Droit de l'Alsace (Moyen Age)

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Le repli sur les « nations allemandes » (Stämme ou ethnies) et le maintien de l’Empire

Au cours du Xe siècle, les peuples germaniques de l’ancien Empire carolingien se structurent en grands duchés : Saxe, Franconie, Bavière, Souabe (dont fait partie l’Alsace). En 911, puis en 919, les ducs choisissent l’un des leurs pour roi. Le saxon Henri Ier fonde la dynastie saxonne. Roi de Germanie, Otton Ier se fait couronner empereur à Rome en 962, et restaure la dignité impériale et avec la possession de l’Italie, maintient en Germanie une porte ouverte aux influences romaines.

On a à nouveau recours à l’élection, lorsque la dynastie saxonne s’éteint en 1024, par le choix d’un noble de Franconie, jadis colonisée par les Francs saliens, qui fonde la dynastie salienne (1024-1125). C’est encore le cas en 1125 et enfin en 1138 pour l’élection de Conrad III qui fonde la dynastie des Staufen.

Un droit ethnique (Stämme)

Le choix par les ducs d’un des leurs pour roi exprime le changement radical opéré dans les institutions du royaume, dans lequel se généralise pour les fonctions politiques et ecclésiastiques la féodalité : les ducs font l’hommage au roi, et exigent à leur tour un hommage de la part de leurs propres vassaux. Ces relations seront ultérieurement codifiées dans le droit des fiefs (Lehnrecht).

L’importance que prennent les duchés « ethniques » se répercute dans l’importance accordée aux droits territoriaux. La notion de « loi » règle de droit générale édictée par un souverain s’efface pour une période et ne subsiste plus que la justice arbitrale qui tente de réguler les excès de la Fehde.

La place de l’Eglise et celle de l’Italie dans la politique des rois et empereurs germaniques va pourtant profondément influencer le droit.

Paix de Dieu (Gottesfrieden), paix impériales et développement d’un nouveau droit pénal public (Reichsfrieden, Landfrieden)

Une initiative des autorités ecclésiastiques, partie du sud de la France et imitée dans le reste de l’Occident, va introduire un nouveau concept, celui de la paix de Dieu.

Dès 1085, un synode de Mayence édicte en présence de l’empereur Henri IV une paix pour tout l’Empire. Ainsi, le maintien de la paix redevient une préoccupation du prince : elle inspire la réapparition d’un nouveau droit impérial et territorial. Henri IV renouvelle en 1103 la publication d’une paix de Dieu, à laquelle adhèrent tous les grands par serment. La « paix » a beau faire l’objet de constitutions impériales, prises après consultation de synodes ou de diètes, en particulier sous les Staufen, seul le serment en assure la sanction. Attenter à la paix, c’est aussi rompre son serment, s’exposer à des sanctions pénales et se mettre hors de l’Empire. On passe ainsi de la justice de la Fehde qui arbitre et indemnise à la justice pénale qui sanctionne et punit.

La justice de la paix de Dieu assure aussi une convergence entre les justices ecclésiastiques et les justices laïques.

ZEUMER (Karl), Quellensammlung zur Geschichte der Deutschen Reichsverfassung im Mittelalter und Neuzeit, Leipzig, 1913.

Digital MGH, Constitutiones et acta publica imperatorum et regum.

KROESCHELL (Karl), Deutsche Recthtsgeschichte, 13e éd., Cologne, 2008, Bd. 1.

