Feu (dans les habitations)

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Chauffage (Heizung, heizen), cuisine (Küche, kochen)

Le feu (Feuer) a été, pendant plusieurs siècles, la seule source de chaleur connue par l’homme. Il était de ce fait indispensable à sa vie et à sa survie. Le feu constituait à la fois le seul moyen de chauffage (heizen), mais également le seul moyen pour cuisiner (kochen) et pour s’éclairer.

Alors que, durant la période romaine, le feu, en tant que moyen de chauffage, et le feu, en tant que moyen de cuisiner, sont bien distincts (on peut, par exemple, penser à l’hypocauste ou au brasero pour le chauffage et au foyer surélevé pour la cuisine), au haut Moyen Âge, la distinction entre ces deux fonctions est moins nette : le foyer sert aussi bien à préparer les repas qu’à chauffer la maison. Tout au long du Moyen Âge, il existe un lien étroit entre le chauffage et la cuisine, sans que toutefois ces deux fonctions soient nécessairement associées. Ce lien va s’estomper avec la période moderne, voire disparaître avec l’époque contemporaine.

Avant d’utiliser le feu à des fins de chauffage ou de cuisine, il faut l’allumer. Ce travail est dévolu aux femmes. Elles allument le feu à l’aide d’un briquet en acier qu’elles frappent sur un silex pour produire une étincelle, afin obtenir une braise à partir d’un morceau d’amadou (champignon parasite des arbres). Cette braise sert ensuite à allumer des brindilles ; puis, pour avoir une belle flambée, elles y ajoutent de grosses bûches qui brûlent lentement (chêne, orme). C’est également la femme, le soir venu, qui est chargée de couvrir le feu, en tâchant de garder des braises sous la cendre pour le relancer le lendemain.

A. Le haut Moyen Âge : le foyer à aire ouverte (offene Feuerstelle)

L’utilisation du feu pour le chauffage n’est plus la même au haut Moyen Âge qu’à la période précédente. Après la chute de l’Empire romain, on revient à un mode de chauffage (Heizung) plus rudimentaire qui va de pair avec des maisons, elles aussi plus simples. En effet, ces habitations sont construites en matériaux périssables (bois, torchis, chaume) et sont constituées d’une seule pièce (monocellulaire) qui fait office de cuisine (Küche), de pièce à vivre et sans doute également de lieu de travail. Le foyer central (zentrale Feuerstelle), à même le sol ou légèrement excavé avec une base en pierres, servait donc aussi bien pour le chauffage que pour la cuisson, l’évacuation des fumées se faisant par les interstices du toit. Le site du village mérovingien de Riedisheim-Leibersheim, dans le Haut-Rhin au sud-est de Mulhouse, nous fournit un exemple de ce type d’habitation et de l’organisation de ses abords (Schweitzer, 1984).

Les risques d’incendie liés à la présence d’un foyer (Feuerstelle) au sein d’un bâtiment construit en matériaux périssables sont évidents. De ce fait, il est à noter que les foyers, qui sont datés de cette période, sont, la plupart du temps, de taille limitée et que, dans certains cas, ils sont même délimités par un petit muret de pierres. De même, le bois utilisé comme combustible et issu des forêts environnantes, était sans doute un bois bien sec. En effet, celui‑ci produit moins d’étincelles et de fumée que le bois humide, ce qui permet de limiter les incendies.

En ce qui concerne le milieu urbain, c’est à Strasbourg, seule ville alsacienne attestée pour cette période, que l’on voit apparaître à la fin du VIIe siècle et au début du VIIIe siècle, le chauffage au poêle (Kachelofen). En effet, plusieurs fouilles urbaines ont mis au jour des lots importants de pots de poêle datés de cette période. Le pot de poêle est le premier type de céramique de poêle à avoir été produit. Ce nom lui vient de sa forme qui rappelle celle d’un pot.

