repères. C’est le cas du Landgraben, frontière naturalisée entre la Haute et la Basse-Alsace, puis mobilisée lors de la construction des départements pour séparer le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. L’Alsace permet de déjouer les fausses évidences des frontières naturelles, de rappeler que les frontières sont des constructions politiques dont les tracés prennent corps de différentes façons, qu’elles sont un lieu privilégié d’affirmation et de reconnaissance du pouvoir, qui cependant donnent naissance à des systèmes spatiaux originaux et suscitent l’émergence de cultures hybrides. Vauban, lui-même, témoigne de cette approche nécessairement complexe de la frontière. Ses lectures liminaires et sa bonne connaissance des cartes lui permettaient de dépasser le cadre de l’immédiatement visible pour resituer ce qu’il voyait dans un espace plus vaste, un espace qui, plus qu’une succession de points fortifiés, apparaît comme un espace des circulations. Ses descriptions du Rhin, notamment, montrent qu’il ne se contentait pas de relever les dispositions naturelles, mais qu’il cherchait à saisir les fonctionnements spatiaux, à évaluer les aménagements susceptibles d’améliorer les conditions de vie des habitants.

 

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Notices connexes

Barrières, Chaussée, Douane, France (route de -), Fürsten (Besitzungen der deutschen Fürsten), Nimègue_(traité_de_-), Princes possessionnés d'Alsace, Réunions, Ryswick_(traité_de_-), Westphalie_(traités_de_-)

Isabelle Laboulais