Justice ecclésiastique et droit canonique

L’église dont les dignitaires figurent parmi les grands de l’Empire romain germanique et constituent des appuis solides des rois et empereurs conserve la tradition des droits de l’époque romaine dans ses écoles abbatiales et capitulaires. Elle est fractionnée en Églises régionales qui se réunissent en conciles et synodes, aux décisions multiples, mais peu diffusées. Parmi elles, on relève le succès des codes anglo-saxons (Code de Théodore de Canterbury 668-690) ou des pénitentiels irlandais (saint Colomban), qui exercent une grande influence sur les nouvelles terres de conversion de la Germanie. La « renaissance carolingienne » marquée aussi par l’alliance étroite entre la papauté et l’Empire carolingien assure la diffusion occidentale de compilations canoniques plus conformes à la doctrine romaine, ainsi celle du moine Denys (v. 750). De même, l’évêque de Strasbourg Rachio fait recopier en 787 une collection canonique issue des conciles wisigothiques d’Espagne, l’Hispana (composée vers 633) : cette copie, fort corrompue qui prend le nom d’Hispana Gallica, sera diffusée dans les pays rhénans. Ces codes canoniques servent de sources aux nouveaux pénitentiels destinés à remplacer les pénitentiels anglo-saxons ou irlandais. L’ensemble de ces collections se concentre sur l’organisation et la discipline d’un clergé bien fruste, qui reste impuissant devant les effets de la dislocation de l’Empire carolingien et la puissance des laïcs. Les Faux capitulaires et Fausses décrétales sont fabriquées dans un atelier occidental (v. 850). S’inspirant des pénitentiels de Théodore, l’évêque Burckard de Worms (v. 965-1025), un protégé de l’Empereur Othon III, rédige un traité de droit canonique, le Decretum (v. l’an mil), destiné aux élèves des écoles cathédrales et des tribunaux synodaux. Ce sera le traité le plus répandu de la chrétienté, avant la diffusion du décret de Gratien. Car l’Eglise exerce aussi la justice à l’égard des clercs et des paroissiens (Sendgericht). Cette compétence se développe à partir de l’époque carolingienne. Le tribunal synodal est présidé par l’évêque assisté des membres du clergé, puis par l’archidiacre assisté par le clergé paroissial. Introduite par la plainte de clercs ou de paroissiens contre le ou les contrevenants, la procédure orale et les moyens de preuve y sont ceux des tribunaux échevinaux : serment et ordalies (eau froide, fers rougis, duel judiciaire). Les ordalies seront interdites par Innocent III (1198-1216). Le droit appliqué est celui des pénitentiels puis du Code de l’abbé de Trèves, Reginon de Prüm (842-915) De synodalibus causis (v. 900), enfin des codes de Burckard. A partir du XIIe siècle, il se fonde également sur les codes d’Yves de Chartres (évêque de Chartres de 1091 à 1116, puis sur le décret de Gratien (peut-être moine de Bologne v. 1140). Avec l’ajout des décrétales des papes Grégoire IX à Boniface VII, on aboutit à une codification qui prend en 1317, par analogie, avec celle de Justinien, le nom de Corpus juris canonici. La place que prend la papauté dans cette codification et s’exprime par la maxime « ius habet in pectore suo » est rejetée par Luther.

FOURNIER (Paul), Histoire des collections canoniques en Occident, depuis les fausses décrétales jusqu’au décret de Gratien, Paris, 1931.

WEIGAND (R.), Kanonisches Recht,Lexikon des Mittelalters, Vol. 5, col. 904-907.

MORDEK (H), Kanonessammulungen, Lexikon des Mittelalters, Vol. 5, col. 900-903.

GAUDEMET (Jacques), art. Droit canonique, GAUVARD (Claude) et alii, Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2002, p. 436-438.

Apparition des officialités

Le tribunal synodal connaît également des différends entre institutions ecclésiastiques. Avec deux sessions par an, le synode s’avère trop peu fréquent pour les affaires dont il est saisi, et à partir du milieu du XIIIe siècle, l’évêque délègue ses fonctions à d’autres dignitaires ecclésiastiques, en particulier aux chanoines. On est alors passé de l’instance collégiale appliquant le principe d’arbitrage au tribunal romain où le juge tranche. La procédure applique désormais les règles canoniques, inspirées du droit romain : exposé du litige – souvent par écrit –, enquête et audition des témoins, audition des sages ou assesseurs, jugement signifié par écrit. L’appel au pape est possible.

