Dorfgericht : Différence entre versions

De DHIALSACE
Aller à : navigation, rechercher
(Une révision intermédiaire par le même utilisateur non affichée)
Ligne 1 : Ligne 1 :
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Conseil municipal, Conseil de communauté, ''Gericht'', ''Rat'', Tribunal de village</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">D’abord émanation du pouvoir seigneurial, le conseil de communauté devient, à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne, l’organe de décision délibérant et agissant en corps au nom de la communauté d’habitants.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Dans une province de forte tradition communautaire comme l’Alsace, le ''Gericht'' peut donc être considéré comme une forme d’émanation et de délégation de l’assemblée des habitants. Certains d’entre eux sont très anciens, comme celui de Geudertheim (1497) qui fournit l’un des exemples les plus précoces d’une communauté de village ou ''universitas''. Théoriquement renouvelé tous les ans (parfois tous les trois ans comme à Ittenheim-Handschuheim), il obéit à un mode de recrutement fort variable selon les cas, puisque ses membres – jurés, échevins, ''Geschworene'', ''Schöffen'' – sont tantôt nommés par le seigneur, tantôt élus par la communauté, tantôt cooptés par les membres sortants, ce qui, dans ce dernier cas, permet d’instaurer une certaine rotation dans l’exercice des responsabilités locales. Lors de sa mise en place ([[Aussatz|Aussatz]]), les échevins sont appelés à prêter serment et les statuts du village (''[[Dorfordnung|Dorfordnung]]'') sont lus publiquement au cours de cette première séance. Le ''Gericht'' se réunit, au son de la cloche, trois ou quatre fois par an, à la [[Gemeindestube|''Gemeinstube'']] sur convocation du ''Weibel''.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Ses attributions sont à la fois d’ordre administratif et judiciaire. Dans son acception administrative, cette institution remonte aux premiers établissements germaniques en Alsace. Les échevins édictent des règlements et délibèrent essentiellement sur des questions relatives au respect de l’ordre public (''Dorffrieden'') et à l’organisation du terroir (droits et servitudes, gestion des biens communaux, [[Allmend(e)|''Allmende'']] et, éventuellement des ''Markgenossenschaften''), même si la tenue régulière de procès-verbaux n’apparaît que tardivement. Sur le plan judiciaire, le ''Gericht'' fait fonction de tribunal de simple police, statuant en basse justice au civil et au criminel&nbsp;: la dénomination d’''Urteilsprecher'', que la''Dorfordnung'' de Habsheim attribue aux échevins, parle d’elle-même. Le droit ainsi promulgué se différencie de celui de la justice colongère, dite [[Hofrecht|''Hofrecht'']], qui émane d’une seigneurie plus foncière que territoriale et dont témoignent les coutumiers ou [[Weistum|''Weistümer'']]. Mais le fait que les deux institutions soient différentes par essence ne signifie pas que le ''Gericht'' ne puisse pas bénéficier de l’expérience acquise par les cours colongères.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">L’appel des décisions du ''Gericht'' se fait auprès du seigneur du lieu représenté par le bailli (''Vogt'') ou, pour les villages impériaux, auprès du ''Landvogt&nbsp;''qui sont les autorités de tutelle de la communauté. Voilà qui pose le problème de la plus ou moins grande dépendance de cette dernière à l’égard du seigneur. En effet, deux influences contradictoires s’exercent à l’administration villageoise&nbsp;: celle du seigneur s’imposant de toute ancienneté et celle d’une communauté défendant de plus en plus vigoureusement son autonomie, entre le XVI<sup>e</sup> et le XVIII<sup>e</sup> siècle, et qui prend garde, dès lors qu’elle échappe à l’emprise seigneuriale, de ne pas tomber sous la dépendance d’un intendant centralisateur, toujours prêt à profiter de la situation financière désastreuse des communautés. En principe, aucune décision ne peut être prise sans l’assentiment du seigneur, mais ce dernier, rarement présent aux réunions du ''Gericht'', se désengage peu à peu de la vie communale, renforçant du fait même la personnalité juridique du conseil de communauté et laissant libre cours à son émancipation progressive, engagée dans les villes dès le XIII<sup>e</sup> siècle et fondement de l’autogestion communale. Même si la consolidation de la communauté rurale, dans l’espace germanique, remonte aux XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles, c’est lors de la constitution des principautés territoriales et de l’avènement des Etats modernes que l’institution seigneuriale se trouve peu à peu phagocytée par le pouvoir communal&nbsp;: c’est donc entre le XVI<sup>e</sup> et le XVIII<sup>e</sup> siècle que l’antique tribunal seigneurial finit de se muer en conseil de communauté plus ou moins autonome.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Présidé par le prévôt, ''Schultheiss'' ou ''Stabhalter'', le ''Gericht'' est composé de 3 à 11 membres (exceptionnellement de 11 à 13 à Vendenheim, Geudertheim, Ittenheim-Handschuheim et de 16 dans le Val d’Orbey) qualifiés de «&nbsp;jurés&nbsp;» (''Geschworene'' ou ''Gerichtsschöffen'', encore que la ''Dorfordnung'' de Meistratzheim fasse la distinction entre les deux (ABR 8 E 286/1, 1555-1788) ) et dont certains revêtent des fonctions bien définies&nbsp;: tel est le cas du ''Heimburger'', [[Bürgermeister|Bürgermeister]] ou ''Gewerfer'', receveur des deniers communaux. A Blienschwiller (D''orfordnung'' de 1468), ce dernier fait figure de véritable chef du village en l’absence du ''Reichschultheiss'' (parfois qualifié d’''Oberheimburger''). Comme à Kirrwiller (''Dorfordnung ''de 1495), où il agit conjointement avec le [[Dorfvogt|''Dorfvogt'']], ce personnage est aussi proche des habitants que le ''Schultheiss'' est lié au seigneur. Il faut attendre le règlement du 12 décembre 1787, qui met en place les municipalités là où il n’en existe pas encore, pour assister à une relative uniformisation de la règle&nbsp;: 3 échevins si la population n’atteint pas 100 feux, 6 si elle se situe entre 100 et 200 feux et 9 si elle dépasse 200 feux.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">En dépit des apparences, l’institution revêt une réalité plus oligarchique que démocratique, puisque ses membres se recrutent dans des familles de notables, parfois liées entre elles par des alliances matrimoniales, et que les charges se transmettent souvent de père en fils. Par ailleurs, le système censitaire qui est en usage en cas d’élection – 10 livres d’imposition pour être électeur, 30 pour être élu – conduit à une concentration du pouvoir, essentiellement sur le critère du patrimoine, entre les mains d’une minorité – «&nbsp;sanior pars&nbsp;»&nbsp;? – qui fait la loi. Loin de la «&nbsp;république au village&nbsp;», le ''Gericht'' contribue à aggraver la discrimination sociale à l’échelle de la communauté rurale. Il n’en reste pas moins que l’ébauche d’un système représentatif, si imparfait soit-il, illustre le renforcement de la communauté d’habitants.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le ''Gericht'' se trouve parfois flanqué d’un corps de 2 à 4 élus, l’[[Ausschuss|Ausschuss]], qui est chargé de sa surveillance. Comme le montre l’exemple de Meistratzheim au XVII<sup>e</sup> siècle, évoluent également en marge du ''Gericht'', les''Bannwarten'' (3), les ''Weinsticher'' (2), les ''Fürsprecher'' (2-4), les ''Siebener'' (4) et les ''Fünfzehn Mann'' (3-4), enfin le ''Weibel'' ou ''Gerichtsbott'', sergent de la communauté.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Après le rattachement à la France, cette forme d’administration est jugée peu conforme aux principes de la monarchie absolue. Aussi de nombreux arrêts du Conseil souverain d’Alsace ainsi que les ordonnances successives de l’intendant visent-ils à y mettre fin, jugeant le ''Gericht'' incompétent dès lors que les justices seigneuriales se trouvent pourvues de juges gradués (De Boug, ''Ordonnances d’Alsace'', t. I, p. 424-425&nbsp;: arrêté du 5 juillet 1713 qui supprime le ''Gericht'' de Hegenheim). Après avoir été une émanation de l’autorité seigneuriale, on verrait bien le''Gericht ''devenir, en tant que relais du pouvoir central, l’instrument de la centralisation monarchique. Mais la communauté rurale fait preuve d’une certaine résistance à une telle mainmise&nbsp;; tout en jouant, pour le roi comme pour le seigneur, le rôle de support fiscal, elle lève ses propres taxes. L’institution survit dans sa forme primitive jusqu’à la Révolution (loi sur les municipalités du 14 décembre 1789), comme en témoignent les comptes communaux et les cahiers de doléances, et préfigure la création, par la réforme administrative de 1800, des conseils municipaux, souvent composés des mêmes hommes, au lendemain d’une guerre intestine entre les anciens dirigeants de la communauté et les syndics révolutionnaires.</p>
+
 
