Divorce

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Divortium, Ehescheidung

Au sens strict, dissolution légale d’un mariage entre conjoints vivants, qui peuvent dès lors se remarier. La séparation de corps et de biens de deux conjoints entraîne également dissolution du mariage mais le remariage leur est interdit.

Institution fondamentale des membres de la société pourvus de droits, le mariage peut se défaire légalement par le divorce, dont les modalités sont réglées par une succession de dispositions juridiques tout au long de l’histoire de la population de la province.

 

Le droit romain, fondement du droit du divorce et l’Eglise chrétienne

Dans le droit romain, le mariage de deux conjoints romains ou « justes noces » peut être rompu du vivant des conjoints par le divorce. Le divorce a généralement lieu par consentement mutuel. Mais le mari doit répudier sa femme qui se serait rendue coupable d’un adultère, qui encourt également des sanctions pénales, la mort aux périodes hautes, puis l’exil à l’époque classique. De plus, elle est privée de sa dot. Il n’y a pas d’action de la femme contre le mari adultère, sauf à riposter par la pareille à l’accusation d’adultère et en cas de succès, elle peut conserver sa dot.

Contrastant avec la législation juive, qui autorise le divorce et la répudiation par le mari, et dans certains cas par la femme, pour toute une série de motifs – erreur sur la personne et ses qualités, maladie, impuissance ou stérilité, mais surtout adultère –, la doctrine de la nouvelle église chrétienne, formalisée au cours des premiers siècles, en particulier sous l’influence de saint Augustin, proclame la doctrine de l’indissolubilité du mariage, sauf exceptions – notamment celle qui a été provoquée par l’incise de Matthieu 5,31 qui conserve de la législation mosaïque la répudiation en cas d’adultère –. L’avènement des empereurs chrétiens entraîne un durcissement de la législation sur le divorce. Alors que le Code Théodosien reprenait pour l’essentiel l’ancien droit romain, Justinien va se montrer plus sévère. Sa novelle CXVII interdit le divorce par consentement mutuel. Seule la répudiation principalement pour cause d’adultère prouvé a le divorce pour conséquence. Par contre, la femme dont l’adultère n’a pu être prouvé peut, à son tour, introduire une demande de divorce. La femme peut également prendre l’initiative du divorce, si le mari est convaincu de crime ou s’il vit habituellement avec une autre femme. Cependant, Justin II rétablit le divorce par consentement mutuel justifié par la cohabitation difficile pour incompatibilité d’humeur (Novelle CXL).

 

Le divorce dans les lois des peuples germaniques, loi des Francs, loi des Alamans

Les lois des peuples germaniques, bien souvent influencées par les modèles romains, admettent pour les personnes libres ayant contracté un mariage légal (Muntehe) le divorce par consentement mutuel. Adultère, crime, sacrilège de la femme sont autant de motifs de divorce, tout comme dans le Code Théodosien. L’adultère de la femme est cependant très durement sanctionné. Dans la plupart des codes des peuples germaniques, le mari peut répudier sa femme, à condition de défrayer sa famille (par la restitution du mundium ou Munt) et de renoncer à la dot. D’après la lex Alamanorum, c’est le cas aussi pour la femme qui peut répudier son mari, mais sa famille doit dédommager le mari abandonné. Dans d’autres leges, l’adultère de la femme est puni par la mort. La conversion de ces peuples au christianisme ne change guère leurs règlementations et moins encore leurs pratiques.