Sans que l’évêque ne renonce dans un premier temps à désigner d’autres procureurs pour des procès ecclésiastiques, on voit les mêmes chanoines exercer très fréquemment les fonctions de juge, par exemple le chanoine Henri de Lautenbach (v. 1230). Puis en 1248, suivant la bulle d’Innocent IV « Romana ecclesia » qui publie les canons du Concile de Lyon (1245), comme le font aussi les évêques de Cologne et de Bâle, l’évêque Henri de Stahleck nomme un « official », le magister Nicolas Treppel, prévôt de Saint-Thomas. C’est le premier official, mais aussi le premier juge ecclésiastique diocésain qui ne soit pas chanoine du grand chapitre, mais non pas le premier magister, car les chapitres de Strasbourg comptaient de nombreux magistri ou doctores. Désormais les officiaux strasbourgeois seront tous gradués, de Paris et de Bologne, et arborent le sigle UJ – Utriusque Juris, soit droit civil (romain) et droit canonique. Ils ne sont pas tous clercs. L’official de 1371 à 1394, Vener de Gamundia, est qualifié de Doctor UJ et a fait ses études à Bologne. Enfin, en 1277, apparaît la première mention d’un juge d’archidiaconé. Les sept archidiaconés du diocèse sont pourvus de juges ou officiaux en 1288. Mais à ce moment-là, l’official de l’évêque est en butte à la concurrence des tribunaux du Magistrat (V. droits urbains).

OBER (L.), « Die Entstehung des bischöflichen Hofrichteramtes in Strassburg », Strassburger Diöcezanblatt, XXVIII, Strasbourg, 1909, p. 314-359.

STENZEL (Karl), « Die geistliche Gerichte in Strassburg im 15. Jahrhundert », ZGO, 68, 1914, p. 363-446 ; 69, 1915, p. 52-95, p. 201-253, p. 343-383.

LEVRESSE (René), « L’officialité de Strasbourg », AEA, 1986, p. 1-54, ; 1988, p. 67-86 ; 1992, p. 74-149 ; 1993, p. 117-179.

Le droit romain : la réception précoce (Frührezeption)

Maîtres de la Lotharingie et du royaume de Bourgogne, les rois de Germanie sont également rois d’Italie ; ils attachent la plus grande importance à l’héritage impérial de Charlemagne et Otton III se veut le restaurateur de l’Empire romain (Renovatio imperii Romanorum). En Italie, le droit romain est encore enseigné, en particulier à Pavie, et les Empereurs saliens ont déjà recours aux juristes romains pour la rédaction de leurs lois sur la paix (Landfrieden, Reichsfrieden) ou encore celle du Concordat de Worms (1122) : c’est de la Faculté de Bologne, fondée par Irnerius (Werner) venu de Pavie que les Codes de Justinien se répandront dans l’Empire et les autres Etats d’Occident, à Montpellier avec Placentin, à Lincoln avec Vacarius. Du fait de la nouvelle géographie politique, l’Alsace prend une grande importance. Elle constitue une région de passage entre l’Italie, la Bourgogne, la Rhénanie et le nord de l’Empire. De plus, l’importance des domaines royaux en fait une région privilégiée par les Empereurs, tout particulièrement à partir de 1152 et la désignation de Frédéric de Staufen (Frédéric Barberousse), duc de Souabe, comme Empereur. Frédéric Barberousse fréquente les professeurs de droit romain de Bologne, dont les « quatre docteurs » (Martinus, Bulgarus, Hugo et Jacobus) rédacteurs des lois du Reichstag de Roncaglia (1158) où sont promulgués avec une nouvelle paix de l’Empire, les premiers éléments d’une loi des fiefs issue des lois lombardes (Libri Feudorum), et proclamé le principe de la suprématie de l’Empire sur les communes d’Italie. L’essor des officialités et des tribunaux princiers et urbains en Allemagne, la croissance de personnel formé en droit romain et ayant travaillé les codes et leurs gloses, diffusés dans les écoles capitulaires, les studia des ordres religieux et les nouvelles universités (Paris 1200) vont marquer une nouvelle étape dans l’élaboration du droit germanique.

http://www.histoiredudroit.fr/corpus_iuris_civilis.html (15/11/2011)

PALLASSE (Maurice), La Renaissance du droit romain en Alsace du XIIIe au XVIe siècle, Mémoires de la Société pour l’histoire du droit et des Institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands, 18e fascicule, Paris, 1956.

