Fabrique

De DHIALSACE
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I. Fabrique d’église – Kirchenfabrik

Instance en charge de l’administration du temporel d’une église, confiée anciennement à des laïcs appelés fabriciens ou marguilliers (gubernatores, Kirchenpfleger), supprimée lors de la Révolution. L’institution a été refondée par l’article 70 de la loi du 18 germinal an X et par un décret de 1809 ; les fabriques sont des établissements publics chargés de l’administration des paroisses catholiques et comptent entre 5 et 9 conseillers. L’entretien des églises et des presbytères leur incombe. Leur budget est constitué par les dons et legs, le produit des quêtes, le casuel et les subventions des collectivités territoriales.

FERRIERE, Dictionnaire (1762), t. I, p. 887.

DENISART,Collection de décisions (1768), t. II, p. 155-159.

BONVALOT, Coutumes de Ferrette (1870), p. 175.

NAZ (Raoul) (dir.), Dictionnaire de droit canonique (1935-1965), V, col. 793-798.

GAUVARD (Claude), LIBERA, (Alain de), ZINK (Michel), (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2002, p. 514.

Le guide du droit local : le droit applicable en Alsace et en Moselle de A à Z, 3e éd., Strasbourg, 2002, p. 141-142.

Louis Schlaefli

A. Moyen Âge

La fabrique paroissiale est le produit de deux nécessités : celle de construire ou d’entretenir l’église, celle de gérer les fondations de messe. Son statut est défini à partir du XIIe siècle. Le décret de Gratien comprend plusieurs canons qui reproduisent des lettres de papes du IVe et du Ve siècle, édictant les règles de gestion des biens de l’église. Ils sont répartis en 4 parts, l’une pour l’évêque, l’autre pour le clergé, la troisième pour les pauvres, la quatrième pour la construction et l’entretien de l’église (ecclesiastici fabricis). Cette part est confiée à des gardiens chargés de l’administrer. Les canons postérieurs insistent sur la propriété par l’évêque des biens de l’église, confiée à un gestionnaire nommé par l’évêque. Le concile de Trente enfin prescrit que les administrateurs des fabriques rendent tous les ans compte de leur gestion à l’évêque. Ainsi, les juristes décrivent l’évolution de la gestion quadripartite structurée en menses épiscopales et canoniales pour la première, bénéfices (Pfründe) pour la deuxième, charités, hospices ou pauvretés pour la troisième et fabrique pour la dernière. Celle-ci s’est détachée des églises seigneuriales (Eigenkirchen, églises privées) et des propriétaires de l’église qui prennent une partie de la dîme, en en laissant une portion au curé, selon la répartition opérée (v. Dîme).

Par rapport à toutes les autres propriétés affectées au culte, la fabrique occupe une place à part. L’Église a admis que des laïcs en assument la gestion. C’est l’institution par laquelle la communauté paroissiale prend en charge les frais du culte et gère sa participation à la vie de la chrétienté. À la fin du Moyen Âge, les laïcs gèrent, sous le contrôle des seigneurs et des conseils de communautés, en accord avec les clercs desservants, la fabrique et la charité ou hospices. Cette « laïcisation » n’est pas circonscrite à la ville, comme le seront nombre d’autres fondations dont la gestion est assurée par des personnes qui n’appartiennent pas au clergé, car elle concerne aussi les paroisses rurales (v. Fondation).

En Alsace, elle prend le nom de Heilige ou Werk. Ainsi le Sankt Georgenwerk, Saint-Georges de Haguenau ; Unser Lieben Frauenwerk OEuvre Notre-Dame ou Unser Frawenfawrik à Bergheim (Luzian Pfleger). Les recettes de la fabrique sont les cens et fermages des biens immobiliers, les revenus des capitaux placés ou rentes, les ventes de foin ou coupes de bois, la vente ou location des places de bancs ou de chaises, le produit des quêtes, dons et legs, enfin les revenus des actes liturgiques déterminés par le casuel. Les dépenses de la paroisse comprennent l’entretien des immeubles de la paroisse, soit la nef de l’église, le presbytère, le linge d’autel et les ornements du célébrant, les objets religieux, le mobilier, les cierges, ainsi que les rémunérations ou défraiements des auxiliaires de la liturgie : sacristains, organistes, chantres. La charité (distribution de secours) et l’école (locaux, traitements de l’instituteur) peuvent relever de la fabrique. Les receveurs ou fabriciens (Werkmeister, Kirchenmeyer, Kirchenpfleger, Kirchenschaffner, Heiligenmeyer) sont nommés par le patron de l’église, qu’il soit seigneur, abbé ou chapitre, magistrat. Ainsi, les fabriciens des églises relevant des chapitres urbains ne sont pas des laïcs et leur comptabilité n’est pas distincte de celle des chapitres. C’est le cas pour les églises paroissiales strasbourgeoises de Saint-Thomas, Sainte-Aurélie et Saint-Nicolas, qui dépendent du chapitre de Saint-Thomas ; les paroisses de Saint-Pierre-le-Vieux et de Saint-Pierre-le-Jeune relevant des chapitres du même nom. Pourtant, les villes considèrent de plus en plus les fabriques des paroisses comme un service municipal, et c’est le Magistrat qui nomme le Kirchenpfleger, ainsi à Rouffach où il est nommé pour trois ans. À Ensisheim, la fabrique relève du seigneur et du Magistrat : le receveur prête serment devant le Vogt, le Schultheiss et le Magistrat. Dans les communautés paysannes, la fabrique est également administrée par les laïcs et un synode du diocèse de Bâle, en 1434, le prévoit expressément. Il est de tradition que les fabriciens se défrayent largement, principalement en frais de bouche, non seulement après les redditions de compte, mais aussi lors des fêtes religieuses ou des réunions ordinaires du conseil. La régence d’Autriche antérieure s’efforcera en vain de réprimer ces abus.