 

Le divorce et le droit canonique, les royaumes francs, l’Empire carolingien

L’évangélisation de la Germanie par des moines anglo-saxons et irlandais entraîne la diffusion des codes anglo-saxons (Code de Théodore de Canterbury 668-690) et des pénitentiels irlandais. Ils admettent le divorce et le remariage possible après répudiation pour cause d’adultère ou pour changement d’état de l’un des conjoints au cours du mariage, dissous si l’un des conjoints est réduit en esclavage ou enlevé par une razzia. La renaissance carolingienne assure la diffusion occidentale de compilations conformes aux doctrines romaines, ainsi celle du moine Denys (v. 750) dans laquelle est réaffirmée l’indissolubilité absolue du mariage et l’interdiction du divorce. La refondation d’un Empire d’Occident entraîne également la redécouverte du droit romain. Les Faux capitulaires et Fausses décrétales fabriquées dans un atelier occidental proclament l’indissolubilité du mariage et s’étendent sur les causes d’empêchement pour liens de parenté (v. 850). S’inspirant pourtant des pénitentiels de Théodore, leDécret de l’évêque Burchard de Worms (v. l’an mil) affirme lui aussi l’indissolubilité du mariage, et interdit au mari qui a répudié sa femme adultère de contracter une nouvelle union : le droit canonique s’oriente vers un substitut du divorce, la séparation. Incohérences qui rendent compte d’une société où le principe n’est guère respecté. A la fin du Xe siècle, la doctrine reste bien floue et le divorce toléré.

 


Le divorce dans le droit canonique classique

Le droit canonique classique se nourrit de droit romain et des codes de Justinien, redécouverts dans la seconde moitié du XIe siècle. Les codes d’Yves de Chartres (évêque de Chartres de 1091 à 1116), puis le Décret de Gratien avec sonDe matrimonio (causes 27 à 36), précisé encore par les canonistes ultérieurs, en particulier ceux de la Faculté de Bologne, fixent la doctrine canonique de l’Eglise. Le mariage est fondé sur un double lien : d’abord, celui du consentement, celui des époux, (qui doivent être de condition libre, et qui en tant que chrétiens sont soumis tous les deux à la loi canonique) et celui du père, du moins dans certains décrets ; ce consentement inaugure le matrimonium initiatum ; il est suivi ensuite de la consommation ou copulatio carnalis, qui constitue le matrimonium perfectum ou ratum. Le « sacramentum » qui fonde le mariage valide est donc composé de deux moments : celui du consentement valable de personnes capables et celui de la copulation (Rufin). Un mariage qui serait fondé sur le seul consentement pour le futur, mais non suivi de la copula, serait nul et pourrait être dissous. Par contre, le mariage consommé est en général considéré comme valable, même s’il est « clandestin ». Mais il y a encore de nombreux cas de divorce admis qui dérogent au principe de l’indissolubilité. Le plus répandu est celui de l’adultère, seul motif de répudiation cité par le Christ dans l’évangile de Matthieu. Un autre cas est celui des erreurs sur la personne et tout particulièrement de l’ignorance de la différence des statuts ou états des personnes qui se marient (libre qui se révèle esclave, ou vierge qui ne l’est pas). Ils vicient fondamentalement le consentement. Mais, peu à peu, les canonistes remplacent le divorce par la séparation de lit et de table (quoad toram et mensam), sanctions que des canons du VIe siècle avaient confiées à la juridiction de l’évêque ou du synode, et ultérieurement à l’officialité, sans que les juges séculiers soient dessaisis de la compétence matrimoniale, en particulier de l’adultère, considéré comme un crime. C’est ainsi qu’au XIVe et au XVe siècle certaines juridictions séculières prononcent des séparations de corps et de biens, pour incompatibilité d’humeur et inimitié, sévices, qui rendent impossible la cohabitation. Cette jurisprudence est reprise par le juge ecclésiastique, qui va jusqu’à accepter la séparation par consentement mutuel, à condition que les conjoints la fondent sur un des motifs admis : adultère ou incompatibilité d’humeur.

La Réforme protestante va contraindre l’église catholique à clarifier sa doctrine. Elle le fait au concile de Trente, où le caractère sacramentel du mariage est réaffirmé, le mariage validé seulement si le consentement est prononcé devant le curé ou un prêtre habilité, après la publication des bans (Décret Tametsi 11 nov. 1563). Cette condition préliminaire battait en brèche la doctrine de la prééminence du consentement des mariés, mais elle apportait une réponse au problème des « mariages clandestins » car auparavant un consentement exprimé en privé avait suffi pour fonder validement un mariage. Par contre, le concile s’était refusé à déclarer nuls les mariages célébrés sans le consentement des parents et consommés. Cette omission entraîna le refus de la monarchie française de recevoir les décrets et les canons du concile de Trente : les officialités et les tribunaux français continueront d’annuler les mariages déférés devant eux pour absence de consentement des parents (Gaudemet). Dans le diocèse de Strasbourg et dans le diocèse de Bâle qui englobait alors l’actuel département du Haut-Rhin, les officialités appliquent les canons du concile, reçus par Ferdinand II et Maximilien II.

