France (Route de -)

De DHIALSACE
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Route d’Allemagne, Route Royale, Route de la Reine

Les territoires alsaciens, cédés par les Habsbourg à la France par les Traités de Westphalie (24 octobre 1648), n’avaient aucune frontière commune avec l’intérieur du royaume, dont ils sont séparés par le duché de Lorraine. À ce titre au moins, sa désignation comme Province à l’instar de l’étranger effectif est justifiée.

À l’occasion du traité de Vincennes (28 février 1661), complément du traité des Pyrénées (7 novembre 1659), Louis XIV impose à Charles IV de Lorraine la cession d’un corridor stratégique passant par son duché pour relier la France à l’Alsace par Verdun, Metz, Sarrebourg et Phalsbourg. Il s’assurait ainsi une liaison avec l’Alsace sans passer par une terre étrangère : « …afin que Sa Majesté ait un chemin qui puisse servir à Ses Sujets et à Ses Troupes quand elle voudra, pour aller de Metz en Alsace sur ses terres, sans toucher les États dudit Sieur Duc. » (Art. XIII).

Le tracé de la Route de France souleva de nombreuses discussions provoquées par l’interprétation des textes. Elles portèrent notamment sur des problèmes de souveraineté, de tracé et d’unités de mesure, notamment sur la valeur de la demi-lieue.

D’après l’article XIV du traité, la route « aura de largeur demi-lieuë de Lorraine en tous endroits ». Or, la valeur de la demi-lieue n’était pas uniforme en Lorraine. Elle était différente aux environs de Nancy, de la Côte de Delme et de Phalsbourg où la lieue allemande avait cours. La commission bipartite chargée de la délimitation de la Route de France le souligne : « Pour ce qui est de Phalsbourg, il est assez connu que c’est les quartiers d’Allemagne, et quoique, depuis quelques années, il ait été annexé à la Lorraine, les peuples n’ont rien changé à l’égard des moeurs et leurs façons d’agir ; le langage y est demeuré comme auparavant » (PV du 10 octobre 1661). Sous la pression de la France, la demi-lieue sera réglée à 2 000 toises, la toise à 6 pieds de roi chacune (soit 0,3248 x 6 = 1,948 m). Le passage aura donc un peu moins de 4 km de largeur, environ 2 km de chaque côté de la route, sur l’ensemble de son tracé.

Les travaux d’abornement de la route se sont étendus du 10 au 23 octobre 1661, de Solgne à Phalsbourg. Une quarantaine de pierres-bornes furent posées, ce qui est relativement peu pour une bande de terre d’environ 100 km de long. Elles portaient le millésime 1661, la croix ducale et le lys de France. Très probablement, leur fonction était moins de marquer des limites territoriales très précises que la souveraineté française sur le chemin. C’est notamment le cas des bornes marquées du seul lys de France, comme celle de Garrebourg (Moselle), un des derniers exemplaires encore en place. Elle est incrustée dans un mur en face de l’église du village.

Le problème de la souveraineté sur l’emprise de la route est réglé par l’article XV du traité : « De tous les villages cy-dessus nommez pour ledit chemin, ensemble de leurs dépendances et Domaines utiles, qui ont cy-devant appartenus aux Ducs de Lorraine dans l’étenduë de ladite demi-lieuë de largeur, Sa Majesté en jouïra en tout droit de souveraineté et propriété, comme ledit sieur Duc a fait ; bien entendu que si la banlieuë ou la dépendance desdits villages s’étendent hors ladite demi-lieuë, tout ce qui se trouvera au-delà des limites posées par lesdits commissaires, appartiendra comme auparavant en souveraineté et propriété audit Sieur Duc. » De même, l’article XVIII stiplule : « Les places… et tous les autres villages cy-devant nommez et cédez depuis le Pays Messin jusques à Phalsbourg, et le chemin aussi d’un Village à l’autre… comme aussi les Villages, Territoires, Bois, Domaines, Seigneuries, Prévostez, appartenances et dépendances, et annexes des lieux cédez, demeureront par le présent Traité au Roy et à Ses Successeurs et Ayants-cause, irrévocablement et à toujours, pour être unis et incorporez à la Couronne de France, avec les mêmes droits de Souveraineté, Propriété, Patronnage, Jurisdiction, Nominations, Prérogatives, Prééminences sur les Églises Cathédrales, Abbayes, Prieurez, Dignitez, Cures et autres quelconques Bénéfices étans dans l’étenduë desdits Pays, Places et lieux cédez… »

Les différentes appellations de cette route découlent de la situation du locuteur. Les Lorrains l’appelèrent la Route de France et les Français la Route d’Allemagne parce qu’elle y conduisait. Bien plus tard, à partir de 1725, et surtout dans le Saulnois, elle fut aussi appelée la Route de la Reine, en souvenir du fastueux passage de Marie Leszczynska allant rejoindre Louis XV qu’elle avait épousé par procuration à Strasbourg le 15 août 1725.

Après l’occupation de la Lorraine par la France en 1670, puis en 1766, avec le rattachement de la Lorraine à la France, la Route de France perd de fait son intérêt stratégique. Cela se traduit notamment par la destruction des bornes devenues inutiles.

Bibliographie

PETITJEAN (Georges), « Un corridor français en Lorraine au XVIIe siècle », Revue Historique de la Lorraine, vol. 76, 1932.

LEPINTE (Christian), « Le Pays de Phalsbourg », Lorraine, Alsace, Franche-Comté, 1937.

BARTHELEMY (J.), « La route de France d’après les proces-verbaux d’abornements 1661 » Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Lorraine, 79e année (1965), LXV, Metz, 1966, p. 27-47.

HOLDERBACH (Jean-Marie), Dossier de recensement de bornes no 57244-2-001 (1987), Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace – Commission Inventaire et Sauvegarde.

Notices connexes

Brabant

Chaussée

Frontière

Lorraine, duchés et évêchés

Jean-Marie Holderbach