La fabrique occupe une place centrale dans la ville ou la communauté, tout comme le fait l’église, bâtiment public central, dans la paroisse. Le Kirchenpfleger ou fabricien, qui appartient aux familles dirigeantes de la ville et qui est souvent membre du magistrat, y exerce une fonction importante. Il rend compte au magistrat, mais ses livres de comptes sont plus des livres de raison qu’ils n’appliquent les règles d’une comptabilité exacte. Les chantiers de construction, d’agrandissement, d’entretien s’étirent sur de longues années, fractionnées en lots déterminés par les ressources ou la disponibilité des hommes de métier : fabrique et fabricien supervisent le chantier conduit par le Baumeister. Les fabriciens veillent à ce que l’église paroissiale soit toujours pourvue en objets liturgiques : hosties, vin de messe, eau bénite, encens, cierges, ornements et linges liturgiques, missels et antiphonaires. Stimulés par les fondations de messe et l’affectation des autels des chapelles latérales, ils se préoccupent de la décoration de l’église et de son embellissement par des tableaux et des statues pour l’édification des fidèles, de son équipement en bancs, confessionnaux, chaires, dont la réalisation est confiée à des artistes et artisans. Avec le développement, au XVe siècle, de la musique d’église, des hymnes et des chœurs, la fabrique équipe l’église d’orgues. Enfin, la paroisse et la fabrique jouent un rôle central dans le calendrier de la vie des communautés, avec l’organisation des célébrations : processions dans l’église et la ville, fêtes et représentations théâtrales, souvent couplées aux foires, dont il faut payer les mises en scène, les acteurs et les musiciens. En règle générale cependant, ces frais, du fait de leur importance civique, sociale et politique, sont pris en charge par la Ville elle-même. Enfin la paroisse et la fabrique sont en relations étroites avec les confréries de dévotion et de métier et les corporations, ne serait-ce que par les messes de fondations et les autels consacrés. Dans la ville, par contre, le lien entre fabrique et hospice a été dissous assez vite, ce qui a souvent conduit à nier le rôle « intégrateur » de la paroisse. En revanche, les banquets offerts aux fabriciens, à l’occasion des fêtes et révision de comptes, si vivement critiqués dans les siècles qui vont suivre, sont perçus comme des dépenses bienvenues de sociabilité.

Bibliographie

PFLEGER (Luzian), « Untersuchungen zur Geschichte des Pfarrei-Instituts im Elsass », III, Die Einkommensquellen, Kirchengut, Zehnt, Oblationen, und Stolgebühren, AEKG, 8, 1933.

LIERMANN (Hans), Handbuch des Stiftungsrechts, Tübingen, 1963.

SCHUBERT (Ernst), « Das Schauspiel in der spätmittelalterlichen Stadt », KIRCHGÄSSNER (Bernhard), BECHT (Hans Peter), Stadt und Theater, Stuttgart, 1999.

REITEMEIER (Arnd), Pfarrkirchen in der Stadt des späten Mittelalters, Politik, Wirtschaft und Verwaltung, Stuttgart, 2005.

RICHARD (Olivier), « Les testaments de la fin du Moyen Âge dans l’espace germanique », Bulletin d’information de la Mission Historique Française en Allemagne, no 42, 2006, p. 97‑108.

 

B. Les fabriques paroissiales catholiques sous la monarchie française

L’édit de 1695 sur la juridiction ecclésiastique a été enregistré par le Conseil souverain d’Alsace, mais un certain nombre d’édits particuliers apportent des précisions sur le statut et la gestion des fabriques (Guyot, t. 24).

En Alsace, comme dans le reste du royaume, la fabrique paroissiale a « pour objet le gouvernement et le soin des écoles de charité de la paroisse, tant pour les garçons que pour les filles, le curé restant le seul maître du spirituel de la paroisse et des écoles ». L’administration de la fabrique est confiée à des marguilliers ou fabriciens choisis dans le corps des notables de la paroisse. Le conseil de fabrique compte, outre le curé, le bourgmestre, le Schultheiss et quatre membres, dont le personnage clé, le fabricien (Daniel Jousse).

La reddition des comptes des fabriques a lieu tous les ans, en principe à la Saint-Georges. En 1679, le Conseil souverain ordonne la vérification de tous les comptes des fabriques par les baillis, prévôts, bourgmestres et autres officiers de justice desdites paroisses. Car « les personnes préposées à la recette des rentes et revenus des églises paroissiales de la province en absorbent la meilleure partie et quelquefois tout au lieu de les employer à la décoration et l’ornement des églises au préjudice des ordonnances qui veulent que lesdits comptes soient rendus sans frais et gratuitement par devant les Ordinaires ou leurs Vicaires généraux faisant la visite, en présence des curés et quelques-uns des principaux officiers et des plus notables de la paroisse ». Compréhensif, le Conseil souverain avait admis que les marguilliers puissent toucher une petite vacation pour leur peine, insuffisante, probablement, car il faut répéter en 1688 l’interdiction de détournement à des fins personnelles des ressources de la fabrique (de Boug, I). Mais les fabriques relèvent aussi de l’évêque, comme le rappelle l’édit sur la juridiction ecclésiastique d’avril 1695 et l’obligation faite aux marguillers et fabriciens de présenter les comptes des revenus et de la dépense des fabriques aux archevêques, évêques et à leurs archidiacres, au moins quinze jours avant leurs visites d’inspection. Mais, si la fabrique a un patrimoine et une comptabilité propres, elle est considérée comme un service municipal, unWerk et le fabricien est un Schaffner ou Pfleger, l’affectation de parts trop importantes des fonds communautaires aux banquets et réjouissances des conseils est un travers commun dans les villes et villages de l’Alsace. Les fabriques n’y échappent pas : « Wenn werdt gehalten zu Zimmerbach Gericht ; Da sitzt man gar spät zu Tisch » (dicton de 1650, cité par Schaer). Le Gericht de Zimmerbach échappe à la dissolution, mais celui de Hegenheim est supprimé en 1713 pour avoir, entre autres, « consacré l’argent de la fabrique aux repas et buvettes » (de Boug II, 424‑425). Il en va de même pour le Gericht de Rodern, supprimé pour les mêmes raisons en 1746 ; ceux de Sigolsheim et d’Ingersheim sont supprimés en 1757, et d’autres encore.

