Collèges

De DHIALSACE
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Les écoles secondaires ou collèges apparaissent au XVe siècle quand le collège médiéval, pension pour les boursiers suivant les cours de l’université, devient une institution d’enseignement à part entière. La création de collèges connaît son apogée au XVIe siècle dans le prolongement du courant humaniste. L’acquisition du savoir se déroule par la transmission progressive de connaissances dans le cadre d’un cursus scolaire dans lequel les élèves sont répartis par classes de niveau. Les autorités municipales soutiennent activement la création des collèges qui instruisent les fils de la bourgeoisie urbaine et qui répondent à leurs besoins croissants en personnel compétent dans l’administration et la justice.

La Réforme protestante fait naître des établissements confessionnels distincts. Pourtant, les collèges catholiques et protestants se distinguent moins par la pédagogie qu’ils pratiquent que par la formation religieuse qu’ils dispensent. Les anciennes écoles latines, devenues des collèges, proposent une instruction basée sur l’étude de la littérature grecque et latine. Les Églises y forment leurs pasteurs et cherchent à moraliser les fidèles. Le collège vise une formation humaine et chrétienne. Les élèves y apprennent les bonnes manières, la discipline et les exercices de dévotion. La formation scientifique reste en revanche insignifiante. L’enseignement du français débute timidement au XVIIIe siècle tandis que l’apprentissage des autres langues vivantes est négligé.

Face à la création de collèges protestants, l’Église catholique répond en attribuant ses collèges aux congrégations nées de la Réforme tridentine comme les jésuites.

V. Académie.

 

I. Collèges de jésuites

La Société de Jésus, fondée par Ignace de Loyola, est reconnue par Paul III en 1540. Aux trois voeux traditionnels d’obéissance, de pauvreté et de chasteté, les jésuites ajoutent celui d’obéissance au pape. Pierre Canisius (1521-1597), premier jésuite allemand, est appelé en 1551 par le Grand Chapitre de Strasbourg pour prêcher à la cathédrale, mais la venue ne se concrétise pas. Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle que les jésuites s’installent en Alsace où ils ouvrent sept collèges : Molsheim en 1580, Haguenau en 1604, Ensisheim en 1614, Sélestat en 1623, Rouffach en 1656, puis après le rattachement à la France, Strasbourg en 1685, Colmar en 1698. Les collèges jésuites de Strasbourg, Colmar et Ensisheim sont confiés à la province jésuite de Champagne et les régents y donnent les leçons également en allemand et en français. Ils sont sous le gouvernement d’un provincial français. Les quatre autres collèges jésuites de Sélestat, Rouffach, Molsheim et Haguenau continueront d’être confiés à la province d’Allemagne avec pour siège Mayence, qui les avait fondés. « La résidence de Rouffach est assez inutile », dit-on en 1722 (Archives du Ministère des Affaires Étrangères, Section Mémoire et Documents, fonds Alsace, t 37 f 251), date à laquelle l’administration échafaude, en vain, le plan de réunir au sein d’une même congrégation les établissements des deux provinces. Aux sept collèges cités, il est possible d’ajouter un huitième, Bouquenom, fondé en 1630.

Les jésuites offrent ainsi, à partir du XVIIe siècle, un réseau éducatif de haut niveau face à celui qu’a constitué la bourgeoisie protestante des grandes villes d’Alsace avec ses gymnases et son Université. L’organisation stricte des collèges jésuites, avec leur encadrement administratif et pédagogique, leurs enseignants qui ont subi une formation longue et variée développe ce que le P. Delattre considère comme le caractère original de l’enseignement de la Compagnie : une progression annuelle par classes de niveau, de la Cinquième, Quatrième, Troisième avec la grammaire, des Humanités en Seconde et de la Rhétorique en Première, le tout en latin, qui est la seule langue pratiquée dans ces établissements, et imposée jusque dans les cours de récréation. Un grand nombre d’élèves était pensionnaire et subissait la règle d’une discipline toute religieuse que viennent seulement interrompre des grandes vacances inaugurées par la cérémonie de la distribution des prix et la représentation d’une pièce de théâtre : à cette occasion seule, le collège s’ouvre au public.