 

Le divorce dans le droit écrit commun du sud-ouest germanique : le Schwabenspiegel

Juges ecclésiastiques et juges séculiers coopèrent dans le jugement du contentieux matrimonial. Le Schwabenspiegel (Miroir des Souabes), code rédigé à Augsbourg à la fin du XIIIe siècle, synthétise et influence en grande partie le droit appliqué dans les villes et les campagnes du sud-ouest de l’Empire et donc de l’Alsace (v. Droit de l’Alsace au Moyen Âge). Les auteurs du Schwabenspiegel connaissent le droit romain, dont ils suivent à plusieurs reprises la leçon, et aussi le Décret de Gratien et ses sources. Le Schwabenspiegel prévoit expressément que le mariage, l’un des sept sacrements, soit jugé par le juge ecclésiastique, mais ses conséquences patrimoniales ou ses contraventions relèvent de la compétence du juge séculier (en part. Landrecht art. 377). Le Schwabenspiegel n’est pas très « consensualiste ». Pourtant, l’article 319 décrit une formule de mariage prononcée par la femme « Herr, ich bin frei von allen meinen Vorfahren her, seid ihr mein Standesgenossen, nehme ich euch gern » ; à cette promesse le conjoint répond par une formule analogue. Ces formulations supposent une cérémonie publique et la présence de témoins. Avec un conjoint qui reviendrait ultérieurement sur ses engagements, il vaut mieux s’être marié devant témoins. Mais le mariage est valide, même s’il y a eu seulement union charnelle ou consommation, sans consentement public préalable. C’est le cas pour le jeune homme et la jeune fille pubères qui s’unissent sans autorisation du père (Landrecht, art. 55) ou pour le violeur d’une jeune fille non fiancée qui doit l’épouser en dédommageant le père (Landrecht, art. 201). Le cas d’erreur sur la personne, prévu aussi dans l’art. 24 du Landrecht, entraîne un divorce si les deux conjoints sont victimes de bonne foi ; dans ce cas, la femme conservera sa « Morgengabe » (Landrecht, art. 287) ou « don matutinal ». L’article Landrecht 319 traite de l’erreur sur la personne dont serait victime la femme qui a épousé un non-libre : la femme peut divorcer et se remarier, mais non pas celui qui l’a trompée sur son état. Si elle ne le fait pas, le mariage est validé. L’article Landrecht 377 traite de l’erreur sur la personne dont serait victime le mari : il n’entraîne pas de divorce si le mariage est consommé. C’est que les conséquences personnelles de cette union sont très différentes : le mari reste libre et peut affranchir son épouse serve, dont les enfants sont libres, alors que la femme libre qui a épousé un serf, tombe en servitude et peut même être exécutée, tout comme son conjoint, si elle a épousé son propre serf (Landrecht, art. 319 al. 1). Erreur sur la personne encore s’il s’agit d’une vierge qui ne l’est pas et qui risque, si cela est vérifié, la lapidation pour fornication (Hurerei). Mais si sa famille prouve qu’elle a été diffamée, l’église prononce l’annulation du mariage et le juge séculier fait exécuter le diffamateur. L’art. Landrecht 146 prévoit que la femme divorcée aux torts de son mari conserve son bien. L’adultère est sévèrement réprimé. L’art. Landrecht 74 prévoit que le coupable sera décapité. Le violeur d’une femme fiancée à autrui est lapidé avec la fiancée si celle-ci était consentante (Landrecht, art. 201), sauf si elle est enceinte, auquel cas, on se contentera de la tondre et de la flageller : « Man soll kein Weib, das ein Kind trägt, mehr als zur Haut und zu Haar richten » (Landrecht, art. 256).