Bibliographie

De BOUG, Recueil (1775), tomes I et II.

GUYOT, Répertoire (1775-1798), t. 24, Des fabriques d’église dans le ressort du Conseil souverain d’Alsace.

JOUSSE (Daniel), Traité du gouvernement spirituel et temporel des paroisses…, Paris, 1769.

SCHAER (André), La vie paroissiale dans un doyenné alsacien d’Ancien Régime (1648-1789). Le chapitre rural « Ultra colles Ottonis » en Haute-Alsace après la guerre de Trente Ans, jusqu’à la Révolution, Ostheim, 1971.

 

C. La fabrique paroissiale catholique alsacienne sous la Révolution et l’Empire

- La fabrique catholique, bien de l’Église, bien national

Les constituants considèrent la fabrique comme propriété de l’Église catholique. Ses biens sont nationalisés et réunis aux domaines de l’État, (D. 10-20 février 1791, 19 août 1792 et 13 brumaire an II (3 novembre 1793), puis l’on procède à leur vente, fort lentement, car en 1803, on relève que nombre de communes ont conservé les biens des fabriques dont elles percevaient les revenus (ainsi pour Molsheim). Le 14 germinal an XI (3 avril 1803), le directeur des domaines du Bas‑Rhin dresse un tableau par canton des biens et revenus non aliénés des fabriques qui s’établit comme suit : immeubles non aliénés 92 130 (4 227 francs / an) ; rentes non aliénées 6 337 francs, soit à 5 % = 126 740 ; obligations non recouvrées 746 220 à 5 % = 37 298, soit 965 999 francs. Citant l’estimation (contemporaine) de l’ensemble des biens d’Église avant adjudication à 50 millions, Roland Marx avait déjà relevé que « la suspension de la vente des biens des fabriques était intervenue bien trop tard » (La Révolution et les classes sociales, p. 416-415, 474-475). (ABR V 196, État des propriétés et rentes et capitaux non aliénés des fabriques catholiques).

- À partir du vote des Articles organiques (1802)

Les articles organiques du 18 germinal an X (8 avril 1802) rétablissent les fabriques : « il sera établi des fabriques pour l’entretien et la conservation des temples et pour l’administration des aumônes ». L’arrêté ministériel du 7 thermidor an XI (26 juillet 1803) « rend aux fabriques leurs anciens biens non aliénés ». Il prescrit qu’elles seront administrées par 3 marguilliers nommés par le préfet sur une liste de six établie par le maire et le curé. En fait, évêques et préfets procèdent à la désignation, chacun de son côté, de marguilliers.

L’arrêté du préfet du Bas-Rhin du 11 thermidor an XI (30 juillet 1803) prescrit aux receveurs des domaines de remettre les titres de propriété et baux des fabriques aux marguilliers qui en reprennent possession. Les biens non aliénés des paroisses supprimées par la détermination de la nouvelle carte des paroisses (v. Articles organiques) sont réunis à ceux des paroisses rétablies, dès lors qu’ils se situent dans le ressort de ces paroisses. Ils pourront être échangés, loués ou aliénés après autorisation du ministre des Cultes. Dans le Haut-Rhin, le préfet Desportes note que les paroisses rétablies (dont les desservants sont à la charge du trésor public) sont au nombre de 354 et les paroisses supprimées ou réunies de 36 (AHR Circulaire du 28 novembre 1808). Il prescrit de veiller à l’état de leurs églises et presbytères et d’établir l’inventaire de « tous les titres, papiers, ornements, effets et biens appartenant aux fabriques des églises supprimées à transmettre aux sous-préfets, sauf demande des conseils municipaux de rétablir l’ancienne paroisse comme succursale, auquel cas l’inventaire est joint à la délibération du conseil municipal » (AHR circulaire du 30 septembre 1807). Les créances des anciennes fabriques sont annulées (M. Cultes, 24 juin 1807). Les rentes des fonds des chapitres ruraux ou arrondissements ecclésiastiques du diocèse de Strasbourg sont réparties entre les paroisses de leurs circonscriptions (M. Cultes, 5 floréal an XIII – 25 avril 1805).

Sur les organes de gestion des fabriques règne aussi la confusion après la conclusion du Concordat et le vote des Articles organiques. L’arrêté ministériel du 7 thermidor an XI prescrit que le préfet nomme 3 marguilliers (qui désignent à leur tour un caissier de fabrique) sur une liste de 6 noms établis par le maire et le curé, ce qui exclut l’intervention de l’évêque. L’arrêté du préfet du Haut‑Rhin Desportes du 26 prairial an XI (15 juin 1803) prévoit en effet 5 membres pour le bureau de la fabrique, dont le maire qui en est le président, sauf s’il n’est pas catholique, auquel cas le président sera nommé par le préfet. Le desservant peut assister à l’assemblée, mais sans voix délibérative. Les fabriciens sont nommés par le sous-préfet sur des listes dressées par le maire en nombre double des membres à nommer. Le bureau, dont les membres sont rééligibles (par le sous-préfet), est renouvelé chaque année par moitié. Les revenus de la fabrique sont le produit des chaises et bancs, le produit des quêtes, les dons des paroissiens, les perceptions (autres que celles destinées au traitement des desservants).

Pour régler les conflits, le décret du 30 novembre 1809, appelé Code des fabriques, reprend l’ensemble de la question. Il accroît considérablement le rôle de l’évêque. La fabrique (et non la paroisse) est un établissement public, apte à posséder, à acquérir, à recueillir des dons et des legs, mais exclusivement pour les frais du culte de la paroisse, à l’exclusion du secours aux pauvres, du fonctionnement des écoles, des hôpitaux et de l’aide aux congrégations. Elle gère les revenus des biens qui ont été remis à leur disposition par l’État (biens nationaux antérieurement séquestrés).

