Costume religieux

De DHIALSACE
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Costume du clergé séculier

Alors que l’existence d’ornements liturgiques semble remonter à l’Eglise paléochrétienne, le costume du clergé ne se différencie que tardivement de l’habillement des laïcs. Les moines et moniales, puis les membres d’ordres religieux ont des habitudes vestimentaires spécifiques à chaque ordre religieux. Pour le clergé séculier, la réforme grégorienne (à partir des années 1050) tente d’édicter des normes qui appellent à la simplicité, sans doute sous l’influence du courant monacal. Les clercs du Moyen Age n’ont pas de costume réglementé en dehors des ornements liturgiques, mais sont requis de porter des vêtements longs et simples, ce qu’oublient de faire les dignitaires. On a relevé un nombre impressionnant de règlements édictés par des évêques, des synodes, des conciles qui traitent de la question, enjoignant, comme au concile de Trèves de 1238, de porter des habits longs et fermés.

Une seconde étape est franchie pour le clergé catholique en 1589 : à la suite du concile de Trente (qui réclame simplement un « habit bienséant »), le pape Sixte V promulgue une décrétale qui impose la soutane comme costume normal pour le clergé : ce costume rappelle la toge universitaire, mais, par sa simplicité, cherche à éviter toute frivolité.

Chaque pays a ses propres usages, de même que chaque groupe de clercs. Le costume permet de différencier le clergé des laïcs, mais aussi les différents grades de clercs : simples prêtres, chanoines, évêques. On relève quelques cas de transgression (le curé de Riedisheim à la fin du XVIIIe siècle est dénoncé pour porter des vêtements de couleur), mais c’est l’austérité qui est requise.

La Révolution, sensible au thème de l’égalité, prône la suppression des costumes spécifiques : le 6 avril 1792, l’Assemblée nationale supprime le port de la soutane. La réorganisation de l’Eglise catholique après le Concordat est marquée, dans le domaine du costume, par deux décisions : l’article 41 des Articles organiques de 1802, reprenant l’interdiction de 1792, interdit le port de la soutane en dehors des cérémonies du culte et impose l’habit noir à la française, avec, pour les évêques, des bas violets et la croix pectorale. Mais le décret du 17 nivôse an XII autorise le port d’« habits convenables à leur état suivant les anciens règlements et les usages de l’Église », mais seulement dans le lieu de leur juridiction. A l’extérieur, l’habit noir à la française reste en principe obligatoire. On assiste, autour des années 1830-1840, au retour de la soutane longue avec le rabat « à la française », avec ou sans ceinture, le tout accompagné du chapeau à large bord.

Le clergé protestant, depuis le XVIe siècle, doit porter un costume simple, noir, proche du costume civil, mais avec une longue robe ouverte évoquant la toge professorale, et la fraise. Le 2 septembre 1767, le convent ecclésiastique, statuant pour l’Eglise protestante de Strasbourg, autorise le manteau et le rabat. Au moment de la Révolution, il semble que les pasteurs se soient vêtus d’une manière assez diversifiée, mais en respectant une allure sobre. Le décret du 19 prairial XIII (8 juin 1804) autorise les pasteurs à porter l’habit noir à la française, avec un rabat et un manteau court. Au XIXe siècle, la rigu eur de ce costume tranche avec la mode courante, les pasteurs conservant l’habitude de porter un pantalon noir, des chemises blanches à cols durs, avec, pour certains, un rabat blanc, et une longue redingote. Le XXe siècle voit la diffusion du costume civil, avec, comme seule restriction, la nécessité de rester décent et sans frivolité.

Les rabbins n’ont pas de costume particulier les différenciant des hommes de la communauté. Là encore, la seule règle est de se vêtir de manière discrète et sans ostentation.

Bibliographie

Dictionnaire d’archéologie sacrée, contenant, par ordre alphabétique, des notions... sur les antiquités et les arts ecclésiastiques... Éd. J. P. Migne, 1851.