DELATTRE (Paul), Les établissements jésuites en France (par ordre alphabétique), Enghien-Wetteren, 4 volumes, 1949-1956.

DAINVILLE (François), COMPÈRE (Marie-Madeleine), L’Education des jésuites (XVIe-XVIIIe siècles), Paris, 1991.

Claude Muller

1. Collège de Molsheim

Le Concile de Trente avait exigé la création d’un séminaire dans chaque diocèse. Dans cette optique, Jean de Manderscheid fit appel aux jésuites de la Province du Rhin Supérieur qui, en 1580, ouvrirent, dans un premier temps, un collège, non pas à Strasbourg, acquise à la Réforme, mais dans la ville épiscopale de Molsheim. Le Séminaire n’ouvrit officiellement ses portes qu’en 1607, alors que la théologie y était professée depuis 1592 ; en 1617 s’y adjoignit une Académie. En 1628, le noviciat des jésuites fut transféré de Trèves à Molsheim ; il hébergeait 39 candidats en 1630.

Pendant plus d’un siècle, le fonctionnement de ces institutions fut entravé par les épidémies de peste à répétition et d’autres contagions ainsi que par les incursions de troupes lors des diverses guerres (1587, 1592, 1610, 1618-1648, 1652, 1675-1679) ; les cours vaquèrent bien souvent et parfois il fallut fuir au loin.

Au beau milieu de l’année scolaire 1580, les jésuites ouvrirent deux classes dans les bâtiments de l’ancien hôpital ; à la rentrée de novembre, l’effectif était de 84 et de 200 au bout de l’année, de sorte qu’ils purent constituer le cycle complet des cinq classes. « Tels furent les modestes débuts d’une école destinée à devenir le boulevard du catholicisme en Alsace » (Reuss, 352).

L’enseignement, dispensé par de jeunes magistri, se faisait en latin et selon la « ratio studiorum » des jésuites ; on y enseignait aussi le grec et l’hébreu. Dès décembre 1580, l’évêque avait envoyé des partitions musicales à Molsheim. En 1750 seront nommés des professeurs de français et, en 1758, des prix sont décernés pour la première fois en histoire.

Comme ailleurs, les jésuites faisaient donner des représentations théâtrales par leurs élèves. En 1581, après la restauration de la chapelle de l’hôpital, toutes les instances de l’Evêché furent sollicitées pour contribuer aux frais de construction des bâtiments scolaires. Un internat y fut ajouté en 1584. De nouvelles constructions (nouum Gymnasium) furent érigées de 1605 à 1606 le long de la rue. En 1608 est entreprise la construction d’une troisième aile à l’instigation de Léopold d’Autriche ; achevée en 1609, elle était plus grande et plus commode que les autres. La nouvelle église, destinée à remplacer la précédente, trop petite, fut construite entre 1615 et 1617.

L’évêque céda aux jésuites les biens de l’hôpital, ainsi que les revenus des sept anciennes prébendes. En 1583, il promulgua un règlement pour les étudiants, dont certains logeaient en ville.

Pour stimuler la piété des élèves, les jésuites érigèrent deux confréries : la Congrégation de l’Annonciation pour les grands et le « sodalitium angelicum » pour les petits.

Entre 1641 et 1649, il y eut si peu d’élèves que deux régents suffirent à la tâche, en regroupant des élèves de différents niveaux ; en 1651, on compte à nouveau cinq classes. En 1654, le corps enseignant comporte deux maîtres pour les classes de grammaire, un professeur pour les humanités, un pour le grec et les mathématiques. En 1658, les cinq classes disposent à nouveau d’un maître particulier à chacune.

Au début du XVIIIe siècle, l’effectif devait être réduit puisque parfois trois maîtres seulement fonctionnaient sur place ; en 1730, le professeur de physique fut transféré à Haguenau puisqu’il n’y avait plus qu’un seul élève. En 1743 et au-delà, cinq maîtres sont à nouveau en poste.