Ces biens ne peuvent être aliénés ou même loués par bail à long terme qu’après une délibération du conseil de fabrique, avis de l’évêque et du préfet et un décret impérial. Ils sont gérés comme les biens communaux. Les immeubles et meubles font l’objet d’un inventaire dont récolement est fait chaque année. Le budget est dressé selon le modèle établi par le ministère des Cultes en 1811 par le bureau des marguilliers et soumis au conseil de fabrique, puis à l’évêque qui est seul chargé de sa vérification et qui peut le modifier. Il n’est exécutoire qu’après approbation de l’évêque, sauf recours pour déficit ou charge extraordinaire de construction ou reconstruction. Le préfet n’a pas à s’occuper de la formation ou de la vérification du budget. Membre du conseil de fabrique, le maire connaît nécessairement le budget, qui n’est soumis au conseil municipal qu’en cas de déficit et de secours demandé par la fabrique, ce qui est le cas le plus fréquent, car, après la Révolution, églises et presbytères sont en mauvais état et les maires réclament souvent des concours des fonds communs départementaux. Le préfet Desportes rappelle ainsi aux maires du Haut-Rhin d’avoir à présenter ensemble les budgets des fabriques et des communes pour vérification des financements des demandes effectuées (AHR, V 229, Desportes aux maires, le 28 avril 1812).

Reliquaires ou objets d’art ne peuvent être vendus par la fabrique qu’après autorisation de l’évêque. Les fabriques sont chargées de veiller à l’entretien des églises et des cimetières et à la décoration et à l’embellissement des églises. Le conseil de fabrique est composé de 5 à 9 fabriciens, désignés au départ par l’évêque (4 membres) et le préfet (3 membres) parmi les habitants notables (les plus imposés) de la paroisse et qui y sont domiciliés. Il se renouvelle par cooptation au scrutin secret. Maire et curé ne peuvent en faire partie, mais ils assistent aux délibérations au cours des 4 assemblées annuelles qui se tiennent à la sacristie ou au presbytère et jamais à la mairie. Le conseil désigne un président et un secrétaire, ainsi qu’un bureau des marguilliers qui assure la gestion ordinaire et prépare budgets et comptes soumis à l’assemblée de la fabrique.

La composition des conseils de fabrique des cathédrales a été laissée jusqu’en 1840 à la discrétion des évêques concordataires. Elles gèrent les biens et rentes des cathédrales et des fabriques des métropoles et cathédrales des anciens diocèses compris dans la circonscription des diocèses nouveaux et qui ont été réunis aux fabriques des nouveaux diocèses. Les départements sont, à l’égard des fabriques des cathédrales, dans la situation des communes vis-à-vis des fabriques paroissiales, mais, en cas de déficit, leurs budgets et comptes, certifiés par l’évêque diocésain, sont soumis au ministre des Cultes.

Le double caractère de la fabrique, organe de gestion par les paroissiens des biens de la paroisse ou service de la municipalité chargée d’administrer le service religieux (éducation, sacrements, cimetière) continuait de s’exprimer dans cette suite d’arrêtés. La fabrique administrait un ensemble de biens, propriété de la commune affectés au service religieux, mais était également pleine propriétaire d’une série de biens, meubles et immeubles. Sans apporter de lumières définitives, le conseil d’État tranchera seulement en 1838 une controverse à l’origine de nombreux contentieux administratifs ou civils, suscitée par ces formulations. Les biens non aliénés rendus aux fabriques de paroisses rétablies sont la propriété des communes, mais affectés au service du culte. Les biens des fabriques de paroisses supprimées et demeurés sans emploi sont la propriété des fabriques.

Sources - Bibliographie

ABR 1V 54 (Conseils de Fabrique), 1VP 728-729 (Fabriques), 1VP 731 (Fabriques administration générale – An XI-1869) (évêché de Strasbourg).

ABR V 196-198 (Fabriques (an XI-1810) État des propriétés et rentes et capitaux non aliénées des fabriques catholiques (Préfecture du Bas-Rhin).

AHR, V 2 (Législation concernant les cultes, Concordat du 18 germinal an X et de 1813), V 229 (Propriété des bâtiments, instructions 1805-1838), V 233 (Enquête sur la situation matérielle des églises et des presbytères du département, instructions, états descriptifs 1802-1846), V 254 (Nomination des fabriciens et des marguilliers, instructions 1803-1839) (Préfecture du Haut-Rhin).

AFFRE (Denis), Traité de l’administration temporelle des paroisses, Paris, 1827.

DE CHAMPEAUX (Gilbert), Code des fabriques et de l’administration paroissiale, Paris, 1862.

BONVALOT, Coutumes de Ferrette (1870), p. 175.

MARX (Roland), La Révolution et les classes sociales, structures agraires et vente des biens nationaux, Paris, 1974.

 

Notices connexes

Archives, Articles organiques (catholiques), Bail urbain / Erbleihe, Biens_nationaux, Confréries, Casuel, Dorfbuch, École populaire / Volkschule, Église (propriété et entretien), FondationGericht, Kirchenmeyer, -pfleger, -schaffner, Marguillier, Paroisse, Schaffner, Werk, Werkmeister.

François Igersheim

II. Les « fabriques » dans le culte protestant

Avec la Réforme (XVIe siècle), la fabrique du culte luthérien connaît une transformation essentielle par rapport à la fabrique catholique en ce que son pouvoir de tutelle n’est plus une institution ecclésiastique, mais un gouvernement temporel « laïc » : un seigneur ou une ville. C’est ce que l’on appelle la sécularisation (v. Sécularisation). Celle-ci permet à la tutelle laïque de modifier la consistance des biens de fabrique et leurs règles de gestion, tout en conservant leur affectation à l’entretien du culte. Le processus de sécularisation s’est étendu sur quelques décennies et a tenu compte des rapports de forces des réformateurs avec les tuteurs antérieurs : évêques, abbayes, chapitres et le pouvoir impérial ; cela a pu aboutir à des statuts assez différents. L’étendue de la tutelle dépend donc de nombreux facteurs, dont celui de l’étroitesse des liens entre le pouvoir laïc et les églises luthériennes – cela va de la séparation à la fusion –, ainsi que de l’autonomie revendiquée et imposée par les autorités des églises luthériennes. Il peut arriver qu’il y ait des fabriques catholiques et des paroisses protestantes, et ceci avant même l’implantation de communautés catholiques en milieu protestant par le simultaneum.