== <span style="font-size:x-large;">Bibliographie</span> ==
+
Conseil municipal, Conseil de communauté, ''Gericht'', ''Rat'', Tribunal de village
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">'''<span style="font-size:larger;">Ouvrages et articles d’intérêt général&nbsp;:</span>'''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">MAURER (Georg Ludwig), ''Geschichte der Dorfverfassung in Deutschland'', 2 Bde., Erlangen, 1865-1866.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">STEINBACH (Franz), «&nbsp;Geschichtliche Grundlagen der Kommunalen Selbstverwaltung&nbsp;», ''Rheinisches Archiv'', 20, 1932, p. 7-114.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">HARTUNG (Fritz), ''Deutsche Verfassungsgeschichte vom 15. Jahrhundert bis zur Gegenwart'', Stuttgart, 1959.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">QUIRIN (Karl), ''Herrschaft und Gemeinde nach mitteldeutschen Quellen des 12. Bis 18. Jahrhunderts'', Goettingen, 1952.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BADER (Karl Siegfried), “Das mittelalterliche Dorf als Friedens- und Rechtsbereich, Weimar, 1957; “Dorf und Dorfgemeinde in der Sicht der Rechtshistoriker”, ''Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte'', 46, 1959, p. 85-90 et Zeitschrift für Agrargeschichte und Agrarsoziologie, 1964, p. 10-20.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">ASSION (Peter), “Dörfliche Rechtsorganisation nach dem 30jährigen Krieg”, ''Pfälzer Heimat'', 1976, p. 130-134.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BLICKLE (Peter), «&nbsp;Les communautés villageoises en Allemagne&nbsp;», ''Les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Âge aux Temps modernes'', IVèmes Journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, Actes, Auch, 1984, p. 131-139.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">GANGHOFER (Roland), «&nbsp;Les communautés rurales en Europe occidentale et centrale (non méridionale) depuis le Moyen Âge. Rapport général&nbsp;», ''Les communautés rurales. Rural Communities, Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions'', Actes, t. XLIII, Paris, 1984, p. 39-64.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">GUTTON (Jean-Pierre), «&nbsp;Les communautés villageoises de la France septentrionale aux Temps modernes&nbsp;», ''Les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Âge aux Temps modernes'', op. cit., Actes, Auch, 1984, p. 169-180.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">WUNDER (Heide), ''Die bäuerliche Gemeinde in Deutschland'', Goettingen, 1986, p. 93-94.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">RÖSENER (Werner), “Agrarwirtschaft und Agrarverfassung und ländliche Gesellschaft im Mittelalter”, ''Enzyklopädie der deutschen Geschichte'', München, 1992, Bd. 13 et “Grundherrschaft und bäuerliche Gesellschaft im Hochmittelalter”, communication au colloque de Goettingen, 1992.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">'''<span style="font-size:larger;">Ouvrages et articles concernant plus spécialement l’Alsace&nbsp;:</span>'''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">VERON-REVILLE (Armand Antoine), ''Etat sur les anciennes juridictions d’Alsace'', Colmar, 1857, p. 132-141.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">HOFFMANN (Charles), ''La Haute-Alsace à la veille de la Révolution, Livre I&nbsp;: La Haute-Alsace durant l’administration provinciale'', Colmar, 1899, p. 63-203 et&nbsp;» Les premières municipalités de la Haute-Alsace&nbsp;»,''RA'', 1900, p. 341-385.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">WACKER (Eugen), «&nbsp;Die Habsheimer Dorfordnung&nbsp;», ''Jahrbuch des Sundgauverein'', Bd.&nbsp;VIII-X, 1940-1942, p. 16-19.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">DUBLED (Henri), ''Seigneur et communauté en Alsace du XI<sup>e</sup> au XV<sup>e</sup> siècle'', thèse dactyl., Strasbourg, 1957&nbsp;; «&nbsp;Ville et village en Alsace au Moyen Âge. Essai de définition, critère de distinction&nbsp;», ''La Bourgeoisie alsacienne'', Strasbourg, 1954, p. 57-69&nbsp;; «&nbsp;Grundherrschaft und Dorfgerichtbarkeit im Elsass vom 13. bis zum 15. Jahrhundert und ihr Verhältnis zu einander&nbsp;», ''Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters'', 17, 1961, p. 518-526&nbsp;; «&nbsp;La communauté de village en Alsace au XIII<sup>e</sup> siècle&nbsp;», ''Revue d’histoire économique et sociale'', t. 41, 1963/1, p. 5-33.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">MARX (Roland), ''Recherches sur la vie politique de l’Alsace prérévolutionnaire et révolutionnaire'', Strasbourg, 1966, p. 7-40.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">FELLER-VEST (Veronika), ''Die Herren von Hattstatt. Rechtliche, wirtschaftliche und Kulturgeschichtliche Aspekte einer Adelherrschaft (13. Bis 16. Jahrhundert)'', Francfort-sur-le-Main, 1982, p. 193.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">RAPP (Francis), «&nbsp;Du domaine à l’Etat&nbsp;: les avatars de la société rurale&nbsp;», ''Histoire de l’Alsace rurale'' (dir. J-M. Boehler, D. Lerch, J. Vogt), Strasbourg, 1983, p. 91.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">SCHWENGLER (Raymond), «&nbsp;Les municipalités dans le secteur de Lauterbourg à la veille de la Révolution française&nbsp;», ''Outre-Forêt'', 43/III, 1983, p. 19-23.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">GANGHOFER (Roland), «&nbsp;Aspects des communautés rurales en Alsace du XIII<sup>e</sup> au XX<sup>e</sup> siècle&nbsp;», ''Les communautés rurales. Rural Communities'', op. cit., Actes, t. XLIII, Paris, 1984, p. 433-458.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BOEHLER (Jean-Michel), ''La paysannerie de la plaine d’Alsace (1648-1789)'', 3 vol., Strasbourg, 1994, t. II, p. 1260-1302.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BISCHOFF (Georges), BOEHLER (Jean-Michel), «&nbsp;Un village à la fin du Moyen Âge et au début des Temps modernes. La Dorfordnung de Blienschwiller&nbsp;», ''Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach-Barr-Obernai'', 37, 2003, p. 13-33.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BOEHLER (Jean-Michel), «&nbsp;La démocratie rurale en marche&nbsp;: quelques élections municipales en pays de Hanau à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle. Apports et déconvenues d’une piste de recherche&nbsp;», ''Mélanges offerts à Henri Heitz, Pays d’Alsace'', 207a, 2004, p. 167-176.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BISCHOFF (Georges), ''La Guerre des Paysans. L’Alsace et la Révolution du Bundschuh (1493-1525)'', Strasbourg, 2010, p. 305-306.</p>
+
 