Entre 1723 et 1729, un grand mouvement s’opéra dans le corps professoral, puisque tous devaient être « régnicoles ». En 1755, la maison se trouve dans une situation financière catastrophique au point qu’il est question de réunir ses biens à la mense épiscopale.

En 1762, le Parlement de Paris décrète la suppression des jésuites, mais, grâce à l’intervention du cardinal de Rohan, la mesure ne s’applique pas aussitôt à l’Alsace. Le 15 décembre 1764, le Conseil souverain d’Alsace enregistre le décret d’expulsion qu’un huissier royal communique aux jésuites de Molsheim le 20 du même mois. Pendant quelques semaines, on procède à l’inventaire. Le 30 septembre 1765, les jésuites quittent la maison.

Dès septembre, la maison rouvre comme « Collège épiscopal » placé sous la direction du clergé diocésain ; elle ne fonctionnera plus comme séminaire et ne préparera plus aux grades universitaires. Comme les collèges de Haguenau et de Sélestat avaient été supprimés, dix bourses ou places gratuites furent attribuées à dix enfants de chacune de ces villes. Le collège passa sous la direction de la municipalité de Molsheim le 14 mai 1791.

Sources et bibliographie

Synopsis ortus et progressus Collegii Societatis Jesu Molshemii ab anno MDLXXVII ad annum MDCXXXVI (ABR 2 G 30/6).

Historia Collegii Societatis Jesu Molshemensis, Tomus secundus 1704-1765 (ABR 2 G 30/7).

De BOUG, Ordonnances d’Alsace, II, p. 726.

DACHEUX (Léon), « Histoire du Collège Episcopal de Molsheim », RCA, 9, 1867, p. 325-335 ; 11, 1869, p. 389-396.

FISCHER (Dagobert), « La dissolution de l’Ordre des jésuites en Alsace », RA, IV, 1875, p. 289-314.

REUSS (Rodolphe), L’Alsace au XVIIe siècle (1898), II, p. 351-355.

HOFFMANN (Charles), L’Alsace au XVIIIe siècle (1906), t. II, p. 83-84.

DUHR (Bernhard), Geschichte der Jesuiten in den Ländern deutscher Zunge, Freiburg, 1907-1928, I, p. 133-136 ; III, p. 187-190 ; IV, p. 198-205.

HAHN (Karl), « Das Aufkommen der Jesuiten in der Diözese Strassburg und die Gründung des Jesuitenkollegs in Molsheim », ZGO, 64, 1910, p. 246-294.

MURY (Paul), S.J., « Les jésuites en Alsace. Les cinq dernières années du Collège de Molsheim (1761-1765) d’après une chronique inédite », RCA, 37, 1922, p. 704-715.

GASS (Joseph), « La fondation du Collège de Molsheim », Bull. Ecclés. du dioc. de Strasbourg, 46, 1927, p. 277-282.

BARTH (Médard), « Das Schultheater im Jesuitenkolleg zu Molsheim », AEKG, VIII, 1933, p. 259-268.

GASS (Joseph), « Les études au Collège de Molsheim en 1583 », RCA, 52, 1937, p. 329-334.

SCHLAEFLI (Louis), « Un programme de cours du Collège de Molsheim de 1628 », Annuaire SHAME, 1973, p. 69-77.

SCHLAEFLI (Louis), « Règlement pour les étudiants à Molsheim », Annuaire SHAME, 1980, p. 30.

HENGST (Karl), « Die Erzherzogliche Akademie Molsheim. Eine Universität der katholischen Reform. Zur Gründungsgeschichte einer Jesuitenuniversität », Annuaire SHAME, 1980, p. 31-36.

FRIJHOFF (Willem), JULIA (Dominique), « Un collège de cocagne : la consommation alimentaire au pensionnat de Molsheim à la fin du XVIIIe siècle », Annuaire SHAME, 1986, p. 46-47.

