Denier (mauvais) : Différence entre versions

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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">malvais denier, ''Böserpfennig'',&nbsp;''böse Pfennig'', ''Bösermasspfennig'', ''poser Pfennig''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le vin était le produit le plus fortement taxé avec trois impôts différents&nbsp;: l’''Umgeld'' ou ''Ungelt'', un impôt sur la vente de vin au détail, le banvin ([[Bannwein|Bannwein]]), impôt casuel qui permet au seigneur de faire débiter par les aubergistes et les cabaretiers les vins, qui chaque année, proviennent des vignes seigneuriales et des cens qui lui sont versés&nbsp;et le ''Maspfenning'', impôt royal sur le vin, redevance en argent pour chaque mesure de vin détaillée par pots. A ces taxes s’ajoutaient encore le droit de jaugeage ou mesurage, le''Taverngeld ''et le droit de pendre enseigne. Les sommes que génèrent ''Umgeld'', banvin et ''Maspfenning'' sont importantes. Le droit d’''Umgeld'' représentait près de 27&nbsp;% des recettes perçues par les Habsbourg dans la seigneurie de Thann en 1628. En 1753, dans cette même seigneurie, il rapportait 3500 £ au duc de Mazarin et à la veille de la Révolution, il atteignit 11 756 £ 12 sous et 8 deniers.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Le «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» ou ''Böserpfennig'' était un simple droit d’''Umgeld'' mais levé en sus de l’''Umgeld'' ordinaire établi dans certaines circonstances particulières et devenu peu à peu une imposition régulière et ordinaire. Cet impôt était assez lourd et peu équitable, car il ne tenait pas compte du prix du vin.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">En 1472, le Landvogt Pierre de Hagenbach, au nom du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, introduisit dans ses terres de Haute-Alsace la levée d’un nouvel impôt sur le vin, représentant un denier par mesure de vin vendu. Cet impôt, adopté à la suite d’un débat ouvert, très probablement dans le cadre de la diète comme le voulait le traité de Saint-Omer, fut rapidement surnommé ''böse pfennig ''par la population et rejeté. En fait, Charles le Téméraire n’avait pas créé un nouvel impôt puisque la Bourgogne le versait déjà. Il ne fit que supprimer l’exemption de cet impôt en terre autrichienne où il était inconnu. En Haute-Alsace, le mauvais denier n’était pas une nouveauté puisqu’il existait depuis 1442, et sous le même nom, dans les seigneuries de l’abbé de Murbach et, à Mulhouse, on commença à le prélever le 16 janvier 1464.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">L’introduction de cette nouvelle contribution provoqua l’insurrection, en juillet 1473, d’Ensisheim, de Brisach et de Thann, dont l’activité économique tout entière était centrée sur le vin et la vigne. Pierre de Hagenbach, après avoir rétabli son autorité à Thann et à Ensisheim, dut cependant accorder une dispense de payer le «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» au Magistrat de Brisach en attendant le résultat des démarches auprès du duc de Bourgogne.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">Paradoxalement, ce fut l’archiduc Sigismond de Habsbourg – qui avait engagé ses terres d’Alsace à Charles le Téméraire – qui allait rétablir le tristement célèbre ''Böserpfennig''. Dès 1475, son ''Landvogt ''Oswald de Thierstein réclama la taxe dans les''Vorlande'' sans qu’il y ait protestation sur la rive alsacienne. Le 29 mai 1478, la diète accorda à l’archiduc le renouvellement de ce qu’on appela pudiquement l’''Umgeld'', obtenant en contrepartie le maintien des anciennes franchises. L’approbation des Etats ne porta pas sur le principe du «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» mais sur sa pérennité. En 1499, les propositions présentées par la''Landschaft'' à Neuenbourg, consacrèrent le maintien du «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» comme impôt permanent. La taxe conserva alors sa forme, ainsi que son nom, jusqu’au milieu du XVI<sup>e</sup> siècle.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">En 1563, pour financer le rachat des seigneuries engagées aux Fugger, l’empereur Ferdinand Ier fit voter par la diète de l’Autriche antérieure assemblée à Fribourg la levée d’une taxe spéciale sur le vin, perçue en plus de l’''Umgeld'', appelée ''böser pfennig''. Accordée d’abord pour une durée de cinq ans, elle fut prorogée et augmentée successivement, sous un prétexte ou sous un autre, et finit par devenir perpétuel. L’introduction du «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» suscita quelques résistances. L’abbé de Murbach refusa absolument que cette taxe soit levée sur ses territoires.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">A la suite de l’intégration de l’Alsace au royaume de France une administration financière fut créée de toutes pièces. Il fallut régler l’assiette de la nouvelle imposition. Dans les anciens domaines de la Maison d’Autriche, les formes traditionnelles sont reprises&nbsp;: péages, ''Maspfenning'', droit sur le sel, etc. Dans son''Mémoire sur l’Alsace'' composé en 1697, l’intendant de La Grange déclarait&nbsp;: «&nbsp;A l’égard des droits du sel et d’aydes appelés ''Maspfennig'', ils ne se perçoivent dans la province que dans les terres dépendantes de l’ancien domaine et non dans celles de la Basse-Alsace qui ont esté réunies&nbsp;: ces droits font partie de la ferme générale des domaines qui consiste pour le reste en péages qui se lèvent à l’entrée et à la sortie de la province&nbsp;». Le «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» ou ''Bösermasspfennig'', héritage de la Maison d’Autriche, fut recouvré dans les terres de l’ancienne domination mais pas dans celles de la nouvelle. Dans cette dernière, les seigneurs continuaient à percevoir ces droits sous le nom d’''Umgeld'' de même que Strasbourg et les villes impériales, sans avoir la surcharge du «&nbsp;mauvais denier&nbsp;».</p>
