Costume (féminin) : Différence entre versions

De DHIALSACE
Aller à : navigation, rechercher
m (correction du style)
m (espaces)
Ligne 25 : Ligne 25 :
  
 
Si l’on se penche sur les usages régionaux aux XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles, il s’avère que les vêtements alors portés témoignent peu d’une identité typiquement «&nbsp;alsacienne&nbsp;», tant le jeu des influences germaniques est grand dans l’espace rhénan, malgré le rattachement de cette zone frontalière au royaume de France et l’influence des modes de celui-ci. La province se distingue par des façons spécifiques de se vêtir, mais, à quelques variantes, près la silhouette se retrouve dans la ville de Bâle ou aux confins du territoire de Belfort et de Montbéliard. En 1789, bien que française depuis plus d’un siècle et malgré l’adoption des influences extérieures en matière culturelle notamment, l’Alsace continue d’être perçue par les voyageurs comme une province distincte de la France par la langue, les vêtements et un mode de vie propre à l’Allemagne voisine. Le costume paysan du XIX<sup>e</sup> siècle dérive du costume urbain de la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, lui-même mélangeant les deux influences. Le casaquin renvoie au caractère français, le tablier est emprunté aux modes allemandes et la coiffe oscille entre influence rhénane et adaptation alsacienne.
 
Si l’on se penche sur les usages régionaux aux XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles, il s’avère que les vêtements alors portés témoignent peu d’une identité typiquement «&nbsp;alsacienne&nbsp;», tant le jeu des influences germaniques est grand dans l’espace rhénan, malgré le rattachement de cette zone frontalière au royaume de France et l’influence des modes de celui-ci. La province se distingue par des façons spécifiques de se vêtir, mais, à quelques variantes, près la silhouette se retrouve dans la ville de Bâle ou aux confins du territoire de Belfort et de Montbéliard. En 1789, bien que française depuis plus d’un siècle et malgré l’adoption des influences extérieures en matière culturelle notamment, l’Alsace continue d’être perçue par les voyageurs comme une province distincte de la France par la langue, les vêtements et un mode de vie propre à l’Allemagne voisine. Le costume paysan du XIX<sup>e</sup> siècle dérive du costume urbain de la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, lui-même mélangeant les deux influences. Le casaquin renvoie au caractère français, le tablier est emprunté aux modes allemandes et la coiffe oscille entre influence rhénane et adaptation alsacienne.
 
&nbsp;
 
  
 
== Sources - Bibliographie ==
 
== Sources - Bibliographie ==

Version du 7 octobre 2020 à 16:03

Le vêtement permet de s’identifier socialement et individuellement et cette polarité se traduit dans la distinction des termes « costume » et « vêtement ». Le costume est un terme polysémique dont il est particulièrement complexe de définir la portée. Il est ambigu dans sa double signification de costume, de manière de se vêtir, et d’habit, car il correspond également à l’ensemble des pièces vestimentaires qui le composent. Il a une signification sociologique puisqu’il dépendrait du groupe auquel on appartient, étant une image plus ou moins standardisée de pratiques collectives attendues, alors que le vêtement répond plus à un besoin matériel et immédiat de se couvrir en y associant une part de psychologie personnelle. Le vêtement permet de s’identifier individuellement et socialement, tandis que le costume renvoie à une identité. Porter un costume relèverait donc d’un affichage clair et volontaire.

Les changements vestimentaires paraissent avoir été très tôt un objet de conflits à la fois sociaux et idéologiques et furent considérés tantôt comme une ouverture, voire un progrès, tantôt comme une transgression, un signe d’impiété ou de décadence. La grande valeur accordée à la corrélation entre le comportement et l’apparence, avec laquelle il doit être en accord, ne permet que de rares discussions dans l’habillement. Le port du vêtement est codifié et les modes sont relativement stables. Pourtant, s’il indique une position sociale, le vêtement informe aussi sur les choix et les goûts de son porteur. Il ne confirme alors plus ce que l’on est, mais exprime ce que l’on voudrait être, c’est-à-dire que l’idéal d’adéquation entre l’être et le paraître disparaît. Dès lors qu’il y a risque de confusion entre les groupes sociaux par un brouillage, le vêtement est un facteur de désordre auquel les autorités de la société d’Ancien Régime ont répondu par la promulgation de lois vestimentaires. L’esprit qui les inspire peut varier, mais elles sont généralement axées sur trois thèmes essentiels. Les préoccupations morales et religieuses tendent à préserver le corps social de la corruption et de la dépravation afin de contenir la société chrétienne dans la vertu et de promouvoir la simplicité et le respect des traditions. Pour des raisons économiques, les autorités tentent d’empêcher l’évasion de la monnaie par des importations de produits de luxe et de limiter les dépenses improductives, utilisées à des fins personnelles comme celles que représentent l’acquisition de bijoux, de fourrures, d’étoffes et de garnitures d’or et d’argent. Enfin, un motif social repose sur le désir de maintenir la hiérarchie existante entre les groupes humains, celle-ci se manifestant par une série de signes visibles.