V. Académie de Molsheim, Confrérie, Jésuites (en Alsace), Séminaire.

Louis Schlaefli

2. Collège de Haguenau

L’installation des jésuites se fait par étapes à Haguenau. Deux pères de Molsheim y viennent en 1595 pour seconder le curé de Saint-Nicolas, Félix Schwan, pendant le temps pascal, avec l’accord du magistrat. Ils reviennent les années suivantes. En 1604, à l’ouverture du temps pascal, le magistrat insiste auprès de Molsheim pour obtenir des pères. Ceux-ci restent durant la Semaine sainte, puis s’établissent à deux dans l’ancienne maison des Johannites. Ils se chargent des prédications à Saint-Georges, gardant la chaire jusqu’en 1732. Trois ans après leur installation, le sénat confie aux jésuites la direction de l’école paroissiale. Ils en font un collège avec les classes d’humanités et de rhétorique. En novembre 1612, l’archiduc Léopold leur remet le couvent des Guillemites qu’ils conservent jusqu’en 1628. En 1614, les jésuites obtiennent définitivement de l’oeuvre Saint-Georges le presbytère et la bibliothèque paroissiale, les bâtiments scolaires et des revenus suffisants à leur subsistance. En 1617, le pèlerinage de Marienthal est annexé au collège. Enfin, en 1626, le magistrat et d’autres bienfaiteurs leur cèdent la chapelle impériale et d’autres propriétés sur l’île impériale. Entre 1730 et 1738, le collège avec sa chapelle incorporée, est entièrement reconstruit.

GROMER (Georges), La chronique des jésuites de Haguenau (1604-1692), Haguenau, 1959, (texte latin qui attend son traducteur).

BURG (André-Marcel), Marienthal. Histoire du couvent et du pèlerinage, Phalsbourg, 1959.

 

3. Collège d’Ensisheim

Dans la patrie alsacienne du diocèse de Bâle, Jean Rasser, curé d’Ensisheim, s’efforce dès 1576 d’ajouter un séminaire aux classes latines de l’école paroissiale. En 1583, ce collège comprend cinq classes, un internat, une chapelle, dont le fonctionnement est assuré par les revenus des Antonites d’Issenheim, des Johannites de Bâle, de l’abbaye de Valdieu entre autres. Après la mort de Rasser en 1594, les jésuites de Fribourg en Brisgau reprennent ce collège en 1614 à la demande de l’archiduc Léopold. Les pères appartiennent à la province de Germanie supérieure.

MERKLEN (François Joseph), Ensisheim, jadis ville libre impériale, Colmar, 1840-1841, 2 volumes, réimpression 1979.

 

4. Collège de Sélestat

C’est encore l’archiduc Léopold qui favorise l’installation des jésuites à Sélestat. Ils arrivent le 15 janvier 1615. L’archiduc leur remet la lettre de fondation le 23 mars 1616, laquelle met à leur disposition l’ancien prieuré bénédictin de Sainte-Foy en même temps qu’une propriété épiscopale, appelée « Schnellenbühl » et située dans le ried local. Le 27 août 1616, il y ajoute le prieuré de Saint-Valentin à Rouffach. Le pape ratifie la fondation et les dotations en 1618. Le collège ouvre ses portes en 1623. Le pape donne son assentiment officiel en 1629. L’enseignement est confié à des magistri, maîtres-professeurs, jeunes religieux qui, au sortir du noviciat de deux ans, s’adonnent durant deux ans à des études littéraires, puis pendant trois ans à des études philosophiques. Ils instruisent les élèves du collège durant plusieurs années, puis se consacrent pendant quatre années aux études théologiques qui aboutissent à l’ordination sacerdotale. En 1623, il y a à Sélestat deux maîtres ; en 1630, six.

GENY (Joseph), Die Jahrbücher der Jesuiten zu Schlettstadt und Rufach (1615-1765), deux volumes, Strasbourg, 1895 et 1896 (texte latin pour la plus grande partie).