== <span style="font-size:x-large;">Notices connexes</span> ==
+
D’abord émanation du pouvoir seigneurial, le conseil de communauté devient, à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne, l’organe de décision délibérant et agissant en corps au nom de la communauté d’habitants.
<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Assemblée|Assemblée de communauté]]/''Dorfversammlung''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Communauté_rurale,_communauté_d'habitants|Communauté rurale]]/[[Dorfgemeinde|Dorfgemeinde]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Commune|Commune]]/''[[Gemeinde|Gemeinde]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Coutume]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Dorfbuch|Dorfbuch]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Dorfordnung|Dorfordnung]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Echevin|Echevin]]/''[[Geschworene(r)|Geschworene(r)]]''/''[[Schöffe|Schöffe]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Heimburger|Heimburger]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Prévôt|Prévôt]]/''[[Schultheiss|Schultheiss]]''/''[[Stabhalter|Stabhalter]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Syndic|Syndic]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Village|Village]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right;">'''Jean-Michel Boehler''' et '''Marcel Thomann'''</p>   
+
 
[[Category:D]] [[Category:Communautés rurales]] [[Category:Etat-pouvoir]] [[Category:Institutions seigneuriales]] [[Category:Justice]]
+
Dans une province de forte tradition communautaire comme l’Alsace, le ''Gericht'' peut donc être considéré comme une forme d’émanation et de délégation de l’assemblée des habitants. Certains d’entre eux sont très anciens, comme celui de Geudertheim (1497) qui fournit l’un des exemples les plus précoces d’une communauté de village ou ''universitas''. Théoriquement renouvelé tous les ans (parfois tous les trois ans comme à Ittenheim-Handschuheim), il obéit à un mode de recrutement fort variable selon les cas, puisque ses membres – jurés, échevins, ''Geschworene'', ''Schöffen'' – sont tantôt nommés par le seigneur, tantôt élus par la communauté, tantôt cooptés par les membres sortants, ce qui, dans ce dernier cas, permet d’instaurer une certaine rotation dans l’exercice des responsabilités locales. Lors de sa mise en place ([[Aussatz|Aussatz]]), les échevins sont appelés à prêter serment et les statuts du village (''[[Dorfordnung|Dorfordnung]]'') sont lus publiquement au cours de cette première séance. Le ''Gericht'' se réunit, au son de la cloche, trois ou quatre fois par an, à la [[Gemeindestube|''Gemeinstube'']] sur convocation du ''Weibel''.
 +
 
