Donneraxt

De DHIALSACE
Aller à : navigation, rechercher

Celt, ceraunia, Donnerkeil, Donner-stein, pierre de foudre ou de tonnerre, Strahlstein, Wetteraxt.

Hache, herminette ou marteau préhistorique, en pierre polie, faisant l’objet de croyances superstitieuses.

Selon la tradition populaire, qui semble remonter à la plus haute antiquité, ces instruments lithiques seraient produits et lancés par la foudre. Au point d’impact, ils s’enfoncent sous terre à 7 ou 9 Klafter de profondeur. Ensuite, à raison de 1 Klafter par an, ils remontent à la surface où on les trouve ordinairement. C’est cette origine céleste qui donnerait aux Donneräxte des pouvoirs très recherchés.

Les propriétés attribuées aux Donneräxte sont étonnement constantes du nord au sud de l’Alsace, partout où ces pierres sont connues.

La croyance que les Donneräxte protégeaient de la foudre était très répandue. A cet effet, les pierres étaient généralement déposées dans les greniers. De tels dépôts, qui semblent avoir été assez fréquents dans les fermes, ont également été observés dans la maçonnerie du château de Rathsamhausen et sans doute aussi dans celui d’Ortenberg.

Mais c’est probablement pour les vertus prophylactiques et curatives qu’on leur prêtait que les Donneräxte étaient tant appréciées. En cas de maladie, elles faisaient partie des remèdes que nous qualifions aujourd’hui de populaires, mais dont l’éventail, au moins jusqu’au début du XIXe siècle, était particulièrement réduit. On les employait contre les convulsions des enfants, les pertes chez les femmes et pour aider celles-ci dans les accouchements. Il suffisait d’en frotter doucement le ventre des parturientes pour que les douleurs s’atténuent et que le travail se déroule normalement. Cependant la manipulation de ces pierres avait un revers. Il fallait éviter de se blesser avec elles, car de telles plaies passaient pour être inguérissables. Les Donneräxte étaient aussi sensées décupler les forces des humains, parfois jusqu’au surnaturel.

Les propriétés si bienfaisantes des Donneräxte étaient aussi appliquées aux animaux domestiques Déjà leur dépôt dans les étables devait éloigner toute mauvaise influence. Quelques témoignages recueillis par Bleicher et Faudel illustrent aussi l’utilisation des Donneräxte en tant que remède. La clavelée des moutons, une maladie virale des ovins, les mammites des vaches ou encore le gonflement des bovins – météorisation – étaient traités par application des pierres. Pour rendre l’appétit aux chevaux, quelques fragments réduits en poudre, étaient mélangés à leur nourriture ou la pierre elle-même était déposée dans la mangeoire.

C’est pour toutes ces qualités que les Donneräxte étaient particulièrement recherchées et la foi dans leurs vertus était solidement enracinée. Elles étaient précieusement conservées par leurs propriétaires et se transmettaient d’une génération à l’autre. Dans les localités où elles étaient rares, on se les prêtait parfois ; une seule pouvait aussi servir dans plusieurs villages.

La connaissance de ces pierres semblait assez répandue, tant à la campagne qu’à la ville. Arnold dans son Pfingstmontag, un monument de notre langue régionale du début du XIXe siècle, emploie le terme Dunderaxe à deux reprises. Dans l’une des expressions – …wenn’s Dunderaxe dät räje… (s’il pleuvait des pierres de foudre) – Dunderäxt semble utilisé comme métaphore pour qualifier une forte pluie ; peut-être une pluie d’orage ? Cependant des enquêtes menées par les folkloristes et les archéologues ont mis en évidence que les croyances et les pratiques qui sont associées à ces pierres dépassent largement le cadre régional. On les retrouve avec beaucoup de similitudes, y compris dans la dénomination – pierre de foudre – chez la plupart des peuples indo-européens.

 

Bibliographie

ARNOLD (Joh. Georg Daniel), Der Pfingstmontag, éd. de 1867 par E. Simon : acte II, sc. 4 (p. 43) ; acte V, sc. 6 (p. 69).

STOFFEL (Georges), « Antiquités du plateau séparant les vallées de l’Ill et de celle de la Largue – Hirtzbach, Heimersdorf, Bisel, Largitzen, Carspach et environs », RA, 1872, p. 297-317 ; Donneräxte, p. 297-298.

BLEICHER (Gustave), FAUDEL (Frédéric-Charles), « Matériaux pour une étude préhistorique de l’Alsace », Bull. Soc. d’histoire naturelle de Colmar (1881-1882) ; 1ère pub. (1878), p. 66-67 et 83-85 ; 3e pub. (1883), p. 23 et p. 40-43.

LAMBS (A.), Ueber den Aberglauben im Elsass, Strasbourg, 1880, p. 69 s.

FORRER (Robert), « Ausgrabungen im Graufthal », Bull. Soc. Mon. hist. d’Alsace, 2e série, t. 20 (1902), IIe partie (Fundberichte...), p. 88-94 ; Donneräxte, p. 92-93.

FORRER (Robert), « Nouvelles découvertes et acquisitions du Musée préhistorique et gallo-romain de Strasbourg », Cahiers d’Archéologie et d’Histoire d’Alsace, 1922, p. 27.

PFLEGER (Alfred), « Über Donneräxte und Donnerkeile », Vogesen-Kalender, 1923, p. 65-67.

DECHELETTE (Joseph),Manuel d’archéologie préhistorique et celtique, 1928, t. I, p. 10.

OHL DES MARAIS (Albert), « Le culte des pierres dans la région vosgienne », Bulletin de la Société Philomathique des Vosges, 1938, p 99-114, ici p. 107.

PFLEGER (Alfred), « Steinkultreste im elsässischen Volksbrauch », Elsassland, t. 19, 1939, p. 193-200.

VOULOT (Felix), Les Vosges avant l’histoire, Mulhouse, 1872, p. 32.

FUCHS (Albert), « Kometen und andere Wahrzeichen des Himmels im elsässischen Volksglauben », Elsässische Monatschrift, t. I, 1910, p. 90-101 ; Donneräxte, p. 96-97 ; t. III, 1912, p. 211.

SCHNITZLER (Bernadette), « Découvertes pré-médiévales dans les châteaux d’Alsace », Études médiévales, t. I, p. 9-26.

Jean-Marie Holderbach