MURY (Paul), « Les jésuites en Alsace. Collège de Schlestadt », RCA, 1896, p. 683-689, 747-754, 852-864, 881-894; 1897, p. 94-105; 185-195.

ADAM (Paul), Histoire religieuse de Sélestat, Sélestat, 1971, t. II, p. 9-76.

 

5. Collège de Sarre-Union

Sarre-Union fait partie de l’Alsace géographique. Le 7 juillet 1629, la chambre impériale de Spire, tribunal suprême du Saint-Empire romain germanique, pour mettre fin à un différend qui oppose depuis un siècle, la Maison de Lorraine à celle de Nassau-Saarbruck, attribue les villes de Bouquenom et de Sarrewerden au duché de Lorraine. Le 1er décembre 1630, François II, duc de Lorraine signe la charte de fondation du collège des jésuites fondé d’une part pour « rétablir dans cette contrée la religion catholique, apostolique et romaine que les comtes de Nassau avaient bannie », d’autre part pour qu’on « y enseigne gratuitement les langues allemande et latine à la jeunesse et qu’on y forme des prêtres qui puissent desservir les cures de la Lorraine allemande ». On ne pouvait mieux expliciter la Contre-Réforme. Les jésuites qui s’installent à Bouquenom viennent de Spire et de Molsheim. Après des débuts difficiles, un nouveau collège est reconstruit en 1756 et 1757. En 1764, quand la Compagnie est interdite en France, Stanislas Leszczynski protège les jésuites locaux. Ils ne quittent Bouquenom qu’en 1766, à la mort du duc.

GRIMM (Joseph), « Le collège de Bouquenom », AEA, 40, 1980-1981, p. 131-145.

 

6. Résidence de Rouffach

Les jésuites y établissent une résidence où se tiennent à partir de 1656 les basses classes latines. Cet établissement reste sous la dépendance de Sélestat.

 

7. Collège de Strasbourg

Le 8 juillet 1683, le séminaire de Strasbourg est installé dans les anciens locaux de la cour des frères (Bruderhof) derrière la cathédrale par l’évêque Guillaume de Furstenberg. En 1685, un collège (actuellement Lycée Fustel de Coulanges), où oeuvrent des jésuites, s’y ajoute. Les revenus des anciennes abbayes de Seltz et de Walbourg leur reviennent en dot. Pour compléter cette mise en place, Louis XIV transfère l’Université épiscopale de Molsheim à Strasbourg en 1702. Gaston de Rohan, à peine élu coadjuteur, officie à la fête de translation. Les langues d’enseignement deviennent le latin et le français. Le P. Jean Dez (1643-1712) dirige l’établissement du début jusqu’en 1691. Joseph Massol reconstruit le collège sur les plans de La Mire entre 1755 et 1757. Le collège devient collège royal de Strasbourg à compter de 1766.

EPP (René), « La translation de l’Université catholique de Molsheim à Strasbourg (1702) », Annuaire SHAME, 1980, p. 77-81

CHATELLIER (Louis), Tradition chrétienne et renouveau catholique dans l’ancien diocèse de Strasbourg (1650-1770), Paris, 1981.

 

8. Collège de Colmar

« Le roi voulant contribuer à l’instruction des enfants des habitants de Colmar, Sa Majesté a jugé que rien ne convenait mieux pour y réussir que de tirer quelques jésuites d’Ensisheim pour les établir dans l’église de Saint-Pierre ; auxquels son intention est que vous donniez mille livres an, pour les faire subsister, afin qu’ils ne soient pas à la charge des bourgeois ». L’ordre de Versailles date du 1er juin 1698. La volonté royale est actée, quelques semaines plus tard par les gens du Conseil souverain d’Alsace à Colmar. Les classes sont ouvertes le 19 octobre 1698. Le collège compte 90 élèves en 1705, 100 en 1711, 200 en 1754. Les fils des magistrats du Conseil souverain sont présents, mais celui de Jean Philippe d’Anthès étudie chez les jésuites de Louis le Grand à Paris. En 1719, les jésuites obtiennent la permission de récupérer des pierres, provenant de la démolition des murailles, pour achever la construction de leur collège en 1720, près du rempart sud. L’église, reconstruite à partir de 1740, est terminée en 1750.