 +
Ses attributions sont à la fois d’ordre administratif et judiciaire. Dans son acception administrative, cette institution remonte aux premiers établissements germaniques en Alsace. Les échevins édictent des règlements et délibèrent essentiellement sur des questions relatives au respect de l’ordre public (''Dorffrieden'') et à l’organisation du terroir (droits et servitudes, gestion des biens communaux, [[Allmend(e)|''Allmende'']] et, éventuellement des ''Markgenossenschaften''), même si la tenue régulière de procès-verbaux n’apparaît que tardivement. Sur le plan judiciaire, le ''Gericht'' fait fonction de tribunal de simple police, statuant en basse justice au civil et au criminel&nbsp;: la dénomination d’''Urteilsprecher'', que la''Dorfordnung'' de Habsheim attribue aux échevins, parle d’elle-même. Le droit ainsi promulgué se différencie de celui de la justice colongère, dite [[Hofrecht|''Hofrecht'']], qui émane d’une seigneurie plus foncière que territoriale et dont témoignent les coutumiers ou [[Weistum|''Weistümer'']]. Mais le fait que les deux institutions soient différentes par essence ne signifie pas que le ''Gericht'' ne puisse pas bénéficier de l’expérience acquise par les cours colongères.
 +
 
 +
L’appel des décisions du ''Gericht'' se fait auprès du seigneur du lieu représenté par le bailli (''Vogt'') ou, pour les villages impériaux, auprès du ''Landvogt&nbsp;''qui sont les autorités de tutelle de la communauté. Voilà qui pose le problème de la plus ou moins grande dépendance de cette dernière à l’égard du seigneur. En effet, deux influences contradictoires s’exercent à l’administration villageoise&nbsp;: celle du seigneur s’imposant de toute ancienneté et celle d’une communauté défendant de plus en plus vigoureusement son autonomie, entre le XVI<sup>e</sup> et le XVIII<sup>e</sup> siècle, et qui prend garde, dès lors qu’elle échappe à l’emprise seigneuriale, de ne pas tomber sous la dépendance d’un intendant centralisateur, toujours prêt à profiter de la situation financière désastreuse des communautés. En principe, aucune décision ne peut être prise sans l’assentiment du seigneur, mais ce dernier, rarement présent aux réunions du ''Gericht'', se désengage peu à peu de la vie communale, renforçant du fait même la personnalité juridique du conseil de communauté et laissant libre cours à son émancipation progressive, engagée dans les villes dès le XIII<sup>e</sup> siècle et fondement de l’autogestion communale. Même si la consolidation de la communauté rurale, dans l’espace germanique, remonte aux XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles, c’est lors de la constitution des principautés territoriales et de l’avènement des Etats modernes que l’institution seigneuriale se trouve peu à peu phagocytée par le pouvoir communal&nbsp;: c’est donc entre le XVI<sup>e</sup> et le XVIII<sup>e</sup> siècle que l’antique tribunal seigneurial finit de se muer en conseil de communauté plus ou moins autonome.
 +
 
 +
Présidé par le prévôt, ''Schultheiss'' ou ''Stabhalter'', le ''Gericht'' est composé de 3 à 11 membres (exceptionnellement de 11 à 13 à Vendenheim, Geudertheim, Ittenheim-Handschuheim et de 16 dans le Val d’Orbey) qualifiés de «&nbsp;jurés&nbsp;» (''Geschworene'' ou ''Gerichtsschöffen'', encore que la ''Dorfordnung'' de Meistratzheim fasse la distinction entre les deux (ABR 8 E 286/1, 1555-1788) ) et dont certains revêtent des fonctions bien définies&nbsp;: tel est le cas du ''Heimburger'', [[Bürgermeister|Bürgermeister]] ou ''Gewerfer'', receveur des deniers communaux. A Blienschwiller (D''orfordnung'' de 1468), ce dernier fait figure de véritable chef du village en l’absence du ''Reichschultheiss'' (parfois qualifié d’''Oberheimburger''). Comme à Kirrwiller (''Dorfordnung ''de 1495), où il agit conjointement avec le [[Dorfvogt|''Dorfvogt'']], ce personnage est aussi proche des habitants que le ''Schultheiss'' est lié au seigneur. Il faut attendre le règlement du 12 décembre 1787, qui met en place les municipalités là où il n’en existe pas encore, pour assister à une relative uniformisation de la règle&nbsp;: 3 échevins si la population n’atteint pas 100 feux, 6 si elle se situe entre 100 et 200 feux et 9 si elle dépasse 200 feux.
 +
 
 +
En dépit des apparences, l’institution revêt une réalité plus oligarchique que démocratique, puisque ses membres se recrutent dans des familles de notables, parfois liées entre elles par des alliances matrimoniales, et que les charges se transmettent souvent de père en fils. Par ailleurs, le système censitaire qui est en usage en cas d’élection – 10 livres d’imposition pour être électeur, 30 pour être élu – conduit à une concentration du pouvoir, essentiellement sur le critère du patrimoine, entre les mains d’une minorité – «&nbsp;sanior pars&nbsp;»&nbsp;? – qui fait la loi. Loin de la «&nbsp;république au village&nbsp;», le ''Gericht'' contribue à aggraver la discrimination sociale à l’échelle de la communauté rurale. Il n’en reste pas moins que l’ébauche d’un système représentatif, si imparfait soit-il, illustre le renforcement de la communauté d’habitants.
 +
 
