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Liberté d’émigration

Au Moyen Âge central, les serfs de corps (v. Eigenleute) qui dépendent personnellement d’un seigneur n’ont pas le droit de quitter leur seigneurie d’origine sans l’autorisation de leur maître. S’ils déguerpissent, au sens propre du mot qui signifie « abandonner la place », ils peuvent être repris par celui-ci dans un délai d’un an, et n’acquièrent la liberté que s’ils se fixent dans un lieu doté de franchises. Cependant, comme l’émigration (Gezog) peut se justifier par la croissance de la population ou par d’autres raisons, les autorités cherchent à la réguler pour maintenir leurs droits. En 1331, par exemple, l’Autriche, l’évêque de Strasbourg et l’abbé de Murbach font mettre par écrit l’usage qu’on observe en Haute-Alsace depuis 60 ans : « Le dépendant d’un seigneur qui veut s’établir en tant que bourgeois auprès d’un autre seigneur se voit garantir sa personne et son bien par son seigneur d’origine, tant qu’il bénéficie d’un sauf-conduit, sans préjudice. Il doit totalement s’installer chez son nouveau seigneur avec son mobilier et tout ce qu’il possède. Il a la possibilité de retourner sur sa tenure, quel qu’en soit le seigneur, de la cultiver et d’y séjourner à titre temporaire, y compris avec sa femme et ses enfants lors de la moisson ou de la vendange, pendant un mois, s’il le désire. Il peut placer un valet dans son exploitation, pour s’en occuper et la cultiver à sa place. Ce valet doit également bénéficier des droits d’usage (Wunn und Weide) des terres et des pâturages, à l’instar de ses voisins, et prendre part aux corvées comme il le ferait s’il n’était pas valet. Quand un seigneur veut prélever un impôt sur ses gens, conformément à sa coutume, [l’émigré] n’est pas astreint dans sa seigneurie d’origine. Il l’acquitte en tant que bourgeois là où il habite désormais.

Si le seigneur fait la guerre pour son propre compte, il ne peut pas mobiliser son ancien dépendant émigré, comme chacun le sait.

Si une ville ou un village doit rembourser une dette à l’égard de juifs, cahorsins ou chrétiens, celui qui a quitté [ce premier domicile] n’est pas tenu d’y prendre part. Cependant, s’il s’était porté garant (avant son départ) pour le compte de la communauté, il reste responsable pour ce qu’il a promis, et doit bénéficier de la protection de celle-ci. De même, s’il avait été garant pour le compte de son seigneur, qu’il l’ait été volontairement ou non, ce dernier est tenu de le protéger de tout dommage. »

Cette liberté d’émigrer se traduit, en fait, par un transfert de dépendance. Elle peut être restreinte et ne s’applique pas, expressément, aux villes d’Empire de la région, qui sont pourtant libres d’accueillir de nouveaux bourgeois. Au début du XVIe siècle encore, le détenteur de la seigneurie de Ferrette réclame le retour d’un de ses serfs établi à Mulhouse sans son consentement. À l’intérieur d’un même territoire, le différentiel de franchises et de coutumes entre deux bans se traduit, lui aussi, par des contentieux. Ainsi, les serfs de la seigneurie de Belfort ne peuvent émigrer librement au chef-lieu doté de franchises en 1307. De même, au XVe siècle, les dépendants des vassaux de l’Autriche (v. Ritterlut) qui s’établissent dans les bailliages directement administrés par le duc restent astreints à des obligations liées à leur appartenance d’origine. La liberté d’émigrer, qui fait partie des revendications des paysans insurgés de 1525 est pratiquement acquise après cette date.

Bibliographie

WENCKER (Jacob), Dissertatio de pfalburgeris, Strasbourg, 1698.

Notices connexes

Aubaine

Abzug

Eigenleute

Émigration

Ritterlut

Georges Bischoff