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Version du 3 juin 2021 à 09:17

Paix, sécurité, sûreté, protection juridique, immunité, inviolabilité, asile.

Souvent employé en « paires » : paix et sécurité, Friede und Ruhe, paix et liberté, Friede und Freiheit, etc.

Le mot peut revêtir des sens différents.

1. « La paix est l’état idéal voulu par Dieu, dans lequel doit vivre l’humanité qui n’y parvient pas du fait du péché et des méchants. C’est le souhait que Dieu formule pour le monde et l’humanité qu’il a créés. Il veut que nous vivions en paix et en concorde. Dieu aime que l’on vive en paix, c’est pour cela qu’il crée le ciel et la terre. Et les anges ont chanté à la crèche : Paix aux hommes de bonne volonté ». Voilà comment s’ouvre le Schwabenspiegel (1275), le code de droit du sud du Saint‑Empire, qui reprend nombre de codes antérieurs, dont ceux du Miroir des Saxons, l’un de ses modèles. Et tous ceux qui ne suivent pas les commandements de Dieu, violent la paix (Schwabenspiegel, LR I, art. 1.).

2. Le but du souverain législateur est d’apporter la paix.

« Pour que tous puissent vivre en paix et la grâce de Dieu », voilà ce qui motive le législateur du Code des Lombards (VIIIe siècle). Tout comme le pouvoir de Dieu (Bann) apporte la paix entre les créatures,
le pouvoir des souverains doit proclamer la paix qui fait cesser les agressions. À partir du XIe siècle, cette doctrine s’exprime dans les « [[Landfriede[n]|Landfrieden]] », qui exigent de suspendre tout recours au Faustrechtet à la Fehde pendant une période de temps limitée et pour une région particulière.

Princes, évêques et villes passent ainsi des accords pour des paix régionales de ce type, du XIIe au XVe siècle. La paix de Spire de 1301 s’étend ainsi aux diocèses de Strasbourg et de Bâle. Princes et grands s’engagent par serment à maintenir la paix (v. Eid). Contrevenir à cette paix publique est un « Landfriedensbruch »  dont peuvent être accusés les émeutiers.

La paix perpétuelle (Ewiger Landfrieden de 1495), avec la création du Reichskammergericht, conclut cette évolution. Les alliances urbaines ont également pour but le maintien d’une paix assurant la sécurité des parties prenantes (v. Bund).

3. Les Paix de Dieu.

LesLandfrieden ne se confondent pas avec les Paix de Dieu, inspirées par l’Église à partir de la fin du XIe siècle. Christian Wilsdorf a analysé une « Paix de Dieu des Alsaciens », publiée par Beatus Rhenanus de manière posthume en 1551, qui remonte à 1049 et est due probablement à l’influence du pape Léon IX. « Les Alsaciens avec leurs grands et selon la décision générale de leurs concitoyens » s’associèrent par serment pour établir la paix à perpétuité, avec les clauses habituelles : sauvegarde pour les églises et les ecclésiastiques, pour les femmes, les marchands, les chasseurs, les pèlerins, les paysans ; interdiction de guerroyer du mercredi soir au lundi matin, ainsi qu’aux jours de fête, aux Quatre-Temps, à Noël, à Pâques, à la Pentecôte ; peines sévères pour les violateurs et obligation à tous de prêter le serment de paix (Dollinger, Histoire d’Alsace).

4. Les paix particulières liées aux personnes : immunité.

L’immunité (la paix et la sécurité leur sont garanties) est la qualité de personnes ou de biens désignés comme tels par la loi ou les coutumes. Le Code des Alamans énumère l’Église, ses clercs et ses monuments et le Code des Bavarois, qui s’en inspire, les veuves, les orphelins, les pauvres.

De nombreuses catégories de personnes peuvent s’y ajouter.

5. Les paix particulières liées aux lieux.

Les villes sont des lieux où doit régner la paix « pour tous les hommes et en tous temps ». Chartes et statuts urbains le proclament. En 1278, Rodolphe de Habsbourg, roi des Romains, octroie à Colmar une charte « pour que les bons et les innocents vivent en paix » (art 1er) (Finsterwälder, p. 36). Pour Mulhouse, en 1298, Adolphe de Nassau, roi des Romains, rappelle que « le pouvoir royal est la source du droit et celui qui sanctionne les coutumes » ; « il consent à donner le droit et à confirmer les coutumes de la ville selon lesquelles les gens vivront dans la paix » (Mossmann, Cartulaire, p. 91). À Strasbourg, le IVe Statut proclame, dans son article 1 : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, voici consigné le droit de la ville de Strasbourg. Et d’abord : tout homme qu’il soit citadin ou étranger, doit y être libre et en paix et de tout temps » (UBS, IV, p. 5.), principes essentiels sur lesquels tous s’engagent par serment (v. Charte_de_serment). La paix, le maintien de l’ordre public et la sécurité figurent également parmi les buts des coutumiers des villages et les prévôts et échevins des Gerichte prêtent serment d’y veiller.

Ces « paix » imposent l’interdiction de la procédure judiciaire de la Fehde, remplacée par le recours aux institutions judiciaires collectives. Dans les villes, le recours à la procédure légitime de la Fehde est interdit.