 

La crise du mariage à la fin du Moyen Âge

Au cours du XIIIe siècle, la doctrine théologique et canonique du mariage est à peu près définie. Au plan théologique, le mariage, figure de l’union du Christ et de son église, est tenu pour l’un des sept sacrements, comme le proclament les théologiens Pierre Lombard et saint Thomas d’Aquin ainsi que certains conciles nationaux ou codes régionaux. Au plan canonique, le mariage est le produit du consentement des deux conjoints, exprimé devant le prêtre et de l’union charnelle, qui fonde le droit de la femme à sa « Morgengabe » et dont procèdent les enfants, qui héritent de leurs parents. C’est donc un contrat qui relève à la fois des juges ecclésiastiques et des juges séculiers. Avec la diffusion du droit romain, l’aspect « civil » du mariage prend un relief tout particulier. Pourtant, le XVe siècle est marqué par le désordre dans l’Église et dans la société (v. Concubinage). C’est en particulier « le mariage clandestin » qui préoccupe l’Église, car comment le distinguer du concubinage proprement dit ? A la suite des canonistes romains et de nombreux conciles germaniques (Mayence 1259, Cologne 1280), l’évêque de Strasbourg, dans son Agende de 1480, insiste sur la nécessité du consentement prononcé devant le prêtre (Trauung), sans être fort bien écouté. L’Agende résume bien la doctrine canonique romaine, enjoignant les prêtres de s’enquérir des empêchements (consanguinité, risque de bigamie, incapacités physiques) qui auraient entraîné une demande d’annulation du mariage.

Les humanistes, en particulier Erasme, critiquent la doctrine canonique du mariage, mettant en relief les hésitations des théologiens sur son caractère sacramentel. Celui-ci ne serait pas très efficace en cas de mésentente ou d’adultère. Seuls les mariages réussis pourraient se prévaloir du caractère sacramentel. Le Christ lui-même a admis la répudiation et le divorce en cas d’adultère. La question demeure : quel est le « bon mariage » en cas de multiplicité de « mariages clandestins » que l’un ou l’autre des conjoints aurait contractés ?

Luther emprunte nombre de ses arguments à Erasme. Le caractère « sacramentel » du mariage n’a pas de fondement dans l’Écriture. La séparation de corps contraint au célibat, ce que ne recommande pas l’Écriture. Le divorce doit donc être prévu pour adultère ou pour abandon du domicile conjugal. Enfin, le mariage est d’abord chose civile (Weltlich Ding), ne serait-ce que pour éviter les « mariages clandestins » et doit être réglementé par les autorités civiles. Ce point de vue est généralement celui des Réformateurs, qui renvoient au droit romain et au Code Justinien pour la réglementation civile du mariage. Le Strasbourgeois Bucer, plus libéral que Luther, admet le divorce pour incompatibilité d’humeur, mais refuse le divorce par consentement mutuel.

 