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malvais denier, ''Böserpfennig'',&nbsp;''böse Pfennig'', ''Bösermasspfennig'', ''poser Pfennig''
== <span style="font-size:x-large;">Bibliographie</span> ==
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">HOFFMANN (Charles), ''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', Tome 3, 1907, p. 59 et 511.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">LIVET (Georges), «&nbsp;Masspfennig et Umgeld, contribution à la fiscalité du vin en Alsace sous l’Ancien Régime&nbsp;», ''Revue française d’Ethnologie'', 1948.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">LIVET (Georges), ''L’intendance d’Alsace sous Louis XIV 1648-1715'', Strasbourg 1956, p. 86, 697 et 699.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">BISCHOFF (Georges), ''Gouvernés et gouvernants en Haute-Alsace à l’époque autrichienne. Les états des pays antérieurs des origines au milieu du XVI<sup>e</sup> siècle'', Colmar, 1992, p. 65, 82 et 203.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">CLAERR-STAMM, (Gabrielle), ''Pierre de Hagenbach. Le destin tragique d’un chevalier sundgauvien au service de Charles le Téméraire'', Société d’histoire du Sundgau, 2004, p. 124-126.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">DROUOT (Marc), «&nbsp;Fiscalité et délits liés au débit de vin à Thann et dans son bailliage pendant la seconde moitié du XVIII<sup>e</sup> siècle&nbsp;», ''Annuaire de la Société d’Histoire des Régions de Thann-Guebwiller'', tome XXI, 2004-2005, p. 39-50.</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">HEIDER (Christine), «&nbsp;Le vignoble de Thann à travers les siècles&nbsp;», ''Annuaire de la Société d’Histoire des Régions de Thann-Guebwiller'', tome XXI, 2004-2005, p. 32.</p>
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Le vin était le produit le plus fortement taxé avec trois impôts différents&nbsp;: l’''Umgeld'' ou ''Ungelt'', un impôt sur la vente de vin au détail, le banvin ([[Bannwein|Bannwein]]), impôt casuel qui permet au seigneur de faire débiter par les aubergistes et les cabaretiers les vins, qui chaque année, proviennent des vignes seigneuriales et des cens qui lui sont versés&nbsp;et le ''Maspfenning'', impôt royal sur le vin, redevance en argent pour chaque mesure de vin détaillée par pots. A ces taxes s’ajoutaient encore le droit de jaugeage ou mesurage, le''Taverngeld ''et le droit de pendre enseigne. Les sommes que génèrent ''Umgeld'', banvin et ''Maspfenning'' sont importantes. Le droit d’''Umgeld'' représentait près de 27&nbsp;% des recettes perçues par les Habsbourg dans la seigneurie de Thann en 1628. En 1753, dans cette même seigneurie, il rapportait 3500 £ au duc de Mazarin et à la veille de la Révolution, il atteignit 11 756 £ 12 sous et 8 deniers.
== <span style="font-size:x-large;">Notices connexes</span> ==
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Accise|Accise]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Angal|Angal]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Boespfennig|Boespfennig]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Landvogt|Landvogt]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Mas-pfennig|Mas-pfennig]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">''[[Umgelt|Umgelt]]''</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: justify;">[[Vin|Vin]]</p> <p class="mw-parser-output" style="text-align: right;">'''Bertrand Risacher'''</p>  
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Le «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» ou ''Böserpfennig'' était un simple droit d’''Umgeld'' mais levé en sus de l’''Umgeld'' ordinaire établi dans certaines circonstances particulières et devenu peu à peu une imposition régulière et ordinaire. Cet impôt était assez lourd et peu équitable, car il ne tenait pas compte du prix du vin.
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En 1472, le Landvogt Pierre de Hagenbach, au nom du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, introduisit dans ses terres de Haute-Alsace la levée d’un nouvel impôt sur le vin, représentant un denier par mesure de vin vendu. Cet impôt, adopté à la suite d’un débat ouvert, très probablement dans le cadre de la diète comme le voulait le traité de Saint-Omer, fut rapidement surnommé ''böse pfennig ''par la population et rejeté. En fait, Charles le Téméraire n’avait pas créé un nouvel impôt puisque la Bourgogne le versait déjà. Il ne fit que supprimer l’exemption de cet impôt en terre autrichienne où il était inconnu. En Haute-Alsace, le mauvais denier n’était pas une nouveauté puisqu’il existait depuis 1442, et sous le même nom, dans les seigneuries de l’abbé de Murbach et, à Mulhouse, on commença à le prélever le 16 janvier 1464.
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L’introduction de cette nouvelle contribution provoqua l’insurrection, en juillet 1473, d’Ensisheim, de Brisach et de Thann, dont l’activité économique tout entière était centrée sur le vin et la vigne. Pierre de Hagenbach, après avoir rétabli son autorité à Thann et à Ensisheim, dut cependant accorder une dispense de payer le «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» au Magistrat de Brisach en attendant le résultat des démarches auprès du duc de Bourgogne.