MATHIS (Louis-Paul), « Les jésuites et le baroque à Colmar », Annuaire de la société d’histoire de Colmar, 1998, p. 85-110.

MULLER (Claude), Colmar au XVIIIe siècle, Strasbourg, 2000, p. 74-83.

 

9. La dissolution de la Compagnie de Jésus

Véritable État dans l’État, la Compagnie de Jésus doit faire face à partir du XVIIIe siècle à de multiples attaques venant à la fois des Gallicans, des Jansénistes, des libéraux, des anticléricaux et des philosophes. Voltaire, pourtant ancien élève des jésuites, ne peut oublier d’avoir été obligé de faire ses Pâques à Colmar en 1754 par le P. Krust et se démène dès lors pour combattre le « jésuitisme ». Louis XV décrète en 1761 qu’aucun de ses sujets n’entrerait plus dans la Société de Jésus. Le Parlement de Paris et d’autres parlements locaux ordonnent en 1762 la confiscation des biens, la fermeture des écoles et la dissolution de la Société des jésuites. Le roi confirme les décisions des parlements en 1764, malgré l’intervention, vaine, du cardinal Constantin de Rohan. Le Conseil souverain d’Alsace, en dépit des interventions du premier président de Klinglin et de l’avocat général Loyson (dont un frère était Jésuite), enregistre l’édit royal. Les jésuites doivent liquider leurs établissements au 1er octobre 1765. Des collèges dirigés par des laïcs leur succèdent dans la plupart des cas.

Les religieux natifs d’Alsace entrent pour la plupart dans les rangs du clergé séculier. Les autres partent pour l’Allemagne, parfois pour la Russie, seul État européen où la Compagnie n’est pas interdite.

GASS (Joseph), Elsässische Jesuiten, Strasbourg, 1918.

BURG (André Marcel), « Les jésuites », EA, 7, 1984, p. 4330-4332.

BURCKARD (François), Le Conseil souverain d’Alsace au XVIIIe siècle, Strasbourg, 1995, p. 184-187.

MULLER (Claude), « Fidelus servus et prudens. A la mort de l’ex-jésuite Georges Olry (1786) », L’Outre-Forêt, n° 147, 2009, p. 54-55.

V. Académie, Gymnase, Jésuites (en Alsace).

Claude Muller

II. Collèges ou gymnases protestants

Trois collèges protestants, ou gymnases, sont fondés en Alsace après la Réforme, à Strasbourg, Colmar et Bouxwiller.

Le Gymnase de Strasbourg est sans conteste l’établissement protestant alsacien le plus réputé qui attire des élèves et des professeurs étrangers. Une école latine est fondée en 1538. Le Magistrat fait appel à Jean Sturm, ancien professeur au Collège de France, humaniste réputé, pour organiser l’école qui reste étroitement liée aux instances dirigeantes de la cité jusqu’à la Révolution. Jean Sturm entend transmettre aux élèves la piété, la science et l’éloquence « sapiens et loquens pietas ». Son projet pédagogique se base sur l’étude du latin et des auteurs classiques, qui permet d’acquérir une pensée rigoureuse par la pratique de la rhétorique et de la dialectique. La scolarité est théoriquement organisée sur une période de dix années. En 1566, le Gymnase est élevé au rang d’une Académie qui dispense un enseignement supérieur en quatre facultés, mais qui ne peut décerner le titre de docteur, seulement ceux de bachelier et de licencié. Il s’agit d’une association de l’enseignement secondaire et supérieur dans les mêmes locaux de l’ancien couvent dominicain. En 1621, l’Académie est transformée en Université qui comprend quatre facultés (Philosophie ou Arts, Théologie, Droit et Médecine). Le Gymnase est rétrogradé au rang d’une simple école préparatoire à l’enseignement supérieur. Le Gymnase accueille 410 élèves en 1627, mais il connaît un lent déclin malgré les réformes pédagogiques entreprises au XVIIIe siècle. En 1738, le grec cesse d’être obligatoire, l’allemand devient objet d’enseignement, mais le latin garde sa prédominance. En 1751, l’enseignement du français est introduit dans le programme du Gymnase.