La Réforme en Alsace et le divorce

Strasbourg

De 1521 à 1523, sous l’impulsion d’une partie de son clergé, l’opinion strasbourgeoise est gagnée à la Réforme : elle réclame le mariage des clercs, la sécularisation des couvents, aussi bien des religieux que des religieuses, la municipalisation du clergé paroissial. En 1529, le Magistrat décide la suppression de la messe et confirme ainsi le ralliement définitif de la ville à la Réforme. En 1524, le groupe des pasteurs les plus influents de la ville prononce le premier divorce. Mais les pasteurs exigent une réglementation générale à ce sujet. En 1529, suivant l’exemple de Zurich datant de 1524, et tout comme Bâle, Strasbourg institue un tribunal matrimonial, composé de juges compétents, désignés par les Conseils de la Ville, pour toutes les affaires matrimoniales (v. Ehegericht). Le mariage ne relevait donc plus de l’official qui allait d’ailleurs quitter la ville pour se réfugier à Molsheim en 1583. En 1530, le Magistrat promulgue une ordonnance sur le droit matrimonial, qui sera renouvelée en 1561, et en 1534, les pasteurs édictent une ordonnance ecclésiastique (Kirchenordnung) qui comprend un passage sur le cérémonial du mariage : il devient un moment capital dans l’évolution du mariage protestant, en particulier pour déceler les empêchements, éviter les « mariages clandestins » ou encore les mariages contractés entre mineurs sans l’autorisation des parents ; tous cas qui peuvent être cités devant l’Ehegericht. Une ordonnance de 1560, publiée en 1565, précise les empêchements pour consanguinité. L’ordonnance générale de 1598 codifie l’ensemble de ces règlements particuliers. Les ordonnances du XVIIe siècle renforcent encore pour la validité des mariages l’importance de la cérémonie religieuse à l’église. La doctrine du tribunal matrimonial strasbourgeois – ses archives ont été perdues – est fondée sur un droit canonique protestant qui admet le divorce pour adultère et pour abandon du domicile conjugal, plus rarement pour l’incompatibilité d’humeur, manifestée par la violence, les sévices, qu’acceptaient pourtant les tribunaux matrimoniaux de Bâle et de Zurich. Mais, pour les juristes comme pour les pasteurs, l’adultère est un péché pour au moins l’un des deux conjoints, pas toujours le mari, et un crime sanctionné pénalement, par la prison pour la faute occasionnelle et par l’exposition sur la place publique et le bannissement pour les récidivistes.

La capitulation de 1681 garantissait à la ville le respect de ses institutions et de ses lois ! Le tribunal continua une dizaine d’années encore à prononcer le divorce pour adultère. Mais en 1690, le gouvernement royal interdit au Magistrat de Strasbourg de prononcer des « séparations avec possibilité de se remarier ». Dans les cas antérieurement conclus par un divorce, le tribunal ne peut plus désormais prononcer que la séparation de corps et de biens.

 

Les villes ralliées à la Réforme protestante

Ralliée à la Réforme, Colmar connut de 1581 à 1628 un tribunal matrimonial qui appliquait une ordonnance matrimoniale proche de celle de Strasbourg. Après le rattachement à la France, les affaires matrimoniales, y compris les divorces, relèvent du consistoire de Colmar (Véron-Réville). Quant à Mulhouse, la ville appliqua et suivit l’ordonnance de Bâle (1534), fort proche de celle de Strasbourg.

 

Principautés et seigneuries protestantes

Le comté du Hanau-Lichtenberg, celui de Horbourg-Wihr et la seigneurie de Riquewihr appliquèrent les ordonnances matrimoniales du Wurtemberg de 1537 et de 1553. Elles prévoyaient la possibilité d’un divorce pour cause d’adultère, qui entraînait la sanction du coupable, ou pour l’abandon du domicile conjugal (désertion). Le texte wurtembergeois de 1553 aborde la question de l’incompatibilité d’humeur ou de difficultés de cohabitation, mais il ne prévoit qu’une conciliation devant le juge, lui laissant en cas d’échec, la possibilité de dissoudre le mariage. Ce cas est également prévu par l’ordonnance matrimoniale de l’Électeur palatin de 1554, appliquée également à Landau et à Deux-Ponts. L’interdiction faite en 1690 aux juges strasbourgeois de prononcer des divorces vaut pour tous les sujets protestants alsaciens du roi, selon un arrêt du Conseil souverain de 1716, annulant un divorce prononcé par le consistoire de Landau, ville entrée en 1511 dans la Décapole alsacienne et soumise en tant que telle au roi de France par le traité de Munster de 1648. Cet arrêt, il est vrai, n’est pas toujours respecté par les consistoires, car à l’exception de celui de Strasbourg, bien surveillé, les consistoires prononcent encore quelques divorces après cette date (Pagny-Ber).

