Emblème de métier

De DHIALSACE
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Handwerkszeichen

On appelle « emblème de métier » la représentation d’outils ou de produits finis provenant d’un métier et se rapportant soit à une personne (surtout lorsqu’elle est accompagnée d’initiales), soit à une institution (corporation, confrérie…). À la différence de l’enseigne qui a une fonction commerciale, l’emblème de métier ne sert probablement pas à attirer le client ; ce n’est sans doute pas un emblème de vigneron du XVIe siècle dans un village qui fera vendre du vin. L’emblème de métier autorise l’identification. D’après Friedrich Karl Azzola, le spécialiste des emblèmes de métiers en Allemagne, l’Alsace serait la région du Saint-Empire la plus riche en emblèmes de métiers sculptés sur les immeubles.

L’emblème témoigne de l’attachement de l’artisan à son métier ; il s’identifie parfois à son emblème au point de le faire sculpter seul, sans ajouter d’initiales. On retrouve le même principe lorsque des emblèmes de métier tiennent lieu de signature d’artisans (illettrés).

Les supports des emblèmes sont des plus variés ; bien sûr, les éléments de la maison (clé d’arc, linteau de porte, poteau cornier, fresque, comme à Bosselshausen, tombe…), mais également les objets personnels, l’orfèvrerie corporative ou privée, les bâtiments officiels, les églises (autels offerts par une corporation…), les vitraux (privés ou religieux).

On constate que, sur la durée, les propriétaires successifs d’un immeuble portant un emblème ne le bûchent pas, même s’ils exercent un autre métier ; au besoin, ils rajoutent le leur, sur un autre élément d’architecture, au gré des transformations. On note une grande normalisation des emblèmes, à travers le Saint-Empire, aboutissant à des stéréotypes bien arrêtés. Ainsi, les emblèmes de cordonniers portent souvent (et jusqu’au XVIIe siècle au moins) un soulier « à la poulaine », orné de grelots et traversé d’une flèche. Les emblèmes des peintres, appelés Schilder, portent trois petits écus… Néanmoins, les représentations changent à travers le temps, notamment en fonction de l’évolution de l’outillage ou des produits finis ; ainsi on trouve au XVIIIe siècle des emblèmes de cordonniers avec la représentation de souliers contemporains.

Les artisans ayant réalisé les emblèmes, en particulier les tailleurs de pierre, les ont représentés avec une grande fidélité ; chaque détail a son importance, il convient d’en tenir compte, même si certaines oeuvres peuvent paraître maladroites à première vue : ainsi, sur un rarissime emblème de baigneur à Soultz (Haute-Alsace), on trouve des ventouses et des « flammes » pour scarification représentées avec un bout arrondi, pour les distinguer des « flammes » à saignée pointues, que l’on rencontre sur les emblèmes de barbiers. La distinction entre les deux outils est confirmée par un projet de vitrail suisse de 1606.

Les emblèmes apparaissent sur les bannières des corporations (au plus tard au XIVe siècle, cf. le vitrail jadis conservé dans les collections de la Bibliothèque municipale de Strasbourg) et sur les sceaux. L’importance que revêtent la bannière et l’emblème qu’elle porte apparaît à travers deux textes strasbourgeois du XVe siècle. En 1449, un litige oppose les cordiers aux marchands de fruits et revendeurs (Obser und Gremper) au sujet de la bannière commune. Les marchands de fruits ont menacé de détruire la bannière sur laquelle figurait un dévidoir de cordier (Seilerhaspel) et ont même confectionné des armoiries (Schilt) fantaisistes pour le guet (Scharwacht), sur lesquelles figurait un arbre avec des cerises ou des pommes. Il semble donc y avoir des règles précises pour la mise en forme d’un emblème. Lorsqu’autour de 1482 les charpentiers sont unis aux charrons et aux tourneurs, ils se plaignent au Magistrat que, sur la bannière commune, ne figurent que les outils des charrons ; ils demandent que les leurs y soient également représentés.

Appelés « Emblèmes de table », Stubenzeichen en Allemagne, des emblèmes de métier, parfois placés sous verre, étaient appendus dans l’auberge où se réunissaient les membres de la corporation concernée ; ils servaient également de repère aux compagnons itinérants. À Rosheim, en 1830, les membres d’une même profession avaient encore l’habitude de se réunir une fois l’an, sous de tels symboles. Le maire de Rosheim explique que le but de ces réunions était uniquement de s’ « amuser en Communauté… tel que les musiciens … fêtent … le jour de Cécile… Toutefois, Comme ils avaient chacun leurs Enseignes attachées au Plafond de l’auberge » le maire « fait disparaître » ces emblèmes, suite à une plainte de l’administration centrale.

Certains emblèmes sont utilisés comme « armes parlantes », faisant référence au nom du propriétaire et non à son métier (une roue de moulin pour un Muller qui n’est pas meunier).

C’est à l’époque de la Renaissance qu’on voit se multiplier outre l’écu, des lambrequins et des cimiers encadrant l’emblème lui-même, ce qui tend à faire penser à une assimilation avec les armoiries de nobles ou d’institutions.

L’Armorial de la Généralité d’Alsace représente le cas extrême de l’assimilation d’emblèmes de métiers à des « armoiries », régies par un code héraldique, avec un certain nombre d’erreurs, comme, par exemple, le bretzel, appelé Bradler par le rédacteur, qui devient un sabre oriental pour le dessinateur qui, n’ayant pas compris, en a fait un badelaire. En ce qui concerne les emblèmes de bourgeois, à caractère abstrait et qui ne présentent généralement ni produit fini ni outils, on note, dans certains cas, des constantes qui se transmettent d’une génération à l’autre ; on se rapproche des véritables armoiries.

Bibliographie

BARTHELEMY (Anatole de) (éd.), Armorial de la Généralité d’Alsace, Strasbourg, 1861.

HANSI, L’art héraldique en Alsace, Nancy, Paris, Strasbourg, 1938-1949.

MARTIN (Paul), Les corporations de Strasbourg…, Strasbourg, 1964.

HEUSINGER (Sabine von), Die Zunft im Mittelalter, Stuttgart, 2009.

AZZOLA (Friedrich Karl), Publications internet : OPAC der Regesta imperii.

Notices connexes

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Métier

Christine Muller