COING (Helmut), Römisches Recht in Deutschland, Jus Romanum Medii Aevi, V, 6, Paris-Milan, 1964.

GANGHOFER (Roland) et LEVRESSE (René), Le Droit romain en Alsace du XIIe au XVIe siècle, Jus Romanum Medii Aevi, V, g, Milan, 1977.

Les livres de droit (Rechtsbücher), le droit des territoires et le droit féodal

Droit territorial : le Landrecht

Les Rechtsbücher du XIIIe siècle font la distinction entre les droits applicables : droit territorial (Landrecht) et droit féodal, ainsi que droit des villes (Stadtrecht). Mais ils ne codifient que le Landrecht et le Lehnrecht. Le Landrecht ou droit territorial est un droit composé à partir de sources multiples : anciens droits ethniques, droit canonique, jurisprudence synodale ou échevinale. Il est codifié dans les « livres de droit », mais ses dispositions ne sont pas appliquées comme le serait un Code moderne. Il se veut droit impérial de Charlemagne, mais aussi « bon vieux droit ».

Les livres de droit (Rechtsbücher) : coutumiers européens : droit canonique, droit romain, droit coutumier

Vers 1200 en Occident semble se produire une poussée de codification. Tout semble partir du Décret de droit canonique de Gratien qui se voulait une compilation des droits et coutumes appliqués. En Lombardie, en Angleterre, en Castille et en Aragon, partout des clercs ou experts réunissent les coutumes appliquées par les tribunaux en codes latins, qui sont traduits en langue vernaculaire. En France, c’est en Normandie que l’on réunit les coutumes de Normandie (1200-1220), puis Beaumanoir rédige les coutumes du Beauvaisis (1283). Leur caractéristique : ils classent systématiquement les règles de droit appliquées par les tribunaux, souvent accrues par le droit romain et le droit canonique. Il en va de même dans l’Empire romain germanique.

Le Sachsenspiegel – Miroir de Saxons

C’est à un chevalier saxon de la région de Quedlinburg et Magdebourg, proche de l’avoué du chapitre de Quedlinburg, vraisemblablement formé dans les milieux du clergé – officialités ou studia franciscaines –, et ayant sans doute exercé des fonctions échevinales, Eike von Repgow (v.1180-v.1233) que l’on doit le premier traité de droit germanique, le Sachsenspiegel (v. 1220-1230). Il reproduit le droit appliqué dans la région de Magdebourg. « Dies Recht hab ich nicht selbst erdacht, es haben von Alters auf uns gebracht unsere guten Vorfahren », écrit Eike en préambule de son traité. Deux caractéristiques marquent cette oeuvre. Eike traduit en allemand sa première version écrite en latin. Et il introduit dans ce traité populaire la distinction entre Lehnrecht (droit des fiefs) et Landrecht (droit commun).

Le coutumier du sud de l’Allemagne : leSchwabenspiegel

Répandu en Allemagne par le studium du couvent franciscain de Magdebourg, le Sachsenspiegel est le modèle du code que Goldast et Schilter qui en sont les redécouvreurs appelleront le Schwabenspiegel (publié dans le Thesaurus Antiquitatum teutonicarum par l’élève de Schilter, Scherz, en 1728). Pour le nord de l’Allemagne, le droit saxon, et pour le sud, le droit souabe, telle est leur doctrine. Le Schwabenspiegel procède d’une adaptation du Sachsenspiegel au droit d’Allemagne du sud.

Rédigé par un ou plusieurs Franciscains d’Augsbourg en 1275/1276, il se définit comme le « Kaiserrecht » donné par l’empereur Charles aux Souabes (Landrecht art. 32) et a pour but « d’apprendre à tous ceux qui prennent des fonctions dans un tribunal, comment ils doivent juger en droit, comme de nombreux prudhommes (weise Männer) l’ont fait dans l’ancienne alliance et dans la nouvelle. Et celui qui jugera sans appliquer les enseignements du présent livre, sera exposé à la colère de Dieu au jugement dernier » (Préface, art. c). Ainsi comme le Sachsenspiegel, il se veut le code du droit appliqué dans les tribunaux, c’est-à-dire du droit coutumier.

