Fall

De DHIALSACE
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Droit mortuaire, FahlHauptrecht, mainmorte, Mortuarium, Phall, Sterbfall, Todfall, Vahl, Vall

Redevance correspondant à la faculté que s’octroie le seigneur de prendre, dans la succession de l’un de ses sujets (du verbe « fallen », tomber dans), la plus belle tête de bétail (Besthaupt, meilleur catel). Au Moyen Âge, ce droit est intimement lié à l’institution du servage. En effet, un serf, appartenant corps et biens à son maître, ne peut en principe rien transmettre à ses héritiers (sa « main » est « morte ») et ses biens reviennent, en toute logique, à son maître : il est donc «vellig » «fällig »), c’est-à-dire assujetti au Fall. Mais, comme l’intérêt du maître n’est pas de ruiner les enfants de son serf, il se contente parfois d’un simple prélèvement sur la succession. Certains coutumiers précisent que, s’il ne trouve pas de Fall à quatre pattes, il en prend un à quatre Stollen ou à quatre Zipfel (un meuble à quatre pieds ou une pièce de literie à quatre coins) ou encore divers effets vestimentaires (Gewandfall). Au cas où les serfs d’un seigneur sont en même temps tenanciers d’un autre, ils doivent le droit mortuaire à chacun d’entre eux, ce qui explique que le Fall peut porter sur la deuxième meilleure tête de bétail (par exemple dans le Hattgau : GRIMM, Weisthümer, V, p. 503, § 13). Il peut arriver également que le serf de tel seigneur, établi sur la terre de tel autre, doive une redevance au premier, au titre d’une servitude personnelle, et une autre au second au titre de la tenure. Peu à peu, ce prélèvement en nature peut être remplacé par un forfait en argent : à Wissembourg, dès 1275, l’abbé exige de tout bourgeois 6 marcs d’argent pour un destrier, tout autre animal donnant lieu à une perception en nature, et 1 Schilling pour « le meilleur habit » de ceux qui n’ont pas de cheptel (SCHOEPFLIN, Als. Dipl. II 7, no 698) ; à Saverne, tout héritier d’une tenure de la Meierei épiscopale doit 2 Schilling (Dagobert FISCHER, Geschichte der Stadt Zabern, Saverne, 1874, p. 190). On notera que les habitants de Molsheim (AMS IV 8/1, 1399), de Ferrette (AHR 1C 991, 1442) et d’autres villes seigneuriales sont assujettis au Todfall, ce qui montre que le proverbe «Stadt macht frei » n’est pas à prendre à la lettre.

Liée au servage, la mainmorte en épouse l’évolution. Elle semble en recul du XIIe au XIVe siècle, se trouve réactivée dans le cadre de la réaction seigneuriale du XVe siècle, moins en raison de son rapport que comme symbole de dépendance. C’est à ce titre qu’elle est détestée des paysans : le 11e des 12 articles de Memmingen (1525), largement diffusés pendant la Guerre des Paysans, la rejette avec véhémence, «witwen (und) waisen das ir wider Got und eeren also schentlich nemen... », y compris en Alsace. Le fait que certaines paroisses (par exemple Saint-Martin à Colmar) aient droit au meilleur habit de tout paroissien défunt, tout en rappelant la pratique du Fall, ne repose évidemment pas sur le même fondement juridique.

À l’époque moderne, le droit mortuaire a été passablement dénaturé. La pratique de la deuxième meilleure pièce (Zweitbesthaupt) se répand, laissant aux héritiers la possibilité de se réserver la meilleure, tout en ne pouvant prétendre qu’à une partie de l’héritage. Se répand également le rachat moyennant une somme symbolique : peu à peu, le Fall devient un impôt comme un autre, payable en espèces à un taux fixe et invariable (2‑6 livres à Thann et à Ferrette entre la fin du XVIe siècle et le milieu du XVIIIe siècle). Si ce droit témoigne d’une condition juridique passée, dans la mesure où il indique la servitude d’anciens Leibeigene, ce sont souvent les colongers qui l’acquittent à présent (AHR 1E 15/24, comté de Ferrette, 1734-1749 et 1767-1776), dans le cadre d’un Dinghof, ce qui assimile le Fall à une rente foncière ou à un laudème emphytéotique. Il pourrait donc exister un rapport indirect entre Fall et Dinghof.

Bibliographie

GOETZMANN (Louis Valentin), Traité du droit commun des fiefs contenant les principes du droit féodal, avec la jurisprudence qui a lieu dans les pays qui sont régis par le droit commun des fiefs, et notamment en Alsace, Paris, 1768, t. II, p. 146.

Journal de jurisprudence, Recueil des arrêts de la Cour d’appel de Colmar, 1820, p. 143.

HOFFMANN,L’Alsace au XVIIIe siècle (1906), t. III, p. 295-302.

Lexikon des Mittelalters, notice Besthaupt, I, p. 2071 ; notice Gewandfall, II, p. 1419.

BOEHLER,Paysannerie (1994), t. I, p. 577 ; t. II, p. 1221.

ZEILINGER (Gabriel), ANDERMANN (Kurt), dir., Freiheit und Unfreiheit (Kraichgauer Kolloquien, 7), Epfendorf, 2010, p. 137-152.

Notices connexes

Amende

Besthaupt

Buteil

Colonge / Dinghof

Douane

Hauptrecht

Leibeigene

Leibfal

Mainmorte

Mortuarium

Servage

Bernhard Metz, Jean-Michel Boehler