En règle générale, dans les principautés, la fabrique dépend étroitement de la hiérarchie ecclésiastique luthérienne et de ses conseils supérieurs (Lichtenberg, Wurtemberg, La Petite-Pierre, Nassau-Sarrewerden), alors que dans les villes, l’autonomie de l’Église et de ses instances (à laquelle appartiennent les membres des conseils du Magistrat) est plus nette. Dans les petites seigneuries, le seigneur reste décimateur, nomme et salarie les pasteurs.

À Strasbourg, les sept paroisses disposent chacune de plusieurs maisons, appelées presbytères, une pour chaque pasteur (au nombre de deux à quatre), une pour le maître d’école et la salle de classe et une pour le marguillier (Schaffner). Le salaire est versé par la Fondation Saint-Thomas ou par la Ville sous forme d’une allocation en grains, pour moitié en froment, pour moitié en seigle, tandis que la Ville fournit le bois de chauffage. À Colmar, la Ville verse le salaire aux pasteurs en espèces depuis l’introduction de la Réforme en 1575. Mais, jusqu’à la Révolution, les salaires restent stables, ce qui entraîne une baisse du niveau de vie des pasteurs.

Les décrets des 17 août et 10 décembre 1790 exceptent les biens des « confessions d’Augsbourg et helvétique » de la saisie, du séquestre et de la vente comme biens nationaux. Ils seront diversement appliqués. Dans le Bas-Rhin, les biens des fabriques protestantes ne sont pas saisis. Il était entendu que les biens des princes possessionnés protestants (Hanau-Lichtenberg, Wurtemberg, etc.) affectés aux églises ne seraient pas saisis. Mais ce ne fut pas appliqué partout. À Colmar, le suffrage met fin à l’alternative et la majorité catholique considère que les biens de l’Église luthérienne sont des biens municipaux ; les presbytères sont vendus. Ce fut le cas dans sept autres paroisses du Haut-Rhin, dont Riquewihr et Ribeauvillé, ainsi que dans le Pays de Montbéliard. Mais certaines municipalités, dont celle de Strasbourg, prennent leur part dans la politique antireligieuse de la Révolution et mettent fin aux allocations qu’assuraient les municipalités d’Ancien Régime ; elles désaffectent les temples et les églises. Certaines municipalités disposent librement de biens appartenant aux églises et vendent terrains et mobilier. Les rapports entre communes et pasteurs sont souvent tendus. Dépendant exclusivement des paroissiens pour leurs traitements, les pasteurs ont vu leurs rémunérations diminuer fortement depuis la Révolution. À partir de 1804, les paroissiens, qui ont sous les yeux l’exemple des
curés et desservants catholiques rémunérés par l’État et les communes, sont de plus en plus réticents à participer aux frais du culte, ce qui rend le sort des pasteurs de plus en plus pénible. Bonaparte et Portalis, se fondant sur les décrets de 1790, ont considéré que les Églises de la confession d’Augsbourg des départements de l’Est avaient conservé leurs biens et se devaient d’assurer le traitement des pasteurs. (Articles organiques du 18 germinal an X, art. VII : Il sera pourvu au traitement des pasteurs des églises consistoriales, bien entendu qu’on imputera sur ce traitement les biens que ces églises possèdent, et le produit des oblations établies par l’usage ou par des règlements, décret d’application du 15 germinal an XII – 5 avril 1804).

Au fur et à mesure que l’on procède à l’organisation de l’Église et à la détermination des circonscriptions des inspections, consistoires, églises particulières (v. Articles organiques protestants), un inventaire est fait de ces biens, car les revenus des fabriques doivent assurer les frais des administrations supérieures, Inspections et Consistoire général. Les préfets en sont chargés, relayés à partir de 1803 par le président du Consistoire général, Kern (beau-frère de Koch). C’est un tableau contrasté qui en ressort, d’autant plus que les particularismes locaux s’affrontent vivement et que se manifeste le mécontentement d’avoir à payer les frais d’une direction centrale sise à Strasbourg, mieux lotie que les autres. Dans le Bas-Rhin, on détermine « 5 inspections, 23 églises consistoriales, et 258 temples dont 117 avaient des biens de fabriques plus ou moins considérables » (Scheidhauer, p. 149). Il en va différemment dans le Haut-Rhin, où nombre de fabriques avaient été ruinées, de même que celles du Pays de Montbéliard. D’après Koch, devenu membre du Tribunat, « les fabriques ruinées sont dans l’incapacité de venir au secours de l’administration [du Consistoire supérieur] et les communes qui n’ont pas de fabrique quoique les particuliers soient très à leur aise refusent nettement d’y contribuer » (Scheidhauer, p. 196). On avait pensé à fusionner les revenus de toutes les fabriques des départements de l’Est, mais Koch avait répondu que cela n’aurait suffi que pour les pasteurs consistoriaux. Il tenait à maintenir l’autonomie des communautés avec leurs propriétés et leurs revenus, quitte à le payer par la pénurie des plus pauvres qui finiraient bien par arracher la prise en charge par l’État de tous les pasteurs (Scheidhauer, p. 227). Cette campagne a été engagée d’entrée de jeu. Elle aboutit d’abord dans le Haut-Rhin. Le gouvernement venait de décider de salarier les pasteurs des départements du Rhin récemment annexés, dont les biens de fabrique avaient été réunis au domaine national. Il admettait que, puisqu’il salariait les pasteurs de vieille France, qui avaient vu les biens de fabrique confisqués lors de la Révocation de l’édit de Nantes, il devait salarier les pasteurs des paroisses sans fabriques, ou aux fabriques si pauvres qu’elles ne pouvaient subvenir à leurs besoins. Sont pris les décrets en faveur des pasteurs de Colmar (1805), puis de tout le Haut-Rhin et enfin du Pays de Montbéliard (1806). Il fallut attendre pour le Bas-Rhin, malgré les démarches répétées du Consistoire général fondées sur des chiffres parfois contestés par le gouvernement. Le revenu total des fabriques du Bas-Rhin, en 1807, était de 153 000 francs, écrit Kern en 1807 (Scheidhauer, p. 201). La capitalisation semble confirmer l’opinion de R. Marx qui souligne les énormes pertes subies par la vente des fabriques catholiques du Bas-Rhin (v. Fabriques catholiques ci-dessus). Selon le ministère des Cultes, la Fondation Saint-Thomas avait en 1811 un revenu qui pouvait se situer entre 33 000 et 51 800 francs, mais se disait délabrée par la Révolution (Scheidhauer, p. 202). Et, en 1812, dans un rapport au ministre, Kern estime : « les revenus des biens de fabrique avant la Révolution de 558 276 francs ne sont plus aujourd’hui que de 120 000 francs » (p. 204). Les chiffres méritent d’être repris dans une étude plus complète. Le 27 juillet 1819, le gouvernement royal prend l’ordonnance qui assimile le traitement des pasteurs des départements du Rhin, du Doubs et de la Haute-Saône à ceux des pasteurs du royaume. Un accord était intervenu avec le Consistoire général : l’État prenait 222 000 francs à sa charge et 60 000 francs devaient être apportés par les fabriques (Scheidhauer, p. 241).

