Dissection

De DHIALSACE
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La dissection constitue l’approche méthodologique fondamentale de l’anatomie ; elle est essentielle pour l’étude, l’apprentissage et le perfectionnement des connaissances concernant la morphologie humaine et, en particulier, pour celles nécessaires à la pratique chirurgicale.

En 1517, eut lieu la première dissection humaine officielle strasbourgeoise, l’une des toutes premières en territoire germanique. Le corps disséqué fut celui d’un condamné à mort par pendaison remis pour la circonstance par le Magistrat de la ville de Strasbourg. La dissection fut réalisée sous la direction de Wendelin Hock von Brackenaw, docteur en médecine de Bologne, en présence de nombreux spectateurs, dont des chirurgiens et barbiers de la ville. Des dessins furent réalisés d’après nature par Hans Wechtlin (ou Wächtelin) (v. 1480-v. 1530). Une illustration gravée sur bois en reproduisant les observations fut imprimée la même année sous forme d’une feuille-volante par Johann Schott. L’originalité et la supériorité de cette gravure sur les illustrations contemporaines sont nettes ; il paraît s’agir de la première figure publiée dessinée directement d’après une dissection réelle. Cette illustration connut un grand succès et fut maintes fois reproduite, modifiée et réutilisée.

Le Magistrat de Strasbourg accorda dès lors régulièrement des corps de suppliciés pour la dissection. La chronique de S. Buheler (1529-1595) rapporte, par exemple, qu’en l’année 1561 : « Trois voleurs ont été condamnés à être pendus. Le corps de l’un d’entre eux, nommé Walter Kaps, fils d’un bourgeois de la ville, fut cédé sur les instances de Sigismond Raht au théâtre anatomique. Il fut disséqué et ses ossements préparés en squelette ».

Le cadre institutionnel des dissections strasbourgeoises s’inscrivit ensuite dans le cadre de l’Académie, fondée en 1566, et plus particulièrement à partir de 1586 avec la création d’une chaire de médecine pratique « Medicina practica » dont le titulaire, dit « Practicus », devait enseigner, en plus des auteurs médicaux classiques, l’anatomie et la botanique avec des démonstrations pratiques. Lors de la transformation en Université en 1621, cette chaire resta inchangée. Johann Rudolph Salzmann (1574-1656), nommé professeur titulaire en 1611, et par ailleurs médecin-physicien de la ville de Strasbourg « Stadtphysicus », fut le premier à s’intéresser plus spécialement à l’anatomie. Il organisa de nombreuses dissections publiques et pratiqua des autopsies sur des cadavres d’étrangers ou des corps de suppliciés au cimetière Saint-Gall, à l’Hôpital Civil, dans des maisons privées, ou dans le local anatomique de l’Académie. Ce local ou collège anatomique, surnommé « Schlupff », très précaire, était situé près du Fossé-des-Tanneurs, dans l’enceinte des bâtiments académiques installés en plein centre ville dans l’ancien couvent des Dominicains.

En 1652, l’enseignement de l’anatomie fut officiellement individualisé à Strasbourg par la création à la Faculté de Médecine, en plus des chaires de médecine théorique et de médecine pratique, d’une troisième chaire consacrée à l’anatomie et à la botanique ; le premier titulaire en fut Johann Albrecht Sebiz (1614-1685).

En 1670, un amphithéâtre anatomique « Theatrum anatomicum » fut créé par la Ville de Strasbourg. Il fut installé dans le choeur de l’ancienne chapelle Saint-Erhard, attenante à l’Hôpital Civil, qui avait été sécularisée lors de la Réforme et servait depuis d’entrepôt. Le choix de cet emplacement fut motivé par la situation commode, jouxtant l’hôpital, pour la fourniture de sujets anatomiques et le moindre coût de leur transport. Des préparations anatomiques y furent progressivement conservées, constituant le fonds initial du cabinet, puis musée d’anatomie.

En 1708, la chaire d’anatomie fut transformée en chaire d’anatomie et chirurgie, dénomination qu’elle gardera jusqu’à la Révolution. Jean Salzmann (1679-1738), titulaire de cette chaire de 1708 à 1731, paraît être le premier à avoir introduit, en 1708, des séances de dissection régulières obligatoires pour les étudiants en médecine et les élèves en chirurgie. Ces séances avaient lieu quatre fois par semaine, le matin de dix heures à midi.

En 1733, un poste de prosecteur, spécifiquement chargé des travaux pratiques d’anatomie, fut créé par la ville de Strasbourg. Les prérogatives respectives du professeur d’anatomie et du prosecteur firent l’objet de nombreux conflits tout au long du XVIIIe siècle, qualifiés par F. Wieger de « Prosektorenkrieg » (« guerre des prosecteurs »).

À l’Hôpital militaire de Strasbourg, furent instaurées, vers 1740, parallèlement et souvent en opposition, à l’enseignement universitaire de l’anatomie qui se faisait en latin ou en allemand, des séances de dissection en français qui connurent un grand succès. En 1775, cet enseignement pratique prit encore davantage d’importance lors de la création d’un Hôpital-Amphithéâtre à l’Hôpital Militaire (les deux autres étant ceux de Metz et de Lille).

En 1785, avec la nomination de Thomas Lauth (1758-1826) comme professeur titulaire de la chaire d’anatomie, s’ouvrit clairement la période scientifique de l’anatomie strasbourgeoise ; il resta titulaire jusqu’à sa mort en 1826. Dans le cadre de l’École de Santé, créée en 1794, transformée en École de Médecine en 1802, puis de la Faculté de Médecine, créée en 1808, furent institués de nouveaux postes universitaires pour encadrer les dissections : chef des travaux anatomiques, prosecteur, et aide(s) d’anatomie. En 1820, J.F. Lobstein pouvait vanter les « trois cents cadavres mis annuellement à notre disposition ».

 

Bibliographie

LOBSTEIN (Jean-Frédéric), Compte rendu à la Faculté de Médecine de Strasbourg sur l’état actuel de son museum anatomique suivi des objets qu’il renferme, Strasbourg, 1820.

WIEGER (Friedrich), Geschichte der Medicin und ihrer Lehranstalten in Strassburg vom Jahre 1497 bis zum Jahre 1872, Strasbourg, 1885.

HOLLENDER (Louis-François) et DURING-HOLLENDER (Emmanuelle), Chirurgiens et chirurgie à Strasbourg, Strasbourg, 2000.

LE MINOR (Jean-Marie), Les sciences morphologiques médicales à Strasbourg du XVe au XIXe siècle, Strasbourg, 2002.

LE MINOR (Jean-Marie), BILLMANN (Franck), SICK (Henri), VETTER (Jean-Marie) et LUDES (Bertrand), Anatomie(s) & Pathologies. Les collections morphologiques de la Faculté de Médecine de Strasbourg, 2009.

 

Notices connexes

Chirurgien

Hôpital

Jean-Marie Le Minor