 +
Le ''Gericht'' se trouve parfois flanqué d’un corps de 2 à 4 élus, l’[[Ausschuss|Ausschuss]], qui est chargé de sa surveillance. Comme le montre l’exemple de Meistratzheim au XVII<sup>e</sup> siècle, évoluent également en marge du ''Gericht'', les''Bannwarten'' (3), les ''Weinsticher'' (2), les ''Fürsprecher'' (2-4), les ''Siebener'' (4) et les ''Fünfzehn Mann'' (3-4), enfin le ''Weibel'' ou ''Gerichtsbott'', sergent de la communauté.
 +
 
 +
Après le rattachement à la France, cette forme d’administration est jugée peu conforme aux principes de la monarchie absolue. Aussi de nombreux arrêts du Conseil souverain d’Alsace ainsi que les ordonnances successives de l’intendant visent-ils à y mettre fin, jugeant le ''Gericht'' incompétent dès lors que les justices seigneuriales se trouvent pourvues de juges gradués (De Boug, ''Ordonnances d’Alsace'', t. I, p. 424-425&nbsp;: arrêté du 5 juillet 1713 qui supprime le ''Gericht'' de Hegenheim). Après avoir été une émanation de l’autorité seigneuriale, on verrait bien le''Gericht ''devenir, en tant que relais du pouvoir central, l’instrument de la centralisation monarchique. Mais la communauté rurale fait preuve d’une certaine résistance à une telle mainmise&nbsp;; tout en jouant, pour le roi comme pour le seigneur, le rôle de support fiscal, elle lève ses propres taxes. L’institution survit dans sa forme primitive jusqu’à la Révolution (loi sur les municipalités du 14 décembre 1789), comme en témoignent les comptes communaux et les cahiers de doléances, et préfigure la création, par la réforme administrative de 1800, des conseils municipaux, souvent composés des mêmes hommes, au lendemain d’une guerre intestine entre les anciens dirigeants de la communauté et les syndics révolutionnaires.
 +
 
 +
&nbsp;
 +
 
 +
== Bibliographie ==
 +
 
 +
'''Ouvrages et articles d’intérêt général&nbsp;:'''
 +
 
 +
MAURER (Georg Ludwig), ''Geschichte der Dorfverfassung in Deutschland'', 2 Bde., Erlangen, 1865-1866.
 +
 
 +
STEINBACH (Franz), «&nbsp;Geschichtliche Grundlagen der Kommunalen Selbstverwaltung&nbsp;», ''Rheinisches Archiv'', 20, 1932, p. 7-114.
 +
 
 +
HARTUNG (Fritz), ''Deutsche Verfassungsgeschichte vom 15. Jahrhundert bis zur Gegenwart'', Stuttgart, 1959.
 +
 
 +
QUIRIN (Karl), ''Herrschaft und Gemeinde nach mitteldeutschen Quellen des 12. Bis 18. Jahrhunderts'', Goettingen, 1952.
 +
 
 +
BADER (Karl Siegfried), “Das mittelalterliche Dorf als Friedens- und Rechtsbereich, Weimar, 1957; “Dorf und Dorfgemeinde in der Sicht der Rechtshistoriker”, ''Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte'', 46, 1959, p. 85-90 et Zeitschrift für Agrargeschichte und Agrarsoziologie, 1964, p. 10-20.
 +
 
 +
ASSION (Peter), “Dörfliche Rechtsorganisation nach dem 30jährigen Krieg”, ''Pfälzer Heimat'', 1976, p. 130-134.
 +
 
 +
BLICKLE (Peter), «&nbsp;Les communautés villageoises en Allemagne&nbsp;», ''Les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Âge aux Temps modernes'', IVèmes Journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, Actes, Auch, 1984, p. 131-139.
 +
 
 +
GANGHOFER (Roland), «&nbsp;Les communautés rurales en Europe occidentale et centrale (non méridionale) depuis le Moyen Âge. Rapport général&nbsp;», ''Les communautés rurales. Rural Communities, Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions'', Actes, t. XLIII, Paris, 1984, p. 39-64.
 +
 
 +
GUTTON (Jean-Pierre), «&nbsp;Les communautés villageoises de la France septentrionale aux Temps modernes&nbsp;», ''Les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Âge aux Temps modernes'', op. cit., Actes, Auch, 1984, p. 169-180.
 +
 
 +
WUNDER (Heide), ''Die bäuerliche Gemeinde in Deutschland'', Goettingen, 1986, p. 93-94.
 +
 
 +
RÖSENER (Werner), “Agrarwirtschaft und Agrarverfassung und ländliche Gesellschaft im Mittelalter”, ''Enzyklopädie der deutschen Geschichte'', München, 1992, Bd. 13 et “Grundherrschaft und bäuerliche Gesellschaft im Hochmittelalter”, communication au colloque de Goettingen, 1992.
 +
 
 +
<span style="font-size:medium">'''Ouvrages et articles concernant plus spécialement l’Alsace&nbsp;:'''</span>
 +
 
 +
VERON-REVILLE (Armand Antoine), ''Etat sur les anciennes juridictions d’Alsace'', Colmar, 1857, p. 132-141.
 +
 
 +
HOFFMANN (Charles), ''La Haute-Alsace à la veille de la Révolution, Livre I&nbsp;: La Haute-Alsace durant l’administration provinciale'', Colmar, 1899, p. 63-203 et&nbsp;» Les premières municipalités de la Haute-Alsace&nbsp;»,''RA'', 1900, p. 341-385.
 +
 
 +
WACKER (Eugen), «&nbsp;Die Habsheimer Dorfordnung&nbsp;», ''Jahrbuch des Sundgauverein'', Bd.&nbsp;VIII-X, 1940-1942, p. 16-19.
 +
 