La création du Gymnase de Colmar en 1575 intervient peu après l’introduction de la Réforme dans la ville. Il est dirigé par un recteur comme Théobald Hartmann, son premier directeur. Ordinairement, un pasteur dirige l’établissement, tel l’érudit local Sigismond Billing, recteur de 1772 à 1774. Ce Gymnase succède à l’école latine dont il reprend l’organisation et le programme qui consacre une part importante à l’enseignement du grec et du latin. En 1604, il s’installe dans un bâtiment construit à l’emplacement d’un ancien hospice de la commanderie Saint-Jean. Dès 1665, le français y est officiellement enseigné. Le Gymnase est le seul établissement secondaire à Colmar avant l’ouverture du collège jésuite. Il est définitivement fermé le 1er avril 1794.

Le Gymnase de Bouxwiller est fondé en 1612 comme école latine. Il bénéficie du soutien intéressé des comtes de Hanau-Lichtenberg qui entendent y former les futurs pasteurs et administrateurs du comté. Son programme ne diffère pas des autres collèges. Il s’agit d’instruire la jeunesse dans la doctrine chrétienne, dans la morale, les langues anciennes et les arts. Le Gymnase de Bouxwiller est fermé en 1793. Il fonctionne à nouveau à partir de 1804 et prend le nom de collège en 1808. Une école latine protestante fonctionne aussi à Mulhouse et à Riquewihr.

FOLTZ (Charles), Souvenirs historiques du Vieux Colmar, Colmar, 1887.

LIVET (Georges), SCHANG (Pierre) (dir.), Histoire du gymnase Jean Sturm, berceau de l’Université de Strasbourg 1538-1988, Strasbourg, 1988.

BRAEUNER (Gabriel), LICHTLE (Francis), Dictionnaire historique de Colmar, Colmar, 2006.

Philippe Jéhin

III. Collèges royaux

Il y en a trois, qui remplacent les collèges jésuites : Colmar, Strasbourg et Molsheim.

Un édit royal de 1764 ordonne l’expulsion des jésuites du royaume. Les établissements scolaires dont ils avaient la charge sont confiés à une autre autorité, généralement des ecclésiastiques et souvent d’anciens jésuites. Le collège de Colmar est désormais administré par un bureau composé d’un représentant de l’évêque de Bâle, le premier président et le Procureur général du Conseil souverain, deux officiers municipaux et deux notables de la ville, ainsi que le principal du collège. Ce bureau recrute treize professeurs, tous ecclésiastiques. Dans les faits, le collège reprend le programme et les méthodes d’enseignement des jésuites. De 1765 à 1793, le collège royal de Colmar accueille environ deux cents élèves, tous externes avant la construction du pensionnat achevé en 1776.

Le collège de Strasbourg est confié à des prêtres séculiers qui y vivent en commun. Louis XVI y a établi un pensionnat noble. Il est administré par un bureau présidé par le Prince-évêque et en son absence par le suffragant. Ce bureau est composé du président, du préteur royal, de deux Stettmeister, du recteur et du chancelier de l’université épiscopale et du principal du collège, qui est aussi doyen de la faculté des Arts. Ce dernier est assisté d’un sous-principal, qui est préfet des classes et directeur du pensionnat noble créé en 1778. Les enseignants, au nombre de huit, se composent de quatre professeurs (physique, logique, mathématiques et rhétorique), qui enseignent aussi à la faculté des Arts de l’université épiscopale, et de quatre régents : régent d’humanités, régent de troisième, régent de quatrième, régent de cinquième et sixième. Il y a en outre un receveur et secrétaire du bureau. Le collège royal modernise ses programmes en valorisant le souci de l’utilité des connaissances, en faisant une place aux auteurs modernes dans les lettres et la philosophie, afin de permettre aux jeunes catholiques l’accès aux fonctions de responsabilité.

