Droit (Enseignement du Droit)

De DHIALSACE
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Enseignement du droit au Moyen Âge

Au Haut Moyen Âge, les écoles des abbayes, des cathédrales et des chapitres entretiennent un enseignement du droit répondant aux besoins de l’Eglise, par exemple pour la rédaction des formulaires, la copie des traités de droit canonique (canons des conciles, décrets des papes, pénitentiels, jurisprudence des synodes), qui prennent place sur les rayons des bibliothèques des abbayes et des chapitres. Mais c’est au début du XIIIe siècle que l’on rencontre les premiers diplômés en droit (de Paris ou de Bologne, de Pavie), dans l’entourage de l’évêque de Strasbourg ou encore comme juges délégués, avant que ne soit créée l’officialité. De même, le studium des Dominicains popularise les traités de droit canonique de Raymond de Penafort. Mais le chapitre de Saint-Thomas de Strasbourg se distingue aussi par le nombre de ses juristes. Et dans le diocèse de Bâle, à Colmar, le chapitre de Saint-Martin compte également son lot de magistri et se caractérise aussi par ses liens avec les Dominicains. Au XVe siècle, on compte dans le personnel des officialités un grand nombre de docteurs utriusque juris (Duquesne).

Les Facultés voisines : Bâle et Fribourg

Avec la fondation des Universités de Heidelberg (1386) et de Cologne (1388), mais surtout celle de Fribourg-en-Brisgau (1457) et de Bâle (1460), les possibilités de formation se multiplient pour les étudiants alsaciens, qui fréquentent également les facultés françaises. Un bon nombre d’entre eux sont formés à Bâle et à Fribourg, où ils accèdent également aux chaires. Ainsi Sébastien Brant, qui fait toutes ses études à Bâle, où il est docteur utriusque juris, professeur de droit romain, jusqu’en 1501, quand il s’installe à Strasbourg comme avocat-enseignant et syndic de la ville, ou encore le Franciscain Thomas Murner, formé dans le studium des Franciscains de Strasbourg, ayant poursuivi ses études dans de nombreuses universités d’Europe, mais principalement à Fribourg-en-Brisgau, puis à Bâle, où il est professeur de droit romain et traducteur en allemand des Institutes de Justinien ; ces Institutes, résumé du droit destiné à servir de manuel, ont été le fondement de l’enseignement du droit romain au Moyen Âge et les étudiants étaient parfois contraints de les apprendre par coeur. A Bâle et à Fribourg, fait rage le conflit des deux méthodes : le mos italicus, qui fonde l’enseignement du droit sur les glossateurs et commentateurs des facultés italiennes (Bologne, Padoue, Pavie…) et le mos gallicus, élaboré par les juristes et philologues des facultés françaises, Guillaume Budé à Bourges ou plus tard encore Cujas, qui préconisent le retour aux sources et non la simple reprise des commentateurs italiens. Mais cette querelle se double de la querelle de la Réforme, et des questions juridiques qu’elle soulève. Les questions posées relèvent de la réglementation pratique (Kisch, Thomann).

Le Magistrat de Strasbourg embauche donc en 1529, puis en 1533, de nouveaux avocats-greffiers-enseignants, Kirser et Frosch, docteurs en droit romain des Facultés de Bâle et de Fribourg. Jean Sturm introduit en 1545 un enseignement pratique du droit au Gymnase de la ville, qui se fonde sur les Institutes de Justinien. Les enseignants – Kirser, Bebio –, pratiquent une méthode mixte : attachés au mos gallicus, en particulier parce qu’ils font une partie de leurs études à Bourges, ils ne négligent pas les commentateurs, réhabilités aussi par les professeurs de Bâle, qui sont « juristes avant d’être rhétoriciens » (Thomann).

Académie et Faculté de Droit de Strasbourg

La création d’une Académie (1566) par privilège impérial à Strasbourg, incite le Magistrat de la Ville à développer les études de droit par la création de trois chaires financées par les revenus du chapitre Saint-Thomas, ce qui assure au départ un enseignement sur le droit romain soit surtout les Institutes de Justinien, et un peu le Code Justinien et les Pandectes (compilation en 50 livres des jurisconsultes romains, effectuée sous Justinien et appelée aussi Digeste, d’usage beaucoup plus difficile que lesInstitutes). Ainsi il est bien précisé : « ils doivent enseigner les Institutes, mais seulement dans la mesure où cela est utile à des commerçants ».

Les premiers professeurs, recommandés par Calvin sont français : Baudouin, puis Hotman, qui ont fait leurs études à Bourges.

Mais le personnage le plus important est Georg Obrecht, en poste de 1575 à sa mort en 1612. Il a également fait ses études à Bourges, auprès de Cujas. C’est un novateur qui introduit l’étude des pratiques judiciaires régionales, le droit féodal et la législation impériale de droit public. Il a le mérite d’intégrer le droit coutumier et le droit français au droit romain. Soucieux d’associer la pratique à la théorie, il fait aussi des cours sur les tribunaux et les procès et introduit des exercices pratiques sous la forme de procès fictifs. Il devient un des pères de la science administrative, dite caméraliste, au XVIIe siècle.

En 1621, le Magistrat obtient de l’empereur Ferdinand II la transformation du statut de l’Académie en Université de plein exercice, ce qui signifie la création statutaire de quatre facultés dont une de droit qui subsiste jusqu’à sa dissolution en 1794. Au XVIIe siècle, seul Mathias Bernegger obtient une place éminente comme professeur polyvalent d’histoire, d’éloquence et de science caméraliste, de 1608 à 1640.

La grande période est, comme pour toute l’université, le XVIIIe siècle. Le recrutement géographique des étudiants couvre toute l’Europe, avec une nette prépondérance des milieux aristocratiques et patriciens, dont la plupart suivent à partir de 1752 les formations proposées par l’Ecole des diplomates fondée par Jean-Daniel Schoepflin, au diplôme reconnu dans l’Empire et dans le royaume de France, où il permet de devenir avocat au Parlement de Paris. Il s’agit d’un enseignement de qualité qui présente un droit romain rajeuni et modernisé et qui intègre le droit germanique ainsi que le droit français sous la forme des ordonnances royales et de la jurisprudence du Conseil souverain d’Alsace. Les 5 000 thèses soutenues – de la taille de mémoires – confirment que Strasbourg est acquis très tôt aux idées de l’Aufklärung ; elles portent sur des sujets variés tel que le droit rural, l’organisation des professions, l’assistance publique, la fiscalité, le statut des banques, la police, le droit de construction, la chasse et les forêts.

François Igersheim, Bernard Vogler