Dorflinde : Différence entre versions

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La fréquence du tilleul sur les places publiques n’est probablement pas due à ses seules qualités floristiques et esthétiques. Selon d’anciennes traditions remontant souvent au Moyen Âge, notamment les coutumes, la justice était souvent rendue en plein air. Quelques exemples tirés des ''Weistümer'' mentionnent des tilleuls comme lieux de justice. Juges, assesseurs et plaideurs se réunissaient sous la ''Gerichtslinde''. Ainsi, en 1258, le plaid d’Altorf se tenait sous un tilleul, ''sub tilia''. D’après un coutumier domanial d’Eckartswiller, de 1413, le Meyer du couvent de Saint-Jean et ses assesseurs devaient se rendre le jour de la Saint-Etienne sous le tilleul du village et y tenir le plaid. Une situation analogue est rapportée par la coutume de Mollkirch. Les infractions aux règles de navigation sur l’Andlau-Schiffgraben étaient jugées par le ''Hofmann'' d’Andlau, sous la ''Gerichtslinde'' de Zellwiller. D’autres de ces tilleuls, parfois aussi appelés ''Schwurlinden'', sont signalés à Altdorf, Eckartswiller, Gewenheim, Obersultzbach, Olwisheim, Schwabwiller.
 
La fréquence du tilleul sur les places publiques n’est probablement pas due à ses seules qualités floristiques et esthétiques. Selon d’anciennes traditions remontant souvent au Moyen Âge, notamment les coutumes, la justice était souvent rendue en plein air. Quelques exemples tirés des ''Weistümer'' mentionnent des tilleuls comme lieux de justice. Juges, assesseurs et plaideurs se réunissaient sous la ''Gerichtslinde''. Ainsi, en 1258, le plaid d’Altorf se tenait sous un tilleul, ''sub tilia''. D’après un coutumier domanial d’Eckartswiller, de 1413, le Meyer du couvent de Saint-Jean et ses assesseurs devaient se rendre le jour de la Saint-Etienne sous le tilleul du village et y tenir le plaid. Une situation analogue est rapportée par la coutume de Mollkirch. Les infractions aux règles de navigation sur l’Andlau-Schiffgraben étaient jugées par le ''Hofmann'' d’Andlau, sous la ''Gerichtslinde'' de Zellwiller. D’autres de ces tilleuls, parfois aussi appelés ''Schwurlinden'', sont signalés à Altdorf, Eckartswiller, Gewenheim, Obersultzbach, Olwisheim, Schwabwiller.
 
 
 
  
 
== Bibliographie ==
 
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KIEFFER (A), « Les arbres de nos régions, le tilleul », ''Les Vosges'', 1985/4.
 
KIEFFER (A), « Les arbres de nos régions, le tilleul », ''Les Vosges'', 1985/4.
 
 
 
  
 
== Notices connexes ==
 
== Notices connexes ==

Version du 12 octobre 2020 à 08:21

Le tilleul du village

Vers 1870, le botaniste Frédéric Kirschleger écrivait : « Chaque village a son tilleul communal ». Il exagérait à peine. Force est de constater que le tilleul est, ou était, l’un des arbres les plus fréquents dans nos espaces publics. Là où les tilleuls ont disparu, l’enseigne d’une auberge, le nom d’une rue ou d’une place en rappellent parfois le souvenir : Au tilleul (Zur Linde), A l’arbre vert (Zum grünen Baum), ’s Lindeplaetzel (Strasbourg-Robertsau). L’espèce la plus fréquemment plantée est Tilia grandifolia (ou Tilia platyphyllos) encore appelée Grossblättrige, Früh-, Sommer-, Wasser-Linde par opposition à une autre espèce moins fréquente, laSteinlinde, Winterlinde (Tilia parvifolia ou Tilia cordata). C’est un arbre de 10 à 20 mètres de haut, avec un tronc robuste pouvant atteindre 2 m de diamètre. Sa longévité est remarquable ; il peut atteindre plusieurs siècles d’âge. L’un des trois tilleuls plantés par sainte Odile à Niedermunster (Odilienlinden), aurait survécu jusqu’au XVIIIe siècle. En 1912, Lessel signale deux tilleuls, Bergheim-Herrengarten et Avolsheim-Dompeter, comme les plus vieux d’Alsace.