 

Le divorce dans les communautés juives

La pétition présentée en 1789 par les communautés protestantes des villes, demandant le rétablissement du divorce qu’autorise la Confession d’Augsbourg, cite la faculté accordée aux juifs de divorcer. Le mariage juif est en effet contracté devant le rabbin, après un contrat de mariage, qui prévoit en particulier qu’en cas d’incompatibilité d’humeur, une conciliation doit avoir lieu pour reprendre la vie commune. Si celle-ci n’est plus possible, le mari peut répudier son épouse, avec l’accord du rabbin qui lui remet un certificat, le Get, afin de formaliser le divorce et autoriser le remariage. L’adultère peut entrainer répudiation (Haarscher).

 

La Révolution et le divorce

Dès les débuts de la Révolution, une députation des protestants de Strasbourg, Colmar, Wissembourg, Landau et Munster, adresse à la Constituante une pétition pour le rétablissement du divorce, autorisé en principe par la Confession d’Augsbourg. Cette requête s’ajoute aux dizaines de motions, pétitions, brochures, réclamant le divorce. La Constitution du 3 septembre 1791 ayant décrété que « la Loi ne considère le mariage que comme un contrat civil » (Titre II, art. 7), le divorce, c’est-à-dire la rupture légale de ce contrat, devait s’ensuivre. L’assemblée vota le 20 septembre 1792 le décret établissant « les causes, le mode et les effets du divorce ». Etaient prévus : 1) le divorce par consentement mutuel, 2) le divorce pour incompatibilité d’humeur demandé par l’un seul des deux conjoints, 3) le divorce pour des causes bien déterminées, comme la maladie, la démence, le dérèglement notoire des moeurs, l’abandon pendant deux ans au moins de la femme par le mari ou réciproquement ou l’absence sans nouvelles mutuelles pendant cinq ans. Était prévue, pour les deux premiers cas, une conciliation devant un tribunal de famille ; si cette tentative n’aboutissait pas, le divorce était renvoyé à deux mois. Dans le cas d’adultère – soit pour dérèglement des moeurs, soit pour abandon de l’un des deux conjoints – c’est un tribunal arbitral qui était saisi. Le conjoint aux torts duquel le divorce avait été prononcé devait abandonner à l’autre tous les avantages dont il avait bénéficié pour cause de mariage (Morgengabe, dot, etc.). Dans les autres cas, chacun reprenait ses propres biens. La garde des enfants de moins de sept ans était confiée à la mère sans distinction de sexe ; les filles de plus de sept ans étaient également remises à la tutelle de la mère ; mais les garçons de même âge étaient placés sous la protection du père. Une pension alimentaire était fixée si l’un des conjoints était dans le besoin. Enfin, la procédure de divorce était simplifiée : elle consistait en une déclaration devant l’officier d’état civil, qui vérifiait si la conciliation du tribunal de famille avait eu lieu, puis prenait acte du divorce.

A Strasbourg, les 20 divorces enregistrés en l’année 1793 sont, pour 15 d’entre eux, des « régularisations » de séparations de corps prononcés souvent longtemps auparavant par le Tribunal matrimonial, 4 le sont sur présentation d’un acte de notoriété d’absence du mari depuis plus de cinq ans, et un seul pour sévices ou injures graves. D’après Benoit, les divorces strasbourgeois ne dépassent qu’exceptionnellement les 30 par an dans les années qui suivent. Mais, dès 1803, ils ne dépassent plus les 10, car le Code civil limite les divorces par consentement mutuel en exigeant des preuves de ce que la vie commune est réellement insupportable, et en allongeant considérablement les délais d’attente avant remariage des divorcés. En 1816, la loi sur le divorce est abrogée et le Code civil prescrit pour les cas qui le prévoient la séparation de corps et de biens.

 

Sources - Bibliographie

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Notices connexes

Concubinage

Coutume

Donations nuptiales (Dot, Don Matutinal, Douaire, Dos, Ehesteuer, Heimsteuer, Mitgift, Morgengabe, Widthuum)

Ehegericht

Mariage

Morgengabe

Séparation (de corps, de biens)

Tribunal matrimonial

Trousseau

François Igersheim