6. La paix du domicile : l’inviolabilité.

Parmi les principales dispositions des droits garantis par les « paix », les « droits urbains » ou les coutumiers : l’ordre et le calme publics que doivent garantir les autorités auxquelles les récalcitrants doivent obéir, sous peine d’amendes ou de bannissement (art. 78 à 80 du Statut VI de Strasbourg, UBS IV 73). Cela vaut aussi pour les conflits domestiques. La violation de domicile pour vol ou agression (Heimsuchung, Hausfriedensbruch) est également punie et, en cas d’agression avec effraction, les voisins sont invités à accourir défendre l’agressé et son domicile. Mais la victime ne peut se faire justice elle-même (UBS IV, Statut VI, art. 189-193).

7. Le droit d’asile.

V. Asile, Dinghof, Einlager, Freiheit.

8. Les procédures judiciaires : la trêve et les immunités particulières.

Le recours aux juges réguliers (villages, seigneurs, villes, princes) comporte des délais, pendant lesquels l’accusé est protégé par une paix (Friede). Dans le cas d’une Fehde, les hostilités peuvent être suspendues par une trêve (Friede). C’est également la paix qui doit revenir lorsque la Fehde prend fin.

9. Frieden, Paix.

Théorisées par Grotius au XVIe siècle, les relations interétatiques connaissent à partir du traité de Westphalie deux états, celui de guerre ou celui de paix. Le traité de paix clôt l’état de guerre. Ainsi, le recueil desOrdonnances du Conseil souverain d’Alsace, établi par le président de Boug s’ouvre sur les textes français des traités de Paix de Westphalie (de Munster et Osnabrück), des Pyrénées, de Nimègue et Ryswick. Le traité de Munster conclut « pour la gloire de Dieu et le salut de la République chrétienne » [en allemand : gantze Christenheit], au nom de laquelle l’Empereur et le Roi ont arrêté « une Paix chrétienne, universelle et perpétuelle et une Amitié vraie et sincère » [Es seye ein Christlicher / allgemeiner / immerwährender Friede / vnd wahre / vffrichtige Freundschafft / zwischen der Röm. Käys. Mäyst. vnd der Aller-Christlichsten May]. Le recueil de Boug publie également un texte français de la paix d’Augsbourg de 1555 (Reichs und Religionsfrieden), texte adopté entre États du Saint-Empire. Les traités ultérieurs distinguent désormais bien ces deux régimes, gouvernés par des règles différentes. Ainsi, la convention du 21 décembre 1751 entre Louis XV, le roi Stanislas de Pologne, duc de Lorraine et le prince de Salm-Salm sur la délimitation des frontières de la principauté reconnaît : « le Prince de Salm-Salm pourra de tout temps, de Paix ou de Guerre, faire transporter en argent seulement, ses rentes et revenus où bon lui semblera » (de Boug II, p. 551).

10. Paix, sûreté, sécurité.

La formulation de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 exprime l’un des sens du mot Friede : rechtlicher Schutz, Sicherheit (DRW). « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». Il a été traduit dès le début de septembre 1789 dans la presse du Saint-Empire : « Jede politische Gesellschaft hat die Erhaltung der natürlichen und unverjährlichen Rechte des Menschen zum Zweck. Diese Rechte sind Freiheit, Eigenthum, Sicherheit und Widerstand gegen Unterdrückung » (Trad. d’André Meyer, Geschichte der Gegenwärtigen Zeit, Strasbourg, repris par Der Mainzer Politischer Merkur, 1792). La « paix-Friede » comme absence de guerre n’est pas encore « un droit de l’homme ».

11. Donner la paix, rendre la paix.

« Ensuite de quoi, nous président [Charles Colbert, intendant de justice, police et finances] et commissaires susdits, aurions pris place dans les premières chaires du choeur de ladite église [d’Ensisheim] et la messe du Saint-Esprit ayant été solennellement célébrée, pendant laquelle les Évangiles, la paix et les encens et les autres honneurs nous ayant été rendus… » (Procès-verbal des Commissaires nommés par le Roi pour l’établissement du Conseil contenant la prise de possession de la province au nom de Sa Majesté, 14 novembre 1658. De Boug I, p. 6).

Le rituel du baiser de paix – osculum pacis – s’est maintenu dans les cérémonies de l’Église catholique. Il s’est maintenu également dans le protocole public par le geste de l’accolade effectué par le décorant et le décoré dans les cérémonies de remise de décoration.

Bibliographie

DRW, art. « Friede, Friede ».

Mainzer Politische Merkur, t. 1, Mayence, 1792.

UBS, IV. Statuts de Strasbourg.

MOSSMANN, Cartulaire Mulhouse (1883-1890).

GENY, Schlettstader Stadtrechte (1902).

FINSTERWALDER,Colmarer Stadtrechte (1938).

DUMONT (Franz), La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en Allemagne, Annales d’Histoire de la Révolution française, 232, 1978, p. 220-245.

CHRISTIN (Olivier), La paix de religion, Paris, 1997.

WILSDORF (Christian), « Léon IX et la « Paix de Dieu des Alsaciens », commentaire, datation et traduction », BISCHOFF (Georges), TOCK (Benoit) (dir.), Léon IX et son temps, Turnhout, 2006.

Notices connexes

Asile

Bund

Fehde

Freiheit

[[Landfriede[n]]]

François Igersheim