BARBIER DE MONTAULT (Xavier),Le costume et les usages ecclésiastiques selon la tradition romaine, 1899.

KOCH (Gustave), LIENHARD (Marc), Les Protestants d’Alsace : du vécu au visible, Strasbourg, 1985, p.143-145.

Benoît Jordan

Costume des religieux et religieuses

Habit porté par les religieux et les religieuses pour exprimer publiquement leur volonté de faire pénitence selon l’Évangile et leur propos de se consacrer à Dieu selon les voeux religieux qu’ils ont émis.

Il faut le distinguer de l’habit de choeur et de l’habit liturgique. Le premier désigne le survêtement que ceux et celles qui y sont astreints – moines, chanoines, religieux et leurs homologues féminins – mettent par-dessus leur habit ordinaire pour la célébration communautaire de l’office choral ou canonial. Le second signifie l’habit de cérémonie que les officiants – évêque, prêtre, diacre (et autrefois sous-diacre), et aussi leurs servants – endossent pour célébrer l’eucharistie ou la messe, et que les pasteurs protestants, réformés ou luthériens, revêtent pour présider le culte.

De façon générale, le costume religieux a connu une très grande variété selon les ordres et les congrégations et, parfois, à l’intérieur même de cet ordre ou de cette congrégation selon les différentes époques. Durant son expérience érémitique, saint Benoît de Nursie (première moitié du VIe siècle) portait comme habit religieux simplement une peau prélevée sur un animal, à tel point que les bergers qui le découvrirent le prirent pour une bête sauvage. C’est encore vêtu d’une simple natte, tressée de fibres végétales, que saint Paul l’Ermite reçoit la visite de saint Antoine, autre solitaire devenu le Père des moines, sur le fameux retable d’Issenheim au Musée Unterlinden de Colmar (début XVIe siècle).

S’inspirant du vêtement ordinaire des gens d’humble condition, saint Benoît de Nursie donna à ses moines « une tunique », robe de dessous, allongée avec des manches et serrée à la taille par une ceinture, servant à la relever pour le travail ou la marche, et « une coule », vêtement de dessus à vaste capuchon, ainsi qu’« un scapulaire pour le travail » : il s’agissait d’une bande d’étoffe passée autour du cou et croisée sur la poitrine, pour serrer la tunique plus ou moins flottante (Benedicti Regula, Maredsous, 1962, p. 165-159). A partir de ces origines très humbles, le costume religieux n’a cessé de se styliser et de se sacraliser. Dans sa Règle pour les chanoines, saint Chrodegang, évêque de Metz, accorde tous les ans un manteau neuf aux chanoines anciens qui doivent rendre leur manteau usé, mais que les chanoines plus jeunes pourront encore porter durant une année. Les prêtres et les sept diacres reçoivent deux tuniques et deux chemises par an ; les autres clercs doivent se contenter d’une seule tunique et d’une seule chemise. Tous reçoivent, pour leurs chaussures, des peaux de vaches et des semelles (PELT (Jean-Baptiste), Études sur la cathédrale de Metz. La liturgie I (Ve – XIIIe s.), Metz, 1937,Saint Chrodegang, 5-28, p. 22-23). Le concile d’Aix-la-Chapelle de 816, réglementant l’institution canoniale dans l’Empire carolingien, permettait aux chanoines de porter des vêtements de lin, mais il leur demandait de pratiquer la simplicité dans le choix et l’usage de leurs vêtements. Les chanoines doivent absolument s’abstenir de revêtir la coule, habit de choeur strictement réservé aux moines (Concilium Aquisgranense, 816, MHG, Legum sectio III, Concilia, t. 2, Concilia aevi Karolini, t. 1, Hannovre-Leipzig, 1906, éd. Werminghoff (Albert), 307 – 421, n° 115, p. 327; n° 124-125, p. 404-405.). Au même synode de 816, Benoît d’Aniane fit ratifier une décision sur les vêtements des moines, qu’un capitulaire de Louis le Pieux, promulgué en 817, imposa aux monastères bénédictins de l’Empire. Ce canon définit, à la suite de la Règle bénédictine, les vêtements que chaque moine devait recevoir de son abbé (SEMMLER (Joseph), « Die Beschlüsse des Aachener Konzils im Jahre 816 », Zeitschrift für Kirchengeschichte, 74, 1963, 15-82, p. 51-52).