Fort important, le décret du 5 mai 1806 précise que « lorsque la nécessité de venir au secours des églises sera constatée… les communes prendront à leur charge les frais de construction, réparations et entretien des temples ». Ainsi, comme dans le culte catholique, la commune devait subvenir aux déficits enregistrés par les fabriques : voilà qui sera confirmé pour le culte catholique par le grand décret du 30 décembre 1809, dont les règles serviront de guides pour la gestion des caisses paroissiales protestantes.

L’impasse opérée par les articles organiques sur la paroisse protestante a suscité de vives protestations dans des provinces où les paroisses étaient nombreuses et attachées à leurs particularismes, même si leur gestion était déjà bien souvent centralisée par des convents ou des consistoires, comme à Bouxwiller. L’organisation consistoriale mise en place par les Articles organiques est nécessairement centralisée. La gestion des biens et revenus de toutes les paroisses faisant partie d’un même consistoire est confiée à un seul receveur pour toutes les fabriques paroissiales du consistoire. Les paroisses conservent un conseil (Kirchenvorstand) et un receveur (Kirchenschaffner). Elles prennent cependant le nom de caisses d’église ou Kirchenkasse, et gèrent en particulier les aumônes. La gestion des biens curiaux est laissée aux pasteurs : ils représentent une partie de leur traitement, dont ils paient la contribution foncière, sans qu’ils en soient cependant les usufruitiers, contrairement à ce que soutient le Consistoire général, comme en juge la Cour de Cassation en 1845 qui rejette la demande des pasteurs qui veulent être inscrits sur les listes électorales censitaires. Apparemment, le patrimoine des fabriques protestantes est de nature plus complexe que celui des fabriques catholiques, puisqu’il est resté privé tout en étant d’église, alors que celui des fabriques catholiques est une propriété communale affectée à un objet cultuel. Le juriste protestant Lehr préfère utiliser le mot « fabrique » pour désigner « un ensemble de biens provenant le plus souvent d’anciennes dotations princières dont le signe distinctif est d’appartenir par indivis à plusieurs églises et de ne pourvoir dans chacune d’elles qu’à certaines dépenses déterminées à l’avance, soit par des titres constitutifs, soit par des usages séculaires ». Voilà qui ne peut être administré que par une instance centralisée. Rien ne le montre mieux que le très long procès qui oppose le Consistoire supérieur de la Confession d’Augsbourg à la commission administrative de l’hospice de Bouxwiller, comme ayant succédé à la fondation des « causes pies » des comtes de Hanau-Lichtenberg, administrée jusqu’en 1790 par le consistoire de Bouxwiller, aux fins d’obtenir que cet hospice s’acquitte de ses obligations relatives à la rémunération de plusieurs pasteurs et à l’entretien des églises et cimetières de Emolsheim, Duntzenheim, Gimbrett, Kirrwiller, Gottesheim, Wickersheim, Hohfrankenheim, Imbsheim, Printzheim, Hattmatt, Zoebersdorf, Melsheim et Schwindratzheim. Le Conseil d’État tranche le 26 novembre 1863 en condamnant les hospices de Bouxwiller à s’exécuter (CE. Lebon, 26 novembre 1863).

Il devrait y avoir un compte de fabrique paroissial, avec recettes et dépenses, qui dégage excédents et déficits, à présenter aux communes, conformément aux décrets de 1806 et de 1809. Mais il est trop rarement présenté aux maires. Sous la Monarchie de Juillet, le mécontentement des maires qui ne voient jamais les comptes des consistoires aboutira à la reconnaissance du conseil presbytéral chargé de la gestion paroissiale (Décret organique de 1852). Est-ce à dire que la fabrique protestante n’a pas d’existence juridique avant cette date ? D’après la jurisprudence de la Cour de Colmar, la « fabrique protestante » peut plaider. Il s’agit le plus souvent des « fabriques consistoriales », par exemple celle de Hatten en procès avec la fabrique catholique de Buhl, qui réclame une part des biens de la fabrique indivise, sauvée de la vente parce que déclarée protestante par le district, et qui recevra une prestation annuelle (Jurisprudence de la Cour de Colmar, t. 10, 1814, p. 3). Ou encore celle d’Andolsheim en procès avec les fabriques catholiques au sujet de la propriété des fabriques indivises de Beblenheim, Andolsheim, Volgelsheim et Saasheim qu’une ordonnance royale a décidé de partager en deux parts (Idem, t. 18. 1822, p. 350-352). Mais la fabrique protestante de la paroisse de Mietesheim a été déboutée en première instance pour n’avoir pas demandé en Conseil de préfecture l’autorisation de plaider : la voilà « établissement public » de plein droit (1833). L’ayant obtenue, elle n’en est pas moins déboutée dans son procès réclamant aux Durckheim-Montmartin, émigrés dont les biens de seconde origine avaient été vendus, une partie de leur indemnité du milliard de 1825 pour une rente qu’elle estimait lui revenir (Jurisprudence de la Cour de Colmar, 1835, p. 337). En 1829, les présidents des Conseils presbytéraux des sept églises protestantes de Strasbourg sont autorisés à recevoir, au nom desdites églises et du bureau de bienfaisance de Strasbourg, un legs pour les pauvres effectué au bénéfice de chacune de ces églises (24 juin 1829). Il y a quatre églises consistoriales à Strasbourg, dotées chacune de sa fabrique. Mais voilà les sept églises protestantes (et leurs fabriques) reconnues établissements d’utilité publique, par ordonnance royale.