 +
DUBLED (Henri), ''Seigneur et communauté en Alsace du XI<sup>e</sup> au XV<sup>e</sup> siècle'', thèse dactyl., Strasbourg, 1957&nbsp;; «&nbsp;Ville et village en Alsace au Moyen Âge. Essai de définition, critère de distinction&nbsp;», ''La Bourgeoisie alsacienne'', Strasbourg, 1954, p. 57-69&nbsp;; «&nbsp;Grundherrschaft und Dorfgerichtbarkeit im Elsass vom 13. bis zum 15. Jahrhundert und ihr Verhältnis zu einander&nbsp;», ''Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters'', 17, 1961, p. 518-526&nbsp;; «&nbsp;La communauté de village en Alsace au XIII<sup>e</sup> siècle&nbsp;», ''Revue d’histoire économique et sociale'', t. 41, 1963/1, p. 5-33.
 +
 
 +
MARX (Roland), ''Recherches sur la vie politique de l’Alsace prérévolutionnaire et révolutionnaire'', Strasbourg, 1966, p. 7-40.
 +
 
 +
FELLER-VEST (Veronika), ''Die Herren von Hattstatt. Rechtliche, wirtschaftliche und Kulturgeschichtliche Aspekte einer Adelherrschaft (13. Bis 16. Jahrhundert)'', Francfort-sur-le-Main, 1982, p. 193.
 +
 
 +
RAPP (Francis), «&nbsp;Du domaine à l’Etat&nbsp;: les avatars de la société rurale&nbsp;», ''Histoire de l’Alsace rurale'' (dir. J-M. Boehler, D. Lerch, J. Vogt), Strasbourg, 1983, p. 91.
 +
 
 +
SCHWENGLER (Raymond), «&nbsp;Les municipalités dans le secteur de Lauterbourg à la veille de la Révolution française&nbsp;», ''Outre-Forêt'', 43/III, 1983, p. 19-23.
 +
 
 +
GANGHOFER (Roland), «&nbsp;Aspects des communautés rurales en Alsace du XIII<sup>e</sup> au XX<sup>e</sup> siècle&nbsp;», ''Les communautés rurales. Rural Communities'', op. cit., Actes, t. XLIII, Paris, 1984, p. 433-458.
 +
 
 +
BOEHLER (Jean-Michel), ''La paysannerie de la plaine d’Alsace (1648-1789)'', 3 vol., Strasbourg, 1994, t. II, p. 1260-1302.
 +
 
 +
BISCHOFF (Georges), BOEHLER (Jean-Michel), «&nbsp;Un village à la fin du Moyen Âge et au début des Temps modernes. La Dorfordnung de Blienschwiller&nbsp;», ''Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach-Barr-Obernai'', 37, 2003, p. 13-33.
 +
 
 +
BOEHLER (Jean-Michel), «&nbsp;La démocratie rurale en marche&nbsp;: quelques élections municipales en pays de Hanau à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle. Apports et déconvenues d’une piste de recherche&nbsp;», ''Mélanges offerts à Henri Heitz, Pays d’Alsace'', 207a, 2004, p. 167-176.
 +
 
 +
BISCHOFF (Georges), ''La Guerre des Paysans. L’Alsace et la Révolution du Bundschuh (1493-1525)'', Strasbourg, 2010, p. 305-306.
 +
 
 +
== Notices connexes ==
 +
 
 +
[[Assemblée|Assemblée de communauté]]/''Dorfversammlung''
 +
 
 +
[[Communauté_rurale,_communauté_d'habitants|Communauté rurale]]/[[Dorfgemeinde|Dorfgemeinde]]
 +
 
 +
[[Commune|Commune]]/''[[Gemeinde|Gemeinde]]''
 +
 
 +
[[Coutume|Coutume]]
 +
 
 +
''[[Dorfbuch|Dorfbuch]]''
 +
 
 +
''[[Dorfordnung|Dorfordnung]]''
 +
 
 +
[[Echevin|Echevin]]/''[[Geschworene(r)|Geschworene(r)]]''/''[[Schöffe|Schöffe]]''
 +
 
 +
''[[Heimburger|Heimburger]]''
 +
 
 +
[[Prévôt|Prévôt]]/''[[Schultheiss|Schultheiss]]''/''[[Stabhalter|Stabhalter]]''
 +
 
 +
[[Syndic|Syndic]]
 +
 
 +
[[Village|Village]]
 +
<p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Jean-Michel Boehler''' et '''Marcel Thomann'''</p>   
 +
[[Category:D]]

Version du 4 février 2021 à 10:05

Conseil municipal, Conseil de communauté, Gericht, Rat, Tribunal de village

D’abord émanation du pouvoir seigneurial, le conseil de communauté devient, à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne, l’organe de décision délibérant et agissant en corps au nom de la communauté d’habitants.

Dans une province de forte tradition communautaire comme l’Alsace, le Gericht peut donc être considéré comme une forme d’émanation et de délégation de l’assemblée des habitants. Certains d’entre eux sont très anciens, comme celui de Geudertheim (1497) qui fournit l’un des exemples les plus précoces d’une communauté de village ou universitas. Théoriquement renouvelé tous les ans (parfois tous les trois ans comme à Ittenheim-Handschuheim), il obéit à un mode de recrutement fort variable selon les cas, puisque ses membres – jurés, échevins, Geschworene, Schöffen – sont tantôt nommés par le seigneur, tantôt élus par la communauté, tantôt cooptés par les membres sortants, ce qui, dans ce dernier cas, permet d’instaurer une certaine rotation dans l’exercice des responsabilités locales. Lors de sa mise en place (Aussatz), les échevins sont appelés à prêter serment et les statuts du village (Dorfordnung) sont lus publiquement au cours de cette première séance. Le Gericht se réunit, au son de la cloche, trois ou quatre fois par an, à la Gemeinstube sur convocation du Weibel.