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Paradoxalement, ce fut l’archiduc Sigismond de Habsbourg – qui avait engagé ses terres d’Alsace à Charles le Téméraire – qui allait rétablir le tristement célèbre ''Böserpfennig''. Dès 1475, son ''Landvogt ''Oswald de Thierstein réclama la taxe dans les''Vorlande'' sans qu’il y ait protestation sur la rive alsacienne. Le 29 mai 1478, la diète accorda à l’archiduc le renouvellement de ce qu’on appela pudiquement l’''Umgeld'', obtenant en contrepartie le maintien des anciennes franchises. L’approbation des Etats ne porta pas sur le principe du «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» mais sur sa pérennité. En 1499, les propositions présentées par la''Landschaft'' à Neuenbourg, consacrèrent le maintien du «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» comme impôt permanent. La taxe conserva alors sa forme, ainsi que son nom, jusqu’au milieu du XVI<sup>e</sup> siècle.
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En 1563, pour financer le rachat des seigneuries engagées aux Fugger, l’empereur Ferdinand Ier fit voter par la diète de l’Autriche antérieure assemblée à Fribourg la levée d’une taxe spéciale sur le vin, perçue en plus de l’''Umgeld'', appelée ''böser pfennig''. Accordée d’abord pour une durée de cinq ans, elle fut prorogée et augmentée successivement, sous un prétexte ou sous un autre, et finit par devenir perpétuel. L’introduction du «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» suscita quelques résistances. L’abbé de Murbach refusa absolument que cette taxe soit levée sur ses territoires.
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A la suite de l’intégration de l’Alsace au royaume de France une administration financière fut créée de toutes pièces. Il fallut régler l’assiette de la nouvelle imposition. Dans les anciens domaines de la Maison d’Autriche, les formes traditionnelles sont reprises&nbsp;: péages, ''Maspfenning'', droit sur le sel, etc. Dans son''Mémoire sur l’Alsace'' composé en 1697, l’intendant de La Grange déclarait&nbsp;: «&nbsp;A l’égard des droits du sel et d’aydes appelés ''Maspfennig'', ils ne se perçoivent dans la province que dans les terres dépendantes de l’ancien domaine et non dans celles de la Basse-Alsace qui ont esté réunies&nbsp;: ces droits font partie de la ferme générale des domaines qui consiste pour le reste en péages qui se lèvent à l’entrée et à la sortie de la province&nbsp;». Le «&nbsp;mauvais denier&nbsp;» ou ''Bösermasspfennig'', héritage de la Maison d’Autriche, fut recouvré dans les terres de l’ancienne domination mais pas dans celles de la nouvelle. Dans cette dernière, les seigneurs continuaient à percevoir ces droits sous le nom d’''Umgeld'' de même que Strasbourg et les villes impériales, sans avoir la surcharge du «&nbsp;mauvais denier&nbsp;».
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== Bibliographie ==
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HOFFMANN (Charles), ''L’Alsace au XVIII<sup>e</sup> siècle'', Tome 3, 1907, p. 59 et 511.
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LIVET (Georges), «&nbsp;Masspfennig et Umgeld, contribution à la fiscalité du vin en Alsace sous l’Ancien Régime&nbsp;», ''Revue française d’Ethnologie'', 1948.
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LIVET (Georges), ''L’intendance d’Alsace sous Louis XIV 1648-1715'', Strasbourg 1956, p. 86, 697 et 699.
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BISCHOFF (Georges), ''Gouvernés et gouvernants en Haute-Alsace à l’époque autrichienne. Les états des pays antérieurs des origines au milieu du XVI<sup>e</sup> siècle'', Colmar, 1992, p. 65, 82 et 203.
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CLAERR-STAMM, (Gabrielle), ''Pierre de Hagenbach. Le destin tragique d’un chevalier sundgauvien au service de Charles le Téméraire'', Société d’histoire du Sundgau, 2004, p. 124-126.
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DROUOT (Marc), «&nbsp;Fiscalité et délits liés au débit de vin à Thann et dans son bailliage pendant la seconde moitié du XVIII<sup>e</sup> siècle&nbsp;», ''Annuaire de la Société d’Histoire des Régions de Thann-Guebwiller'', tome XXI, 2004-2005, p. 39-50.
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HEIDER (Christine), «&nbsp;Le vignoble de Thann à travers les siècles&nbsp;», ''Annuaire de la Société d’Histoire des Régions de Thann-Guebwiller'', tome XXI, 2004-2005, p. 32.
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== Notices connexes ==
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[[Accise|Accise]]
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''[[Angal|Angal]]''
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''[[Boespfennig|Boespfennig]]''
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''[[Landvogt|Landvogt]]''
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''[[Mas-pfennig|Mas-pfennig]]''
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''[[Umgelt|Umgelt]]''
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[[Vin|Vin]]
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<p class="mw-parser-output" style="text-align: right">'''Bertrand Risacher'''
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[[Category:D]] [[Category:Fiscalité et impositions]] [[Category:Monnaie]]
 