Les pots les plus anciens ont été découverts sur le site de la place des Bateliers (Châtelet, 1994). Le chauffage au poêle est donc attesté à Strasbourg dès la fin de l’époque mérovingienne. Cependant, il est difficile de dire à quoi ressemblaient ces poêles, si leur chargement s’effectuait par l’avant ou par l’arrière, où il se situait au sein de la maison et s’il existait un lien avec la cuisine ou même si le poêle, à cette époque, servait également à cuisiner. Il faut toutefois rester attentif au fait que ce chauffage concernait avant tout les milieux les plus aisés. Dans les autres maisons, le moyen de chauffage, et donc de cuisiner, devait être similaire à celui des campagnes. En ce qui concerne le milieu rural, les premières attestations de chauffage au poêle sont un peu plus récentes et restent cantonnées aux classes sociales les plus aisées, comme les abbayes de Neuwiller-lès-Saverne et de Niedermünster, et aux environs de Strasbourg.

Pour ce qu’il en est de l’aire géographique de la naissance de ce nouveau moyen de chauffage, l’Alsace fait partie du « berceau » du poêle. En effet, on situe cette aire d’apparition dans une zone englobant le nord de la Suisse, l’Alsace et le sud-ouest de l’Allemagne.

À partir du IXe et surtout du Xe siècle apparaissent, en milieu rural, des maisons plus grandes et plus solides et avec elles une autre manière de se chauffer.

B. Le bas Moyen Âge et le début de l’époque moderne : l’âge d’or du poêle en céramique et naissance de la cuisine

Au bas Moyen Âge, un changement s’effectue dans la manière de construire. En effet, c’est à cette période qu’apparaissent les maisons à pans de bois et à plusieurs pièces, aussi appelées maisons mixtes, car elles réunissent sous le même toit animaux et humains. Ces évolutions dans le mode de construction des habitations ont un impact sur la manière de se chauffer et, par extension sur la cuisine.
En effet, un nouveau type de chauffage s’impose ; il s’agit du chauffage au poêle (Kachelofen) apparu il y a quelques siècles déjà en milieu urbain à Strasbourg.

Les maisons à pans de bois et torchis, contrairement à celles du haut Moyen Âge, comptent plusieurs pièces réparties en trois travées. La première, où se trouve la seule pièce chauffée de la maison, la Stube, ainsi qu’une chambre dans son prolongement, la deuxième, où se situe la cuisine, et enfin la dernière, où prend place le plus souvent un atelier ou une étable.

La Stube constitue la pièce principale de la maison et se trouve toujours en lien avec la cuisine, qui devient, de ce fait, une pièce à part et à la fonction bien définie. Le foyer de la cuisine ne se situe plus à même le sol, mais il est surélevé et repose sur un sol de briques réfractaires. On parle dès lors d’une table de cuisson qui permet de cuisiner tout en restant debout. Au XVIe siècle apparaît la cuisinière (Küchenherd) maçonnée qui peut ou non comporter plusieurs foyers aux fonctions différentes (alimentation du poêle, préparation des repas) recouverts d’une plaque de fonte avec des ouvertures pour encastrer les marmites ou d’une dalle de briques réfractaires. Un autre foyer peut être ajouté à ceux évoqués ; il s’agit du foyer du four à pain. Le four à pain, comme c’est encore le cas dans certaines maisons du Sundgau, est adossé à un des murs extérieurs de la cuisine. Le chargement et la cuisson du pain se font depuis la cuisine, mais le corps du four se situe à l’extérieur de la maison et se présente comme une excroissance protégée par un petit toit. Toutes les maisons ne possédaient pas leur four à pain.

Le lien Stube-cuisine (Stube-Küche) s’explique par le fait que le chargement du poêle s’effectue par la cuisine, séparée de la Stube par un mur coupe-feu (Brandmauer), le seul mur maçonné de la maison. Cette organisation de l’espace a de nombreux avantages : un gain de place, car le bois n’est pas entreposé dans la pièce à vivre, un risque d’incendie limité dans la Stube – où le bois d’isolation est omniprésent (lambris, parquet, meubles) – et une absence de nuisances due aux fumées et aux cendres dans la Stube.

Cette organisation interne peut être observée dans la maison paysanne d’Artolsheim (Fig. 1), près de Sélestat (Grodwohl, Schwien, 1998). Dans cette maison, dont les sols ont été fouillés en 1987 après le démontage du bâtiment, la Stube (pièce A) se trouve à côté de la cuisine (pièce C), les deux pièces étant séparées par le seul mur maçonné de la maison. Celui-ci fait office de mur coupe-feu entre le poêle (attesté par la présence de carreaux de poêle (Ofenkacheln) et de traces ténues de base) et le foyer principal de la cuisine constitué d’un muret en briques maçonné à deux assises. L’évacuation des fumées se faisait par une hotte en bois qui se poursuivait sans doute par une cheminée, comme semblent l’attester les restes de cheminée pyramidale en bois conservés dans les combles. Cette maison a été datée par dendrochronologie de 1561 (v. Bauordnung, Feuerordnung).