Ses attributions sont à la fois d’ordre administratif et judiciaire. Dans son acception administrative, cette institution remonte aux premiers établissements germaniques en Alsace. Les échevins édictent des règlements et délibèrent essentiellement sur des questions relatives au respect de l’ordre public (Dorffrieden) et à l’organisation du terroir (droits et servitudes, gestion des biens communaux, Allmende et, éventuellement des Markgenossenschaften), même si la tenue régulière de procès-verbaux n’apparaît que tardivement. Sur le plan judiciaire, le Gericht fait fonction de tribunal de simple police, statuant en basse justice au civil et au criminel : la dénomination d’Urteilsprecher, que laDorfordnung de Habsheim attribue aux échevins, parle d’elle-même. Le droit ainsi promulgué se différencie de celui de la justice colongère, dite Hofrecht, qui émane d’une seigneurie plus foncière que territoriale et dont témoignent les coutumiers ou Weistümer. Mais le fait que les deux institutions soient différentes par essence ne signifie pas que le Gericht ne puisse pas bénéficier de l’expérience acquise par les cours colongères.

L’appel des décisions du Gericht se fait auprès du seigneur du lieu représenté par le bailli (Vogt) ou, pour les villages impériaux, auprès du Landvogt qui sont les autorités de tutelle de la communauté. Voilà qui pose le problème de la plus ou moins grande dépendance de cette dernière à l’égard du seigneur. En effet, deux influences contradictoires s’exercent à l’administration villageoise : celle du seigneur s’imposant de toute ancienneté et celle d’une communauté défendant de plus en plus vigoureusement son autonomie, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, et qui prend garde, dès lors qu’elle échappe à l’emprise seigneuriale, de ne pas tomber sous la dépendance d’un intendant centralisateur, toujours prêt à profiter de la situation financière désastreuse des communautés. En principe, aucune décision ne peut être prise sans l’assentiment du seigneur, mais ce dernier, rarement présent aux réunions du Gericht, se désengage peu à peu de la vie communale, renforçant du fait même la personnalité juridique du conseil de communauté et laissant libre cours à son émancipation progressive, engagée dans les villes dès le XIIIe siècle et fondement de l’autogestion communale. Même si la consolidation de la communauté rurale, dans l’espace germanique, remonte aux XIVe et XVe siècles, c’est lors de la constitution des principautés territoriales et de l’avènement des Etats modernes que l’institution seigneuriale se trouve peu à peu phagocytée par le pouvoir communal : c’est donc entre le XVIe et le XVIIIe siècle que l’antique tribunal seigneurial finit de se muer en conseil de communauté plus ou moins autonome.

Présidé par le prévôt, Schultheiss ou Stabhalter, le Gericht est composé de 3 à 11 membres (exceptionnellement de 11 à 13 à Vendenheim, Geudertheim, Ittenheim-Handschuheim et de 16 dans le Val d’Orbey) qualifiés de « jurés » (Geschworene ou Gerichtsschöffen, encore que la Dorfordnung de Meistratzheim fasse la distinction entre les deux (ABR 8 E 286/1, 1555-1788) ) et dont certains revêtent des fonctions bien définies : tel est le cas du Heimburger, Bürgermeister ou Gewerfer, receveur des deniers communaux. A Blienschwiller (Dorfordnung de 1468), ce dernier fait figure de véritable chef du village en l’absence du Reichschultheiss (parfois qualifié d’Oberheimburger). Comme à Kirrwiller (Dorfordnung de 1495), où il agit conjointement avec le Dorfvogt, ce personnage est aussi proche des habitants que le Schultheiss est lié au seigneur. Il faut attendre le règlement du 12 décembre 1787, qui met en place les municipalités là où il n’en existe pas encore, pour assister à une relative uniformisation de la règle : 3 échevins si la population n’atteint pas 100 feux, 6 si elle se situe entre 100 et 200 feux et 9 si elle dépasse 200 feux.

En dépit des apparences, l’institution revêt une réalité plus oligarchique que démocratique, puisque ses membres se recrutent dans des familles de notables, parfois liées entre elles par des alliances matrimoniales, et que les charges se transmettent souvent de père en fils. Par ailleurs, le système censitaire qui est en usage en cas d’élection – 10 livres d’imposition pour être électeur, 30 pour être élu – conduit à une concentration du pouvoir, essentiellement sur le critère du patrimoine, entre les mains d’une minorité – « sanior pars » ? – qui fait la loi. Loin de la « république au village », le Gericht contribue à aggraver la discrimination sociale à l’échelle de la communauté rurale. Il n’en reste pas moins que l’ébauche d’un système représentatif, si imparfait soit-il, illustre le renforcement de la communauté d’habitants.

Le Gericht se trouve parfois flanqué d’un corps de 2 à 4 élus, l’Ausschuss, qui est chargé de sa surveillance. Comme le montre l’exemple de Meistratzheim au XVIIe siècle, évoluent également en marge du Gericht, lesBannwarten (3), les Weinsticher (2), les Fürsprecher (2-4), les Siebener (4) et les Fünfzehn Mann (3-4), enfin le Weibel ou Gerichtsbott, sergent de la communauté.

Après le rattachement à la France, cette forme d’administration est jugée peu conforme aux principes de la monarchie absolue. Aussi de nombreux arrêts du Conseil souverain d’Alsace ainsi que les ordonnances successives de l’intendant visent-ils à y mettre fin, jugeant le Gericht incompétent dès lors que les justices seigneuriales se trouvent pourvues de juges gradués (De Boug, Ordonnances d’Alsace, t. I, p. 424-425 : arrêté du 5 juillet 1713 qui supprime le Gericht de Hegenheim). Après avoir été une émanation de l’autorité seigneuriale, on verrait bien leGericht devenir, en tant que relais du pouvoir central, l’instrument de la centralisation monarchique. Mais la communauté rurale fait preuve d’une certaine résistance à une telle mainmise ; tout en jouant, pour le roi comme pour le seigneur, le rôle de support fiscal, elle lève ses propres taxes. L’institution survit dans sa forme primitive jusqu’à la Révolution (loi sur les municipalités du 14 décembre 1789), comme en témoignent les comptes communaux et les cahiers de doléances, et préfigure la création, par la réforme administrative de 1800, des conseils municipaux, souvent composés des mêmes hommes, au lendemain d’une guerre intestine entre les anciens dirigeants de la communauté et les syndics révolutionnaires.