OBERLIN (Jérémie-Jacques), Almanach de Strasbourg, 1781, p. 37-38.

Philippe Jéhin

IV. Collèges nationaux, écoles centrales

En 1791, les collèges royaux ou protestants sont transformés en collèges nationaux. Ils perdent leur caractère confessionnel, mais aussi leurs effectifs et leurs biens. En effet, les collèges sont considérés comme biens nationaux et font l’objet de la confiscation de tout leur patrimoine mobilier et immobilier. Le collège national de Colmar est fermé en mai 1793 alors que son pensionnat ne comptait plus que dix élèves. A proximité, le Gymnase protestant perdure jusqu’en 1794. A Strasbourg, le projet de fusion du Gymnase avec le Collège national est rejeté par les deux parties. Pendant deux à trois ans, le Gymnase végète avant de reprendre son essor sous la direction de J. J. Oberlin, qui rétablit l’enseignement en allemand sous le Consulat.

La loi du 7 ventôse an III (25 février 1795) crée les Écoles centrales départementales qui remplacent les anciens collèges. Ainsi, un arrêt des administrateurs du Bas-Rhin du 27 thermidor an IV (9 août 1796-14 août 1796) prévoit : « la suppression des collèges dans les communes qui renferment une École centrale : les professeurs du Gymnase devaient cesser leur fonction en date du 30 vendémiaire ». Mais cet arrêt ne sera pas appliqué : à la suite d’une lettre adressée par le « préfet » (Gymnasiarque) Jérémie-Jacques Oberlin au Ministre de l’Intérieur Bénézech, cet arrêté a été retiré, mais désormais le Gymnase doit admettre des élèves de tous les cultes et devient jusqu’en 1802 une école préparatoire à l’École Centrale.

Ce sont les autorités académiques qui contrôlent le Gymnase et qui imposent d’envoyer chaque année au Lycée institué en 1802 un nombre fixe d’élèves choisis par le président du Directoire de l’Église de la Confession d’Augsbourg. Le Ministre ajoute en 1811 la création d’un cours de langue française, l’enseignement étant en allemand. Désormais la nomination des professeurs est ratifiée par le recteur de l’Académie.

L’École centrale de Strasbourg compte entre 150 et 200 élèves à la rentrée 1796. Un décret du 7 avril 1796 attribue finalement à Colmar une École centrale qui ouvre le 30 octobre 1796.

JOACHIM (Jules), L’école centrale du Haut-Rhin à Colmar (1796-1803), Colmar, 1935, 225 p.

« Le collège de Colmar de 1765 à 1793 », Annuaire de la société historique de Colmar, 1958, n° 8, p. 107-127.

JULIA (D.), « Écoles centrales », dans SOBOUL (Alfred), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, 1989, p. 392-395.

BUCK (Janice),L’École centrale du Bas-Rhin, enquête sur l’exemple strasbourgeois (1796-1803), mém. maîtr. dactyl., Université de Strasbourg, 2008 (à paraître 2012).

 

A la suite de la fermeture du collège jésuite d’Ensisheim, la bourgeoisie belfortaine demande la création d’un collège à Belfort, notamment dans le cahier de doléances du tiers état des districts Huningue-Belfort. Une école secondaire est créée en janvier 1804 ; elle devient un collège en 1809. En 1812, Belfort dispose d’un petit collège avec quatre professeurs pour 45 élèves externes et 20 pensionnaires, originaires de la ville ou de ses environs immédiats.

AN F 17. 8263 collège de Belfort.

AHR 1 T 554 et 557.

BARADEL (Yvette), Belfort de l’Ancien Régime au siège de 1870-1871, Société belfortaine d’émulation, 1993.

V. Académie, Bourse, Ecole (en Alsace), Ecole centrale, Gymnase.

Philippe Jéhin