L’exemple traité ici est assez tardif. Il n’existe en effet que très peu de traces et de mentions pour l’Alsace concernant le chauffage et la cuisine dans les maisons paysannes avant le XVe siècle, voire le XVIe siècle. Un foyer en aire ouverte et à même le sol, en position centrale ou dans un coin de la pièce, faisait sans doute alors office de source de chaleur et de lumière, tout en servant à la préparation des repas.

Dans certaines maisons de la noblesse rurale, on observe à la fin du Moyen Âge la présence d’une cheminée (Kamin), qui pouvait servir aussi bien à la cuisine qu’au chauffage. C’est le cas dans une maison de viticulteur du XVIe siècle, fouillée à Châtenois (Koch, 2009). La fouille de la cave de cette maison, détruite par le feu au XVIe siècle, permet d’appréhender la vie de la petite noblesse rurale de cette période. On y a découvert, entre autres, provenant d’un des étages de la maison, les restes d’une cheminée avec son chaudron et sa crémaillère. L’évacuation de la fumée se faisait sans doute par un conduit de cheminée courant le long du mur gouttereau.

À partir de l’époque moderne, les combles des maisons paysannes, profitant des fumées que l’on évacuait depuis la cuisine et la Stube par le conduit de cheminée, étaient parfois aménagés en fumoir à viande.

Pour ce qu’il en est du milieu urbain, les fouilles archéologiques nous sont d’une très grande aide. En effet, tous les sites datant de cette période livrent de la céramique de poêle. Le poêle, qui est apparu en ville au haut Moyen Âge, continue donc à s’y développer, comme nous le montrent les fouilles de la Place Rapp à Colmar (Rohmer, 1999), située extra-muros à l’époque médiévale. Il s’agit du grand dépotoir hors les murs de la ville ; sa fouille a livré plus de 300 carreaux de poêle qui peuvent être datés de la seconde moitié du XIVe siècle au début du XVIe siècle. Cette découverte atteste donc de la continuité de l’utilisation du poêle en milieu urbain tout au long du bas Moyen Âge. En ce qui concerne sa localisation au sein des maisons urbaines, les données nous manquent. Toutefois, il semblerait que les poêles se trouvent avant tout dans les intérieurs bourgeois, où la place ne manque pas pour les accueillir.

L’organisation au sein des habitations est sans doute similaire à celle des maisons paysannes, à savoir un lien étroit avec la cuisine (donc une pièce bien distincte) ou éventuellement un couloir où se trouverait une ouverture pour charger le poêle en combustible. En effet, cette organisation a été observée en 2007 lors de l’étude du bâti de l’auberge du Corbeau à Strasbourg, construite en 1632.

L’évacuation des fumées se faisait certainement par un conduit en terre cuite. Le fonctionnement devait être le même que pour une cheminée, c’est-à-dire une superposition des cheminées à chaque étage, associées à un conduit menant les fumées vers l’extérieur par le toit.

Le passage du foyer ouvert au poêle, et, par extension, à ce que l’on appelle le bloc-cuisine, s’est donc effectué petit à petit au cours du Moyen Âge, en partant des couches sociales les plus aisées jusqu’à devenir un moyen de chauffage accessible à tous. Ce passage d’une forme de chauffage à une autre s’explique notamment par un meilleur rendement calorifique du poêle par rapport au chauffage ouvert et sans doute également par une plus grande sécurité.