Mais il intègre également des citations théologiques et bibliques, issues en particulier de la prédication des Franciscains David d’Augsbourg (le maître des novices) et Berthold de Regensburg (1210-1272) le prédicateur, qui est passé à plusieurs reprises en Alsace. Il utilise également les Codes de Justinien, ainsi que les traités de droit canonique. En particulier, il développe la doctrine des deux glaives, donnés l’un au pape, et l’autre à l’Empereur, et pose le principe de la séparation des justices temporelles et spirituelles. En droit civil, il formalise le régime matrimonial de la Morgengabe et de la Heimsteueur, reprend la règle de la tutelle (Vormundschaft) perpétuelle de la femme, fille, mariée ou veuve. On n’y retrouve pas la formule du partage de la succession des acquêts (ou de la communauté) aux deux tiers (mari) et un tiers (femme) en usage dans les villes et les campagnes de l’Alsace, pas plus que celle de la dévolution, qui doivent remonter à un stade plus ancien du droit coutumier (Wendel, Ganghofer). Pourtant, le manuscrit duSchwabenspiegel est répandu par dizaines dans les villes et seigneuries du sud-ouest de l’Allemagne. Il en existe 400 exemplaires manuscrits qui présentent tous des variantes, faisant de l’édition moderne du Schwabenspiegel un casse-tête. Il y en avait 5 exemplaires à Strasbourg, dont celui qu’avaient édité Schilter et Scherz en 1728 (Homeyer). Ainsi, le Schwabenspiegel n’a pu manquer de servir de guide, sinon de modèle, pour les statuts urbains rédigés à la même période en Alsace par un personnel formé au droit. Le Schwabenspiegel insiste bien sur la différence entre le droit territorial (Landrecht) et le droit urbain (Stadtrecht), qui a priorité. Il indique de même que leStadtrecht doit être rédigé par des hommes sages, puis soumis au peuple (Landrecht II, art. 44). C’est à la même époque qu’est rédigé le Statut d’Augsbourg (1276). En 1322, une commission de douze membres élabore le sixième Statut de Strasbourg.

On attendra le XVIIe et le début du XVIIIe siècle pour que se déclenche une bataille d’experts sur la validité juridique du Code souabe. Pour les uns (en particulier Schilter), il est applicable dans l’Empire et en particulier son droit des fiefs (Lehnrecht), pour d’autres – y compris les professeurs de Strasbourg, malgré Schilter –, c’est un simple traité de droit issu d’une initiative privée qui n’est pas applicable, par rapport au droit reconnu des fiefs (Libri Feudorum des Lombards) (Frank Ludwig Schäfer, Juristische Germanistik, Francfort 2008).

Landrecht (Droit territorial) et Lehnrecht (Droit des fiefs)

Les Rechtsbücher consacrent une partie non négligeable de leur rédaction au droit féodal, le Lehnrecht.