Enfin, l’étude des costumes et des Kleiderordnungen donne un aperçu sur la représentation de la femme. Car, au regard des recueils de costumes et des Kleiderordnungen (ordonnances sur le vêtement), les femmes sont cantonnées dans un groupe social déterminé (femmes de la noblesse, de la bourgeoisie ou du petit peuple), professionnel (femmes de la bourgeoisie commerçante ou de docteur, domestiques, nourrices, jardinières ou paysannes) ou religieux (catholiques, protestantes, anabaptistes ou juives). Elles adoptent la tenue la plus appropriée à leur rang ou à leur confession. Le costume est un moyen de marquer des appartenances et des différences.

Sous l’Ancien Régime, le vêtement et tout ce qui le caractérise comme sa forme, ses teintes, les matériaux qui le composent ou la manière de le porter indiquent juridiquement une condition, une qualité, un état.

Parmi ces ordonnances strasbourgeoises, la Kleiderordnung de 1628 commence par un constat d’échec et le regret que les traditions sont sans cesse bafouées par l’invasion de moeurs anti-germaniques. Les autorités ont constaté des abus dans l’habillement qui favorise la corruption et dont la principale cause est le faste déployé. Elle n’est pas qu’une simple ordonnance sur le vêtement, puisqu’elle organise socialement les Strasbourgeois en six classes, la première regroupant par exemple les domestiques, gardiennes et couturières, la sixième étant constituée de l’élite urbaine dont le Stettmeister est lui-même issu. Cette structuration de la société strasbourgeoise par une élite soucieuse de préserver ses privilèges et symboles est le reflet de l’ordre social et économique. En 1660, le Stettmeister Christophe de Draxdorf tire le constat des échecs de celle de 1628 et dénonce l’influence de nouvelles modes inconvenantes et somptueuses venant de nations étrangères à l’Allemagne. Face à ce douloureux constat, l’ordonnance reprend la réglementation précédente, la complète et la précise en ajoutant aux anciennes défenses des sanctions et des interdictions nouvelles. Surtout, elle apporte quelques changements notoires, notamment dans la classification de la population puisqu’elle définit un nouveau classement en y ajoutant des professions et subdivise en deux degrés la quatrième et la cinquième classe. En étant le plus précis possible, le Magistrat cherche à éviter les abus rendus réalisables par l’absence de certains métiers non répertoriés dans l’ordonnance de 1628.

En 1678, un nouvel édit fulmine contre la dépravation des moeurs et le luxe répété de l’habillement. Cette fois l’ordonnance n’énumère plus les obligations classe par classe, mais s’organise en différents articles portant sur les dentelles, les bonnets de fourrure, les fraises, les rubans, etc. et définit pour chacune de ces pièces du vêtement ou de la passementerie ce que chaque classe peut ou non porter et à quel coût. Finalement, le rattachement de Strasbourg à la France, en 1681, conduit à des mandats dénonçant cette fois non plus la perte des coutumes germaniques, mais le manque d’entrain des Alsaciennes à porter le costume français. En 1708, la ville de Strasbourg met un terme à une réglementation qui s’est avérée inefficace.

Mulhouse a également son lot d’ordonnances somptuaires, mais à la différence de Strasbourg et de ses Kleiderordnungen spécifiquement destinées à codifier les vêtements de ses citoyens, le Magistrat mulhousien a voulu faire la distinction entre les affaires qui concernent le domaine du religieux et les affaires politiques. Ainsi aux autorités religieuses vont les affaires spirituelles. Quant à Colmar, il ne semble pas y avoir eu d’ordonnances somptuaires portant exclusivement sur le vêtement. Comme ailleurs dans l’espace rhénan, des règlements et décrets de police organisent la vie privée des bourgeois, mais la réglementation concerne surtout les manifestations familiales quelles qu’elles soient. Des mesures relatives au vêtement apparaissent au gré des lois, mais concernent surtout les costumes portés en ces occasions festives ou ce qu’il est interdit de faire.