[[Category:D]] [[Category:Fiscalité et impositions]] [[Category:Monnaie]]

Version du 29 septembre 2020 à 07:57

malvais denier, Böserpfennigböse Pfennig, Bösermasspfennig, poser Pfennig

Le vin était le produit le plus fortement taxé avec trois impôts différents : l’Umgeld ou Ungelt, un impôt sur la vente de vin au détail, le banvin (Bannwein), impôt casuel qui permet au seigneur de faire débiter par les aubergistes et les cabaretiers les vins, qui chaque année, proviennent des vignes seigneuriales et des cens qui lui sont versés et le Maspfenning, impôt royal sur le vin, redevance en argent pour chaque mesure de vin détaillée par pots. A ces taxes s’ajoutaient encore le droit de jaugeage ou mesurage, leTaverngeld et le droit de pendre enseigne. Les sommes que génèrent Umgeld, banvin et Maspfenning sont importantes. Le droit d’Umgeld représentait près de 27 % des recettes perçues par les Habsbourg dans la seigneurie de Thann en 1628. En 1753, dans cette même seigneurie, il rapportait 3500 £ au duc de Mazarin et à la veille de la Révolution, il atteignit 11 756 £ 12 sous et 8 deniers.

Le « mauvais denier » ou Böserpfennig était un simple droit d’Umgeld mais levé en sus de l’Umgeld ordinaire établi dans certaines circonstances particulières et devenu peu à peu une imposition régulière et ordinaire. Cet impôt était assez lourd et peu équitable, car il ne tenait pas compte du prix du vin.

En 1472, le Landvogt Pierre de Hagenbach, au nom du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, introduisit dans ses terres de Haute-Alsace la levée d’un nouvel impôt sur le vin, représentant un denier par mesure de vin vendu. Cet impôt, adopté à la suite d’un débat ouvert, très probablement dans le cadre de la diète comme le voulait le traité de Saint-Omer, fut rapidement surnommé böse pfennig par la population et rejeté. En fait, Charles le Téméraire n’avait pas créé un nouvel impôt puisque la Bourgogne le versait déjà. Il ne fit que supprimer l’exemption de cet impôt en terre autrichienne où il était inconnu. En Haute-Alsace, le mauvais denier n’était pas une nouveauté puisqu’il existait depuis 1442, et sous le même nom, dans les seigneuries de l’abbé de Murbach et, à Mulhouse, on commença à le prélever le 16 janvier 1464.