C. Évolution de la céramique de poêle et de la forme des Kachelöfen (Fig. 2)

Comme indiqué plus haut, les premières traces d’un chauffage au poêle datent des VIIe - VIIIe siècles ; il s’agissait alors de pots de poêle (Gefässkachel) et non pas de carreaux tels que nous les connaissons encore aujourd’hui. En effet, les premières céramiques de poêle, du fait qu’elles sont façonnées de la même manière que la céramique culinaire, ressemblent davantage à des pots de céramique culinaire qu’à des éléments de chauffage. Les premières représentations de poêle de ce type nous viennent de Suisse, comme la fresque murale datée des environs de 1 300 qui peut être admirée au Landesmuseum de Zurich et qui présente six mois de l’année, dont le mois de décembre montrant un moine en train d’attiser le feu d’un poêle. Les premières sources écrites alsaciennes qui mentionnent un poêle sont lesAnnales des Dominicains de Colmar qui nous racontent l’épisode de la naissance prématurée du prévôt de Lautenbach, vers 1097, qui avait été déposé près d’un poêle afin d’être maintenu au chaud.

Ces poêles à pots semblent être de forme quadrangulaire en partie basse et de forme circulaire en partie haute, surmontés par une coupole (Fig. 3). Les pots sont fichés dans l’argile, leur base étant en contact avec le foyer, ce qui permet d’accumuler la chaleur et de la diffuser dans la pièce. Ces poêles étaient alimentés, soit directement par une ouverture dans le poêle, comme sur la fresque du Landesmuseum, soit par la pièce se trouvant de l’autre côté du mur pare-feu, le plus souvent la cuisine. À partir du XVIe siècle, le poêle et la cuisinière se partagent le même foyer, ce qui permet de faire des économies de combustible, estimées à près de 30 %. L’évacuation des fumées pose quelques questions en l’absence de traces nettes et observables sur le terrain ; seule l’iconographie peut nous venir ici en aide. Différentes hypothèses, résumées dans un article paru en 2000 (Jean Maire, Jean-Jacques Schwien, 2000, p. 145-173) ont été émises (Fig. 4). Pour les poêles à carreaux, l’évacuation des fumées ne se faisait pas dans la pièce où se trouvait le poêle. Il est donc possible que celles-ci aient traversé le mur coupe-feu, soit par l’orifice de chargement, soit par un autre orifice, pour s’évacuer ensuite par la hotte de la cuisine, ou bien, si le chargement se faisait depuis un couloir, par l’épaisseur du mur. Les fumées étaient ensuite évacuées par une cheminée sur le toit après avoir, sans doute, traversé d’autres étages en contexte urbain. Ces hypothèses sont confirmées par l’iconographie pour le XVIe siècle. Pour les périodes antérieures, les données sont encore plus minces ; rien ne nous prouve que l’évacuation des fumées ne se faisait pas directement par les ouvertures de la pièce où se trouvait le poêle. J.-P. Minne émet l’hypothèse, d’après des représentations iconographiques, d’une poterie d’amortissement qui pouvait être enlevée au moment de recharger le poêle pour évacuer les fumées dans une hotte, au-dessus de celui-ci et qui était ensuite replacée sur le poêle afin que celui-ci garde et diffuse toute la chaleur (Minne, 1977).

Au fil des siècles, la forme de la céramique de poêle évolue pour arriver au carreau-niche qui apparaît au courant du XIVe siècle, puis au carreau plat qui est encore utilisé de nos jours. Avant d’arriver à ces formes abouties, un type de carreau intermédiaire va être élaboré, sans doute au début du XIVe siècle ; il s’agit du carreau-bol (Napfkachel). Ce type de carreau, également façonné par le potier, est à base circulaire et à ouverture quadrangulaire. On doit cette évolution à la recherche continue d’une meilleure rentabilité calorifique. En effet, les parois fines des pots diffusent bien mieux la chaleur que les épaisses parois d’argile dans lesquelles les pots sont fichés. Le fait d’augmenter la surface occupée par les carreaux permet donc de gagner en rentabilité calorifique (Maire, Schwien, 1998). Les carreaux de forme carrée peuvent être placés côte à côte et permettent donc de couvrir une plus grande superficie qu’avec des pots. La forme du poêle reste la même que pour le type de carreaux précédents.

À peine quelques dizaines d’années plus tard, sans doute au milieu du XIVe siècle, apparaît le carreau-niche (Nischenkachel). Il s’agit, en fait, d’un pot qui a été coupé en deux ou trois dans le sens de la longueur et au-devant duquel on applique un cadre et un motif en argile, dans la majorité des cas ajourés, qui ont été, au préalable, moulés. C’est donc au cours du XIVe siècle qu’apparaissent les décors sur les poêles. À partir de ce moment-là, le poêle n’a plus seulement une fonction utilitaire de chauffage, mais s’y ajoute une fonction esthétique : le poêle est un élément mobilier et fait partie du décor de la pièce dans laquelle il se trouve.