L’organisation sociale imposée par les lois somptuaires trouve sa meilleure illustration dans les recueils de costumes ou Trachtentbüchlein. Apparus au XVIe siècle, ces livres s’inscrivent dans la mouvance des grandes découvertes qui ont conduit les Européens à prendre conscience de la pluralité du monde. Qu’ils soient consultés pour se divertir ou pour s’instruire, ces livres rencontrent un vif succès, car les villes, les provinces et les pays sont facilement identifiables au travers de l’aspect extérieur et des vêtements portés par les habitants de ces contrées. Ils donnent ainsi la possibilité d’approcher une population par son vêtement qui permet de se saisir d’une culture autre. Consciente de l’engouement suscité par ce type d’ouvrages, la ville de Strasbourg se spécialise au début du XVIIe siècle dans la représentation de ses propres costumes. Du plus ancien encore conservé, l’Evidens Designatio, daté de 1606, au plus récent Représentation des modes et habillements qui sont en usage à Strasbourg publié en 1731, sans omettre le plus illustre Les costumes strasbourgeois des XVIIe et XVIIIe siècles de Frédéric-Guillaume Schmuck, réédités en 1889, ou les mythiques planches de Wenzel Hollar, les usages vestimentaires de Strasbourg suscitent la curiosité des artistes et des imprimeurs locaux et étrangers. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, l’édition accumule les rééditions comme les premiers tirages.

Au début du XVIIe siècle, l’Evidens Designatio inscrit par l’image la classification des Strasbourgeois et identifie les vêtements suivant leur appartenance à la noblesse Nobilis foemina, à la grande Foemina Patricia, à la moyenne medioximæ conditionis ou à la petite bourgeoisie mediocris conditionis et au peuple Hortulana Argentinensis ou Rustica Alsatica. L’illustration des différents groupes sociaux est maintenue dans les recueils de costumes postérieurs, mais de façon moins soutenue. La figure de la noblesse s’estompe pour faire place à la femme bourgeoise, davantage représentative des modes locales. Comme en témoigne le portrait, la noblesse et la grande bourgeoisie ont déjà adopté le vêtement « à la française » et inscrivent, parfois, leur identité locale dans le port de la coiffe à becs.

A la lecture de l’Evidens Designatio, les modes portées à Strasbourg au début du XVIIe siècle reposent encore sur les formes de la fin du XVIe siècle et résultent d’un mixage culturel. Le corsage montant et bordé d’une fraise ainsi que la jupe disposée sur un vertugadin sont le maintien des modes espagnoles, tandis que les broderies, les chaînes d’or, les tabliers plissés sont typiquement allemands. Le XVIIe siècle se caractérise par une plus grande austérité des apparences où les tons sombres prédominent comme le noir des vêtements et des coiffes ou le marron des fourrures qui bordent cols et poignets. Les quelques touches de blanc de la lingerie et de couleur des jupes tranchent avec la sévérité affichée par les bourgeois et les patriciens. Aux lendemains de la guerre de Trente Ans, l’engouement pour les modes françaises atteint progressivement, mais partiellement, les provinces. Les femmes les plus riches de la bourgeoisie suivent les nouvelles influences, mais les éléments qu’elles adoptent marquent un décalage en raison de la distance spatiale, de choix et de goûts régionaux, de la sensibilité propre à chaque culture, voire de la confession religieuse. Ainsi, en Alsace, l’esprit de la Renaissance se maintient au XVIIIe siècle dans le goût pour les collerettes, les vieilles traditions régionales résistant au mouvement universel des vêtements de l’aristocratie européenne. Si une assimilation des modes françaises se constate dans toute l’Europe, c’est en restant attaché à certains aspects culturels. A la fin du XVIIIe siècle, les membres du patriciat et les bourgeoises de la grande ou de la moyenne bourgeoisie, qui en ont les possibilités financières, adoptent les apparences françaises dans le sillage des nobles. Mais, leurs portraits nous apprennent aussi que, tout au long du siècle, elles y associent le souvenir d’une culture propre par le biais notamment de la coiffe.

Le vêtement quotidien des femmes du peuple reproduit les formes de celui des classes plus fortunées, mais dans des tissus de moindre coût, des couleurs souvent plus ternes et sombres, des accessoires et des détails réduits. Au XVIIe siècle, le bas de l’habit des domestiques, nourrices, fileuses et jardinières se compose d’une longue jupe à plis et d’un tablier plus ou moins large descendant jusqu’aux chevilles. Le haut du corps est généralement pris dans un casaquin ouvert sur le corsage lacé et une chemise blanche. En ville, l’influence des modes suivies par les élites et le désir spontané d’imitation incitent les classes laborieuses à suivre ce mouvement inconstant. L’évolution se lit principalement dans les accessoires et dans certaines pièces du vêtement, comme la coiffe. L’habillement des domestiques emprunte leurs modes aux catégories sociales supérieures, grâce notamment aux dons en nature des maîtres qui leur lèguent des pièces de textile, de vêtement et des accessoires usagés ou démodés.