L’introduction de cette nouvelle contribution provoqua l’insurrection, en juillet 1473, d’Ensisheim, de Brisach et de Thann, dont l’activité économique tout entière était centrée sur le vin et la vigne. Pierre de Hagenbach, après avoir rétabli son autorité à Thann et à Ensisheim, dut cependant accorder une dispense de payer le « mauvais denier » au Magistrat de Brisach en attendant le résultat des démarches auprès du duc de Bourgogne.

Paradoxalement, ce fut l’archiduc Sigismond de Habsbourg – qui avait engagé ses terres d’Alsace à Charles le Téméraire – qui allait rétablir le tristement célèbre Böserpfennig. Dès 1475, son Landvogt Oswald de Thierstein réclama la taxe dans lesVorlande sans qu’il y ait protestation sur la rive alsacienne. Le 29 mai 1478, la diète accorda à l’archiduc le renouvellement de ce qu’on appela pudiquement l’Umgeld, obtenant en contrepartie le maintien des anciennes franchises. L’approbation des Etats ne porta pas sur le principe du « mauvais denier » mais sur sa pérennité. En 1499, les propositions présentées par laLandschaft à Neuenbourg, consacrèrent le maintien du « mauvais denier » comme impôt permanent. La taxe conserva alors sa forme, ainsi que son nom, jusqu’au milieu du XVIe siècle.

En 1563, pour financer le rachat des seigneuries engagées aux Fugger, l’empereur Ferdinand Ier fit voter par la diète de l’Autriche antérieure assemblée à Fribourg la levée d’une taxe spéciale sur le vin, perçue en plus de l’Umgeld, appelée böser pfennig. Accordée d’abord pour une durée de cinq ans, elle fut prorogée et augmentée successivement, sous un prétexte ou sous un autre, et finit par devenir perpétuel. L’introduction du « mauvais denier » suscita quelques résistances. L’abbé de Murbach refusa absolument que cette taxe soit levée sur ses territoires.

A la suite de l’intégration de l’Alsace au royaume de France une administration financière fut créée de toutes pièces. Il fallut régler l’assiette de la nouvelle imposition. Dans les anciens domaines de la Maison d’Autriche, les formes traditionnelles sont reprises : péages, Maspfenning, droit sur le sel, etc. Dans sonMémoire sur l’Alsace composé en 1697, l’intendant de La Grange déclarait : « A l’égard des droits du sel et d’aydes appelés Maspfennig, ils ne se perçoivent dans la province que dans les terres dépendantes de l’ancien domaine et non dans celles de la Basse-Alsace qui ont esté réunies : ces droits font partie de la ferme générale des domaines qui consiste pour le reste en péages qui se lèvent à l’entrée et à la sortie de la province ». Le « mauvais denier » ou Bösermasspfennig, héritage de la Maison d’Autriche, fut recouvré dans les terres de l’ancienne domination mais pas dans celles de la nouvelle. Dans cette dernière, les seigneurs continuaient à percevoir ces droits sous le nom d’Umgeld de même que Strasbourg et les villes impériales, sans avoir la surcharge du « mauvais denier ».


Bibliographie

HOFFMANN (Charles), L’Alsace au XVIIIe siècle, Tome 3, 1907, p. 59 et 511.

LIVET (Georges), « Masspfennig et Umgeld, contribution à la fiscalité du vin en Alsace sous l’Ancien Régime », Revue française d’Ethnologie, 1948.

LIVET (Georges), L’intendance d’Alsace sous Louis XIV 1648-1715, Strasbourg 1956, p. 86, 697 et 699.

BISCHOFF (Georges), Gouvernés et gouvernants en Haute-Alsace à l’époque autrichienne. Les états des pays antérieurs des origines au milieu du XVIe siècle, Colmar, 1992, p. 65, 82 et 203.

CLAERR-STAMM, (Gabrielle), Pierre de Hagenbach. Le destin tragique d’un chevalier sundgauvien au service de Charles le Téméraire, Société d’histoire du Sundgau, 2004, p. 124-126.

DROUOT (Marc), « Fiscalité et délits liés au débit de vin à Thann et dans son bailliage pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle », Annuaire de la Société d’Histoire des Régions de Thann-Guebwiller, tome XXI, 2004-2005, p. 39-50.

HEIDER (Christine), « Le vignoble de Thann à travers les siècles », Annuaire de la Société d’Histoire des Régions de Thann-Guebwiller, tome XXI, 2004-2005, p. 32.


Notices connexes

Accise

Angal

Boespfennig

Landvogt

Mas-pfennig

Umgelt

Vin

Bertrand Risacher