Plus ou moins au même moment apparaît le carreau plat (Blattkachel) de forme carrée. Il s’agit d’un carreau au décor entièrement moulé.

La forme des poêles à carreaux-niche et à carreaux plats diffère de ceux à pots ou à carreaux-bol.

En effet, ces poêles sont surtout quadrangulaires et en deux parties, ne se finissent plus que rarement par un dôme, mais généralement par un sommet plat (Fig. 5). Les carreaux plats présentent des décors variés qui changent en fonction du type de site (urbain, rural, castral, minier), de la zone géographique et de la période. Ces carreaux sont, pour la plupart, glaçurés en vert ; puis en d’autres couleurs, comme le jaune, le brun, le noir, vont venir compléter la palette de couleur, à partir de la fin du XVe siècle.

D. Le XVIIe siècle : le siècle du poêle à plaques de fonte (Plattenofen). Vers la fin du bloc-cuisine

Le poêle en fonte apparaît au XVe siècle en lien avec les premières fonderies à canons et pièces d’armement. La plaque en fonte la plus ancienne fabriquée en Alsace porte le millésime 1666 et sort de l’usine de Zinswiller. Le poêle à plaques ou à caissons (Kastenofen) permet une diffusion de la chaleur plus rapide que le poêle en céramique, d’où son intérêt. En ce qui concerne son chargement et l’évacuation des fumées, le fonctionnement est le même que pour les poêles en céramique du XVIe siècle. Le poêle à plaques est composé d’une ou de deux parties cubiques accolées au mur-pare feu et reposant à l’avant sur deux pieds en pierre ou en métal. Les motifs présents sur ces plaques sont proches de ceux des carreaux en céramique de la même époque, tels que des scènes bibliques, des scènes mythologiques, des armoiries ou encore des scènes historiques ou de la vie profane. L’« âge d’or » des poêles à plaques se situe au XVIIe et au XVIIIe siècle.

Le poêle en fonte permet donc une meilleure diffusion de la chaleur, mais, contrairement au poêle en céramique, il ne garde pas la chaleur longtemps après l’épuisement du feu. De ce fait, dès le XVIe siècle, apparaissent des poêles mixtes, c’est-à-dire avec une base composée de plaques en fonte pour permettre une diffusion rapide de la chaleur, et une partie supérieure en carreaux en céramique permettant de garder la chaleur plus longtemps.

Depuis le Moyen Âge, le poêle, qu’il soit en céramique ou en fonte, joue donc un rôle prépondérant dans le chauffage des maisons alsaciennes à la fois rurales et urbaines.

Avec le XIXe siècle, le poêle et la cuisinière se désolidarisent. On chauffe désormais plusieurs pièces. Le poêle, en fonte ou en céramique, est alimenté directement depuis la pièce qu’il doit chauffer. Plusieurs explications se complétant peuvent être données à ce phénomène : on a de plus en plus besoin de poêles qui peuvent s’installer partout, apparition du conduit de cheminée en tôle qui permet d’être plus flexible dans la localisation du poêle dans la pièce, cuisinières en fonte qui ne sont pas construites de manière à se raccrocher à un poêle.

Bibliographie

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SCHWEITZER (Joël), L’habitat rural en Alsace au haut Moyen Âge, Riedisheim, 1984.

MINNE (Jean-Paul), article « poêle », L’Encyclopédie de l’Alsace, V, 1985, p. 6054-6076.

CHÂTELET (Madeleine), « Les plus anciens témoins de l’usage du poêle : les pots de poêle du haut Moyen Âge découverts en Alsace », Revue Archéologique de l’Est et du Centre-Est, t. 45-1, 1994, p. 481-492.

MAIRE (Jean), SCHWIEN (Jean-Jacques), « La cheminée et le poêle, ou l’art de se chauffer en Alsace au Moyen Âge », dans L’innovation technique au Moyen Age, Actes du VIe Congrès International d’archéologie médiévale, 1998, p. 258-259.