Le costume des jours de labeur des paysannes est caractérisé par sa simplicité et sa fonctionnalité. L’habit ne doit pas gêner les mouvements dans la mesure où les travaux agricoles requièrent une aisance corporelle qu’un vêtement rigide et fragile entrave. La jupe, parfois enroulée autour de la taille pour ne pas gêner la démarche lorsque la paysanne se rend au marché, s’arrête à mi-mollets, se distinguant ainsi du vêtement des citadines. Les bas épaississent la jambe et les chaussures sans talons et à double semelle sont fabriquées pour durer. La paysanne évite ce qui est souple et précaire afin de prévenir au maximum le gaspillage et les pertes de tissus. Ce souci de l’épargne et de la récupération se traduit par les fronces et les plis façonnés, les tissus n’étant jamais coupés en biais. Si l’on constate un immobilisme des formes du vêtement paysan, pourtant loin d’être totalement figé, les costumes de fête ont évolué jusqu’à l’abandon pour d’autres modes. La paysanne adapte à sa tenue une esthétique propre à chaque région selon les ressources locales et un goût spécifique pour certaines matières, parures et pour certains motifs, révélant un goût original dans ses coupes et dans ses formes.

Si l’on se penche sur les usages régionaux aux XVIIe et XVIIIe siècles, il s’avère que les vêtements alors portés témoignent peu d’une identité typiquement « alsacienne », tant le jeu des influences germaniques est grand dans l’espace rhénan, malgré le rattachement de cette zone frontalière au royaume de France et l’influence des modes de celui-ci. La province se distingue par des façons spécifiques de se vêtir, mais, à quelques variantes, près la silhouette se retrouve dans la ville de Bâle ou aux confins du territoire de Belfort et de Montbéliard. En 1789, bien que française depuis plus d’un siècle et malgré l’adoption des influences extérieures en matière culturelle notamment, l’Alsace continue d’être perçue par les voyageurs comme une province distincte de la France par la langue, les vêtements et un mode de vie propre à l’Allemagne voisine. Le costume paysan du XIXe siècle dérive du costume urbain de la fin du XVIIIe siècle, lui-même mélangeant les deux influences. Le casaquin renvoie au caractère français, le tablier est emprunté aux modes allemandes et la coiffe oscille entre influence rhénane et adaptation alsacienne.

Sources - Bibliographie

AMS, 6R 15, Ordonnances et règlements de police de la ville, Kleiderordnung, Strasbourg, 1628, art. XVIII.

AMS, 1MR 32, Der Statt Straßburg Revidirte Kleider Ordnung, 1660.

AMS, 1MR 32, Mandats et règlements 1650-1680, Der Statt Strassburg Neu Verbesserte Kleiderordnung, 1678.

AMM, I B, n°10, Stadtverfassung, 1659-1759, 1er juin 1758, art. 21 et 22 et I B, n°11, Stadtverfassung, 1759-1797: Reformationsordnungen, 8 juin 1775, titre XV Kleider Tracht.

AMC, série FF626, Hochzeitordnung du 22 juin 1650, n°22.

CAROLUS (Johan), Evidens Designatio, Strasbourg, 1606.

LELOIR (Maurice), Dictionnaire du costume, Paris, 1961.

LA SALLE de (Lazare), Mémoires de deux voyages et séjours en Alsace, 1674-1676 et 1681 avec un itinéraire descriptif de Paris à Basle et les vues d’Altkirch et de Belfort dessinées par l’auteur, Marseille, 1979.

BOEHLER (Jean-Michel), La paysannerie de la plaine d’Alsace (1648-1789), 3 vol., Strasbourg, 1994.

PELLEGRIN (Nicole), in Histoire du corps, Paris, 2005, vol 1 :De la Renaissance aux Lumières.

PRIGENT (Léone), La perception du vêtement féminin des élites et des classes populaires à Strasbourg, Mulhouse et Colmar (XVIIe-XVIIIe siècles). Image de soi, image de l’autre, thèse d’histoire moderne, Université de Strasbourg, 2008.

PRIGENT (Léone), « La vision des Strasbourgeoises dans les recueils de costumes strasbourgeois du XVIIIe siècle : une image plurielle », LETHUILLIER (Jean-Pierre) (Dir.), Les costumes régionaux entre mémoire et histoire, Rennes, 2009.

Léone Prigent