À l’origine, le tilleul est un arbre de la forêt dont il a été éliminé pour son peu d’intérêt économique et sa couronne dense qui prive les autres arbres de lumière. Mais il présente d’autres atouts qui l’ont favorisé pour agrémenter les places publiques : une croissance rapide, une ombre fraîche, des fleurs odoriférantes – il fleurit entre la mi-juin et la mi-juillet – et mellifères ainsi qu’une silhouette pittoresque. Son énorme tronc est sans comparaison en hauteur avec celui du chêne ou de l’orme, en revanche il les surpasse en circonférence et par l’étendue de ses branches. Son environnement est donc propice pour accueillir fêtes et réjouissances. « Die Linde ist bei uns ein Friede- und Freudebaum, denn unter der Linde pflegen wir zu trinken, zu tanzen und fröhlich zu sein », disait Martin Luther. Une Tanzlinde, probablement la plus anciennement connue, est la plus ancienne des Dorflinden ; elle se trouvait à Bergheim dans le Herrengarten, devant la porte supérieure. En 1312, Bergheim célébrait sous cet arbre son accession au rang de ville. A la fin du XIXe siècle, Kirschleger fut encore témoin de fêtes et de danses sous ce tilleul.

Dans certains tilleuls aux dimensions exceptionnelles, étaient installées des buvettes (Trinklauben) qui faisaient la renommée du lieu. Ce fut le cas à Mulhouse dans la première moitié du XVIIIe siècle, où, devant l’arsenal, se trouvait un imposant tilleul dans la couronne duquel étaient disposées une vingtaine de tables. Deux tilleuls analogues se trouvaient à Strasbourg, l’un, der grüne Baum, au Schießrain – actuellement parc du Contades – abattu en 1793, l’autre à la Robertsau (die Robertsauer Linde), dans la frondaison duquel était installée une piste de danse. L’Alsace semble avoir était particulièrement riche de ces tilleuls, dits Gesellschaftslinden.

La fréquence du tilleul sur les places publiques n’est probablement pas due à ses seules qualités floristiques et esthétiques. Selon d’anciennes traditions remontant souvent au Moyen Âge, notamment les coutumes, la justice était souvent rendue en plein air. Quelques exemples tirés des Weistümer mentionnent des tilleuls comme lieux de justice. Juges, assesseurs et plaideurs se réunissaient sous la Gerichtslinde. Ainsi, en 1258, le plaid d’Altorf se tenait sous un tilleul, sub tilia. D’après un coutumier domanial d’Eckartswiller, de 1413, le Meyer du couvent de Saint-Jean et ses assesseurs devaient se rendre le jour de la Saint-Etienne sous le tilleul du village et y tenir le plaid. Une situation analogue est rapportée par la coutume de Mollkirch. Les infractions aux règles de navigation sur l’Andlau-Schiffgraben étaient jugées par le Hofmann d’Andlau, sous la Gerichtslinde de Zellwiller. D’autres de ces tilleuls, parfois aussi appelés Schwurlinden, sont signalés à Altdorf, Eckartswiller, Gewenheim, Obersultzbach, Olwisheim, Schwabwiller.

Bibliographie

SILBERMANN (Andreas), Beschreibung von Hohenburg, 1781.

HERMANN, Notices historiques et statistiques… (Voir sous «Promenades…»)

KIRSCHLEGER (Frédéric),Flore d’Alsace et des contrées limitrophes, Strasbourg – Paris, 1852, p. 126-126

GRIMM (Jacob ù. Wilhelm),Deutsches Wörterbuch, Leipzig, 1854.

PITON, t. II, 2e partie, p. 6 : Contades

BAQUOL (Jacques), RISTELHUBER (Paul), Dictionnaire du Haut et du Bas-Rhin, Strasbourg, 1865, p. 315, 332, 546, 599.

LESSEL, Naturdenkmäler in Elsass-Lothringen, Strassburg, 1912

PFLEGER (Alfred), « Unsere Dorflinden », Elsassland, Lothringer Heimat, t. XI, 1931, p. 129-134 et p. 171-177.

KOLLNIG (Karl Rudolf), Elsässische Weistümer, Frankfurt, 1941, p. 118-119.

OHL DES MARAIS (Albert), « Le culte des arbres dans la région vosgienne », Bulletin de la Société Philomathique des Vosges, 1947, p 101-140 (BNU A500228).

GRIMM (Jacob), Weisthümer, Berlin, 1957, t. I, p. 691, 695 ; t. IV, p. 76 ; t. V., p. 365, 469, 478.

KIEFFER (A), « Les arbres de nos régions, le tilleul », Les Vosges, 1985/4.

Notices connexes

Andlau (riv.)

Coutume

Jean-Marie Holderbach