Franciscains

De DHIALSACE
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Barfüsser, Franziskaner, Fratres Minores, Frères mineurs, Mindere Brüder

Moyen Âge

La première tentative d’établissement des Franciscains en Alsace date de 1217, du vivant de saint François (1181/1182-1226), fondateur de l’ordre. Ce fut un échec, mais de courte durée, car dès 1222, les Franciscains sont établis à Strasbourg. L’expansion franciscaine a été très importante tout au long du XIIIe siècle, si bien qu’à la fin de ce siècle, il y a des couvents franciscains dans toutes les villes importantes d’Alsace : à Colmar, où ils arrivent probablement avant 1246, à Wissembourg avant 1253, à Rouffach peut-être dès 1250 (mais les premiers documents sûrs datent de 1280/1285), à Haguenau, où ils sont cités la première fois en 1262. À Mulhouse, la première mention sûre est de 1297, mais ils sont probablement présents dès 1260. Pour Sélestat, nos connaissances sont plus précises : en 1280, les autorités locales déclarent avoir admis récemment les religieux de l’ordre des Frères mineurs. À la fin du XIIIe siècle, les Franciscains se sont encore établis à Thann, vers 1460, à Kaysersberg et à Saint-Ulrich de Barr, en 1486 à Saverne.

Avant tout des prédicateurs, ils possédaient également des écoles pour former leurs religieux. Celle de Strasbourg comprenait le studium generale pour la province alémanique supérieure (Oberdeutsche ou Straßburger Provinz, provincia Argentinensis) depuis le début du XIVe siècle. C’était l’université de l’ordre pour toute la province. On y enseignait la théologie, le droit canonique et la philosophie. L’école avait une très bonne réputation et on venait la fréquenter de fort loin. Certains étudiants étaient originaires de Saxe, de Hongrie, d’Angleterre ou d’Irlande. Les Franciscains n’hésitaient pas à parcourir l’Europe pour acquérir les divers grades qui menaient au doctorat. À la fin du XVe et au début du XVIe siècle, Thomas Murner, un Franciscain conventuel de Strasbourg, a étudié dans les villes de Fribourg-en-Brisgau, Cologne, Paris, Rostock, Cracovie, Bâle, Prague et Vienne pour décrocher les doctorats en théologie, en droit civil et en droit canonique. Un autre Franciscain alsacien, Konrad Kürschner, plus connu sous le nom de Pellicanus, a été un exégète et un hébraïsant célèbre dans la première moitié du XVIe siècle.

L’ordre franciscain était organisé en provinces. L’Alsace, Sarrebourg et Offenburg formaient une subdivision de la province appelée custodie, qui appartenait à la province d’Alémanie supérieure. Le chapitre général de l’ordre s’est réuni à Strasbourg en 1282, en présence de 700 frères et de 33 provinciaux (Provinziale) et en 1362. De nombreux chapitres ont eu lieu dans différentes villes d’Alsace, à Colmar, Haguenau, Sélestat et Rouffach.

Souvent, les Franciscains s’occupaient de la direction spirituelle des béguines (v. Béguines), c’est-àdire de femmes, veuves ou célibataires, qui vivaient ensemble dans une maison en menant une vie de prière. Dans chaque ville où ils s’étaient établis, ils ont aussi mis en place une organisation appelée le tiers ordre. Il s’agit de laïcs vivant dans le monde avec leurs familles et exerçant des métiers, mais qui s’astreignent, sous la direction spirituelle d’un frère, à des pratiques d’oraison, de méditation et de charité. Grâce au tiers ordre, François d’Assise pensait pouvoir régénérer la société tout entière.

Au départ, les Franciscains ont été très appréciés du peuple. Leur message évangélique, leur pureté de moeurs leur ont valu l’adhésion des masses et des élites. Fréquemment, les confréries des villes ont établi leur siège chez eux. C’était le cas à Sélestat pour les compagnons tailleurs, les meuniers et les charrons. Cet engouement pour les Franciscains et plus généralement pour les ordres mendiants se traduit évidemment par un afflux d’aumônes. Or, cet argent qui tombe dans les caisses franciscaines est de l’argent qui, sinon, serait revenu au curé du lieu. Il n’est donc pas étonnant que, du milieu du XIIIe siècle au début du XVIe, un antagonisme profond ait opposé les religieux mendiants aux prêtres séculiers. Les Frères, plus fervents et plus cultivés que les curés, attiraient dans leurs églises l’élite des paroissiens par leurs beaux sermons. Les prêtres paroissiaux étaient lésés dans leurs revenus par les nombreuses et riches donations que des gens fortunés faisaient aux Frères, surtout à l’occasion des enterrements. À Strasbourg, la lutte entre les deux clergés a eu un caractère particulièrement violent. À Sélestat aussi, une querelle grave a mis aux prises le curé et les Frères mineurs, de 1503 à 1518. Ce fut également le cas à Haguenau.

Comme pour les Bénédictins, comme pour les chanoines réguliers et les Cisterciens, le succès des Franciscains a également amené leur déclin. Contrairement aux souhaits de saint François, les aumônes et les dons versés, au départ sur le papier au Schaffner, aux Clarisses ou à des béguines, ont inévitablement enrichi les institutions. L’afflux d’argent a entraîné une recherche du confort qui aurait sans doute profondément déplu au fondateur de l’ordre. Dès 1255, le pape Alexandre IV autorise les Franciscains de Strasbourg à porter de la fourrure pour se protéger du froid. La pauvreté, qui avait été le fer de lance du message de saint François, n’est plus une priorité pour l’ordre au XIVe siècle. Les Franciscains sont propriétaires de biens, et cela même à titre personnel. Le Franciscain peut en disposer librement et peut même les transmettre à qui il voudra au moment de sa mort. Cette dérive n’est pas caractéristique des Franciscains, ni même des Mendiants. Tous les ordres ont suivi cette évolution. Mais le relâchement de la discipline, surtout en matière de pauvreté, a fait perdre aux Franciscains l’audience de la population. À partir du XIVe siècle, un mouvement de réforme a cherché à rétablir la stricte observance dans les couvents franciscains. La vitalité de ce mouvement a été tellement forte que des centaines de nouveaux couvents ont été fondés en Europe. Mais les courants réformateurs ont été plus puissants dans les parties méridionales de la chrétienté que dans celles du Nord. En Alsace, le bilan de l’observance franciscaine est relativement faible. Aucun des quatre grands établissements franciscains (Strasbourg, Haguenau, Colmar et Sélestat) ne passe à l’Observance. Seuls les couvents de Barr, Rouffach et Wissembourg y adhèrent.

Lorsque la Réforme est introduite à Strasbourg, Thomas Murner, un Franciscain conventuel de la ville, au tempérament entier et combatif, se lance dans la lutte religieuse et attaque Luther et Zwingli.

Au XVIe siècle, le recrutement des maisons franciscaines est au plus bas. Avec l’introduction de la Réforme, toutes celles d’Alsace disparaissent, sauf celles de Thann et de Haguenau, où les frères reviennent en 1597 après une éclipse d’un demi-siècle. Même dans des villes restées catholiques, comme Rouffach ou Sélestat, le couvent disparaît au XVIe siècle : à Sélestat parce qu’il est ruiné, à Rouffach par manque de recrues – il restait deux frères en 1563.

 

Temps modernes

V. Cordeliers.

 

Bibliographie

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Notices connexes

Béguine

Clarisses

Cordeliers_(Franciscains)

Élisabeth Clémentz