GRODWOHL (Marc), SCHWIEN (Jean-Jacques), « Artolsheim (Bas-Rhin). Maison paysanne mixte à pans-de-bois », dans ESQUIEU (Yves), PESEZ (Jean-Marie), Cent maisons médiévales en France (du XIIe au milieu du XVIe siècle). Un corpus et une esquisse, Paris, 1998, p. 241-245.

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ROHMER (Pascal), Colmar, Place Rapp. La céramique de poêle, SRA Alsace, AFAN, Strasbourg, 1999.

MAIRE ( Jean), SCHWIEN ( Jean-Jacques), « Le poêle en terre médiéval. Réflexions sur sa structure et ses qualités calorifiques », dans RICHARD (Annick), SCHWIEN (Jean-Jacques) (dir.), Archéologie du haut Moyen Âge à l’époque moderne : technologie, décors, aspects culturels. Actes de la table ronde de Montbéliard (23-24 mars 1995), Dijon, 2000, p. 145-173.

KLEIN (Ulrich), JANSEN (Michaela), UNTERMANN (Matthias), Küche – Kochen – Ernährung, Archäologie, Bauforschung, Naturwissenschaften Tagung Schwäbisch Hall, (Mitteilungen der Deutschen Gesellschaft für Archäologie des Mittelalters und der Neuzeit, 19), Paderborn, 2007.

LEGUAY (Jean-Pierre), Le feu au Moyen Âge, Rennes, 2008.

KOCH (Jacky), Châtenois, Jardin du Presbytère. Rapport de la campagne 2009, Sélestat, 2009.

Éclairage (häusliche Beleuchtung)

Il existe deux types d’éclairage : l’éclairage naturel, c’est-à-dire la lumière du jour, et l’éclairage artificiel qui, de l’Antiquité à la fin du XIXe siècle, est apporté par le feu. L’éclairage naturel des habitations se fait grâce aux ouvertures (fenêtres, portes, baies ou simple trou dans un mur). Dans la maison paysanne d’Artolsheim, datée par dendrochronologie de 1561, un trou, dans le mur en torchis de la chambre, fait sans doute office d’ouverture destinée à l’éclairage de la pièce (Grodwohl, Schwien, 1998). L’abondance d’ouvertures, ainsi que leur taille, sont des marqueurs de richesse. En effet, ces ouvertures doivent pouvoir être fermées par grand froid ou trop grande chaleur, soit par des volets, soit par des vitres, le verre étant très coûteux. Pour les maisons les plus humbles, on avait souvent recours à la toile cirée ou au parchemin huilé.

L’éclairage artificiel est le moyen de pallier le manque de lumière. Un simple foyer ouvert (offene Feuerstelle) ou une cheminée (Kamin) sont considérés comme une source de lumière (Lichtquelle). Au haut Moyen Âge, le foyer central des habitations servait à la fois au chauffage, à la cuisine et à l’éclairage de la pièce. Il semble que ce mode d’éclairage ait été le seul dans les maisons les plus modestes tout au long du Moyen Âge.

En plus du foyer ouvert, quelquefois du pot à feu (v. Éclairage_public), il existe différentes sources de lumière qui peuvent être mobiles.

La torche (Fackel) badigeonnée de résine, essentiellement de pin et de sapin, est surtout utilisée en extérieur ou dans des espaces intérieurs de grande taille. Elle est soit tenue à la main, soit accrochée au mur à l’aide d’un support.

La chandelle à suif (Talgkerze, Taglicht) ou le cierge (milieu ecclésiastique) ou la bougie en cire d’abeille (Wachskerze), dont l’intensité lumineuse est moindre, nécessitent des supports, tels des chandeliers (dont la plupart sont sur pied), des lustres à trois ou quatre branches ou des lanternes. Ces supports sont en fer ou en cuivre jaune (laiton). La chandelle doit être constamment « mouchée », pour éviter qu’elle ne fume trop. Elle est fabriquée en plongeant et replongeant une mèche, faite de chanvre et de coton, dans un bain de suif (graisse de mouton ou de boeuf) en ébullition jusqu’à atteindre le diamètre souhaité. Le gras des viandes est réservé à la fabrication des chandelles. Son approvisionnement est surveillé dans les villes par le Magistrat, qui ne veut pas que la ville manque de lumière (v. Boucherie). Les bougies en cire sont surtout présentes dans les intérieurs bourgeois du fait de leur prix élevé, mais, vers la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne, leur usage se répand.