L’habit monastique des bénédictins comprenait une tunique longue nouée par une ceinture, portée directement sur le sous-vêtement, puis, par-dessus, un scapulaire, composée de deux bandes de drap flottantes, partant des épaules et descendant bas sur la poitrine et le dos. La coule, large survêtement, parfois plissé, à capuchon et à larges manches, était réservée à la célébration de l’office choral. Les cisterciens, à partir du XIIe siècle, gardèrent la même forme, mais optèrent pour une tunique blanche et un scapulaire noir.

A partir du XIIIe siècle, les ordres mendiants, sauf les carmes, abandonnèrent le scapulaire. Les franciscains optèrent pour la tunique brune, à l’exception des conventuels qui gardèrent la robe noire. Pour les uns et les autres, ce survêtement flottant était serré par une corde à trois noeuds, rappelant les trois voeux de chasteté, d’obéissance et de pauvreté. Les dominicains gardèrent la couleur blanche pour la tunique, conservèrent le camail, petit manteau couvrant les épaules et rappelant leur origine canoniale, mais choisirent le noir pour leur pèlerine. Les jésuites, clercs réguliers, conservèrent en général la soutane du clergé séculier, à moins que, dans un réel souci d’adaptation et d’inculturation, ils ne s’habillent d’un costume proche du vêtement local, comme Matthieu Ricci en Chine au XVIe siècle.

Pour les moniales et les religieuses, la robe longue, de forme et de couleur variables, restait la pièce vestimentaire de base. Le voile, couvrant les cheveux et descendant sur le dos, devint le signe distinctif de la vierge consacrée, au point que « prendre le voile » finit par signifier, pour une jeune fille, « entrer en religion ». Aux temps modernes, le voile, de forme instable et flottante, fut soutenu par une guimpe, pièce de toile blanche et amidonnée, encadrant le visage et couvrant le cou et la poitrine, cachait toute grâce féminine sous un austère carcan masculin.

En Alsace, quelques ensembles iconographiques, enluminés, picturaux ou sculpturaux, montrent aujourd’hui encore cette interprétation régionale d’une évolution générale. Leurs auteurs, ignorant généralement les transformations historiques du costume religieux, ont souvent substitué aux données factuelles du passé la réalité de leur présent ou le produit de leur imagination.

Quelques monuments significatifs méritent d’être signalés :

Enluminures

Le codex Guta-Sintram (XIIe s.), t. 1, fac-similé intégral de l’original, Lucerne, 1982 ; t. 2, commentaires publiés sous la direction de WEIS (Béatrice), Strasbourg, 1983), p. 3 (Gerung, prévôt augustin de Marbach) ; p. 9 et 11 (chanoine et chanoinesse de Saint-Augustin).

HERRADE, dite de Landsberg, abbesse de Hohenbourg (XIIe s.), Hortus deliciarum, éd. GREEN (Rosalie), Londres-Leyden, 1979, t. 1, Commentary, n° 259 (vierges consacrées) ; n° 290-291 (Structures de l’Église : pape, évêques, prêtres, moines, moniales, ermites) ; n° 304-312 : Jugement dernier (moines, moniales, ermites) ; n° 331-334, 335 (communauté des chanoinesses de Hohenbourg) ; t. 2, Reconstruction, p. 304 (chanoinesses) ; p. 352 et 512 (échelle céleste : ermite, moine, moniale) ; p. 372 et 427-428 (Structures de l’Église : pape, évêques, prêtres, moines, moniales, ermites) ; p. 436 (faux moines et fausses moniales) ; p. 504-505 (chanoinesses de Hohenbourg). Cf. PARISSE (Michel), Les nonnes au Moyen Age, Le Puy, 1983, surtout p. 154-159.