La société féodale s’est mise en place peu à peu à partir de l’époque mérovingienne. Mais dans l’Empire germanique les rapports de féodalité n’ont pas embrassé toute la société : il a subsisté une classe d’hommes libres, qui restent soumis au Landrecht, alors que les « vassaux » relèvent en matière de fief du tribunal féodal. Le Schwabenspiegel reflète un stade déjà avancé du droit féodal appliqué dans ses grands traits dans l’Allemagne du sud et la Bohème. Le fief par excellence est le fief militaire, et la capacité de recevoir un fief (Lehenfähigkeit) s’exprime par son appartenance à une suite de guerriers, le Heerschild ou bouclier : les vassaux (heerschildbürtig) se répartissent en une pyramide de sept classes. Par rapport au Sachsenspiegel qui l’inspire mais qui date du début du XIIIe siècle, le Schwabenspiegel enregistre l’évolution accomplie à la fin du XIIIe en Allemagne du sud et l’intégration des ministériaux dans la pyramide féodale, avec à son sommet les trois boucliers du roi, des princes ecclésiastiques (geistlichen Fürsten) les princes laïques (Laienfürsten), les quatre autres étant ceux des hommes libres (Freien), des mi-libres (Mittelfreien), des ministériaux (Dienstmannen), et enfin des Semperleute (Schw.Sp., Lehnrecht, art. 2). Les vassaux jurent fidélité à leur suzerain (huldigen) et doivent l’honorer par leurs actes et leurs propos ; prévenus six semaines et un jour à l’avance, ils doivent participer à ses expéditions militaires (Heerfahrt) pour six semaines (art. 6 à 8). L’expédition pour Rome (Heerfahrt nach Rom) mobilise les trois princes ecclésiastiques (Mayence, Trèves, Cologne) et les quatre princes laïcs (comte palatin, duc de Saxe, margrave du Brandebourg, duc de Bavière). Mais le vassal doit aussi se rendre aux Assemblées (Tage) convoquées par son suzerain. Ces assemblées sont également des tribunaux féodaux (Lehengerichte), qui doivent réunir au moins douze vassaux. Mais le fief est à l’époque du Schwabenspiegel avant tout un bien immobilier et le code insiste sur les droits du vassal à conserver le fief dans son héritage (Erblehen), en le transmettant à ses fils, qui, s’ils sont mineurs, doivent avoir des tuteurs eux-mêmes vassaux. A treize ans et six semaines, ils doivent réclamer leur fief dans le délai d’un an et un jour. Par contre, l’arrière-vassal peut porter une plainte contre son suzerain direct, qui lui aurait repris son fief à tort, devant le suzerain de ce dernier (Oberherr) ou même devant le Landgericht de droit territorial. Le fief ne peut être engagé, le seigneur en abandonnerait la pleine jouissance (Gewere), qualité indispensable du fief. Il est de nombreux types de fiefs : les fiefs héréditaires (Erblehen), les fiefs de châteaux (Burglehen), le fief d’expectative (Anwartung, Anwartschaft). Le fief de bouclier (Schildlehen) – fief comprenant service militaire – peut être récupéré par le seigneur ou rendu par le vassal. Parmi les fiefs de service, le fief d’administrateur (Amtmannslehen) donné à un administrateur des biens du seigneur, qui doit être rendu à la mort de l’Amtmann (droit de reprise). Le fief de château (Burglehen) entraîne l’obligation de veiller au château et de le défendre (v. Burglehen, Burgmann). Le Schwabenspiegel admet la possibilité de fiefs confiés aux femmes (et aux clercs), mais sans être très explicite sur une institution qui ne sera jamais généralisée en Allemagne. Le fief peut être vendu, à condition que le suzerain donne son accord (Schwabenspiegel, Lehnrecht. art. 21). De même, il peut être engagé et servir de gage à un créancier (Pfandlehen). Une partie du fief peut en être détachée et faire l’objet d’une concession : cette concession devient un « arrière-fief » ou Afterlehen. Les contentieux vassaliques sont tranchés par le Lehengericht, dont la procédure – orale pour l’essentiel – est longuement décrite.

JOHANEK (Peter), « Rechtsbücher », Lexikon des Mittelalters, Verlag J.B. Metzler, Vol. 7, cols 519-521.

LIEBERWIRTH (Rolf), « Sachsenspiegel », Lexikon des Mittelalters, vol. 7, col. 1240-1242.

NEHLSEN-VON STRYK (Karin), « Schwabenspiegel », Lexikon des Mittelalters, vol. 7, col. 1603-1605.

DERSCHKA (Harald Rainer), Der Schwabenspiegel, übertragen in heutiges Deutsch, mit Illustrationen aus alten Handschriften, Munich, 2002, [publie la version de Lassberg 1843].

KROESCHELL (Karl), Deutsche Rechtsgeschichte, I, 13e éd., Cologne, 2006.

Notices annexes

Droit_de_l'Alsace

Droit de l'Alsace (Haut Moyen Age)

Droit de l'Alsace (Saint Empire romain germanique)

Droit de l'Alsace sous la monarchie française

Droit de l'Alsace (Révolution)

Droit de l'Alsace (Consulat et Empire)