Dans le culte réformé, le régime des fabriques était identique à celui des fabriques luthériennes, dès lors qu’elles ont succédé dès la Réforme aux anciennes paroisses catholiques, comme à Mulhouse – Saint‑Étienne, Hunspach, Steinseltz, Bischwiller, etc. En revanche, les paroisses plus récentes (Cosswiller, Strasbourg-Wolfisheim, Mulhouse – Saint-Jean, Sainte-Marie-aux-Mines…), fondées pour des réfugiés huguenots et des émigrés suisses, n’avaient pas d’autres ressources que les dons et legs de leurs fidèles ou les fonds recueillis par des collectes menées jusqu’à l’étranger (Christian Wolff).

Sources - Bibliographie

Jurisprudence de la Cour de Colmar.

Arrêts et décisions de la Cour Royale de Colmar.

LEHR (Ernest), Dictionnaire d’administration ecclésiastique à l’usage des deux églises protestantes de France, suivi des lois et règlements les plus importants qui les régissent, et d’un aperçu de la constitution des mêmes églises dans les principaux États de l’Europe, Paris, 1869.

Theologische Realenzyklopaedie, Studienausgabe, Teil II, Bd. 18, Berlin, 1989, « Kirchengut ».

ADAM (Johann), Evangelische Kirchengeschichte der Stadt Strassburg, Strasbourg, 1922.

ADAM (Johann), Evangelische Kirchengeschichte der Elsaessischen Territorien bis zur Französichen Revolution, Strasbourg, 1928.

STROHL (Henri), Le protestantisme en Alsace, Strasbourg, 1950.

WOLFF (Christian), Les archives anciennes des paroisses protestantes d’Alsace et du Pays de Montbéliard, La Gazette des archives, 77, 1972, p. 123-132.

SCHEIDHAUER (Marcel), Les Églises luthériennes en France 1800-1815, Alsace-Montbéliard, Paris-Strasbourg, 1975.

LIERMANN (Hans), CAMPENHAUSEN (Axel von), MECKEL (Christoph), Geschichte des Stiftungsrecht, Tübingen, 1963.

Notices connexes

Archives, Articles organiques du culte protestant, Bail urbain / Erbleihe, Consistoire, Corps_pastoral, Dorfbuch, École populaire / Volkschule, Église_(propriété_et_entretien), Fondation, Kirchenkasse.

François Igersheim (avec la collaboration de Bernard Vogler et Christian Wolff)

 

III. Culte israélite (instances locales chargées des synagogues particulières)

A. Sous l’Ancien Régime

À partir du XIVe siècle, la persécution, l’expulsion et l’interdiction d’établissement des juifs dans les villes et les villages d’Alsace avaient entraîné la disparition de presque toutes les synagogues médiévales d’Alsace. Les juifs se réinstallent au courant du XVIIe siècle dans les petites villes et villages des seigneuries d’Alsace. Ils sont dotés des institutions de « la Nation Juive », répartie entre les cinq « cantons » ou Landjudenschaften (v. Culte_israélite). Aucune synagogue ne peut être construite sans l’autorisation du seigneur du lieu. C’est ce que précise l’arrêt du Conseil souverain d’Alsace du 1er février 1726 qui ordonne la démolition des synagogues de Wintzenheim, Hagenthal et Biesheim, construites sans autorisation. Les communautés avaient représenté que « dès que le Roi les tolérait, il fallait bien en même temps leur permettre de s’assembler pour faire leurs prières » et que « la permission accordée à plusieurs seigneurs de la province de recevoir des Juifs dans leurs terres renfermait tacitement celle de leur permettre d’y construire des édifices commodes pour leurs assemblées ». Le secrétaire d’État du Roi, consulté, avait approuvé l’arrêt (de Boug II, p. 3).

Ce sont les seigneurs qui autorisent l’établissement de communautés juives ; ce sont également eux qui nomment les rabbins (32 en Alsace en 1784), sur proposition des communautés et qui autorisent la construction de synagogues : « Juden Gottesdienst beschiehet auf vorige Erlaubniss ». Il existe quelques synagogues « officielles », qui, comme à Bouxwiller, peuvent être logées dans un bâtiment loué à la commune, « von der Gemeind neuen Behausung so ein Juden Tempel geben soll, für das erste Mal als Hauszins welcher jedes Jahr auf Johanni fällt » (en 1666, Haarscher, p. 75 : synagogue datant de 1791 ; base Mérimée, notice no IA67010135). La plupart du temps, ce sont des « oratoires » –Judengebetkammer – que l’on installe dans des maisons privées, contre paiement à la commune d’un Schulgeld. Ces synagogues sont des propriétés privées, appartenant parfois à de grands notables juifs, comme à Balbronn (Samuel Lévy) ou à Obernai (dans la demeure du préposé général de la nation juive, Baruch Lévy). En général, les chefs de famille se groupaient et le plus fortuné d’entre eux avançait les sommes nécessaires ou empruntait avec la garantie des autres. Les familles de la communauté contribuent au financement en achetant des places. Celles-ci pouvaient se transmettre ; elles figurent parfois dans les actes de mariage ou les testaments (Haarscher, p. 80).