Enfin, les lampes (Lampen) à huile pour lesquelles l’huile utilisée est plus souvent d’origine végétale (résines, huile de noix) qu’animale, du fait des odeurs que dégage cette catégorie d’huile. Dans la plupart des cas, les lampes sont en céramique, mais elles peuvent également être en verre ou en métal pour les intérieurs les plus nobles. Il semblerait que les lampes en métal soient apparues vers la fin du Moyen Âge et qu’elles aient tendu à remplacer celles en céramique. Dans le milieu minier, les lampes utilisées pour le travail souterrain sont des lampes à suif et en métal (Bohly, 1990). Pour Poteur (Poteur, 1971), l’origine des lampes alsaciennes remonterait à l’époque romaine, mais le lien n’est pas établi ; il semble y avoir un hiatus entre l’époque romaine et le XIe siècle.

L’iconographie est une source importante pour nous renseigner sur les moyens mis en oeuvre au Moyen Âge pour s’éclairer, tout comme les inventaires après décès et les fouilles archéologiques. Des lampes en céramique, par exemple, sont régulièrement mises au jour. En ce qui concerne les lampes en verre et en métal, leur découverte est plus rare. En comparant ces données de terrain avec l’iconographie, on s’aperçoit que la majorité des éclairages représentés sont en métal et, qu’à l’inverse, les lampes en céramique ne sont jamais représentées. Sur les sites ruraux, le matériel d’éclairage est assez rare et se retrouve surtout dans la pièce principale. En ce qui concerne le milieu urbain, il semblerait que les espaces les mieux éclairés soient les pièces de représentation se situant au premier étage des bâtiments.

Torches, chandelles et cierges, lampes ou feu de l’âtre sont les moyens d’éclairage dès la nuit tombée où s’interrompent la plupart des travaux. Seule l’abondance des sources lumineuses (chandelles sur lustres ou sur chandeliers) dans les salons des riches ou dans les rues permet d’éclairer la vie. Cela reste le cas jusqu’au XVIIIe siècle. Quelques améliorations techniques sont apportées à la lampe à huile à partir de la fin du XVIIIe et surtout au XIXe siècle avec l’adoption d’une mèche circulaire, qui donne plus de lumière et moins de fumée, et d’une molette pour en régler la hauteur, puis du réservoir latéral qui assure une alimentation constante en huile, et enfin par le manchon en verre, qui assure une flamme constante et élimine une partie des fumées (lampe de Quinquet, dite quinquet). Mais c’est la chandelle, le plus souvent dans une lanterne, qui assure l’essentiel de l’éclairage.

Bibliographie

HATT (Jacques), Une ville du XVe siècle, Strasbourg, Strasbourg, 1929.

POTEUR (Jean-Claude), « Les lampes en terre cuite du Moyen Âge », Chantiers d’études médiévales, no 8, 1971, p. 3-12.

BOHLY (Bernard), « L’éclairage dans les mines », dans Vivre au Moyen Age : 30 ans d’archéologie médiévale en Alsace, Strasbourg, 1990, p. 285-286.

GRODWOHL (Marc), SCHWIEN (Jean-Jacques), « Artolsheim (Bas-Rhin). Maison paysanne mixte à pans-de-bois », dans ESQUIEU (Yves), PESEZ (Jean-Marie), Cent maisons médiévales en France (du XIIe au milieu du XVIe siècle). Un corpus et une esquisse, Paris, 1998, p. 241-245.

ESQUIEU (Yves), « L’éclairage », dans ESQUIEU (Yves), PESEZ (Jean-Marie), Cent maisons médiévales en France (du XIIe au milieu du XVIe siècle). Un corpus et une esquisse, Paris, 1998, p. 97-107.

TREICHLER (Helen), L’éclairage en Alsace au Moyen Âge, Mémoire de DEA, Strasbourg, 2001.

Notices connexes

Bauordnung

Bois

Bois de chauffage

Eclairage public

Feuerordnung

Kerze

Kerzenmeister

Delphine Bauer