 

Bibliographie

Ouvrages et articles d’intérêt général :

MAURER (Georg Ludwig), Geschichte der Dorfverfassung in Deutschland, 2 Bde., Erlangen, 1865-1866.

STEINBACH (Franz), « Geschichtliche Grundlagen der Kommunalen Selbstverwaltung », Rheinisches Archiv, 20, 1932, p. 7-114.

HARTUNG (Fritz), Deutsche Verfassungsgeschichte vom 15. Jahrhundert bis zur Gegenwart, Stuttgart, 1959.

QUIRIN (Karl), Herrschaft und Gemeinde nach mitteldeutschen Quellen des 12. Bis 18. Jahrhunderts, Goettingen, 1952.

BADER (Karl Siegfried), “Das mittelalterliche Dorf als Friedens- und Rechtsbereich, Weimar, 1957; “Dorf und Dorfgemeinde in der Sicht der Rechtshistoriker”, Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, 46, 1959, p. 85-90 et Zeitschrift für Agrargeschichte und Agrarsoziologie, 1964, p. 10-20.

ASSION (Peter), “Dörfliche Rechtsorganisation nach dem 30jährigen Krieg”, Pfälzer Heimat, 1976, p. 130-134.

BLICKLE (Peter), « Les communautés villageoises en Allemagne », Les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Âge aux Temps modernes, IVèmes Journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, Actes, Auch, 1984, p. 131-139.

GANGHOFER (Roland), « Les communautés rurales en Europe occidentale et centrale (non méridionale) depuis le Moyen Âge. Rapport général », Les communautés rurales. Rural Communities, Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, Actes, t. XLIII, Paris, 1984, p. 39-64.

GUTTON (Jean-Pierre), « Les communautés villageoises de la France septentrionale aux Temps modernes », Les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Âge aux Temps modernes, op. cit., Actes, Auch, 1984, p. 169-180.

WUNDER (Heide), Die bäuerliche Gemeinde in Deutschland, Goettingen, 1986, p. 93-94.

RÖSENER (Werner), “Agrarwirtschaft und Agrarverfassung und ländliche Gesellschaft im Mittelalter”, Enzyklopädie der deutschen Geschichte, München, 1992, Bd. 13 et “Grundherrschaft und bäuerliche Gesellschaft im Hochmittelalter”, communication au colloque de Goettingen, 1992.

Ouvrages et articles concernant plus spécialement l’Alsace :

VERON-REVILLE (Armand Antoine), Etat sur les anciennes juridictions d’Alsace, Colmar, 1857, p. 132-141.

HOFFMANN (Charles), La Haute-Alsace à la veille de la Révolution, Livre I : La Haute-Alsace durant l’administration provinciale, Colmar, 1899, p. 63-203 et » Les premières municipalités de la Haute-Alsace »,RA, 1900, p. 341-385.

WACKER (Eugen), « Die Habsheimer Dorfordnung », Jahrbuch des Sundgauverein, Bd. VIII-X, 1940-1942, p. 16-19.

DUBLED (Henri), Seigneur et communauté en Alsace du XIe au XVe siècle, thèse dactyl., Strasbourg, 1957 ; « Ville et village en Alsace au Moyen Âge. Essai de définition, critère de distinction », La Bourgeoisie alsacienne, Strasbourg, 1954, p. 57-69 ; « Grundherrschaft und Dorfgerichtbarkeit im Elsass vom 13. bis zum 15. Jahrhundert und ihr Verhältnis zu einander », Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters, 17, 1961, p. 518-526 ; « La communauté de village en Alsace au XIIIe siècle », Revue d’histoire économique et sociale, t. 41, 1963/1, p. 5-33.

MARX (Roland), Recherches sur la vie politique de l’Alsace prérévolutionnaire et révolutionnaire, Strasbourg, 1966, p. 7-40.

FELLER-VEST (Veronika), Die Herren von Hattstatt. Rechtliche, wirtschaftliche und Kulturgeschichtliche Aspekte einer Adelherrschaft (13. Bis 16. Jahrhundert), Francfort-sur-le-Main, 1982, p. 193.

RAPP (Francis), « Du domaine à l’Etat : les avatars de la société rurale », Histoire de l’Alsace rurale (dir. J-M. Boehler, D. Lerch, J. Vogt), Strasbourg, 1983, p. 91.

SCHWENGLER (Raymond), « Les municipalités dans le secteur de Lauterbourg à la veille de la Révolution française », Outre-Forêt, 43/III, 1983, p. 19-23.

GANGHOFER (Roland), « Aspects des communautés rurales en Alsace du XIIIe au XXe siècle », Les communautés rurales. Rural Communities, op. cit., Actes, t. XLIII, Paris, 1984, p. 433-458.

BOEHLER (Jean-Michel), La paysannerie de la plaine d’Alsace (1648-1789), 3 vol., Strasbourg, 1994, t. II, p. 1260-1302.

BISCHOFF (Georges), BOEHLER (Jean-Michel), « Un village à la fin du Moyen Âge et au début des Temps modernes. La Dorfordnung de Blienschwiller », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach-Barr-Obernai, 37, 2003, p. 13-33.

BOEHLER (Jean-Michel), « La démocratie rurale en marche : quelques élections municipales en pays de Hanau à la fin du XVIIIe siècle. Apports et déconvenues d’une piste de recherche », Mélanges offerts à Henri Heitz, Pays d’Alsace, 207a, 2004, p. 167-176.

BISCHOFF (Georges), La Guerre des Paysans. L’Alsace et la Révolution du Bundschuh (1493-1525), Strasbourg, 2010, p. 305-306.

Notices connexes

Assemblée de communauté/Dorfversammlung

Communauté rurale/Dorfgemeinde

Commune/Gemeinde

Coutume

Dorfbuch

Dorfordnung

Echevin/Geschworene(r)/Schöffe

Heimburger

Prévôt/Schultheiss/Stabhalter

Syndic

Village

Jean-Michel Boehler et Marcel Thomann