 

B. La Révolution

L’émancipation de 1791 et l’exode vers les grandes villes jusque là interdites à la résidence permanente entraîne une vague de constructions de synagogues ou d’oratoires neufs (42 en Alsace jusqu’en 1830). À Strasbourg, on ouvre des synagogues et des oratoires juifs dès 1791, dans des demeures privées ou des salles d’auberge. Strasbourg, qui réunit très vite la communauté la plus nombreuse du département, devient le siège du consistoire départemental. Le futur grand rabbin Sintzheim prêche dans la synagogue de la rue des Fribourgeois en 1805. En 1809, le préfet du Bas-Rhin est invité à un « Te Deum pour la prise de Vienne » dans la « grande synagogue » de la rue des Francs-Bourgeois (R. Weyl), et le grand rabbin adjoint Meyer s’installe dans la synagogue de la rue des Drapiers. La synagogue de Strasbourg ne portera l’appellation de synagogue consistoriale qu’avec la construction d’une synagogue monumentale, rue Sainte-Hélène en 1834 (Max Warschawski).

 

C. Le décret du 18 mars 1808

Ce décret organise le culte israélite en France sur une base consistoriale. Il est établi une synagogue et un consistoire israélite dans chaque département renfermant deux mille individus. Les synagogues des localités ou synagogues particulières, administrées par deux notables et un rabbin, doivent être autorisées, sur proposition de la synagogue consistoriale. Il appartient au consistoire départemental de « maintenir l’ordre dans l’intérieur des synagogues, surveiller l’administration des synagogues particulières, régler la perception et l’emploi des sommes destinées aux frais du culte mosaïque, et veiller à ce que, pour cause ou sous prétexte de religion, il ne se forme, sans une autorisation expresse, aucune assemblée de prières ».

Pour le financement du culte, les consistoires établissent en 1811 un rôle de répartition entre les israélites des communautés du consistoire. Cependant, alors que la fabrique catholique (ou protestante) est un établissement public, le décret de 1808 n’a conféré (plus explicitement encore à partir de l’ordonnance de 1844) cette qualité qu’au consistoire israélite départemental. Il l’a refusée aux commissions administratives des synagogues particulières (infra-consistoriales) qui n’ont, en tant que telles, ni le droit de plaider ni d’acquérir ou d’aliéner (Baugey). Les synagogues particulières soumettent leur gestion cultuelle au consistoire départemental.

La position énoncée en 1817 par le ministre de l’Intérieur Lainé témoigne de l’indifférence du gouvernement à l’égard du culte israélite, discriminatoire au regard de l’attention accordée aux autres cultes reconnus. Mais elle formule aussi le principe de la liberté laissée aux initiatives des communautés infra-consistoriales, considérées comme des associations de droit privé. Le préfet du Bas-Rhin avait été sollicité par le consistoire départemental pour autorisation à donner à la communauté israélite de Herrlisheim (Bas-Rhin) (dûment reconnue). Celle-ci souhaitait revendre l’immeuble acquis quelques années auparavant, attenant à la synagogue construite en 1811. Le consistoire départemental donne un avis favorable, sous réserve que les contribuables de la communauté locale aient donné leur accord. Le préfet saisit le ministre pour décision. Lainé répond que « la loi ne connaissant pas de semblables communautés, le gouvernement n’a pas besoin de s’immiscer dans l’administration des biens qu’elles peuvent posséder et que rien n’empêche qu’elles ne passent tous les actes communs aux autres espèces d’associations particulières, que c’est aux divers membres qui la composent de prendre les précautions propres à garantir les droits et intérêts respectifs » (ABR V 536).

Au cours du XIXe siècle, la gestion locale des consistoires s’inspirera des règles du décret de 1809 (Baugey).

Sources - Bibliographie

ABR V 558 : Culte israélite, administration des biens.

ABR V 536 : Culte israélite, frais du culte.

De BOUG,Recueil (1775), II. Arrêt du 1er février 1726, p. 3.

Base Mérimée : Synagogues de Mutzig (1787), Pfaffenhoffen (1791) et Bouxwiller (1791).

SCHEID (Elie), Histoire des Juifs de Haguenau, La revue des études juives, 1885.

BAUGEY (Georges), De la condition légale du culte israélite en France et en Algérie, Paris, 1899.

RAPHAEL (Freddy), WEYL (Raymond), « Juifs d’Alsace », EA, p. 4358-4385.

ALBERT (Phyllis Cohen), The modernisation of French Jewry, Consistory and Community in the Nineteenth Century, New Hannover, 1979.

ROTHÉ (Michel), WARSCHAWSKI (Max), Les synagogues d’Alsace et leur histoire, Jérusalem, 1992.

IGERSHEIM (François), Politique et administration dans le Bas-Rhin, Strasbourg, 1993, p. 247-252, 313-316.

MENTGEN (Gerd), Studien zur Geschichte der Juden im Mittelalterlichen Elsass, Hanovre, 1995.

HAARSCHER (André-Marc), Les Juifs du canton de Hanau-Lichtenberg, Strasbourg, 1997.

SCHWARZFUCHS (Simon), « Culte israélite », DHIA, 4, Strasbourg, 2012.

WEYL (Robert), « La communauté juive de Strasbourg entre le libéralisme et la tradition (1808-1988) », Communauté nouvelle, Paris, no 38, septembre-octobre 1988, p. 109-125 (en ligne sur http://judaisme.sdv.fr/histoire/villes/strasbrg/hist/cisrwey01.htm).

WARSCHAWSKI (Max),Histoire des Juifs de Strasbourg, (en ligne sur http://judaisme.sdv.fr/histoire/villes/strasbrg – consulté le 01/03/2014).

 

Notices connexes

V. Culte israéliteNation juive, Synagogue.

François Igersheim