CAMES (Gérard), Dix siècles d’enluminure en Alsace, Strasbourg, 1989 : n° 91 (dominicaine) ; n° 106 (échelle céleste : ermite, moine, nonne) ; no 134, 139, 140 (bienheureux Henri Suso, dominicain) ; no 157 (sainte Attale, abbesse) ; no 232-233 (dominicaines).

Herzog-August-Bibkliothek de Wolfenbüttel, Manuscrits de Wissembourg, Ms 45, f. 171v. (Abbé bénédictin, XIIe s.). Reproduit dans La bibliothèque monastique. Le scriptorium oublié de Wissembourg, Exposition 1991, Wissembourg, 1991, couverture et p. 6.

BORNERT (René), Les monastères d’Alsace, t. 2/2, 2009, p. 415.

WALCH (Bernardin), Miscellanea Luciscellensia, 2 vol. manuscrits, 1749 et 1753, Bibliothèque de l’Université de Bâle, H I/29a et 29b (abbés de Lucelle).

CHÈVRE (André),Lucelle. Histoire d’une ancienne abbaye cistercienne. Bibliothèque Jurassienne, 1973, cf. Index p. 337.

BORNERT (René), Les monastères d’Alsace, t. 5, 2011, p. 116-117.

Chartreux

La chartreuse de Molsheim, Société d’Histoire et d’Archéologie de Molsheim, Annuaire hors série, 1990 ; première partie, p. 9 ; deuxième partie, p. 36, 42 (moniales cartusiennes), 46 -48 (anciens ermites), 50, 90 ; troisième partie, p. 5, 163 (tenue de maison), 38, 46, 73, 74 (tenue de ville), 160.

Cisterciens et cisterciennes

RAPP (Francis), MULLER (Claude), Koenigsbruck. Histoire d’une abbaye cistercienne, Société d’histoire et d’archéologie du Ried Nord, 1998 ; p. 69, 73, 83, 87, 99, 123, 153, 183, 249, 265, 291, 293, 343.

BORNERT (René), Les monastères d’Alsace, t. 6, 2011 ; p. 359-453 (trappistes et trappistines), p 480, 531 (bénédictines du Saint-Sacrement), p. 555 (Frères et Soeurs de Jérusalem).

Sculptures

Sainte Odile, les abbesses Relinde et Herrade, au cloître du Mont-Sainte-Odile, reproduit dans Hortus deliciarum, éd. Green, Londres-Leyden, 1979, t. 1, Commentary, n° 349-350.

BORNERT (René), Les monastères d’Alsace, t. 1, 2009, p. 499.

Otfrid de Wissembourg, sculpture murale à Wissembourg, reproduit par BORNERT (René), Monastères d’Alsace, t. 2/2, 2009, p. 415.

Église d’Alspach. Chapiteau. Musée d’Unterlinden à Colmar (XIIe s.) Mort de Marie l’Égyptienne (Moine bénédictin).

Église abbatiale d’Ebersmunster, panneaux du devant des stalles du choeur (XVIIe-XVIIIe s.) et statuettes des niches de ces stalles (fin XIXe-début XXe s.) : saints de l’Ordre bénédictin. Reproduits partiellement par l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, canton de Sélestat Bas-Rhin (Images du patrimoine, 138), Illkirch, 1994, p. 30.

Peintures

Buhl (Haut-Rhin), église paroissiale, triptyque (XVe s.), panneau du Jugement dernier. Reproduit par l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Haut-Rhin, canton Guebwiller, Paris, 1972, t. 2, p. 39.

Église abbatiale d’Ebersmunster (XVIIIe s.), fresques de la nef (Glorification de saint Benoît) et fresques au-dessus des galeries latérales (Vie de saint Benoît). Reproduits partiellement par l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, canton de Sélestat Bas-Rhin, p. 26.

René Bornert